Mise au monde

 Du sable me tombe dans les yeux. Je le sens dû à l'interstice qui me fait face. 

Je toussote. Je tente de respirer mais les quelques grains qui m'embêtaient se font plus insistants. Puis au fur et à mesure que la panique s'installe, la fine pluie de particules de sable se transforme en un déluge.

Je me débats contre quelque chose d'impossible. Je suis allongée dos au sol et suis totalement impuissante face à la situation. Cette situation qui me noie et qui m'étouffe à petit feu.

Je ne toussote plus, je crie ma peur, ma frustration. Je suis incapable de faire le moindre geste pour me sortir de là. Mes paumes heurtent avec désespoir les planches en bois.

Ce n'est plus drôle. Je veux sortir. Maintenant ! 

C'était une erreur de vouloir prouver à tous que je n'étais pas claustrophobe. Je le suis : Les murs se rapprochent dans une cacophonie inquiétante. Ma tête se cogne avec fracas contre les planches tant je gigote. L'air à mes alentours se raréfie. Je papillonne des yeux pour me forcer à rester éveillée. Or, le sable persiste à désirer m'imposer la cécité. 

Il faut que je sorte !

Ces mots se répercutent dans ma boite crânienne et se font de plus en plus acharnés, perturbateurs. 

Il faut que je sorte !  Je me meurs, toute seule, frigorifiée et totalement apeurée. 

Mes ongles se plantent dans le bois, je griffe de toutes mes forces mais l'échec me plombe. Le torrent qui s'écoule de mes yeux accentue mon manque d'air. Je ne me résolue pas. Je ne peux pas le faire. 

Mais...face à la vérité, je ne peux rien. 

Je suis prête à clore les yeux définitivement, quand une main brise mon cercueil et me fais sortir de mon trou à rat. La lumière du jour m'aveugle. J'entends les vagues choir sur la plage plus loin.  Je peine à respirer et pourtant je remercie le ciel d'être en vie.

-Ne t'en fais pas, me dit-il. Je te maintiendrai toujours la tête hors de l'eau.

Et je le crois. Je sais qu'il me protègera toujours.  

La main qui me broie les doigts me fait revenir au monde réel. Mes hallucinations sont beaucoup plus fréquentes et me terrifient. Mais, la situation actuelle m'empêche de penser. J'étudie l'utérus de la future mère et son état de dilatation avant de lui demander son nom. 

Je suis certaine que les convenances sociales veulent qu'on soit attentif aux prénoms avant de violer l'intimité de quelqu'un. Mais je suis tellement particulière que je brise les règles...Autant dire que je les déteste ! Je déteste ces braqueurs aux idées farfelues. Je déteste l'impression de perte totale. De me perdre moi-même, de perdre les pédales, de tout perdre. Et pis encore, je déteste ces hallucinations qui me font perdre la tête.

Ai-je vraiment été emprisonnée dans un cercueil sous le sable ? Et si oui, comment puis-je oublier pareil évènement ? 

Un cri déchire l'air, me forçant à me concentrer. La mère et le bébé sont les plus importants. 

-Ok Cindy, je vais vous demander quelles sont les fréquences des contractions. 

Elle hoquète et pousse un couinement de terreur. Je comprends la seconde d'après son affolement. Il semblerait que Winnie soit un peu trop curieux. 

-Dégage, lui dis-je les dents serrés. 

Il fait la sourde oreille et se rapproche à mon grand malheur. 

-Tu as besoin de quelque chose ? Me demande-t-il mielleux. 

De l'espace ! Bon dieu, j'ai besoin d'espace. Mais je me contente du silence. Comme lui, je n'ai rien entendu. Faisant abstraction de sa présence, je redirige mon attention vers Cindy qui semble souffrir le martyr. 

Et dire que certaines femmes rêvent de la maternité...

Oh oui ! Je m'égare dans mes pensées. Mais de là où je suis, cet étape à l'air tellement horrible. Et pour dire, je suis à deux doigts de rendre tripes et boyaux.

La mise au monde est un acte qui me rend tout bonnement nauséeuse. Et si je n'étais pas aussi stressée, il serait fort possible que l'on puisse penser que moi aussi je sois enceinte. 

-J'ai...mal..., crachote Cindy comme elle le peut. Entre...quatres....contractions !...par....minutes...

Elle continue de transpirer, de s'essouffler et de serrer les jambes à cause de la présence de Winnie. Celui-ci tout à fait à l'aise avec un vagin, sort un canif de sa botte de militaire et me le tend sous mon regard effaré. 

-Pour le cordon ombilical, m'explique-t-il. 

De mes doigts spongieux de sang je l'attrape et le coince entre mes dents. J'inspire. J'expire et murmure des paroles aussi réconfortantes que possible à la femme face à moi. Elle suit mes conseils et tente de calmer sa respiration tandis que je dessine du bout de mes doigts des cercles sur ses genoux. 

Parait-il que cela déstresse. 

Quand je vois que son visage cramoisie récupérer une couleur normale -c'est-à-dire mate-, je lui ordonne de pousser, ce qu'elle fait. Les secondes se métamorphosent en minutes, puis celles se forment en une heure et enfin, le bébé nait. Je lui coupe le cordon ombilical avec autant de précision que je peux.

À bout de souffle, la mère s'évanouit mais vu tout le sang qu'elle a perdu cela me semble évident. Je m'évertue à mettre le nouveau-né dans une serviette propre, trouvée dans le local à entretien. Ses hurlements déchirent l'air et cela en devient presque insupportable. 

Et oui, ce petit bonhomme fait comprendre qu'il veut à la vie. Je l'envie presque. J'insiste sur le "presque".

Je le berce du mieux que je peux mais je ne suis pas douée. Irrité Hulk me l'arrache des mains et fait les cent pas. Peu de temps ensuite, le bébé que j'ai surnommé Mowgli- bien qu'il n'y ait aucuns rapports avec Le livre de la jungle, j'apprécie ce dessin animé, d'où le nom- se calme et avec lui mes oreilles. 

Alors que je pense que je vais être tranquille car je suis épuisée à force d'avoir mis en pratique des cours vieux de deux ans, un des braqueurs se détache du groupe et me tend la main. Un tintinet de mauvaise humeur, je la lui serre étalant le plus possible les résidus dû à l'accouchement. 

Au lieu de se défaire de ma poigne avec dégout, il observe sa main avec un intérêt quelconque et la lèche. Ma moue doit être marquée à l'étendue de ma répulsion. Il est écœurant.

Puis alors que je suis à la limite de la syncope, Dr Frankenstein -tel le personnage de fiction, il fait des actes hors-nature- me met sous le nez une photo aux bord cornés. Je distingue les formes mais je n'arrive pas à y croire. C'est moi à l'age de mes huit ans, dans une maison que je ne reconnais pas avec un jeune homme de dix ans mon ainé et...mon père. 

-Je crois que nous avons des choses à nous dire, Kendall. 

Je pense n'avoir jamais été aussi attentive de ma vie. 

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Hello tout le monde ! 😊 J'espère que vous allez bien. 

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Bisous. 

Saphirre 💎 




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