Chapitre 11

-Bonsoir Billy,

Ma voix est frêle, semblable à celle d'une enfant. J'approche de la pelouse alors qu'il repose déjà en son centre.
Je suis angoissée. Je me tiens droite, les mains moites et la gorge sèche. L'homme se retourne, il plante son regard dans le mien. Celui-ci est indéchiffrable, je ne sais pas si ce que j'y vois est de la tristesse ou bien de la colère.

Il n'a pas tellement changé en quatre ans, il dégage toujours ce je ne sais quoi qui me faisait me sentir si sereine lorsque j'étais près de lui. J'avais parfois la sensation d'être protégée pourtant aujourd'hui je ne sais comment faire pour sortir indemne de cette discussion.
Il se tourne de nouveau, faisant face au ciel étoilé. Je m'assois à ses côtés, sur l'herbe qui heureusement pour moi n'est pas mouillée.

-Je ne pensais pas que tu viendrais, avoue-t-il.
Je fixe malgré moi le petit spot lumineux à sa gauche.
-Et moi je ne pensais pas que tu te souviendrais de ça.
-Je ne t'ai pas oublié Charlie, je n'ai rien oublié.

On reste un moment sans en ajouter davantage. Je n'y arrive pas. Je ne sais pas quoi lui dire, je ne lui en ai jamais voulu pour ce qu'il s'est passé, je l'ai toujours compris alors je ne peux pas me justifier.

-J'ai appris pour Jared.
Je baisse la tête, et enlace mes mains autour de mon cou. Les larmes me montent.
-Tu dois me haïr encore plus n'est-ce pas? Je suis même responsable de sa mort.

Il ne répond pas. Je relève maladroitement les yeux et le découvre à me fixer, les sourcils froncés.
-Tu n'es pas responsable de sa mort.

Son ton est sévère et affirmatif mais finit par s'adoucir, 

-Tu n'étais qu'une enfant quand tu es arrivée ici. Tu t'étais forgée une telle carapace que je n'étais pas sûr de pouvoir en venir à bout, mais pourtant, au fond, je savais que nous nous entendrions bien. J'avais érigé les mêmes défenses que les tiennes suite au décès de ma femme. Tu n'étais qu'une gamine Charlie, je le répète.

Ses yeux s'humifient. Je ne comprend pas ce qu'il se passe. Cela ne faisait partie d'aucun de tous les scénarios que j'avais appréhendé.

-Tu as été impliquée dans des histoires qui te dépassaient, tu as perdu ton père et je t'ai abandonné.

Je l'observe, la bouche grande ouverte, le détaillant du regard. Les mots semblent former un bloc, alors pour poursuivre, il ne préfère pas me regarder.

-J'ai souvent pensé à toi après ça, tu sais. J'avais l'impression d'avoir perdu un enfant. 

Il pleure, j'en reste bouche-bée. Le Black lève les yeux au ciel pour faire comme si de rien était tout en essuyant ses yeux de ses pouces.

-Je savais que tu étais une battante, que tu n'étais pas du genre à te laisser abattre, mais pour être tout à fait honnête, je n'étais pas sûr que tu réussisses à remonter la pente. J'ai tellement honte si tu savais. 

-Billy tu pleur... 

-Bien sûr que tu n'es pas responsable de ce qui est arrivé à Jared, sanglote-t-il, je ne comprends même pas comment cela peut figurer dans ta petite tête! J'aurais dû être la pour te le dire après l'accident.
D'ailleurs à l'époque tu n'étais pas non plus responsable des agissements de ton père et ça j'aurais dû aussi le comprendre.

-J'aurai dû te dire la vérité Billy. J'aurais dû te dire que je savais qu'il était revenu.

Il répond par la négative d'un hochement de tête.

- Tu as voulus le protéger tout comme Rachel l'aurait fait avec moi. 
Un père n'abandonne jamais ses enfants, j'avais beau juger le tien, je n'ai pas été non plus un bon parent pour toi.

C'est ce que j'ai toujours voulu, un parent qui pleure quand j'ai mal et qui soit fière de mes réussites. Je n'aurais jamais pensé qu'un jour j'aurais le droit à ce privilège. Je désapprouve d'un signe de tête.

-Crois-moi je n'aurais pas pu rêver mieux comme parent.

Nous nous observons aussi étonné l'un que l'autre. Il est le premier à sourire. Le Black tapote doucement sur ses jambes, je croirais rêver. Je me relève avec maladresse puis m'y assoie. Il encercle ma taille de ses grandes mains tandis que je pose ma tête contre son épaule. Son odeur elle non plus n'a pas changé.

-Et si on restait ainsi un moment? propose-t-il. Nous rejoindrons les autres plus tard. 

J'accepte.

-Tu nous a manqué à la maison Billy tu sais, je lui murmure. Depuis que tu n'es plus là les samedis crêpes de Rachel font peur à voir, on a le droit à ta part en plus et crois-moi ma balance la sent passer.

Il rit tout contre moi.

-Je ne raterais plus un seul samedi crêpes c'est promis.





--

La fin de la soirée s'est annoncée plus rapidement que je ne l'aurais souhaité.
Jacob a proposé de me raccompagner étant donné que ma voiture loge pour quelques jours dans son garage.
Sourire aux lèvres, la tête contre la vitre, je me laissais porter par la musique de l'autoradio jusqu'à que je constate enfin que...

-Ce n'est pas le chemin de la maison ça.

Le garçon hoche la tête.

-C'est exact, il faut que je t'emmène quelque part avant.

Je fronce les sourcils.

-Comment ça autre part?

Je deviens livide lorsque nous passons devant un lieu que je redoutais par dessus tout ici. Il se gare devant.

-Tu dois aller le voir avant de rentrer Charlie, il le mérite.

Je baisse la tête, esquivant son regard inquisiteur.

-Je ne peux pas.

-Comment ça tu ne peux pas? Il l'aurait fait pour toi!

Je déglutie. Ce n'est pas mon genre de dire ça, mais je n'ai pas la force de le faire. Jacob claque sa portière, fait le tour puis vient ouvrir la mienne.

-Je savais que tu essayerai de l'éviter, déclare-t-il, je te connais par cœur. Nous sommes tous venus le commémorer mais tout le monde sait pertinemment qu'au fond c'est toi qu'il attend. Tu dois y aller.

Je relève les yeux sur les portes du cimetière. Je ne peux pas. Le Black prend ma main et me pousse à sortir.

-Il est grand temps que tu ailles voir Jared.

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