19 Baptiste

Un rêve éveillé ! Voilà ce que nous sommes en train de vivre. Monsieur Boher a tout prévu, de notre billet de train pour nous rendre à Paris, jusqu'à notre chambre d'hôtel, le tout prit en charge par la maison de disque.

A peine arrivé à la gare de Lyon, un chauffeur nous attendait pour nous amener au siège de la maison de disque. Une fois là bas, les rendez-vous se sont enchaînés. Comme il nous l'avez demandé dans son mail, nous avions fait parvenir, avant notre arrivé, une maquette de nos musiques, qui apparemment a séduit pas mal de monde. Ils ont toutefois demandé à nous voir jouer en vrai et c'est dans l'un de leur studio que nous leur avons fait découvrir en direct l'univers des BOP. Depuis, on enchaîne les rendez-vous. J'ai l'impression que le temps c'est accéléré et qu'il nous emmène dans une spirale infernale. Depuis lundi nous ne touchons pas terre. C'est à peine si j'ai le temps de répondre aux messages de Victoire. D'ailleurs, elle doit s'en rendre compte car j'ai l'impression qu'elle a diminué la fréquence de ses textos.

Nous sommes dans l'ascenseur du label qui nous emmène voir le grand patron et je prends enfin le temps de sortir mon portable. Il est quinze heure et je n'ai reçu qu'un seul message ce matin de Victoire pour me dire bonjour. Je ne peux pas lui en vouloir, je n'ai pas eu le temps de répondre à ce texto. Mais le fait de les voir s'espacer m'angoisse un peu.

Moi 15h : désolé ma belle j'ai le temps de rien en ce moment mais c'est pas pour autant que tu ne me manques pas. Hâte d'être à demain soir pour te serrer dans mes bras.

Je valide mon message alors que les portes de l'ascenseur s'ouvrent. Boher nous fait avancer dans un long couloir ou trône sur les murs, les disques d'or et de platines des différents chanteurs qui ont signé avec ce label. Je les regarde tout en imaginant mon propre disque d'or, suspendu un jour à ce mur. Un rapide coup d'oeil à Olivier et Patrice m'indique qu'ils rêvent de la même chose.

On arrive enfin devant une double porte. Boher tape à celle-ci,  avant de l'ouvrir et de nous faire rentrer dans un bureau qui doit au moins faire trois fois la taille de mon studio ! Tout le mobilier est hyper moderne et design. Au mur, trône de nouvelles photos d'artiste en compagnie du directeur de la maison de disque. Ce dernier est derrière son bureau et se lève dès qu'il nous voit rentrer.

- Ah ! Voilà enfin les BOP dont tout le monde me parle tant.

Il nous serre la main vigoureusement, nous montrant bien ainsi qui est le patron. Puis il nous indique des sièges de la main, tout en faisant le tour de son bureau pour reprendre place dans son fauteuil. Une fois assis, il pose ses coudes sur les accoudoirs de son fauteuil et joint ses mains vers sa bouche et commence à nous regarder tour à tour en silence.

Assis face à lui, je n'en mène pas large. Le silence est pesant et je commence sérieusement à trouver le temps long. Je remu légèrement sur mon fauteuil pour tenter de trouver une place un peu plus agréable, bien que je sache pertinemment que c'est le regard du big boss qui me met si mal à l'aise. Enfin il se met a sourire et nous dit :

- Les mecs. J'ai écouté toutes vos maquettes et les prises de son qui ont été faites dans nos studios et je dois dire que j'adore ! C'est frais, c'est rythmé, y a un bon flow ! Non sérieusement, j'adore !

Le rêve ! Le mec nous balance que des compliments ! Bon ok, tout ça plein de gens nous l'on déjà dit ! Mais de l'entendre de la bouche d'un professionnel et pas des moindre ! C'est juste... WOUAH !

Il sort un paquet de clope et nous en propose une à tous. J'en attrape une au passage et l'allume en savourant l'instant. Je fume un cigarette dans le bureau de l'un des plus grand producteur de musique de France et ce dernier vient de me dire qu'il kiff ma musique !

On reste encore une bonne heure dans son bureau avant de repartir avec les papiers d'un contrat sous le bras. On voulait signer immediatement mais il a refusé. Il nous a dit :

- Non les mecs. Vous rentrez à l'hôtel, vous vous posez, et quand vous aurez bien tout lu on en reparle. On se voit demain matin, avant votre départ.

Une fois dans l'ascenseur, nous exultons !

- Putain de bordel de merde ! hurle Patrice.

- C'est clair. Pincez moi les mecs ! Je rêve, c'est ça ?

- Non ! C'est pas un rêve ! Vous êtes doués et on va vous mettre sous les feux des projecteurs ! répond Boher avec un sourire en coin. En attendant, il nous faut une dernière prise de son et on vous laisses quartier libre jusqu'à demain matin.

On se dirige jusqu'au studio. Le mec nous met à l'aise. Il nous montre ce que la maison de disque attend de nous et nous passons en salle. Une fois derrière le micro, je prends le temps de fermer les yeux et de savourer l'instant. Les mecs derrière moi doivent faire de même car un silence casi religieux s'installe dans la pièce qui pour nous à cet instant est aussi précieux qu'une cathédrale. Puis dans nos casques, la voix de Lucas, le preneur de son, nous indique qu'il est temps de commencer et nous ne nous faisons pas prier pour entamer la mélodie.

*****

J'ouvre les yeux, un mal de tête me tambourine la cervelle et m'oblige à les refermer. Je ne supporte pas la lumière. La soirée a été bien arrosée, trop arrosée. Je roule sur le dos mais ce simple mouvement me donne déjà des hauts le coeur. J'inspire profondément et expire tout doucement à plusieurs reprise. Déjà ma tête commence à moins tourner. Des images de la nuit me reviennent en mémoire. Après avoir lu le contrat, en avoir parler entre nous et avec le cousin avocat de Patrice, nous avons décidé de signer le contrat. Une fois nos signatures apposées au bas des pages, Olivier nous a dit qu'il fallait fêter ça. Et c'est comme ça qu'on c'est retrouvé dans l'une des boites les plus branché de la capitale à danser et à boire pour fêter l'événement.

Une vibration sur le lit me sort de mes pensées. J'attrape le téléphone en pestant déjà après la personne qui cherche à me joindre de si bonne heure. Mais ma mauvaise humeur retombe vite, il s'agit de Victoire. Son beau visage apparaît à l'écran alors que j'effleure du bout du doigt ses lèvres pour accepter la communication.

- Salut toi ! dis-je d'une voix enrouée.

- Oh, je te dérange ? s'excuse-t-elle à la limite de raccrocher.

- Non ! Bien sur que non. Mais hier on a eu une journée de fou ! Le directeur de la maison de disque nous a donné un contrat. Après l'avoir bien lu et avoir demandé conseil au cousin de Patrice qui est avocat, on a décidé de signer et après, on a été fêter ça !

- Ah oui ! Je suis trop heureuse pour vous. Le rêve devient réalité !

- C'est carrément ça !

- Du coup, vous rentrez ou pas ?

Sa voix et timide et son intonation m'alarme. Je me redresse dans le lit brusquement, ce qui augmente mon mal de tête. Je passe ma main dans mes cheveux comme pour chasser la douleur, tout en lui disant :

- Je rentre aujourd'hui et ce soir tu dors dans mes bras Vic !

Elle laisse échapper un souffle indiquant ainsi son soulagement. Mais elle ne trouve plus les mots et je sens qu'il faut que je continue de la rassurer.

- Vic, je suis pressé de te retrouver ce soir. Tu m'as manqué cette semaine, et je suis désolé de ne pas avoir pu t'appeler plus souvent.

- Ton train arrive à quelle heure ?

- Dix-neuf heure je crois.

- Mince, j'aurai pas finit !

- Ho merde, ne me dis pas que t'es du soir !

- Malheureusement si.

- Mais t'étais pas en repos ?

- Normalement oui, mais une collègue est malade, il fallait quelqu'un pour la remplacer.

- Fait chier Vic ! Ça fait une semaine qu'on s'est pas vu et toi t'accepte des changement de planning !

- En même temps, j'ai pas eu trop le choix... Tu sais, je fais pas comme je veux dans mon travail. Et puis, je ne pouvais pas laisser l'équipe. Ce genre de chose fait partie des aléas de mon métier !

Je la sens agacé et je n'aime pas ça. Je ne voulais pas la contrarier mais en même temps, je voulais la voir des mon arrivé. Mais je patienterai quelques heures de plus...

- Vic, le prend pas mal. C'était pas méchant de ma part. Tu me manques, je voulais juste te voir dès mon arrivé.

- Je comprends. Moi aussi j'ai râlé quand on m'a demandé. Bon je vais devoir y aller. A ce soir.

- Ok.

- Bisous.

Elle va pour couper la communication et soudain, je n'ai pas envie qu'elle raccroche.

- Vic !

- Oui ?

- Même si je t'ai pas beaucoup appelé cette semaine, tu as été dans ma tête et dans mon coeur à chaque instant.

Je lâche cette phrase dans un souffle. Mon coeur s'emballe alors que j'attends qu'elle me réponde. Je l'entends respirer dans le téléphone, ma phrase la perturbée, c'est la première fois que je lui dis une chose aussi personnelle sur notre relation. Mais je sens qu'elle cherche ses mots. Peut-être n'est-elle pas prête à répondre à ce genre de déclaration.

- Vic. T'es pas obligée de me répondre. Je voulais juste que tu le saches.

- Ok. On se voit ce soir. J'ai hâte. Bisous.

Elle coupe la communication, je garde le téléphone rivé à mon oreille malgré tout quelques instant. Je reste un peu perplexe. Bien sur, j'aurai aimé qu'elle me réponde mais je ne voulais pas qu'elle se sente obligé de me répondre là maintenant. Je préfère que les mots sortent naturellement.

Je finis par me lever et je me dirige vers la salle de bain. Après une bonne douche, ma tête cogne un peu moins fort et je descends au réfectoire de l'hôtel pour prendre le petit déjeuné.

*****

Cinq heure de train et vingt minutes plus tard, je suis devant la maison de retraite de mon grand-père. J'ai demandé à Patrice si sa mère pouvait me déposer ici pour que je retrouve plus rapidement Victoire. Elle croit que je l'attends chez elle. Mais j'ai tenu à lui faire la surprise. Un coup d'oeil à ma montre m'indique qu'elle ne fini pas le travail avant une heure et demi. Ce qui me laisse largement le temps de faire un coucou discret à pépé. Je planque mon sac de voyage dans un talus et je rentre dans la maison de retraite. C'est l'heure du couché, si je la joue fine, elle ne me verra pas. Avant de taper à la porte de mon grand-père, je tends l'oreille, pas un bruit, la voie est libre. Je pousse la porte et rentre rapidement dans la chambre, faisant sursauter papi au passage.

- Bon dieu de bois Baptiste ! On ne t'as donc jamais appris à frapper avant d'entrer ?

- Ça va, pardon pépé.

- Non mais imagine si je n'avais pas été seul ! bougonne-t-il en se déplaçant dans la pièce.

Des images de pépé nu dans la chambre en compagnie d'une résidente de la maison de retraite me viennent en tête et me filent automatiquement la gerbe. Je secoue la tête pour enlever ces images, tout en lui souriant.

- Je ne le referais pas ! Promis. Comment tu vas ?

- Bien merci de t'en préoccuper après une semaine de silence radio.

- Écoute, ça a été de la folie ! On a signé le contrat !

- Je sais. Heureusement que j'ai une informatrice ! Et encore elle a eu du mal à avoir les infos.

- Je suis désolé. Je me suis laissé entraîner dans le tourbillon des rendez-vous. J'essaierais de ne pas me laisser avoir une nouvelle fois. Mais tu sais, là bas, tout est fait pour chambouler les gens.

- Ouais bin y a pas que là-bas que les gens sont perturbés ! La pauvre Victoire était comme une âme en peine cette semaine ! Et plus les jours passés et moins ça allé !

- Ah bon ?

- Si tu l'as eu autant que moi au téléphone, je peux comprendre son état !

- On c'est quand même parlé un peu...

- Pas assez semble-t-il. Pauvre bichette, elle faisait toute tristounette ! Heureusement que notre brave Stéphane était là pour la faire rire !

Pépé à un sourire en coin mais je vois bien qu'il ne ment pas et celà m'agace. Je tente de faire bonne figure mais je n'arrive plus à écouter mon grand-père. Ce dernier à dévier la conversation sur son problème de prostate et j'avoue que je préfère emplement penser à Victoire. Pour mieux penser à elle, je regarde sa photo sur mon téléphone et subitement je vois l'heure. Je bondis du lit comme un diable qui sort de sa boîte, faisant sursauter pépé au passage.

- Tu vas finir par me filer une crise cardiaque, couillon va !

- Pardon pépé, j'avais pas vu l'heure. Je dois y aller.

- Bah oui ! Mes problèmes de prostate tu t'en bats les...

- Papi !

- Ça vas ! Va la rejoindre ! Et tâche de la faire sourire la pauvre !

Je sors de la chambre en lui faisant un signe de la main, avant de partir rapidement vers les escaliers pour rejoindre le parking.

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