18
J'arrive enfin devant la porte de l'immeuble que je n'avais vu qu'une seule fois. Ken m'avait demandé de venir chez lui, à la place du pont.
On était rentré du Mexique il y a une semaine et les garçons étaient rentrés de Toronto hier. J'avoue avoir les boules de ce qu'il va se passer.
Mon équipage m'en avait voulu, ça serait mentir que de dire le contraire. Mais après leur avoir expliqué de long en large et en travers tout ce que j'avais fait dans leur dos, ils ont passé l'éponge.
- Notre amitié est bien plus importante que tout ça, avait tranché Mathieu, t'as merdé Cha mais on va pas t'en vouloir toute la vie de nous avoir menti
Alors au début l'ambiance était un peu glaciale puis ils ont littéralement tout oublié et on a vécu nos meilleures vacances.
C'est quand tout allait mieux avec mes amis que j'ai eu les couilles d'appeler Ken. Ken qui m'a avoué qu'il allait sauter. Mon coeur s'était serré si fort quand il m'avait dit ça. Sa voix brisée m'avait achevée.
On avait aussi pris une grande décision : arrêter de vendre. Noûr travaillait avec son photographe, Angelina était toujours vendeuse et avec Roxane on a repris nos places au strip club. Les garçons étaient un peu plus perdus que nous. Et depuis qu'on est rentré ils sont en recherche active de boulot.
Le grosse porte en bois se déverrouille après que j'ai sonné et je monte les escaliers jusqu'à chez Ken. Il m'ouvre la porte avec un petit sourire.
- T'as bien bronzé, il constate
- Comment tu vas? je demande directement
J'enlève mon manteau puis mes chaussures avant de le suivre pour se poser sur le canapé. Il a l'air épuisé.
- Pas top, il se racle la gorge, j'ai beaucoup réfléchi depuis à cause des nuits blanches. J'suis dans le mal Charlie
- Je sais, je me surprends à lui prendre la main pour en caresser le dos du pouce
- Et j'ai b'soin de toi, il relève les yeux pour me regarder, Nina m'envoie chier, elle dit que j'suis trop un déchet. Elle me faisait me sentir bien. Mais tu me fais me sentir bien aussi. Tu crois aux âmes soeurs? il me demande
- Oui, je réponds en fronçant les sourcils, pourquoi
- Pour toi des âmes soeurs ça s'aime? questionne-t-il doucement
- Oui je pense
Il est tellement fragile. Le Ken qui m'insultait et qui défendait son équipe en sortant les crocs était bien loin du Ken que j'ai devant les yeux.
- À force de passer autant de temps avec toi j'ai vraiment appris à t'apprécier
- Étonnamment moi aussi, j'avoue
- J'suis si fatigué Charlie, j'en peux plus, sa voix se brise en éclats
Je me rapproche de lui pour le prendre dans mes bras. Il niche sa tête dans mon cou et je lui caresse le dos.
- Je suis là, je dis quand je l'entends pleurer aussi silencieusement que possible
Je ne savais pas quoi faire de lui. Ou comment l'aider à se sentir mieux. Il l'avait dit que Doums l'aidait à arrêter l'herbe et qu'il n'en ressentait pas le manque. Mais que le fait d'être redescendu de toutes ces drogues avait forcé tous ses doutes à refaire surface et c'est avec ça qu'il a du mal.
Après un moment il se redresse. Je pose mes mains sur ses joues pour essuyer ses dernières larmes et il me sourit tristement.
- Usant à l'envi leurs chaleurs dernières, nos deux cœurs seront deux vastes flambeaux, qui réfléchiront leurs doubles lumières dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux, dit-il doucement
- Baudelaire, je réponds aussi doucement, pourquoi ce poème?
- Parce que j'ai l'impression qu'on se complète au fond. Dans une autre vie on aurait pu être âmes soeurs. Personne me comprend aussi bien que toi, personne m'aide comme toi
- Des fois il faut juste tendre la main et se montrer humain
Mes mains glissent sur sa nuque. Puis on se regarde comme deux idiots. Lui triste à cause de ce qu'il se passe dans sa tête, moi triste de le voir triste.
- Deux âmes soeurs, les yeux dans les yeux, deux miroirs en face l'un de l'autre reflétant l'éternité
- C'est beau, je constate alors que je le vois loucher sur mes lèvres
Puis il s'approche timidement de moi avant de m'embrasser. Ses lèvres sont à la fois salées à cause de ses larmes à peine sèche et si douces. Je ne sais pas si ce qu'on est en train de faire peut l'aider à aller mieux. Mais je ne le repousse pas.
- Pourquoi ? je demande tout bas quand il se recule
- J'en avais envie
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