Chapitre 3 : L'acteur acharné et le bon modèle
Le reste de la semaine se transforma en un tourbillon d'émotions pour Marinette. Quand elle entra chez elle le mardi soir, elle avait en note les mensurations de la plupart des acteurs et le script d'Alya entre les mains. Elle pouvait commencer à sérieusement travailler sur les croquis des costumes. Pour elle, c'était un défi comme elle en avait rarement connu et elle adorait particulièrement cela.
Ce soir-là, elle mit ses devoirs de côté et commença à gribouiller des croquis de plusieurs costumes. Elle avait hâte de soumettre ses dessins à Alya et Nathanaël. Ensemble, ils travailleraient de pair pour s'assurer que leurs idées s'amalgament en un même concept. Jusqu'à aujourd'hui, ses créations avaient toujours tournées autour de ses propres idées. Travailler avec deux autres personnes pour unifier leurs œuvres, c'était, pour elle, une expérience qui allait sûrement lui être bénéfique pour l'avenir. Et travailler avec sa meilleure amie et un garçon qu'elle connaissait depuis presque toujours, c'était une opportunité inespérée. Il ne pouvait résulter que du bon de cette association.
Le lendemain serait probablement beaucoup moins plaisant. Elle avait finalement confirmé à Cédrick leur rencontre pour la prise de mesure et le travail d'équipe. Valait mieux en terminer rapidement avec tout cela, après elle serait débarrassée de ces moments déplaisants, si on oubliait le fameux baiser évidemment.
Elle vérifia l'heure sur son téléphone. Elle devait se mettre au lit, la journée de demain demanderait sûrement beaucoup d'énergie. Elle avait tout de même réussi à terminer la plupart des croquis. Elle ne pouvait attendre de les montrer à ses amis. Elle grimpa dans son lit et trouva rapidement le sommeil.
Elle arriva à l'école au moment où Adrien descendait de voiture. Quand il l'aperçut les bras chargés de croquis, le sac sur l'épaule, une pâtisserie à la bouche, il ne put réprimer un sourire. C'était Marinette tout crachée, toujours un poil près de la catastrophe. Il se dirigea vers elle pour lui offrir son aide.
"Hey Mari, tu veux un coup de main?" Elle accepta d'emblée son aide et lui refila quelques-uns de ses dessins. Elle put ainsi attraper le croissant qu'elle avait dans la bouche et lui faire un grand sourire de remerciement.
"Si j'avais su que j'aurais de l'aide, je t'en aurais apporté un pour te remercier. Je sais que tu en raffoles."
"C'est gentil. Je ne crois pas que ce soit le genre de cadeaux qui plairaient à mon père mais ce qu'on ne sait pas ne fait pas de mal." Il lui fit un clin d'œil canaille, un de ses clins d'œil qui lui rappelait parfois son partenaire. Elle ne pouvait nier qu'un petit air rebelle irait très bien à son Adrien.
Ils atteignirent la porte de la classe et Adrien déposa le tout sur le bureau de Marinette avant de regagner sa place. L'arrivée des deux amis n'avait pas échappé à l'acteur au fond de la salle qui se demandait par quel hasard le modèle était-il arrivé avec Marinette. Était-il allé la chercher à sa porte? Y avait-il plus qu'il ne l'avait laissé entendre entre lui et la chinoise? Il devrait mettre ses intentions au clair avec lui s'il voulait avoir des chances avec la styliste.
Mais pour l'instant, la cloche sonnait et la professeure réduisit vite ses élèves au silence. Ce n'est qu'à la pause que Marinette pu montrer à Alya et Nathanaël les croquis qu'elle avait déjà confectionnés. Ayant entrevue les dessins, conséquence de les avoir transporté, Adrien se joignit à la conversation. Il pouvait, après tout, prétendre avoir quelques connaissances en la matière. Ne pouvant approcher le modèle à ce moment, Cédrick se promit de le faire à l'heure du déjeuner.
La chance ne tourna pas en sa faveur là non plus. Il avait été retardé par une Chloé un peu trop insistante et au moment de sortir dehors, il aperçut la voiture du jeune homme tourner le coin. Adrien arriva un peu juste avant la cloche et ce fût peine perdue une fois de plus. Pour ajouter à son malheur, il semblait que le blond recherchait particulièrement la compagnie de Marinette ce jour-là. La réalité était que Marinette ayant pris la résolution d'agir plus naturellement avec Adrien, ce dernier avait trouvé rafraîchissant de pouvoir converser librement avec elle. La demoiselle avait été une de ses premières amies et il trouvait dommage qu'elle se sente autant intimidée par lui. Lorsqu'elle agissait avec tout autre personne, elle était gaie, sûre d'elle et toujours à l'écoute. L'effet de nouveauté face à l'attitude de Marinette l'amena à vouloir profiter de ces interactions spontanées et amusantes.
Mais pour Cédrick, c'était un obstacle à son projet. Il avait vu comment la jeune fille regardait le modèle. Des yeux comme ça ne trompaient pas. Il venait à se demander comment Adrien pouvait être assez idiot pour ne pas s'en rendre compte. Mais bon, cela lui appartenait après tout. Lui, il devait amener le garçon à l'épauler dans ses démarches. Présentement, son attitude l'éloignait de son but. Peut-être après les cours.
Au moment où la dernière cloche retentit, il rangea ses effets et se prépara à partir lorsqu'une délicate main se posa sur son bureau. Il leva la tête pour apercevoir une Marinette à l'air légèrement agacé.
"Euh, tu vas quelque part?"
Il avait oublié son rendez-vous avec Marinette. Comment avait-il pu focusser à ce point sur sa relation avec Adrien Agreste et oublier celle qu'il souhaitait qu'elle entretienne avec lui. Aujourd'hui, en particulier, était sa chance de commencer à marquer des points avec elle.
"Avec toi, où tu veux."
Elle roula les yeux.
"Pas le temps pour les stupidités, je dois prendre tes mesures."
"Pressé de passer à l'acte."
"Non mais vraiment! Allez, tiens-toi debout, lève les bras et ne bouge pas."
"J'adore les femmes dominantes."
"Une autre remarque comme cela et je te fous mon crayon dans..." Elle ne termina pas sa phrase et se mit au travail. En colère, elle était encore plus irrésistible. Cédrick se contrôla difficilement face à ce brin de femme qui lui tournait autour, lui posant son ruban un peu partout, lui donnant des ordres.
Marinette essayait pourtant d'agir de la façon la plus brusque et la moins amicale possible. Mais rien ne semblait pouvoir émousser l'enthousiasme de l'acteur. Elle se concentra pour terminer cette tâche désagréable le plus rapidement possible. Lorsque la dernière mesure fût prise, elle rangea son crayon et son cahier de notes et alla ramasser ses affaires.
"Allons à la bibliothèque pour le travail." La bibliothèque était un endroit plus sûr, ils n'y seraient pas seuls, pleins d'élèves y faisaient leur travaux. Il prit ses affaires et la suivit docilement en dehors de la classe.
Marinette revint chez elle épuisée. Le travail avec Cédrick n'avait pas avancé à son goût. Le garçon était peut-être bon acteur et bel homme mais les matières scolaires n'étaient visiblement pas son point fort. Ils devraient encore se rencontrer deux fois la semaine prochaine pour compléter le projet. En attendant, elle lui avait donné des devoirs à faire pour qu'il avance un peu sa partie. Elle espérait ne pas en avoir demandé trop au garçon pour qui le sujet semblait être du chinois.
Elle s'assit à son bureau et avec par un effort surhumain de sa volonté, poussa de la main ses croquis pour se concentrer sur ses devoirs. Elle les avait boudé une soirée de temps et en payait maintenant le prix. Lorsqu'elle put s'avouer satisfaite des progrès qu'elle y avait faits, il était déjà l'heure de se mettre au lit. Elle s'endormit rapidement et dormit profondément... une fois de plus beaucoup trop profondément.
Le lendemain matin, Cédrick fut satisfait de voir Adrien se présenter seul en classe. Visiblement, il ne faisait pas une habitude d'escorter Marinette jusqu'à l'école. En fait, la demoiselle en question dormait encore profondément et ne se montrerait que plusieurs minutes après le début des cours. Dès que le blond fût installé à son bureau, son voisin n'étant toujours pas arrivé, il se dépêcha à aller s'asseoir à ses côtés pour enfin faire part de ses intentions par rapport à Marinette.
"Hey Adrien!"
Le modèle qui n'avait pas entendu son compagnon arrivé, fût surpris de le voir à la place de Nino. "Bonjour Cédrick! Je peux faire quelque chose pour toi?"
"Eh bien..." Comment allait-il amener le sujet sans offenser le jeune homme. "Ça concerne Marinette." Rêvait-il ou une brève lueur s'était allumée dans les yeux d'Adrien à la mention de ce nom?
"Je t'écoute."
"Bien, l'autre jour, quand je t'ai demandé si c'était une amie à toi..."
"ADRICHOU!!!"
Il n'y avait qu'une seule personne au monde qui l'appelait ainsi et il ne s'attendait vraiment pas à ce qu'elle lui adresse la parole de sitôt. Le jeune homme eut alors toute les raisons du monde de sursauter à cet appel. Lorsqu'il se retourna pour affronter son amie d'enfance, il eut à peine le temps de la voir qu'elle lui avait littéralement sauter au cou.
"Bonjour Chloé!"
"Tu sais que je t'en veux un peu..."
Adrien fut surpris face à cette affirmation. "Mais pourquoi?"
"Déjà cinq jours que tu es revenu d'Italie et tu ne m'as toujours pas réservé un déjeuner."
"Oh! Mais...bien sûr que l'on doit déjeuner ensemble. J'avais simplement peur que tu refuses et..."
Adrien agissait exactement comme il le fallait. Voyant Cédrick au côté de son ami d'enfance, la fille du maire avait vu là une occasion en or de lui montrer qu'elle n'était pas quelqu'un que l'on rejetait aussi facilement. Adrien ne lui avait jamais rien refusé et elle savait qu'aujourd'hui encore, il ne ferait pas exception. Le jeune acteur verrait quel genre de garçon s'intéresse à Chloé Bourgeois et il se languirait toute la journée de ne pas être celui qui l'avait amené déjeuner.
"Tut tut tut, pas d'excuse. On déjeune ensemble j'insiste. On a tellement de chose à se raconter." Elle lui posa un baiser sonore sur la joue et retourna satisfaite à son bureau.
Entre-temps, Nino était arrivé et Cédrick sentait qu'une fois de plus, il devrait reporter sa demande à plus tard. L'heure du déjeuner était visiblement hors de question. S'il était assez rapide, il pourrait peut-être le rattraper à la fin des classes.
Une fois de plus, le destin l'empêcha d'avoir la discussion tant souhaité alors qu'Adrien quitta avec Marinette, Alya et Nino pour ne les laisser qu'au moment de rentrer dans sa limousine. Il ne restait qu'une journée avant le week-end, il devait réussir coûte que coûte. Il avait compris que des plans se dressaient pour la fin de semaine entre les quatre amis. La lueur entrevue dans les yeux du modèle plus tôt ne l'avait pas rassuré. Adrien ne considérait peut-être Marinette que comme une amie mais il sentait que ça pouvait changer. Pire, s'il fallait que la jeune demoiselle finisse par se déclarer, il risquait de sérieusement envisager sortir avec elle.
Mais Adrien ne se présenta pas vendredi. Son père lui avait cédulé une journée entière de séance photo au grand soleil. Quand il fut libéré de ses engagements et put enfin entrer dans la fraîcheur de sa chambre, il n'eut pas cinq minutes de repos avant que Nathalie ne vienne lui dire que son père l'attendait dans son bureau.
Adrien se releva péniblement de son lit et se dirigea sans entrain vers le froid bureau de son paternel. Il cogna et entra dès qu'il y fut invité. Son père l'attendait assis à son bureau et l'invita à prendre place. Le jeune homme n'y entrevit rien de bon. S'installer voulait dire rester plus longtemps et c'était souvent parce qu'il avait quelque chose à lui reprocher.
"J'ai entendu de la part de Nathalie que tu n'es pas venu déjeuner à la maison lundi."
"En effet, c'est la vérité."
"Et pourquoi as-tu pris la liberté de manger ailleurs sans ma permission?"
"J'ai été invité par des amis que je n'avais pas vu depuis longtemps."
"Est-ce indiscret de te demander où et ce que tu as mangé?"
"Bien, je suis allé à la boulangerie en face de l'école, elle appartient aux parents d'une de mes amie. Nous avons mangé des produits de cet endroit."
"Évidemment probablement rien comme des légumes, des fruits ou du poisson."
Il baissa le regard. "Non"
"Adrien, je ne peux encourager ce genre de diète et je te demande d'éviter de retourner déjeuner à cet endroit."
"Père, je ne me permets ce genre d'accroc à ma diète que très rarement, ça ne changera pas grand-chose. Marinette a été élevée dans cette boulangerie et elle est loin d'être obèse ou en mauvaise santé. Vous l'avez vu, c'est elle qui a gagné votre concours du chapeau et elle n'a rien à envier à vos mannequins rachitiques. "
"C'est moi qui décide ce qui est parfait ou décevant, je SUIS la mode. Et je refuse que tu me parles sur ce ton Adrien. Si tu dois développer ce genre d'attitude avec moi, je devrai te retirer de l'école. Je te couperai de toutes ces mauvaises fréquentations. Il est hors de question que mon garçon devienne un de ces jeunes riches ingrats qui font la une des journaux par leurs frasques de délinquants. Notre famille a basé sa réputation et sa fortune sur une image impeccable et tu dois te conformer à cette image. Je me fais bien comprendre? "
"Oui père."
"Allez, sors d'ici, j'ai du travail."
"Oui père."
Il sortit avec un goût amer dans la bouche et le cœur plutôt lourd. Mais, lui, plus que tout autre, savait pertinemment qu'il ne devait pas se laisser submerger par de mauvaises réflexions. Le Papillon était toujours là à guetter sa prochaine victime et ce ne serait pas lui. Il s'arrêta devant le portrait de sa mère et y puisa tout son courage. Encore un an avant ses dix-huit ans, un an avant d'avoir son propre sort entre les mains et il avait déjà commencé à bâtir son plan. Avec un peu de chance, Ladybug en ferait partie.
"Adrien?"
Nathalie était sortie de son bureau et contemplait avec toute la tendresse dont elle était capable, la forte silhouette du garçon qu'elle contribuait à élever.
"Votre père a fait annuler toutes les séances photos de la fin de semaine. Il doit quitter pour un important voyage d'affaire. Je dois malheureusement le suivre mais votre garde du corps sera présent si vous avez besoin de quoi que ce soit."
"Merci Nathalie."
"Je dois aussi vous avertir que votre père a rajouté de nouveaux engagements à votre emploi du temps. Désormais, vous devrez vous soumettre à des séances avec un entraîneur personnel quatre matins par semaine pendant 1h30. Votre père a remarqué que votre stature s'était développée et que l'industrie y répondait favorablement. Il souhaite vous encourager à poursuivre dans cette voie. Votre diète sera évidemment revue en conséquence."
Pour toute réponse, Adrien grogna et retourna à sa chambre, les pensées encore sombres, malgré sa bonne volonté. Il consulta les réseaux sociaux sur son portable où on annonçait qu'un akumatisé faisait des ravages près du Louvres.
"Le bon côté de tout cela, c'est que je pourrai voir ma Lady. Plagg, transforme-moi!"
Quand il arriva le combat était déjà bien entamé et beaucoup de dommage avait été faits. Ladybug salua distraitement son partenaire, lui criant des instructions qu'elles avaient visiblement élaborées depuis un bon moment en l'attendant. La bataille lui faisait du bien, elle lui permettait de se défouler, de faire sortir les émotions négatives déclenchées par la conversation avec son père. Au moment d'utiliser son cataclysme, il s'imagina abattre sa main meurtrière sur sa propre carrière. La victoire arriva beaucoup trop vite à son goût. Sachant que le Lucky Charm réparait les dégâts, il aurait volontiers causé encore plus de destruction pour sa propre satisfaction.
Lui et Ladybug avaient pris l'habitude de s'accorder deux ou trois minutes de conversation suite à leurs combats. Cela les menait près de leur limite de détransformation mais faisait aussi en sorte de solidifier leur relation. Ils s'assirent sur le bord d'un toit, les épaules bien collées l'une contre l'autre.
"Ça va Chat, il semble que tu es été moins volubile qu'à ton habitude?"
"Maintenant ça va ma Lady!"
"Ton père?" Il y avait longtemps que Ladybug avait compris que Chat Noir avait une relation difficile avec son père. Elle savait qu'il était particulièrement contrôlant et que l'obtention de son Miraculous avait apporté beaucoup de liberté à son partenaire.
"Ouais!" Il avait un regard particulièrement sombre.
"C'est si pire que cela?"
"C'est toujours de pire en pire. Mais bon, j'aurai bientôt dix-huit ans et tout ça sera du passé."
Ladybug sourit, elle espérait tellement le bonheur de son compagnon et lorsque le moment serait venu, elle serait là pour le supporter.
"Ma Lady? Tu as déjà été amoureuse?"
"Chat... ce n'est pas..."
"Répond s'il te plaît, j'ai besoin de savoir."
"Oui..."
"Comment il est?"
"Chat!"
"Hey, j'ai le droit de connaître mon ennemi." Il lui faisait un sourire forcé.
"Quel bien cela te fera-t-il?"
"Peut-être aucun, mais au moins, je saurai."
Elle hésita un moment puis se permit de décrire Adrien du mieux qu'elle le pouvait sans compromettre son identité. "C'est un jeune homme absolument charmant, toujours poli, qui passe les autres avant lui, qui paraît toujours bien, un vrai gentleman. On peut difficilement lui reprocher quoi que ce soit."
Sans comprendre pourquoi, les yeux de son partenaire semblèrent se remplir de colère.
"Chat?"
"Aucun espoir pour un fanfaron comme moi alors." Il se leva d'un coup. "Ce monde n'a de place que pour les bons garçons sans histoire."
"Chat attends, je..."
Il était parti sans se retourner, laissant sa partenaire abasourdie qui tentait de comprendre ce qui, au-delà d'avoir un rival, avait bien pu mettre le félin autant en colère.
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