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Constant jeta un dernier regard à cette vieille maison dans laquelle il avait passé les premières années de sa vie. Elle avait repris ses airs austères de vieille ruine à l'abandon à la seconde où il avait terminé de replacer tous les linteaux de bois pour protéger les fenêtres.

Le jeune homme avait l'impression étrange qu'il ne reverrait jamais cet endroit. Il s'apprêtait à en finir avec une partie de sa propre histoire.

Assis sur son vélo, avec Mimigal et Pifeuil sur son porte-bagage, il se mit à pédaler à côté de Lucie, essayant de ne pas trop perdre de temps en contemplant les rizières de son enfance, où il avait fait connaissance des pokémons Insectes et de sa passion pour les plantes.

Ce n'était peut-être pas aussi beau que le Champs de Fleurs sacré entre Vergazon et Lavandia à Hoenn... Mais c'était chez lui. Et il sentait que ce paysage allait lui manquer d'ici peu.

Lucie était passée devant pour ouvrir la voie. Bien qu'elle n'ait jamais été à Jadielle ou à Bourg-Palette, elle était tellement sûre d'elle qu'elle semblait déjà connaître la route.

Ils passèrent devant la vieille Arène abandonnée de Jadielle, achetèrent de quoi manger au supermarché de la ville et repartirent à travers la forêt de la Route n°1 pour descendre au sud.

Alors qu'ils roulaient sur le sentier de terre bordé de champs et de bois, Lucie se retourna soudainement vers Constant.

— Qu'est-ce qui t'a fait changer d'avis ?

— Je viens de découvrir que la disparition de mes parents était liée à ce qui se passe en ce moment à Cramois'île, grâce à cette bibliothèque secrète que tu as trouvé.

— Ah oui ? De quoi s'agit-il ?

— Mes parents faisaient des recherches sur des pokémons légendaires, et leurs travaux ont intéressé des malfaiteurs.

— Des malfaiteurs ?

— La Team Rocket. Ils ont kidnappé ma mère pour rechercher un ancien pokémon en Amazonie et elle avait décidé de saboter leurs plans, c'est comme ça qu'elle a disparu. Puis des années plus tard, mon père a décrit des changements météorologiques tels que ceux que l'on voit en ce moment à Cramois'île. Il parlait clairement de la responsabilité de la Team Rocket, et lui aussi a disparu après y être parti.

Lucie s'arrêta brusquement en donnant un grand coup de frein. Constant s'arrêta au dernier moment pour l'éviter et se retrouva nez-à-nez avec elle, alors qu'elle le fixait intensément.

— Tu veux dire que ces monstres ont un lien avec la disparition de tes parents, et qu'en allant à Cramois'île tu penses les rencontrer ? Il faut prévenir la police, Constant ! On n'est que des scientifiques, pas des dresseurs ou des redresseurs de torts ! Tu imagines si on tombe sur ces gens ? Qu'est-ce qu'on va faire face à eux ? Tu n'as jamais entendu parler des vols de pokémons, des villes entières qu'ils contrôlent et des entreprises qu'ils ont infiltrées ? Ils peuvent nous faire disparaître quand ça leur chante !

— Je sais, c'est ce dont mon père avait peur. Je... (Il hésita sur ses mots) je ne veux pas les ... combattre. Je veux juste comprendre ce qui est arrivé à mon père et ce qui dérègle l'océan.

Elle le regarda droit dans les yeux et l'expression de son visage se fit soudainement plus triste. Elle ne le croyait pas. Tout ce qu'elle voyait à présent dans le regard déterminé de son ami, c'était l'éclat de la fureur, l'envie de vengeance d'un orphelin. Mais pire encore... elle se rendait compte qu'il était en train de lui mentir sciemment.

Constant n'était déjà plus l'entomologiste timide et apeuré qu'elle avait rencontré à l'université. Pour lui, le voyage avait déjà commencé.

Sans rien répondre, elle s'apprêta à repartir lorsque quelque chose dans le ciel changea. Le jour s'assombrit en une fraction de secondes et les pokémons de Constant s'agitèrent. Un vent glacé balaya la route et les deux amis durent s'accrocher à leurs vélos pour ne pas être renversés.

— Qu'est-ce qui se passe ? demanda Lucie alors que le vent était de plus en plus froid.

— Regarde là-haut !

Elle leva les yeux et vit un spectacle étrange. Une aurore boréale venait de naître dans le ciel sombre, entourée par d'immenses nuages. Les lumières verdâtres dansèrent quelques instants avant de laisser place à une averse, qui se changea rapidement en grêle.

D'énormes grêlons se mirent à tomber du ciel et les deux scientifiques durent se réfugier sous les arbres pour éviter d'être assommés.

— Mais qu'est-ce qui se passe ? Une aurore boréale à cette latitude ? Et de la grêle en plein été ? s'écria la jeune femme en posant ses mains sur sa tête pour essayer de se protéger.

Constant rentra Mimigal dans sa pokéball pour éviter qu'elle ne soit affaiblie par le froid et la glace avant de se tourner vers Pifeuil.

— Tu veux aussi rentrer ?

Le pokémon fit non de la tête et s'assit à côté de lui en serrant les poings, attendant avec détermination que cette averse étrange se calme pour continuer leur périple. Lucie l'observa, lui et son dresseur, avec méfiance.

Etait-ce Constant qui déteignait sur son pokémon ou Pifeuil qui influençait son maître ? En tout cas, ils semblaient tous les deux animés de la même intention belliqueuse. Lorsque Constant sortit le livre de son père pour se mettre à lire ses notes sur les changements climatiques, la géologue ne le trouva pas plongé dans sa lecture comme d'habitude. Normalement, il était dans un état d'absence total lorsqu'il lisait, et il oubliait absolument tout ce qui se passait autour de lui, comme s'il venait de passer dans un autre monde, celui des articles universitaires et de la recherche.

Mais à cet instant, Constant ne cessait de regarder autour de lui. Il lisait une phrase puis levait les yeux au ciel, scrutant quelque chose dans les nuages, avant de reprendre son arpentage de paragraphes, comme un aventurier consultant une carte. Il avait perdu son attitude fébrile de petit garçon toujours inquiet pour laisser place à une volonté froide et forte.

Au bout d'une heure de grêle, la tempête se calma et ils purent repartir vers Bourg-Palette. Ils n'arrivèrent au fond de la baie qu'en fin d'après-midi, alors qu'un spectacle étrange les attendait.

Des réfugiés. Ils étaient des centaines. C'était tous des nageurs et des pêcheurs qui s'étaient empressés de quitter les eaux troubles du Chenal n°21 reliant la baie continentale à Cramois'île.

— Comment est-ce qu'on va traverser ? se demanda Constant en arrêtant son vélo au port, face au défilé de nageurs blessés par la grêle qui étaient envoyés vers des camions sensés les amener aux centres hospitaliers les plus proches.

Au loin on pouvait entendre une jeune mère qui appelait désespérément son bébé perdu dans la foule. « Sacha ! Sacha ! Où es-tu ? » criait-elle en poussant les gens autour d'elle. Lucie sentit son cœur se serrer en voyant cette scène terrible et ferma les yeux en posant ses mains contre a poitrine. « Arceus, je t'en prie, fais que cette femme retrouve son enfant » se dit-elle malgré toute la rigueur scientifique et pragmatique qui l'animait d'habitude.

Dans le chaos étrange qui régnait sur le petit village côtier, la plupart des pokémons semblaient incontrôlables. Deux Doduo cavalaient sur le port à toute vitesse, poursuivis par des Caninos fous qui aboyaient dans tous les sens. Et dans le ciel, des nuées d'oiseaux et d'insectes quittaient le continent pour partir vers la mer.

— Là, regarde ! Un bateau ! cria Lucie aussi fort qu'elle le pouvait au milieu du brouhaha apocalyptique.

Elle désigna un magnifique paquebot à la coque blanche qui était amarré au port.

— Tu crois qu'ils vont oser prendre la mer ? s'interrogea Constant en descendant de son vélo et en approchant du colosse des mers.

— Je ne sais pas, on peut toujours essayer de parler au capitaine, souffla Lucie, sans pouvoir cacher sa surprise de voir son ami prêt à monter sur un bateau si rapidement.

— Je vais lui parler, déclara le jeune homme en partant avec Pifeuil d'un air sombre.

A quel moment était-il devenu si taciturne, se demanda Lucie en le voyant s'éloigner. Elle leva les yeux vers la proue du navire. Le St. Anne.

Alors qu'elle observait des Magneti qui volaient en cercle autour du bateau, elle vit une silhouette se pencher au-dessus du bastingage pour la regarder. C'était un homme d'une trentaine d'années, vêtu d'un épais treillis militaire vert, aux cheveux d'un blond jaune dressés sur sa tête comme s'il venait d'être électrisé.

Lucie resta paralysée face à lui, malgré la cinquantaine de mètres qui les séparaient. Il lui fallut le contact glacé d'une main pour la réveiller soudainement. Elle se retourna vivement vers celui qui venait de l'attraper par le bras et tomba sur Constant qui essayait de la tirer dans la foule.

— Qu'est-ce que tu attends ? J'ai pu négocier notre traversée ! Aller, monte !

Et il l'entraina à bord. 

Image: Pokémon La Grande Aventure

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