Chapitre bonus 2 AFM : "Pourquoi t'as une ficelle dans les fesses ?"
Anya
Des papillons dans le ventre.
Il y a quelques années, je trouvais cette expression imagée débile au possible. Dès que mes camarades de classe flashaient sur un nouveau mec au collège, elles me rebattaient les oreilles avec cette métaphore zoologique. Je leur répondais systématiquement que les papillons dans le ventre, ça collait uniquement si on gobait des chenilles vivantes. L'esprit cynique, c'est de famille... Je n'y peux rien.
Mais ça, c'était avant Antonio.
J'avais pris ma décision à mon retour en Toscane. J'estimais avoir perdu suffisamment de temps loin de lui en France. Il sortait à l'époque avec une pétasse sportive qui exhibait son nombril percé comme un trophée. En plus il était moche, son nombril : il ressemblait à un vieil anus de poule. J'avais vite calculé que la garce n'était en couple avec mon meilleur ami que pour se valoriser. Elle le rabaissait à la moindre occasion dans la cour de récréation devant ses potes. Elle lui faisait porter son sac à dos bien lourd et lui piquait ses frites à la cantine (alors qu'il déteste qu'on lui carotte sa nourriture dans son assiette !) Mon Antonio a un charme fou avec ses grands yeux noisette et ses cheveux bruns aux reflets chauds. Il est intelligent, généreux et plein d'humour, mais il a un défaut de taille : je n'ai jamais vu un mec aussi bonne poire ! Depuis qu'il est enfant, il se laisse marcher sur les pieds par tout le monde. J'avais beau lui répéter que sa copine se comportait comme une traînée diarrhéique envers lui pour le bousculer, il l'excusait en affirmant que ce n'était pas de la méchanceté intentionnelle et qu'elle avait un bon fond.
Bon fond mon cul ! J'avais découvert qu'elle le trompait avec un lycéen couvert de boutons à la moustache clairsemée. Un type qui avait deux de tension et trois neurones dans la caboche, mais qui lui fournissait du cannabis à l'œil...
Antonio méritait bien mieux qu'elle.
Il me méritait moi.
Un beau matin, j'en ai eu ma claque. J'ai suivi la greluche à son rencard, pris quelques photos de ses patins gerbants avec Deux de Tension (ainsi que du bang bien chargé qu'ils se partageaient en ricanant comme deux dindons) et je l'ai coincée dans les toilettes du bahut pour la faire chanter d'une voix menaçante. Je lui ai promis que j'enverrais les photos à ses parents si elle ne larguait pas Antonio en douceur et qu'elle finirait sa scolarité dans un centre de désintoxication pour ados camés. Elle a flippé, la pouffiasse. C'était drôle à voir. Et encore, j'aurais pu être beaucoup plus méchante. Je connaissais la combinaison du coffre-fort où mes parents rangeaient toutes leurs armes, après tout.
La nana a quitté Antonio le lendemain en prétextant qu'elle avait besoin de temps pour se consacrer à ses études. (La blague, elle avait le Q.I d'un organisme unicellulaire !) Heureusement, il ne l'a pas trop mal pris. Il n'était pas spécialement attaché à elle. Et j'ai eu le champ libre pour le travailler au corps.
J'ai flirté subtilement au début.
Tellement subtilement qu'il n'a rien pigé.
Chaque fois que je lui caressais le bras en le couvant de mon plus beau sourire et en battant des cils, mon ami écartait son bras en riant et en disant : « Mais arrête Anya, tu sais bien que je suis chatouilleux ! »
Les mecs, j'vous jure...
Alors, j'ai pris les choses en main un jour où on se baladait au parc pour promener Lass. Antonio me parlait de son jeu vidéo de foot et ça me gavait à mort. Pour le faire taire, je l'ai empoigné par le col de son blouson en le taxant de con et je lui ai roulé une pelle aussi fougueuse que maladroite. Mon premier baiser, en plus ! Il était tellement stupéfait par mon impulsion qu'il est tombé littéralement sur le cul, m'entraînant avec lui dans l'herbe humide de rosée. Nous nous sommes embrassés jusqu'à en avoir la bouche sèche. J'ai appris quelques jours plus tard qu'il était fou amoureux de moi lui aussi depuis longtemps. Il m'a confessé qu'il était sorti avec des dizaines de filles quand j'étais en France pour tenter de m'oublier, sans succès. Quand il m'a raconté ça, j'étais comblée de joie. Je suis rentrée chez moi avec une patate de malade et je suis allée écrire cet événement fabuleux dans mon journal intime en dessinant plein de cœurs autour de son nom.
Et voilà ! Depuis quatre ans, nous sommes inséparables. Notre amour se renforce de jour en jour. Giacomo et Nina nous appellent Antonya pour se foutre de nous.
Je vomis ce surnom atroce, je le maudis, je le conspue, je l'abhorre.
Bref, les papillons dans le ventre, ça commence à peser sur l'estomac. À dix-huit ans, j'ai passé l'âge des câlins chastes et des petits bisous dans le cou. Le mois dernier, nous avons franchi une étape : nous nous sommes enfin retrouvés à poil dans mon lit. Nous nous sommes allumés en nous pelotant et en nous frottant l'un contre l'autre, j'ai eu droit à mon premier doigt après l'avoir supplié... et alors que j'étais au bord de la jouissance, les jumeaux se sont mis à hurler dans la chambre voisine, nous coupant net dans notre élan lascif. Luna avait fait un cauchemar et avait réveillé Roméo. Antonio et moi avons retenu notre souffle en entendant maman gueuler avec une voix sévère et ensommeillée « VAAAAAAAAAAL BOUGE TON CUL, VA VOIR LES ENFANTS ! ». Ensuite, les pas lourds et les jurons de mon père adoptif ont résonné dans le couloir par-dessus les cris stridents des deux petits.
J'avais tellement les nerfs ! J'assimilais brutalement le sens du mot « frustration ».
À mon grand désarroi, Antonio a pris peur et s'est tiré par la fenêtre de ma chambre (il n'était pas censé être là, bien sûr.) Si mes parents l'avaient trouvé dans mon lit... je vous laisse imaginer le cataclysme. Oh, contrairement à ce qu'on pourrait croire, ce n'est pas tant Val le problème. Il a beau être protecteur envers moi, ce n'est RIEN par rapport à maman. Dans les couples normaux, c'est le père qui joue les gros bras et la mère qui calme le jeu. Mais dans leur couple, c'est elle la plus sournoise et la plus dangereuse des deux figures parentales. Pour réussir à dompter un tueur à gages, il faut avoir une sacrée poigne.
Son blocage psychologique, je l'ai deviné depuis un moment. Elle est tombée accidentellement enceinte à dix-neuf ans, a dû abandonner ses études et a vécu un calvaire avec mon père biologique. Elle redoute que je reproduise son exemple, du moins pour les deux premières étapes. Antonio est tout le contraire de mon géniteur et elle le sait, mais elle ne peut pas s'empêcher d'être chiante et étouffante.
Je ne connais pas de moyen de contraception plus efficace que cette baraque et ses occupants. J'ai beau les adorer tous les quatre, ils me font péter des câbles tous les deux jours.
J'ai besoin d'action, j'ai besoin de passion, j'ai besoin d'orgasmes bordel de fion !
Je. Veux. Faire. L'amour. Avec. Mon. Amour. D'enfance.
J'en ai assez d'attendre. On a prévu un petit resto ce soir tous les deux du côté de Livourne sur la côte, en-dessous de Pise. J'emmène mon homme en voiture : nous avons une heure et demie de route. Après... direction la plage pour faire des folies de nos corps. On passera la nuit à la belle étoile. Il était hors de question que nos ébats aient lieu à la maison avec mes parents et les jumeaux dans les parages.
Ce sera la première fois d'Antonio aussi. C'est pour ça qu'il est si réservé, nerveux et hésitant. Il craint de mal s'y prendre.
Qu'il me prenne tout court et qu'il arrête de faire chier.
Le rital va passer à la casserole cette nuit, je vous le dis.
***
Vraiment pas mal, l'ensemble de lingerie violet que j'ai acheté hier. Je me reluque dans le miroir en brossant mes longs cheveux blonds. Le soutif en forme corbeille me remonte les seins et le string en satin comporte un petit nœud sur le devant. Antonio va surkiffer, je pense.
Ma petite sœur à couettes déboule à l'arrache dans ma chambre et referme la porte derrière elle en pouffant.
— Luna, je t'ai déjà dit cent fois de frapper avant d'entrer ! Qu'est-ce que tu fais là ?
— Je joue à cache-cache avec Roméo ! (Ses yeux turquoise intrigués se rivent sur mon corps.) Bah ! Pourquoi t'as une ficelle dans les fesses ?
— On appelle ça un string. C'est comme une culotte, mais en plus petit.
— Ça doit gratter le cul-cul.
— Mais non, ma puce.
— Je vais demander à maman de m'acheter des stringes Hello Kitty.
Je. Suis. Dépitée.
— Ça n'existe pas pour les enfants. Ce n'est que pour les adultes.
— Comme les soutien-gorges ? (Je hoche patiemment la tête tandis qu'elle grimpe sur mon lit et se tapote la poitrine en bombant le torse, la tête tournée vers le miroir. Je me mords les lèvres pour ne pas éclater de rire.) J'ai hâte d'avoir des gros seins comme maman et toi pour pouvoir en porter moi aussi !
— Ce n'est pas demain la veille, princesse. Ne sois pas pressée de grandir.
— Mais Roméo a déjà trois amoureuses à l'école, Anya. Il leur fait des bisous sur la bouche et tout, c'est trop dégueu.
Eh oui. Mon frère n'est qu'en petite section de maternelle et s'intéresse déjà aux filles. Papa en est fier. Maman en est affligée.
— On ne dit pas « dégueu ». C'est un vilain mot, Luna.
— Maman le dit tout le temps.
— Maman a un problème de langage, tu sais bien.
Soudain, la porte s'ouvre à nouveau. Mon frère « Roméo Il Tornado » se rue dans ma chambre et saute sur sa jumelle en scandant « Je t'ai trouvée ! Je t'ai trouvée ! »
CAZZO, ON NE PEUT PAS AVOIR UN PEU D'INTIMITÉ DANS CETTE BARAQUE ????
— Vous êtes pénibles, à la fin ! glapis-je alors qu'ils sautent sur mon lit en s'agrippant l'un à l'autre.
— Pourquoi t'as une ficelle dans les fesses, Anya ? balance mon petit frère avec un sourire moqueur. T'as découpé une culotte avec des ciseaux parce que t'avais trop chaud au cul-cul ?
Sa sœur et lui explosent d'un même rire cristallin. Je fulmine.
Dès demain, je demande à papa d'installer un verrou sur cette putain de porte de mes ovaires.
— Virez de ma chambre, les morveux ! Vous me saoulez, merde !
— Y'a pas que maman qui a un problème de langage ! souligne Luna, hilare, en pointant un doigt vers moi. On dit pas « merde », on dit caca boudin ! Et c'est toi la morveuse, parce c'est celle qui dit qui est !
— Je compte jusqu'à cinq, je vous préviens !
— Tu sais compter, c'est cool pour toi ! réplique vertement Roméo.
Je lâche un feulement de rage. Pour la troisième fois en quelques minutes, la porte de ma chambre s'ouvre.
Les jumeaux cessent aussitôt de bondir sur mon lit.
Un frisson me dévale la colonne.
T-Rob est dans mon dos.
Pas bouger, Anya. Son acuité visuelle est basée sur le mouvement.
— Roméo, Luna. Papa fait la sieste dans le canapé depuis une heure. Je crois qu'il adorerait être réveillé par une bonne attaque de chatouilles, glisse doucement maman.
Oula. C'est sadique, ça. Je plains Val. À mon avis, ils vont se jeter sur lui comme des lionceaux affamés sur une souris géante.
Ils descendent de mon lit à toute vitesse avant de courir en contournant maman et en se chamaillant. Je pivote pour les suivre du regard.
— Prem's ! hurle ma sœur en poussant son frère.
— Luna, tu prends le pied gauche, moi le droit ! ordonne Roméo.
— Non nounouille, moi je prends le cou et la taille !
Ils disparaissent tous les deux dans la cage d'escalier. Pauvre Val.
Je soupire en relevant les yeux vers maman qui m'inspecte de haut en bas, les sourcils froncés et les poings sur les hanches.
— S'il te plaît, maman, pas de sermon, lui rappelé-je avec lassitude en enfilant une robe par-dessus mes sous-vêtements. J'ai dix-huit ans, je suis majeure et responsable.
En outre, je la dépasse d'une tête depuis deux ans, mais je préfère ne pas rajouter ce détail. Elle est assez susceptible à ce sujet.
— Mmmh. Tu es tellement responsable que tu planques des préservatifs à des endroits accessibles aux jumeaux, énonce maman en refermant la porte d'un coup de hanche.
Mince, voilà qu'elle remet l'incident de la capote sur le tapis ! Je vais en entendre parler jusqu'à mes quarante balais.
Bon, c'est vrai, je n'ai pas assuré sur ce coup-là. Le drame s'est produit il y a trois semaines pendant que j'étais en cours. Papa m'a expliqué que maman avait failli faire une crise cardiaque en découvrant Roméo et Luna qui jouaient joyeusement avec un « ballon de baudruche trop rigolo » dégoté dans l'armoire d'une chambre d'ami. Les deux diablotins ont réussi à le gonfler et à le remplir d'eau, en plus. La capote aquatique a explosé sur le mur et a ruiné un tableau qui coûtait dans les dix mille euros.
Val a tenté de me venir en aide en affirmant à son épouse que l'objet du délit lui appartenait et qu'il s'agissait d'une relique datant d'une époque antérieure à leur rencontre. Sauf que maman, pas dupe pour un sou, a vérifié la date de fabrication sur l'emballage déchiré et... elle était récente. T-Rob a passé un savon à papa en lui interdisant de me couvrir à l'avenir, puis elle m'a passé un savon à mon retour du lycée. Je ne vous raconte pas l'ambiance mortelle au dîner devant le gratin de macaronis.
— À quelle heure rentres-tu ce soir après ton resto ? s'enquiert-elle, mielleuse.
Oh oh. Elle essaye de me cuisiner. Maman lionne a flairé la piste de la débauche.
— Je ne sais pas encore, marmonné-je avec anxiété.
Elle croise les bras sur la poitrine en me jaugeant de ses prunelles vertes si semblables aux miennes.
— Anya, es-tu sûre d'être prête à franchir le cap ? Ce n'est pas un acte anodin.
Mon Dieu. Je m'empourpre à la fois d'horreur et d'embarras. Aborder ce sujet avec ma mère... Quel cauchemar, il y a de quoi se coltiner un traumatisme à vie ! Hélas, il est trop tard pour faire marche arrière, je ne vais pas pouvoir y couper. Alors, autant mettre les choses au clair pour qu'elle comprenne. J'inspire un grand coup en m'obligeant à la regarder droit dans les yeux.
— Oui, je suis prête. Ça fait des semaines que je le suis, mais c'est Antonio qui tenait à ce qu'on prenne notre temps. Maman, ça fait quatre ans que je sors avec mon copain. De nombreux adolescents le font plus tôt que nous. Je suis la dernière dans mon groupe de copines à être encore vierge, je te signale. Oui oui, je sais bien ce que tu vas me dire, on ne fait pas l'amour pour faire comme les autres ! Mais ça n'a rien à voir avec mes motivations, Antonio et moi nous aimons et nous désirons. Pourtant, on a attendu d'être prêts tous les deux, et ce moment est arrivé. Ça prouve bien qu'on est mûrs et responsables, non ? Je prends déjà la pilule depuis des mois, on va se protéger avec des capotes, je ne tomberai pas enceinte, je ne choperai pas de MST, je ne deviendrai pas une Marie-couche-toi-là, on ne fera pas n'importe quoi. Laisse-moi vivre ma vie de femme et faire mes propres expériences, maman. Je serai toujours ta fille, mais je ne suis plus un bébé depuis longtemps.
J'attends que le couperet tombe.
Mais un petit sourire étonnant se forme sur les lèvres rouges de ma mère.
Elle s'approche pour m'embrasser sur le front, retire quelque chose de sa poche et me le met dans la main, la mine complice.
Putain de bordel de merdouille.
Trois préservatifs !!!
— Juste au cas où tu n'aurais pas pensé à refaire des réserves, principessa, chuchote-t-elle en me tapotant tendrement la joue. Au fait, trop chou ton discours. Mais parfaitement inutile, je savais déjà tout ça. J'en ai longuement discuté avec ton père et j'ai pris du recul grâce à lui, tu pourras le remercier de t'avoir soutenue. Amuse-toi bien ce soir... Enfin, pas trop non plus, restez raisonnables quand même. Allez-y mollo, ce n'est pas comme dans les pornos. Et insistez bien sur les préliminaires, surtout. À l'occasion, refile-moi l'adresse de ton magasin de lingerie : j'adore ton ensemble et tu es magnifique avec, ma chérie. Je t'aime, ma grande fille.
Sur ce, elle repart en chantonnant comme si de rien n'était.
Et moi, je suis bouche bée.
C'est bien la première fois de ma vie que je me retrouve partagée entre un sentiment d'émerveillement et une envie de vomir.
***
Nous avons allumé un petit feu de bois dans les dunes près de notre couverture pour ne pas trop cailler. Les étoiles qui veillent sur nous là-haut se reflètent dans les yeux brillants de mon amour. Allongée sur le dos, je suis plus sereine que lui, comme si tout était naturel. Antonio m'effeuille lentement, les doigts tremblants, la respiration hachée, son regard ému vagabondant sur mes courbes au fur et à mesure que les couches de vêtements se volatilisent. On dirait presque qu'il ne parvient pas à croire que je sois à lui.
— Tu es tellement belle, murmure-t-il en me caressant les seins par-dessus mon soutien-gorge.
Et il est si beau... Je souris d'une oreille à l'autre en faisant courir mes mains sur son long torse bronzé aux muscles fins. Il frissonne de plaisir sous mes paumes. Il ne porte plus que son boxer ; je suis encore en sous-vêtements. Il appose des baisers doux dans le creux de ma gorge offerte.
— Embrasse-moi, Antonio.
Il ne se le fait pas dire deux fois. Il écrase sa bouche affamée contre mes lèvres ouvertes, puis entortille sa langue autour de la mienne. J'ébouriffe ses épais cheveux avec les doigts en attirant son corps haletant contre le mien. Écartant les cuisses pour enserrer ses hanches, j'ondule contre lui en lui mordillant les lèvres et en gémissant. Ses mains se glissent sous moi pour m'attraper les fesses et les pétrir, quand tout à coup...
Un bruit nous fait sursauter.
Antonio se décolle de moi, raidi de la tête aux pieds. Nous nous figeons comme des lapins face au fusil d'un chasseur en apercevant une silhouette masculine près de nous.
— Salut les tourtereaux ! J'ai vu de la lumière, je viens m'inviter à la fête. Je dérange pas, j'espère ? se gausse une voix inconnue.
C'est qui ce type ?
Il s'avance jusqu'à nous. Il doit avoir dans nos âges. Tatouages de hard métal sur les avant-bras, chaîne dorée autour du cou, il dégage une odeur d'alcool bon marché et... il a un couteau au poing. La panoplie du parfait caïd à deux balles. Ouh, je suis morte de peur.
— Sympa le cadre romantique pour baiser, mais c'est pas prudent et pas malin. On sait jamais sur qui on peut tomber dans les dunes en pleine nuit. Allez, balancez les portables et les portefeuilles, et vous pourrez reprendre vos galipettes ! ricane-t-il en agitant sa lame ridicule dans notre direction.
— OK, ça va, on va te donner nos affaires, mais après tu t'en vas, répond Antonio, le regard fuyant, en tendant la main vers son jean.
— Je ne crois pas, non, grondé-je en écartant mon petit ami sur le côté.
— Anya, qu'est-ce que tu fais ! siffle-t-il, terrifié pour moi.
Je me redresse sur la couverture, les poings et les mâchoires serrés. Ce mec a osé me casser ma première fois, il ne va pas s'en tirer comme ça ! D'ailleurs, il est en train de balader son regard répugnant sur mon corps – il empire son cas de seconde en seconde, cet abruti.
— Ben mon salaud, dit-il à l'adresse d'Antonio, tu te fais pas chier, elle est vachement bonne ta meuf !
— Anya, rassieds-toi tout de suite ! ordonne mon petit ami paniqué en s'emparant de mon poignet.
Je me dégage d'un geste vif et je fais deux pas en avant, furax. Déstabilisé par ma réaction, le voleur se renfrogne en brandissant son couteau vers moi.
— Qu'est-ce que tu fous, connasse ! T'approche pas ou je te troue le bide !
— Tu réfléchiras à deux fois la prochaine fois que tu voudras braquer des gens, Ducon, décrété-je froidement. Parce que ce n'était ni prudent, ni malin. On ne sait jamais sur qui on peut tomber dans les dunes en pleine nuit.
Antonio se lève pour m'empoigner par la taille et me retenir, mais il n'est pas assez rapide. Je fonce vers la racaille qui écarquille les yeux de stupeur. D'un puissant coup de pied latéral décoché dans son avant-bras, je le désarme... et rattrape son couteau au vol en tendant la main gauche au-dessus de ma tête.
L'expression déformée par la frayeur, il se barre en beuglant comme un veau dans les ténèbres nocturnes.
Voilà, une bonne chose de faite.
Je me retourne vers Antonio, agenouillé sur la couverture, à la fois admiratif et époustouflé. Expédiant le couteau dans le sable, je lui adresse un sourire charmeur et revient vers lui en roulant des hanches, avant de minauder :
— Où en étions-nous, déjà ?
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