Chapitre 1

-Comment va-t-elle? 

J'entrouvre les yeux en entendant la voix de Paul dans le salon. 

-Ce n'est pas la grande forme, soupire Rachel. 

Ma chambre est plongée dans le noir. Je me redresse, me mettant en position assise. J'encercle mes jambes de mes bras. Je n'ai aucune idée de quelle heure il est et cela m'importe peu. Ils n'étaient pas censés être là.

-Ça ne peut plus durer, ça va faire un an! désespère la Black. Je croyais que ça allait un peu mieux ces derniers temps mais je me suis rendue compte qu'elle ne sort que pour travailler, c'est à peine si elle mange et  dernièrement j'ai remarqué que depuis tout ce temps elle dort avec les vêtements qui ont gardés son odeur! Je pensais qu'elle allait mieux Paul, je le pensais vraiment! 

Elle se laisse tomber sur une chaise. Je pose ma tête sur mes genoux.

-Je sais, mais comprends la
Elle a perdu son meilleur ami,  me défend le Lahote. Perdre son père n'était déjà pas facile alors ça... Et puis Charlie n'a jamais été du genre à le montrer quand ça ne va pas. 

Je n'ai pas besoin qu'il me défende.

Je l'entends toquer à ma porte mais ne réponds pas.

-Si elle ne nous en parle pas à nous à qui elle en parlera alors? le questionne Rachel.  Je ne l'ai jamais vu pleurer depuis ce jour là, elle garde tout pour elle, ça n'a rien de bon! 

 J'entends le garçon  pousser un long soupire avant de rentrer dans ma chambre. 

-Je vois que tu es réveillée, 

Paul ouvre les rideaux, sa voix est douce comme à son habitude. Il se retourne vers moi et a toujours ce même mouvement de recul en me voyant.

Il n'a pas peur de moi, il a peur pour moi.

Mes cheveux sont un sac de nœuds et je n'ai pas changé de tenue depuis  plusieurs jours. Je ne m'attendais pas à leur venu. Malgré tout, il ne flanche pas. Le Lahote s'accroupi devant mon lit, il enlève doucement mes mains pour que je le regarde et souris.

-Comment vas-tu aujourd'hui ma belle?

Je l'observe, il caresse doucement ma joue suivant du bout des doigts les traces de mascara qui ont coulés. Rachel vient se poser contre le rebord de la porte. On se regarde. La Black vient tous les jours me déposer quelque chose à manger que je le veuille ou non. Je sais qu'elle est inquiète, je le sais très bien mais je fais mine de ne pas le savoir. 

 Je me relève et sors de la chambre pour me diriger vers la salle de bains. Ils ont fait une clé de mon nouvel appartement quelques jours après mon emménagement. Ils passent régulièrement sans me dire qu'ils ont peur que je fasse une connerie, ou que peu importe tous les efforts que je fais devant eux ils savent que je ne vais pas bien. 

 Je ne veux pas leur faire pitié mais j'ai l'impression de tomber.
C'est comme si j'étais toujours à vif et qu'une fois chez moi si je me forçais encore à sourire j'allais m'effondrer. Je me débarbouille le visage avant de passer sous la douche. L'eau chaude me détend. Je prends mon temps, je ne veux pas croiser leurs regards tout de suite. 

Quand je quitte la salle de bains, ils m'attendent tous les deux sur le comptoir de ma petite cuisine. 

-Tu as du temps cette après midi? m'interroge Paul. 

Je n'ai pas le temps de répondre qu'ils acquiescent tous les deux simultanément. 

-Il est plus que temps de le lui montrer, déclare la Black. 

J'arque un sourcil. Quelques minutes plus tard un livreur vient sonner. Paul prend sa commande et nous en fait profiter. J'ai le droit à deux paires d'yeux qui inspectent mon assiette afin que je n'en laisse pas une miette. Ils papotent et je tente de participer à la discussion même si mon esprit est ailleurs. Plus tard, Rachel rentre chez elle pour s'occuper de son bout ce chou tandis que je suis Paul jusqu'à son véhicule.

Il n'y a pas moyen, le Lahote ne veut pas me dire où nous allons. Il s'arrête devant une petite bâtisse semblant abandonnée. Je suis sans doute passée par là autrefois, elle n'est pas loin de notre ancienne appartement, peut être une demi-heure de trajet ou quelque chose comme ça. Deux imposantes portes en bois dominent et le toit semble être à refaire. Paul me fait signe que nous devons entrer. Je le suis. Il sort une petite clé et ouvre. Ça ne paye pas de mine à l'extérieur mais l'intérieur est joliment décoré. Quelques tables sont éparpillés par ci par là, ce lieu à le potentiel pour être un beau restaurant. Le garçon resté à l'encadrure de la porte, fait un pas vers moi.  

-Chez Charlie

-Chez Charlie? je l'imite. 

-C'est comme ça qu'il l'avait appelé. 

En me voyant si incrédule il sourit.

-Pendant ces deux ans il s'est trouvé une nouvelle passion, monsieur Cameron voulait être cuisinier.

-Jared voulait devenir cuisinier ?

Il acquiesce.

-Tu n'as pas idée de combien il était dingue de sa cuisine.

Il ne m'en avait jamais parlé. Je parcoure à nouveau l'intérieur d'un regard. C'est vrai que ça lui ressemble bien.

-Il a trouvé cet endroit  et a prit des petits boulots pour la financer. Il ne voulait pas d'aide alors il s'est débrouillé seul pour trouver du personnel et payer le crédit. 

-D'où ces deux jobs, je le complète. 

Paul approuve. C'est un rêve que Jared ne pourra jamais exaucé et ça me fend le cœur. 

-Il voulait que tu sois sa première cliente, il nous rabâchait les oreilles sur la tête que tu ferais en le découvrant, pouffe-t-il. Il était tellement inquiet après le décès de ton père qu'il a donné ton nom à ce restaurant pour qu'elle te fasse office de seconde maison.

-Charlie? 

Sa voix ne parvient pas jusqu'à moi. Mes lèvres tremblent en voyant sur les murs des photos que j'ai faite encadrées. Il l'a fait, il a vraiment trouvé une place pour mes rêves dans les siens. 

-Ses parents ont finit de payer le crédit pour pouvoir garder cet endroit en souvenir mais le personnel a laissé tomber le projet après sa mort.

Je m'avance et parcoure avec minutie l'enseigne. J'effleure du bout des doigts le comptoir. 

-On va le reprendre.

Paul me questionne du regard mais sa surprise s'estompe vite. Comme s'il savait que je réagirais comme ça. 

-On va reprendre ce restaurant, je me complète. 

-J'ai une condition, me souffle-t-il.

-Tout ce que tu voudras

Il me prend la main et me nous quittons la bâtisse pour rejoindre la voiture. Je ne le comprends pas tout de suite mais je finis par reconnaître le trajet. Il m'emmène à mon ancien foyer. Je le questionne du regard mais il ne dit rien. Il se contente de sortir du véhicule et de venir m'ouvrir la porte. Nous entrons, je croise des têtes familières et les salue d'un petit sourire crispé. Je n'y étais pas retourné depuis mon départ. Quand il s'arrête enfin de marcher nous nous retrouvons devant une porte que je connais bien trop à mon goût. Il toque avant de nous faire rentrer. 

Eleanor se tient là, assise à son bureau. Je croise le regard de la psychologue qui n'est arrivé à rien avec moi pendant deux ans mais qui n'a jamais laissé tomber pour autant. Paul se rapproche de moi. 

-Je t'aiderais pour le restaurant si toi aussi tu acceptes de te faire aider, me murmure-t-il. 

Il referme la porte derrière lui me laissant seule devant la femme qui me sourit amicalement. On s'observe sans un mot mais ce n'est plus comme avant. Il n'y pas cette tension qui faisait que je la tenais à l'écart. Elle connaissait la Charlie que je montre à tout le monde. Celle qui a un fort caractère et qui ne se laisse pas démonter par quoi que ce soit mais pour la première fois, sous ses yeux je me sens complètement mise à nue.  Je ne peux plus simplement détourner le regard comme autrefois pour ne montrer aucun sentiment. Je sens que me battre ne me servira à rien parce que ses yeux me disent que j'ai le droit d'avoir mal. 

Et pour la première fois depuis la mort de mon Jared, je pleure. Je sanglote comme une enfant, sans me retenir. Elle se relève et me prend dans ses bras. 

-Ça va aller, me souffle-t-elle. 

-Ça fait beaucoup trop mal, je lui murmure. 

Elle tapote gentiment mon dos. 

-Je sais, je sais... 












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