Chapitres 13: Chapitre 12

Chapitre 12 : Où l'on s'aperçoit que même les héros ont droit aux vacances.

La lumière l'entourait de toutes parts, elle ne pouvait pas même essayer de soulever une paupière tant elle était forte. Mais elle n'avait pas peur, elle savait que cette lumière dorée était bénéfique, qu'elle la protégeait. Elle se sentait bien, comme blottie dans un cocon de chaleur et de sécurité. Quelque part au fond de sa conscience, elle sentait quelque chose qui tentait de s'affirmer, qui cherchait à capter son attention.

Mais c'est à ce moment que la lumière se mit brutalement à baisser pour finir par s'éteindre tout à fait, la laissant dans un abîme d'obscurité et de néant. Elle ne sentait même plus les bras forts qui la soutenaient un instant auparavant, plus rien. Plus rien d'autre que ce ricanement incessant qui prenait enfin possession de son esprit.

Elle aurait voulu crier, hurler pour que tout s'arrête, pour que la lumière revienne, mais elle avait beau ouvrir la bouche, rien ne sortait de sa gorge engourdie. Et les korrigans se rapprochaient, ils seraient bientôt assez près pour qu'elle puisse sentir leurs morsures sur sa chair, et ils commenceraient à la dévorer…

'Non ! Non !'

" Lily !… "

Le murmure la fit tressaillir, mais elle n'eut pas la force de relever la tête pour y répondre. Elle avait trop peur. Les ricanements devenaient sans cesse plus proches. La voix reprit un peu plus haut, cherchant à la faire réagir, à la faire sortir de son apathie.

" Lily ! "

'Professeur Davies ?' pensa-t-elle anxieusement.

" Lily, réveille-toi ! Tu m'entends ? "

'Non, pas le professeur…' se dit-elle, et elle osa soulever ses paupières.

Elles lui semblaient si lourdes…

" James ? "

Et soudain l'obscurité s'évanouit, laissant place à une lumière crue qui lui fit mal aux yeux. Disparus également, les rires malsains qu'elle entendait au loin. Au lieu de ça, des pépiements d'oiseaux l'accueillirent dans le monde conscient. A mesure qu'elle revenait à elle, le visage de James au-dessus d'elle se fit plus précis. Ses cheveux bruns étaient plus en bataille qu'elle ne les avait jamais vus, et ses yeux noisette brillaient d'inquiétude. Ses yeux ? Tiens, d'ailleurs, où étaient passées ses lunettes ?

" Eyh, ça va ? " demanda-t-il. " Tu m'as fait peur, à t'agiter comme ça… "

Lily jeta un coup d'œil encore brumeux autour d'elle, achevant de se réveiller tout à fait. Les pépiements d'oiseaux venaient d'une fenêtre ouverte à quelques mètres de là, ainsi que la lumière du jour qui se réverbérait sur les murs blancs de l'infirmerie. Quant aux lunettes de James, elles étaient posées sur une table de chevet non loin du lit où elle était elle-même allongée.

" Oui, oui " marmonna-t-elle. " C'était juste un cauchemar. "

" Oh oui, ça, j'avais cru deviner, figure-toi " répliqua-t-il d'un ton moqueur.

Il se tut sous l'ombre de regard assassin qu'elle lui lança, puis se rassit en soupirant sur le bord du lit.

" Excuse-moi, je crois que j'ai les nerfs un peu à vif… "

Elle lui jeta un coup d'œil incrédule tout en se redressant à son tour.

'C'est moi où il vient de me faire des excuses ?'

Laissant temporairement le problème de côté, elle fit du regard le tour de la salle où ils se trouvaient et ses yeux s'arrêtèrent sur les rideaux fermés d'un lit un peu plus loin. Des bribes de souvenirs lui revinrent comme des profondeurs de sa mémoire, vagues comme s'il avait s'agi d'un rêve. Elle se rappela le beuglement de Hagrid alors qu'il allongeait leur professeur inerte sur ce même lit, le cri aigu de Mme Pomfresh qui s'était ensuivi. Elle se souvint que ses jambes ne pouvaient plus la porter, que quelqu'un l'avait prise dans ses bras et déposée sur un second lit, et lui avait murmurée des mots rassurants. Alors elle s'était endormie.

" Il ne s'est toujours pas réveillé " dit James, interrompant ses pensées.

Lily lui jeta un coup d'œil, et s'aperçut qu'il avait suivi son regard et fixait également les rideaux blancs.

" Mme Pomfresh refuse qu'on aille le voir " ajouta-t-il d'une voix atone.

C'est à ce moment seulement qu'elle remarqua les cernes qui marquaient le visage du jeune Gryffondor.

" Tu n'as pas dormi ? " s'enquit-elle.

" J'ai essayé, mais je n'y arrivais pas " confessa-t-il d'une voix étranglée. " Je n'arrêtais pas d'entendre ces ricanements dans ma tête, et puis après, quand il s'est effondré… "

Sa voix lui fit brutalement défaut et James se tut, la tête baissée. Lily se contenta d'acquiescer. Cela aussi, elle se rappelait.

Les cris rageurs, les hurlements de colère, les piétinements obstinés, puis enfin, après une éternité, un sifflement général de dépit, un bruit de pas traînants, les pas d'enfants boudeurs, qui s'éloignaient. Il avait encore fallu un long moment avant que le silence ne revienne. Alors la lumière avait commencé à baisser. D'abord timidement, comme méfiante, puis soudain, comme à bout de forces, avec un empressement affolant. Les sigles sur le tronc d'Arbre de Lune avaient semblé s'éteindre tous d'un seul coup.

Avec circonspection, Lily avait ouvert les yeux, mais les ricanements n'étaient pas revenus. La nuit dans la Forêt Interdite était parfaitement calme et silencieuse. C'était le cri d'horreur de James qui l'avait rompu. Hagrid s'était relevé d'une secousse et avait poussivement couru vers le corps inanimé de l'homme aux longs cheveux noirs qui gisait dans l'herbe de la clairière, sa robe pourpre en lambeaux et…

Deux doigts claquèrent devant les yeux de Lily et elle revint brutalement à la réalité.

" Pas la peine de repenser à ça, Lily " dit sévèrement James. " C'était assez de le vivre une seule fois… "

Malgré la nouveauté de la lueur sérieuse dans les yeux du Gryffondor, Lily ne put qu'être d'accord. Un moment de silence régna dans l'infirmerie à l'atmosphère sereine, avant que Lily ne reprenne doucement la parole :

" Tu as remarqué ? "

" Quoi donc ? " grogna l'adolescent sans la regarder, le visage enfoui dans ses mains.

" On s'appelle par nos prénoms… "

James releva vivement la tête et la fixa d'un regard étonné qui lui arracha malgré elle un gloussement.

" J'en conclus que tu n'avais pas remarqué. "

James fronça les sourcils en constatant qu'elle se moquait de lui, puis sourit, considérant manifestement ça comme de bonne guerre. Il vint à Lily la pensée incongrue qu'il était plutôt mignon sans ses lunettes… Les bruits de vive discussion qui leur parvinrent à cet instant empêchèrent heureusement James d'apercevoir la teinte rosée que prenaient ses joues, puisqu'il tourna immédiatement la tête vers la porte de l'infirmerie.

" Ah ! " annonça-t-il avec un sourire. " Ne serait-ce pas là la voix de Sirius quand il fait du charme à notre chère infirmière ? "

Lily tendit à son tour l'oreille et distingua en effet la voix du Maraudeur en mode cajoleur. La distance ne leur permettait pas d'entendre ce qu'il disait, mais la réponse de Mme Pomfresh fut parfaitement claire :

" Non, non et non ! Ils ont besoin de repos et je ne veux pas que vous… "

Une autre voix, féminine celle-là, l'interrompit. James jeta un coup d'œil interrogatif à Lily.

" Anderson ? " murmura-t-il pour ne pas couvrir le reste de la conversation.

Lily ne dit rien, mais il lui avait bien semblé reconnaître la voix de son amie. Le silence se réinstalla un moment derrière la porte et ils purent presque voir l'infirmière jauger d'un regard acéré les adolescents devant elle. Finalement, elle abandonna :

" Bon, très bien ! Puisque vous semblez si décidés… Mais seulement dix minutes ! Et ne faites pas de bruit ou je vous mets à la porte ! "

Un vague chœur d'assentiment retentit et, l'instant d'après, la porte s'ouvrit vivement, une flèche traversa la salle et deux bras s'agrippèrent au cou de James, le faisant subitement basculer en arrière.

" Sirius ! T'es lourd ! " parvint à souffler le jeune Gryffondor tout en tentant de respirer malgré l'étreinte.

" James ! Tu vas bien ? " s'exclama l'intéressé sans faire mine d'avoir entendu.

" Mr Black ! " s'offusqua immédiatement l'infirmière. " Veuillez baisser le ton, je vous prie ! "

Craignant manifestement qu'elle ne le contraigne à sortir, le Maraudeur prit aussitôt une mine repentante et lui jeta un regard désolé. James en profita pour finalement se dégager et se rassit sur le bord du lit. Plus lentement que Sirius, les deux autres Maraudeurs s'approchèrent à leur tour, suivis de près par les trois amies de Lily. Calmement, les nouveaux venus tirèrent des chaises ou s'installèrent à terre près du lit. Après leur avoir à tous jeté un coup d'œil méfiant, Mme Pomfresh sortit enfin.

Aussitôt, Anna se tourna vers Lily :

" Alors ? Qu'est-ce qui vous est arrivé cette fois ? "

Mal à l'aise, James et Lily échangèrent un regard.

" On ne vous a rien dit ? " s'enquit James.

" Dumbledore a juste dit que vous aviez eu un accident dans la Forêt Interdite, mais que vous alliez bien " répondit July.

" Mais ça n'a pas empêché Sirius de monter aussitôt sur ses grands chevaux " ajouta nonchalamment Peter.

Sirius lui jeta un regard noir, puis reprit d'un ton taquin :

" En tout cas, il vous arrive beaucoup de choses dès que vous êtes ensemble, tous les deux… "

" Sirius ! " s'exclama James en se redressant violemment.

Lily envoya un regard assassin à l'adolescent qui s'en contrefichait royalement, occupé qu'il était à glousser de leur réaction. James se fit manifestement violence pour ne pas lui hurler quelque chose au visage, plus par crainte de l'infirmière qu'autre chose, puis un grand sourire sadique apparut sur son visage. Sirius eut le malheur de ne pas s'en apercevoir avant que son meilleur ami ne lui saute dessus et ne se mette à le chatouiller impitoyablement.

" Il a tout du chien qui se roule par terre " fit remarquer Anna, l'air pas plus secoué que ça, en le regardant se tortiller au sol en gloussant pour éviter les attaques de James, en vain.

" Va te faire foutre, Anderson " réussit-il à hoqueter quand le second Maraudeur le lâcha pour se rasseoir d'un air satisfait.

Eloïse s'éclaircit la gorge de cet air qui voulait clairement dire : " je m'interroge sur leur santé mentale à tous deux mais comme ça ne me regarde pas, je ne poserais pas la question tout haut " pendant que July se penchait sur Sirius, qui essayait toujours de reprendre sa respiration, avec l'expression méfiante mais malgré tout intriguée d'une biologiste qui a horreur des serpents mais ne peut pas s'empêcher de les trouver intéressants.

Son examen prit rapidement fin quand Sirius trouva approprié de se redresser vivement en la regardant droit dans les yeux, un sourire amusé au coin des lèvres. Avec un petit cri, July bascula de sa chaise et atterrit au sol près d'Anna, qui haussa à peine un sourcil.

" Alors ? " relança Sirius comme si toute leur petite scène n'avait pas existé. " Vous ne nous avez toujours pas raconté… "

" Moins fort, Sirius ! " intervint Rémus à mi-voix. " Tu veux qu'elle nous fasse sortir ? "

Sirius lui jeta un regard à peine moins sombre que les jours précédents, mais demanda d'une voix un peu plus basse :

" De toute façon, je ne vois pas pourquoi elle veut qu'on baisse la voix. Il n'y a personne d'autre ici… "

Les sept autres se retournèrent de façon subjective vers les rideaux tirés à l'autre bout de la pièce.

" Oh… " émit Sirius, pris de court. " C'est qui ? " demanda-t-il à James et Lily.

La jeune fille ouvrit la bouche pour répondre, mais la main de James l'en empêcha promptement.

" T'es folle ? " s'exclama-t-il. " Pas de cette manière-là ! "

Lily le fixa comme si c'était lui, le fou.

" Tu connais plusieurs moyens de parler, toi ? "

" De parler, j'en sais rien, mais ce que je sais c'est qu'il y a plusieurs manières de traiter un Sirius Black " répliqua-t-il solennellement. " Soit tu lui sors tout sans te soucier des conséquences et ça a toutes les chances de te péter à la figure, soit tu tiens à garder tes tympans intacts et tu y vas avec des pincettes. "

" Hey ! " s'offusqua Sirius.

Parfaitement formés pour gérer ce genre de situation, Rémus et Peter se placèrent mine de rien de chaque côté de lui et lui saisirent chacun un bras sans tenir compte de ses virulentes protestations.

" Mais c'est quoi ça ? Qu'est-ce que t'as, James ? " s'agita-t-il inutilement.

" Vas-y, James, on est parés " annonça très sérieusement Rémus, approuvé d'un signe de tête par Peter.

" Voilà " commença le quatrième Maraudeur. " On n'était pas tous seuls quand on a eu ce petit " accident " dans la forêt. En fait… "

" Accouche ! " s'ulcéra Sirius.

" C'est Davies. "

Il y eut un instant de profond silence, avant que Rémus et Peter ne s'aperçoivent qu'ils avaient fait une grosse erreur : ils n'avaient plus de mains libres pour bâillonner Sirius. Fort heureusement, Eloïse remédia à leur problème.

" Ouf ! " souffla Rémus par-dessus les onomatopées étouffées que produisaient Sirius. " Merci, McDonald. "

" Je t'en prie. Après tout nous aussi, on risque d'être virées. "

" C'est ça que tu appelles " y aller avec des pincettes ? " " demanda Lily à James.

Le Gryffondor préféra ne pas répondre.

" Pfiouu ! " souffla James en s'affalant sur sa table de travail. " Vivement les vacances. "

" Tais-toi un peu, Potter " siffla Lily. " Et bosse ! "

" Tiens ! Ce n'est plus " James " ? " se moqua le Gryffondor. " Je suis vexé, Lily, vraiment… "

La jeune fille leva les yeux au ciel et rejeta ses cheveux en arrière pour se pencher à nouveau sur son travail sans un mot de plus. Tous deux se trouvaient dans la salle de classe de Potions, occupés à trier les ingrédients de la réserve du Professeur Brouet. La pièce où ils étaient remisés était un véritable capharnaüm quand ils y étaient entrés pour la première fois, heureusement, au bout de deux soirées de détention, ils commençaient à en voir le bout. Ce qui n'empêchait pas Lily de rejeter régulièrement avec une grimace de dégoût des produits périmés depuis belle lurette.

" Je crois que je préférais encore la Forêt Interdite " dit à nouveau James au bout d'un moment. " Tu crois que Davies va bientôt revenir ? "

Lily soupira et se résigna à lui répondre.

" Je pense que oui, Mme Pomfresh a dit qu'il allait s'en tirer. "

Ils frissonnèrent tous deux à la pensée que leur professeur aurait pu laisser la vie dans cet incident.

" James ? "

" Ah, tu me fais à nouveau l'honneur de m'appeler par mon prénom ? " railla-t-il.

Lily l'ignora et reprit :

" Je te trouve bien bavard, ce soir. "

Il y eut un petit silence avant que James ne soupire et pose le bocal qu'il tenait.

" Bah, j'imagine que je me rattrape. C'est toujours pas la joie entre Sirius et Rémus. "

Lily lui jeta un coup d'œil acéré. Evidemment, elle avait remarqué comme tout le monde que l'atmosphère était toujours aussi lourde chez les Maraudeurs.

" Mais qu'est-ce qu'ils ont, à la fin ? "

" Tu me crois si je te dis que je n'en sais rien ? "

Cette fois, elle se retourna franchement et le fixa d'un air étonné.

" Je croyais que les Maraudeurs se disaient tout ! "

" C'est ce que je croyais aussi. "

James ne la regardait pas. Renversé dans sa chaise, il fixait le plafond d'un air las.

" Enfin " ajouta-t-il en se redressant et en retournant à sa bile de lézard. " 'Plus qu'à espérer qu'ils finiront par se calmer. Qu'est-ce que tu fais pour Noël ? " changea-t-il de sujet. " Enfin, tu rentres chez toi, mais vous avez prévu quelque chose de… "

" Je ne rentre pas chez moi " coupa-t-elle d'un ton polaire.

James arrêta net son mouvement et prit à son tour un air dérouté.

" Quoi ? Mais pourquoi ? Tu l'as toujours fait jusqu'à maintenant alors… "

" Eh bien, pas cette année " interrompit-elle à nouveau d'un ton catégorique.

Il était évident qu'elle n'avait pas envie de poursuivre la discussion, pourtant James se risqua à poser une dernière question :

" Ce n'est pas toi qui l'as décidé ? "

Lily lui jeta un coup d'œil perplexe, fronçant les sourcils.

" Je veux dire, tu n'as pas toi-même décidé de rester pour étudier à la bibliothèque, ou ce genre de choses ? " développa-t-il.

Elle le fixa un moment, puis avoua en se retournant :

" Non. "

Ce fut tout. James ne posa pas d'autres questions, et Lily ne fit pas mine de reprendre la discussion. Le reste de la détention se passa dans le silence, les laissant chacun à leurs pensées. Quand enfin le Professeur Brouet vint les renvoyer, ils retournèrent à la tour de Gryffondor sans échanger un mot de plus et se quittèrent sur un vague " Bonne nuit ". Une fois blottie dans son lit, Lily se maudit d'avoir été aussi bavarde.

'Mais qu'est-ce qui m'a pris ?' se réprimanda-t-elle. 'Ce n'est pas comme si ça le regardait, de toute façon. Je n'aurais jamais dû lui parler de ça…'

Et elle se retourna d'un mouvement agacé pour chercher le sommeil. De l'autre côté de la tour, dans le dortoir des garçons, James se décida finalement et s'empara d'une feuille de parchemin et d'une plume.

Harry se réveilla au son d'une voix bourrue familière.

'Hagrid ?' songea-t-il, l'esprit encore embrumé de sommeil. 'Impossible, il est mort !'

" J'vais pas rester longtemps, M'dame " disait le demi-géant. " J'vous promets, j'veux juste voir comment y va. "

" Très bien, Hagrid " capitula une voix féminine. " Mais faites attention à ne pas le réveiller. L'Auror Davies a perdu beaucoup d'énergie, dormir ne peut que lui faire du bien. "

L'Auror Davies ? Le nom finit par le propulser hors de son hébétude d'épuisement et la mémoire des derniers mois lui revint. Qu'est-ce qui lui était tombé dessus pour qu'il se retrouve encore à l'infirmerie ? Car c'était bien la voix de Mme Pomfresh qu'il avait entendu tout à l'heure… Ah oui, les korrigans. James, Lily… Comment allaient-ils d'ailleurs ?

Des pas lourds se rapprochèrent de son lit et il entendit le bruissement des rideaux que l'on repousse sur le côté, suivi du grincement d'une chaise sous le poids considérable du Gardien des Clés et des Sceaux de Poudlard. Harry ne s'autorisa aucun mouvement avant d'avoir retrouvé la perception complète de son corps, qui s'avéra bien assez pénible : une fatigue extrême s'était emparée de chacun de ses membres et il se sentait comme enfoui dans une montagne de coton. Ce n'était pas sans lui rappeler un certain jour de juin où il s'était réveillé d'un coma de deux semaines.

Quelle ironie ! Comparer une bande de korrigans à Voldemort… Si Harry avait été capable de mettre plus tôt un nom sur la menace qu'il avait ressentie dans l'air, il s'en serait certainement tiré avec une potion de régénération d'énergie. Malheureusement, il n'avait jamais eu l'occasion de relever les signes indiquant le déplacement d'une bande de ces créatures et avait été obligé de recourir à une magie elfique qu'il maîtrisait très mal.

Le sort avait eu pour effet de le connecter momentanément à une sorte de conscience supérieure que seuls les elfes avaient développée envers les forêts. N'étant pas un elfe, Harry avait les plus grandes difficultés à comprendre seulement le concept de cette sorte de sixième sens qui permettait au peuple des bois, à force de concentration, de percevoir tout ce qui se passait dans leur milieu de vie avec une grande netteté, depuis la mise à bas d'une licorne jusqu'au déplacement d'une fourmi.

Fort heureusement, les elfes de la Forêt Interdite se trouvaient ce soir-là à l'affût car ils savaient que quelque chose de rare devait se produire. Sitôt que Harry eut commencé à tisser le sort, ils l'avaient repéré et mis en garde avec empressement qu'il se trouvait dans la région de la forêt la plus dangereuse.

Une grosse main calleuse vint se poser sur la sienne, interrompant ses pensées, puis un énorme soupir souleva les mèches qui couvraient son front.

" J'suis désolé, professeur " murmura Hagrid, d'une voix tellement plus basse que le volume habituel de ses chuchotements que Harry dut presque tendre l'oreille pour l'entendre. " J'sers vraiment à rien. J'rais dû comprendre qu'c'était des korrigans. Et j'pouvais même pas vous aider ! "

Il y eut un son étrange qui rappela désagréablement à Harry les sanglots de son ami lorsqu'il avait appris la mort d'Hermione. L'Auror sentit le rythme de ses battements de cœur s'affoler sensiblement. James et Lily n'avaient pas été blessés, n'est-ce pas ?

" L'Professeur Dumbledore 'rait mieux fait d'me laisser m'débrouiller, tiens. A quoi j'sers com' gardien d'Poudlard ? J'peux pas utiliser la magie, et y a tellement de personnes qui voudraient me virer s'ils savaient c'que j'suis vraiment… Un d'mi-géant à Poudlard ! Et les géants sont du côté d'Vous-Savez-Qui, 'videmment ! "

Harry comprit que son ami ne s'adressait même plus à lui. Il se contentait d'exprimer ce qu'il ressentait depuis longtemps déjà, et ce que son peu d'utilité durant l'incident dans la forêt n'avait fait que confirmer. La main sur la sienne tremblait au rythme des sanglots qui agitaient le corps massif, et Harry se maudit de n'avoir pas accordé plus d'attention à son ami demi-géant depuis qu'il était arrivé dans ce monde. Il était temps de réparer ça, et plus que temps.

" A quoi j'sers ? " répéta Hagrid d'une voix rendue presque inaudible par les larmes.

Harry tourna doucement son visage vers lui, puis, sans tenir compte de la lourdeur de ses membres, posa sa seconde main sur celle du garde-chasse de Poudlard, qui l'accueillit par un hoquet de surprise.

" A quoi sert un atout caché dans une partie de cartes cruciale ? " répondit-il doucement.

Harry se risqua à ouvrir les paupières malgré les protestations récalcitrantes de ses muscles engourdis, et scruta le visage rouge et humide devant lui. Au-dessus de la barbe luisante de larmes, les yeux brillants de Hagrid le fixaient.

" A quoi sert une baguette là où l'on ne voit qu'un parapluie ? A quoi sert une résistance de géant là où on n'attend que du sang humain ? Avez-vous oublié le pouvoir du secret, Hagrid ? Dans un bras de fer comme celui que nous jouons aujourd'hui, chaque secret que nous parvenons à garder peut se révéler salvateur. Croyez-moi, vous disposez d'un potentiel bien plus grand que vous ne le pensez. "

Harry se souvint de cette nuit où, du sommet de la tour d'Astronomie, il avait vu Hagrid se jeter sur ses assaillants avec une fureur qu'il n'avait jamais observé jusque là chez le paisible demi-géant. Les corps des employés du Ministère avaient volé haut, cette nuit-là.

" Par-dessus tout, Hagrid " reprit-il, " vous êtes un homme profondément bon, et quiconque dirait le contraire en se fondant sur vos origines serait non seulement un menteur, mais encore un fieffé crétin. "

Là-dessus, Harry se détourna et ôta ses mains de celles du demi-géant pour s'étirer précautionneusement, ce qui ne l'empêcha pas de pousser un grognement de douleur en sentant ses muscles protester plus violemment que jamais. A côté de lui, Hagrid profita de ce qu'il ne le regardait pas pour sortir son mouchoir et se moucher bruyamment, avant de s'essuyer la figure.

" 'Scusez-moi, professeur " dit-il d'un ton humble. " J'voulais pas vous réveiller. "

" Cessez de vous excuser à tout bout de champ, mon ami. Vous n'y êtes pour rien " rétorqua-t-il en s'asseyant lentement.

Il y eut un moment de silence que Harry ne se résigna pas à rompre, sentant confusément que Hagrid avait encore quelque chose à dire. Finalement, le garde-chasse se racla la gorge et demanda presque timidement :

" Vous… Vous n'direz rien, pas vrai ? "

" A propos de votre " généalogie ", vous voulez dire ? " répondit Harry. " Certainement pas ! Je vous l'ai dit, les secrets ont un énorme poids par les temps qui courent. "

Hagrid hocha la tête, manifestement rassuré, puis ajouta, comme par une arrière-pensée :

" Et… hum… quand à mon parapluie… "

Harry éclata d'un rire joyeux et fit un geste désinvolte de la main :

" Il n'y a absolument rien de bizarre à ce que vous emmeniez votre parapluie dès que vous sortez dans la Forêt Interdite, Hagrid. Après tout, le temps change très vite en Angleterre. "

Hagrid le rejoignit dans son rire, puis tapota maladroitement sa main.

" Merci, professeur " dit-il finalement.

Harry lui sourit, puis serra la grosse main dans la sienne.

" De rien, mon ami. "

Cette fois, Hagrid réagit au terme " mon ami " et lui jeta un regard interrogateur, puis, rencontrant ses yeux, il hocha la tête avec hésitation, puis avec plus de franchise, et sourit en retour. C'est à ce moment précis que les rideaux blancs s'ouvrirent vivement devant l'infirmière en chef de Poudlard.

" Mais qu'est-ce que… Ah ! " s'exclama-t-elle en s'apercevant que Harry était assis et parfaitement alerte. " Hagrid ! Je vous avais dit de ne pas le réveiller ! "

Le temps que le demi-géant bredouille quelques excuses, Mme Pomfresh était déjà partie en coup de vent. Elle revint un instant plus tard avec un gobelet de potion verdâtre fumante, et se mit en devoir de chasser le Gardien des Clés et des Sceaux de Poudlard.

" Vous pourrez parfaitement le voir quand il ira mieux ! " affirma-t-elle en le reconduisant autoritairement à la porte.

" Euh… Bon… Très bien… Euh… " marmonna Hagrid, pris de court.

Il se retourna une dernière fois pour jeter un coup d'œil à Harry qui le salua d'un signe de la main et d'un sourire.

" A bientôt, Hagrid ! " lança-t-il.

" Ouais, 'bientôt professeur " répondit Hagrid avant de jeter un coup d'œil à Mme Pomfresh et de passer promptement la porte ouverte.

L'infirmière revint vers le lit avec la mine sévère qu'elle arborait pour les élèves turbulents, tendit son gobelet à l'Auror et attendit qu'il le vide. Harry grimaça au goût horrible de la mixture mais l'avala sans faire d'histoire, et fut récompensé par une diminution presque immédiate de la tension dans ses muscles.

" Vous feriez bien de vous reposer, maintenant " dit-elle d'un ton qui évoquait plus un ordre qu'un conseil.

Harry la regarda repasser les rideaux du lit et se retourner pour les fermer.

" Dites-moi, Mme Pomfresh " interpella-t-il alors qu'elle se détournait.

La jeune infirmière lui jeta un coup d'œil interrogateur.

" Comment vont Mr Potter et Miss Evans ? "

" Oh ! Parfaitement bien, ils sont sortis il y a deux jours. Maintenant, dormez ! " ajouta-t-elle d'un ton presque féroce.

Harry sentit un poids quitter sa poitrine, retint de justesse un soupir de soulagement, et ne put résister à la tentation de taquiner l'infirmière :

" Je pensais tout de même que vous aviez l'oreille plus fine que cela. Vous avez mis en certain temps à nous entendre, Hagrid et moi " fit-il remarquer comme pour lui-même.

L'infirmière lui jeta un regard indigné et se retourna avec un " Humph ! ", mais Harry avait eu le temps de voir ses joues rougir.

'Ah, Pompom, ce n'est pas bien d'écouter aux portes, ça ne l'est pas non plus d'écouter aux rideaux' songea-t-il avec amusement, avant de se recoucher et de laisser la potion agir.

James attendit la fin de leur dernière détention pour se décider à parler à Lily. Le Professeur Brouet venait d'examiner leur travail et avait donné un vague assentiment, ce qui était déjà beaucoup puisqu'elle devait très probablement chercher à mémoriser où se trouvait maintenant chaque ingrédient pour ne pas avoir à se creuser la tête en les cherchant plus tard. Toujours est-il qu'ils se trouvaient maintenant tous deux dans le couloir en direction de la tour de Gryffondor.

" Ouf ! " souffla James. " Pas mécontent que ce soit fini. Et dire que Davies n'est toujours pas sorti de l'infirmerie… "

" Il y a des rumeurs qui disent qu'il s'est réveillé ce matin " répondit Lily.

" C'est vrai ? " s'enthousiasma-t-il. " C'est Sirius qui doit être heureux… Dommage que le départ en vacances soit après-demain, on ne le reverra pas avant la rentrée. "

" Moi, j'aurais tout le loisir de le voir " fit-elle remarquer.

" Tu ne crois pas qu'il part en vacances, lui aussi ? "

" Ca m'étonnerait, il est assigné à la défense de Poudlard. "

" Hum… "

James ne dit rien pendant un moment, puis reprit prudemment :

" Lily, je… enfin… "

La jeune fille lui jeta un coup d'œil méfiant : ce n'était pas tous les jours qu'on voyait James Potter bégayer. S'apercevant de son regard, il lâcha tout de go :

" Tu peux venir chez moi pour les vacances, si tu veux. "

Lily s'arrêta net et le fixa comme s'il lui était soudain poussé des cornes de cerf sur la tête.

" Je te demande pardon ? "

" Ne fais pas cette tête là, Lily. Tu n'as pas l'air si heureuse que ça de rester à Poudlard, et puisque tu ne peux pas rentrer chez toi, je me suis dit que ça t'intéresserait. Si je me suis trompé, alors tant pis " dit-il d'un ton presque acide.

Lily le soupesa du regard pendant qu'il se détournait et reprenait son chemin.

" Qu'est-ce qui me dit que tu ne cherches pas encore à m'embobiner, Potter ? "

James stoppa net et se retourna vers elle.

" J'ai essayé de te draguer cette année ? " demanda-t-il d'un air exaspéré.

Lily plissa les yeux et y réfléchit quelques instants. Prenant son silence comme réponse, il continua :

" Alors explique-moi pourquoi je m'y remettrais tout d'un coup ? "

" Un sursaut de virilité, peut-être ? " suggéra-t-elle innocemment.

" Très drôle, Evans " siffla-t-il, puis il se retourna à nouveau.

" Et tes parents ? " demanda-t-elle d'un ton désinvolte en le suivant.

" Je leur ai écrit hier soir. Ils sont d'accord " dit-il laconiquement.

" Tu leur as demandé sans même savoir si je… "

" J'ai juste demandé la permission de te le proposer " s'agaça-t-il. " Bon sang, Evans, ne sois pas aussi parano ! Je n'essaye pas de te demander en mariage, que je sache ! "

" Encore heureux " murmura-t-elle, dédaigneuse.

James renifla mais n'ajouta rien.

" De toute façon, je ne peux pas vous gêner " conclut-elle. " Noël est une fête de famille. "

James se retint de lui demander ce qui clochait avec sa famille à elle, et laissa à la place un ricanement s'échapper de ses lèvres.

" Tu plaisantes ? Sirius est déjà passé par là, et il n'a pas cessé de leur marteler que tu étais, je cite, " la femme idéale pour moi ", fin de la citation. En bref, ma mère meure d'envie de te connaître et je ne compte plus les plaisanteries de mon père là-dessus… "

" Tu plaisantes ? " demanda Lily, estomaquée.

" Pas aujourd'hui, désolé. Mais j'aimerais bien, crois-moi… Première neige " annonça-t-il à la Grosse Dame somnolant dans son cadre, qui marmonna un vague " Aussi tôt dans la saison ? " et leur ouvrit le passage.

" J'aimerais dire deux mots là-dessus à Black " gronda-t-elle en franchissant la porte.

Le portrait se referma et James se tourna vers elle avec un air désabusé :

" Crois-moi, ça n'y changerait rien. Je lui en ai déjà " parlé " un certain nombre de fois et il n'y a pas moyen de lui faire lâcher le morceau. Enfin bref, puisque tu ne veux pas, pas la peine de s'étendre là-dessus " conclut-il en se dirigeant vers l'escalier qui menait au dortoir des garçons.

" Euh… James ? " le rappela Lily, prise d'une soudaine impulsion.

James attendit la suite en s'interrogeant sur sa facilité à passer de " Potter " à " James " sans aucun état d'âme.

" Je ne suis pas sure que mes parents seraient d'accord " murmura-t-elle d'un ton hésitant.

James lui fit de nouveau face, comprenant qu'elle pesait le pour et le contre de sa proposition.

" On part dans deux jours " lui rappela-t-il. " Si tu envoies une lettre par hibou express le plus tôt possible, la réponse peut te revenir largement à temps. "

Il l'observa qui jugeait sa suggestion, puis sembla la trouver bonne.

" Seulement, Lily ? " rappela-t-il d'un ton sérieux.

La jeune fille le fixa d'un air interrogatif.

" Dis-toi bien que tu serais sûrement moins bien protégée chez moi qu'à Poudlard. Nous ne disposons pas de toutes les protections qu'il y a ici, et ma famille a toujours fait une cible intéressante pour les Mangemorts. "

Lily le fixa un instant, étonnée par sa franchise. James se surprit à espérer que cela ne la découragerait pas, et que ses parents accepteraient qu'elle quitte Poudlard. Il n'avait vraiment pas envie de la savoir seule ici pour toutes les fêtes.

" Vous avez quand même des protections, non ? " demanda-t-elle, et James ne reconnut que de la curiosité dans sa voix.

" Oui, évidemment " répondit-il en haussant les épaules. " Toutes les familles de sorciers en ont, et comme nous ne sommes pas vraiment à l'abri de toutes attaques, les nôtres sont assez fortes. Mais mes parents ont quand même demandé de l'aide pour les vacances. "

" De l'aide ? Qu'est-ce que tu veux dire ? "

" Dans la même lettre où ils m'ont permis de t'inviter, ils m'ont annoncé que quelqu'un allait venir pour les fêtes afin d'assurer notre protection. Je ne sais pas pourquoi ils ont décidé de prendre un surcroît de précautions, tout d'un coup, mais ils ne me parlent pas de tout " dit-il en haussant les épaules. " En tout cas, puisqu'ils m'ont accordé leur permission, c'est qu'ils pensent quand même qu'il n'y a pas trop de risques. "

Il y eut un instant de silence, et James dut se retenir de joindre les mains pour prier qu'elle vienne.

'Ca va vraiment mal, mon pauvre James' se dit-il, affligé.

" Je vais leur écrire " reprit subitement Lily.

James hocha la tête et lui sourit :

" Comme tu voudras " dit-il avant de repartir vers son dortoir.

" James ! "

" Hum ? " demanda-t-il en jetant un coup d'œil par-dessus son épaule.

" Merci. "

" Euh… Je t'en prie " parvint-il à articuler, pris de court.

Lily ne dit rien de plus et partit se coucher, le laissant seul dans la Salle Commune.

Lorsque Harry ouvrit les yeux, la lumière du jour se déversait à flots par les grandes fenêtres de l'infirmerie.

'Je passe vraiment trop de temps dans cette salle' se réprimanda-t-il vaguement. 'Je finis par la connaître par cœur… encore plus que le bureau d'Albus, d'ailleurs.'

Un coup d'œil circonspect lui apprit que Pompom ne se trouvait pas dans les parages immédiats. Le plus silencieusement possible, il entreprit de se lever et de revêtir ses habits qui l'attendaient sur une chaise à proximité. Il en était à pester contre ses cheveux longs qui auraient eu bien besoin d'un coup de peigne quand l'infirmière entra finalement. Elle l'eut à peine aperçu qu'elle s'immobilisa, les poings sur les hanches :

" Harry Davies ! " s'offusqua-t-elle. " Où croyez-vous aller comme ça ? Il est hors de question que vous sortiez ! "

" Navré, très chère infirmière " répliqua-t-il en enfilant ses bottes. " Mais il se trouve que je dois prendre le Pouldard Express aujourd'hui. "

Pompom le fixa d'un air sceptique :

" Vous ne restez pas à Poudlard pour les fêtes ? "

" Eh non, j'ai demandé un congé exceptionnel. Thomson et O'Brien resteront tous deux ici, cela sera largement suffisant pour protéger le peu d'élèves qui ne rentrent pas chez eux. Vous n'auriez pas une brosse à cheveux à me prêter, par hasard ? " ajouta-t-il en désignant les longues mèches qui s'entremêlaient dans son dos.

L'infirmière ne bougea pas et le fixa d'un air de gorgone.

" Vous n'allez certainement pas sortir de cette infirmerie aujourd'hui ! Vous pourrez toujours quitter l'école plus tard, mais je ne… "

" Non, non " refusa Harry d'un signe de tête. " Je dois partir aujourd'hui même, Mme Pomfresh. Cas d'urgence. "

Harry finit par mettre la main sur sa baguette et tira promptement partie de ses cours de Transformation : un instant plus tard, une brosse à cheveux se tenait en lieu et place de sa lampe de chevet. Pompom le regarda faire avec désapprobation, mais Harry ne savait même plus si elle était toujours opposée à son départ ou si elle déplorait la perte d'une de ses lampes. Au cas où, il prit note de retransformer la brosse dès qu'il en aurait fini avec elle.

" Le directeur est-il au courant ? " finit-elle par grogner.

" Bien sûr " assura Harry, " et il a donné sa permission. "

" Mais c'était avant que vous ne soyez blessé ! " rétorqua-t-elle d'un ton agacé.

" Je ne suis pas blessé, Pompom — au fait, je peux vous appeler Pompom ? — juste un peu fatigué. "

" Fatigué ? " cria-t-elle d'incrédulité. " Vous aviez perdu les deux tiers de votre énergie magique et… "

" Vous me sous-estimez, Pompom " fit-il mine de se vexer. " Je vous assure que je dispose de bien plus de ressources que cela. Autrement, je ne me serais certainement pas réveillé au bout de deux jours. Donc, vous voyez, je ne vais pas m'écrouler après trois pas. "

Pompom le fixa comme si elle n'en croyait pas ses oreilles, puis parut se reprendre.

" Dites ce que vous voudrez, un simple rituel de repousse-korrigans n'aurait pas dû vous laisser dans un état pareil " dit-elle.

Harry se contenta de hausser les épaules et agita sa baguette en direction de sa brosse à cheveux flambant neuve. L'infirmière eut un reniflement en voyant sa lampe de chevet reprendre forme, arborant nouvellement deux ou trois poils de sanglier dressés sur l'abat-jour. Harry prit un air gêné.

" Nul n'est parfait " marmonna-t-il en étudiant le nouvel abat-jour.

Pompom s'empara de sa baguette au moment où il la levait de nouveau.

" D'accord ! Vous pouvez sortir ! " s'exclama-t-elle, exaspérée.

" Vous êtes sûr ? " demanda Harry, faussement perplexe.

" Oui ! Je n'ai absolument pas besoin de voir une de mes lampes de cheveux… euh, je veux dire, de chevet, disparaître au profit d'un sanglier ! Maintenant, dehors ! "

Le soudain affaissement du dossier de son fauteuil convainquit James de tourner la tête vers le pourquoi du dit affaissement.

" Evans ! " salua Sirius d'un ton désinvolte. " Que nous vaut ta présence ? "

Lily l'ignora royalement et garda les yeux fixés sur James.

" Il y a une bibliothèque, chez toi ? " demanda-t-elle.

James et renifla de dédain et répondit :

" Même si ça ne m'étonne pas de toi de me demander ça, Lily, on n'est pas des sauvages, chez les Potter. "

" C'est quoi, cette discussion ? " intervint à nouveau Sirius.

Cette fois, même James l'ignora.

" Et vous avez des livres sur les auras ? " poursuivit-elle.

James la fixa un instant d'un air perplexe, avant de comprendre où elle voulait en venir. Un sourire purement maraudeuresque naquit sur ses lèvres.

" Ca peut se trouver… "

" Alors, je suis d'accord " dit-elle finalement.

A sa grande surprise, elle lui sourit et lui tendit la main. Interloqué, James finit par la serrer et elle partit aussitôt rejoindre Anderson. Toutes deux s'emparèrent de leurs valises puis sortirent de la Salle Commune, sûrement pour aller rejoindre leurs deux amies Serdaigle dans le Grand Hall en attendant le départ. Une main tira brusquement sur sa robe, ramenant son attention vers les trois autres Maraudeurs. Sirius le fixait d'un air contrarié, probablement vexé d'avoir été exclus de la conversation.

" C'est quoi, cette entourloupe, James ? " interrogea-t-il.

James se maudit de ne pas lui en avoir parlé plus tôt. Maintenant, il allait sûrement avoir droit à une crise de son meilleur ami.

" Pendant qu'on était en détention, elle m'a dit qu'elle ne devait pas rentrer chez elle pour les vacances, alors je lui avais proposé de les passer chez moi " résuma-t-il en étudiant attentivement Sirius, cherchant les premières traces de froncement de sourcils.

Trois regards abasourdis se tournèrent vers lui, Peter en oubliant sur le coup qu'il n'avait toujours pas retrouvé sa baguette qu'il avait accidentellement laissé traîner au fond de sa malle — maintenant remplie, bien sûr. Puis, contrairement à ce qu'il avait prévu, Sirius éclata de rire en lui flaquant une grande claque dans le dos.

" Eh ben, James, tu te décides enfin à contre-attaquer ! A quand la demande en mariage ? "

James redressa ses lunettes d'un air menaçant.

" Sirius… " prononça-t-il d'un traînant.

Son meilleur ami cessa aussitôt de se contorsionner de rire et sauta d'un bond sur ses pieds, James se lançant immédiatement à sa poursuite.

" Nan ! Pas les chatouilles ! " implora Patmol.

" Tu l'as cherché ! "

Peter les suivit des yeux tandis qu'ils contournaient au pas de course un groupe de cinquième années qui venaient de descendre les escaliers du dortoir des filles, sautaient par-dessus le tas de valises des seconde années et esquivaient de justesse un première année qui, la tête enfouie dans sa malle, ne les avait pas entendu approcher.

" Peter ! " appela Rémus d'un ton triomphant. " Je l'ai ! "

Queudver se tourna vers son ami pour le voir brandir sa baguette.

" Ouf ! " soupira-t-il de soulagement. " Merci, Rémus, je commençais à me demander si je ne l'avais pas plutôt laissé dans le dortoir… "

Rémus pouffa, puis désigna la malle.

" Maintenant, il ne reste plus qu'à ranger tout ça… "

Peter jeta un coup d'œil à la masse informe de vêtements, de livres et de rouleaux de parchemin qu'était devenue sa valise après la fouille en règle que lui et Rémus lui avaient fait subir.

" Hum… " fit-il d'un ton peu inspiré.

Le lycanthrope et lui échangèrent un coup d'œil entendu, puis Peter tassa la montagne de ses affaires et referma paisiblement la malle.

" Ta mère ne va pas être très heureuse " fit remarquer Rémus, mine de rien.

Peter fit un mouvement désinvolte de la main.

" Je ferais en sorte qu'elle n'en sache rien, alors… "

Rémus pouffa, appréciant que Queudver apprenne à minimiser les choses. Il avait vraiment beaucoup changé, ces derniers mois…

" Il faudrait que je me débrouille pour ranger pendant le trajet, quand même… "

Oui, enfin, c'était toujours Peter, se dit-il avec un sourire.

Sirius s'écroula dans le fauteuil près d'eux, hors d'haleine. James les rejoignit un moment plus tard, un sourire satisfait aux lèvres, et Patmol veilla à ce qu'il reste à distance respective d'un coup d'œil méfiant.

" De toute façon " continua James, " je ne vois pas pourquoi tu en rirais, Sirius. Après tout, elle sera là à chaque fois que tu viendras… "

Sirius mit quelques secondes à réaliser, puis ses yeux s'agrandirent.

" Oh, non ! " gémit-il d'un ton dramatique en se rejetant en arrière. " Comment as-tu pu nous faire ça, James ? Une préfète dans les pattes pendant toutes les vacances… "

" Et pas question que tu nous évites pendant toutes les fêtes " ajouta James d'un air sadique. " Mon père irait te chercher par la peau des fesses ! "

Sirus lui jeta un regard noir et se renfonça dans son fauteuil, la mine boudeuse. James en profita pour se tourner vers les deux autres avec un énorme sourire.

" On y va ? " suggéra-t-il.

Vu du haut du majestueux escalier de marbre, le Grand Hall offrait toujours une vue impressionnante les veilles de vacances : les quelques centaines d'élèves de Poudlard, de tous âges et de tous sexes, se tenaient rassemblés en groupes compacts, leurs valises à leurs pieds, éparpillés sur toute la surface de la salle. Chacun faisait ses adieux à ceux qui restaient au château ou à ceux qu'il n'aurait pas l'occasion de voir durant le trajet à bord du Poudlard Express, circulant pour cela d'un rassemblement à un autre. Les premières années échangeaient d'un ton enthousiaste leurs adresses et leurs aînés se promettaient mutuellement de s'écrire.

'Non, décidément,' décida Harry, 'Voldemort ou pas, peu importe l'époque, Poudlard restera toujours Poudlard.'

Harry s'appuya à la rambarde polie de l'escalier en attendant le départ, sa malle soigneusement rétrécie pesant dans sa poche. Il n'avait pas vraiment envie de descendre se joindre aux professeurs qui patientaient près des énormes portes en discutant gravement. Si c'était pour les entendre tous s'enquérir de sa santé, ça n'en valait pas vraiment la peine… Il avait survécu à pire, que diable !

Au lieu de cela, il se mit donc en devoir de retrouver les étudiants dont il avait décidé de changer la vie. Lily se trouvait près de ses trois amies, son insigne de préfète bien en vue sur son uniforme, vérifiant du coin de l'œil que tout se passait bien. A l'opposé de la salle, il trouva les quatre Maraudeurs, plongés dans une discussion avec les membres de l'équipe de Quidditch. Harry sourit, imaginant sans pouvoir les entendre les conseils que James leur donnait de s'entraîner au moins une fois durant les vacances… Classique.

" Tu n'as pas l'air agonisant. "

Harry avait beau avoir l'habitude de ses approches en douce, il eut du mal à retenir un sursaut en s'apercevant que le dernier de sa liste se trouvait justement à côté de lui. Severus prit note de sa réaction et le manifesta par un léger rictus.

" Tu te moques d'un professeur, Severus ? " le taquina Harry. " Fais attention, qui te dit que je ne vais pas t'enlever de points pour insolence ? "

Le Serpentard leva les yeux au ciel, mais reprit son masque d'impassibilité.

" Et qu'est-ce que cette histoire ? " reprit Harry. " Comment ça, " agonisant " ? "

" Rien d'autre qu'un fantasme de Zabini, j'imagine " dit-il en haussant les épaules. " Il avait l'air persuadé qu'il faudrait te renvoyer au Ministère dans une boîte. "

" Comme c'est charmant " rétorqua Harry, la voix dégoulinante de sarcasme. " Je m'en souviendrais, de ça… "

Severus ne put retenir un ricanement.

" Tu rentres chez toi " constata l'Auror en remarquant la valise que le Serpentard portait.

" Humm " acquiesça-t-il en détournant le regard vers le Grand Hall, morose.

" Wow, quel enthousiasme " railla gentiment Harry.

Severus lui jeta un regard noir, manifestement sur les nerfs.

" Allez, Severus " tempéra le professeur. " Tout ira bien, ils ne te forceront à rien tant que tu ne seras pas majeur. "

" Je sais " se contenta-t-il de reconnaître.

Harry l'observa attentivement, guettant les signes de nervosité auquel l'homme qu'il avait connu comme Severus Snape ne l'avait que peu habitué : le visage un peu trop renfrogné, le regard légèrement fuyant, ce tic de laisser ses cheveux pendre pour cacher son expression… Même si Severus n'avait pas encore acquis toute la pratique de l'homme mûr qu'il avait côtoyé, son habilité à cacher ses sentiments lui fit ressentir un pincement de cœur. S'il avait pu avoir une vie plus facile, il n'aurait pas eu à apprendre ses réflexes. Mais Harry ne pouvait pas tout changer, il devait se contenter de ce qui était à sa portée…

" Tu restes ici, n'est-ce pas ? " interrogea le Serpentard sans le regarder.

Harry sentit l'amertume dans sa voix et en fut étonné.

" Non " répondit-il. " Je ne reste pas. "

Severus se retourna vers lui et le dévisagea, surpris.

" Vraiment ? "

Harry s'attendit à ce qu'il lui demande comme Pompom pourquoi il ne restait pas pour accomplir son rôle de gardien de Poudlard, mais au lieu de cela, Severus demanda :

" Alors où puis-je te contacter, au cas où ? "

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