Chapitre 7: Chapitre 6
Chapitre 6 : On est convaincu que " Serpentard " ne rime pas forcément avec " Mangemort ".
Harry se réveilla au milieu de la nuit. Il n'avait pas fait de cauchemar, d'ailleurs il avait pris sa dose de Potion de sommeil sans rêves avant de se coucher. Sa cicatrice ne le brûlait pas non plus. Il s'était simplement réveillé. Perplexe, il s'assit dans son lit et chercha ce qui avait pu le déranger, mais il ne trouva rien. Pas de bruit particulier, pas de douleur, rien. Alors pourquoi est-ce qu'il s'était réveillé ? Et surtout pourquoi la scène lui semblait-elle si familière ?
Un terrible sentiment d'angoisse le saisit, et il se leva d'un bond, s'habillant en hâte. Il n'arrivait toujours pas à mettre le doigt dessus, mais il y avait quelque chose qui n'allait pas. Il attrapa au passage sa cape d'invisibilité et sa Carte des Maraudeurs et sortit en trombe. C'est en se dirigeant vers le Grand Hall qu'il comprit où il avait déjà ressenti une panique pareille en ouvrant les yeux à une heure aussi anormalement matinale : le jour de la mort de Severus.
Il s'arrêta net au centre du couloir, laissant les souvenirs ressurgir.
Pris d'un tremblement incontrôlable, Harry se précipita vers le château, devant les grilles duquel il venait de transplaner. Dépassant les Aurors qui assuraient la protection de Poudlard, il n'accorda aucune attention à leurs regards interrogateurs et se rua vers le bureau d'Albus. Le vieil homme était levé, bien qu'en tenue de nuit, et il se mit aussitôt à tenter de lui expliquer ce qu'il ressentait. Albus l'écouta avec attention. Lorsqu'il eut fini, son expression était devenue plus grave que jamais.
" Harry, " dit-il doucement, " Severus vient d'être appelé. Il me l'a annoncé à peine cinq minutes avant ton arrivée. "
Harry se figea.
" Il... il est parti ? " demanda-t-il d'une voix rauque.
Albus hocha lentement la tête. Harry essayait encore d'ouvrir la bouche pour parler à nouveau quand une joie soudaine et malsaine l'envahit. La joie de Voldemort. Il se plia en deux dans son siège pour tenter de reprendre le contrôle du lien, et entendit vaguement Albus se lever et lui demander ce qui se passait, mais avant qu'il ne puisse répondre, la douleur cascada de son front et envahit tout son être. Voldemort avait tué.
A l'aube, le corps de Severus, affreusement mutilé et difficilement reconnaissable, avait été retrouvé devant les grilles de l'école. Harry n'avait pas pleuré. Il n'avait plus de larmes.
Après les morts de Hermione, Rémus, Ron, Hagrid et tant d'autres, Severus était l'une des dernières personnes auxquelles il tenait encore. A la fin de ses études à Poudlard, son ancien Maître des Potions et lui avaient entretenu une relation étrange, faite de respect mutuel et de piques mordantes qu'ils échangeaient à chacune de leurs rencontres.
Severus avait beaucoup souffert dans sa vie, et Harry n'avait pas tardé à le comprendre. Ce point commun avait fait beaucoup pour les rapprocher, et la compréhension des souffrances de l'autre leur avait permis de trouver chacun quelqu'un avec qui partager sa douleur, même s'ils auraient tous deux refusé de l'admettre à quiconque aurait pu le leur demander.
Mais si Harry avait également compris autre chose sur son ex-professeur, c'est qu'il était aussi très courageux. En recevant cet appel de Voldemort alors qu'aucune réunion n'était prévue, il s'était bien sûr inquiété, et Albus avec lui. Mais le phénomène était trop courant en ces temps de guerre pour qu'il s'y arrête, et il avait une fois de plus couru le risque, quitte à le payer si Voldemort l'avait démasqué. Cela avait été une fois de trop.
La théorie d'Albus sur l'étrange réaction de Harry avait été qu'après tant de douleur, il était devenu extrêmement sensible aux dangers qui menaçaient les gens auquel il tenait. Il avait développé ce phénomène avec Severus parce qu'il était l'un des derniers dont il ne faisait pas qu'envisager la mort avec tristesse, mais bien avec crainte.
Encore une fois, Albus avait eu raison. Lorsque cinq mois plus tard, le plus grand combat entre les forces du Ministère et ses alliés non-humains et les Mangemorts eut lieu, alors qu'il venait de trouver sa cible, le Seigneur des Ténèbres lui-même, il ressentit la même terreur monter en lui. Mais il ne pouvait pas abandonner maintenant, pas si près du but. Et puis, il ne l'aurait pas voulu. Il avait refoulé ses larmes aussi profond qu'il l'avait pu et avait débuté le duel.
Plus tard, pendant son coma, les Médicomages chargés de retrouver les blessés et de recenser les morts avaient découvert Albus, gisant dans son sang. Autour de lui, une vingtaine de Mangemorts l'avaient accompagné dans la mort. On le lui avait annoncé à son réveil, mais Harry n'avait pas réagi. Il le savait avant eux.
Harry revint à lui en entendant un caquètement familier derrière lui. Il se retourna à temps pour voir un fantôme surgir du mur avec son habituel sourire mauvais.
" Peeves ! " s'exclama-t-il, son esprit encore à moitié dans ses souvenirs. " Qu'est-ce tu fais là ? "
" Oh ! Mais c'est le grrrand professeur Davies " clama l'esprit frappeur en lui tournant le dos pour le regarder entre ses deux jambes écartées. " Tu veux mettre de l'ordre, monsieur l'Auror ? C'est vrai qu'il y a du monde dans les couloirs, ce soir... "
" Quoi ? " s'écria aussitôt Harry. " Qui est dans les couloirs ? Peeves ! "
Mais le petit bonhomme disparaissait déjà de l'autre côté du couloir, ricanant méchamment, manifestement fier de son coup. Harry aurait pu être furieux de cette bribe d'information, mais il connaissait déjà au moins une partie de la réponse à sa question. Il avait développé ce lien spécial pour deux personnes seulement : Albus et Severus. Albus était un mage extrêmement puissant, et seuls une grande masse d'ennemis ou Voldemort lui-même pouvait l'inquiéter. De plus, il aurait fallu pour cela qu'il soit sorti de Poudlard, et quelle raison aurait-il eu de le faire au milieu de la nuit ? Et Peeves n'aurait même pas pu penser à le faire renvoyer le directeur au lit...
Restait Severus, adolescent de dix-sept ans, donc sous sa responsabilité, qui, comme tout étudiant, pouvait avoir des dizaines de raisons d'être en-dehors de son dortoir la nuit... Mais qu'est-ce qui pouvait menacer un élève de Poudlard dans les couloirs mêmes du château ?
Son cœur paraissant vouloir s'arracher de sa poitrine à tout moment, Harry sortit précipitamment la Carte des Maraudeurs et entreprit de la passer au peigne fin, étage par étage. La tâche était facile, car la plupart des points étaient immobiles dans leurs chambres ou leurs dortoirs, mais l'Auror tomba enfin sur un rassemblement de personnes bien réveillés dans une salle désaffectée du troisième étage. Severus était parmi eux.
Harry s'élança vers les escaliers et grimpa les marches quatre à quatre. Il arriva hors d'haleine dans le couloir de l'aile sud, s'arrêta pour reprendre le contrôle de lui-même et s'approcha à pas de loup de la porte, se glissant par précaution sous sa cape. Des bruits étouffés provenaient de la salle, mais rien d'assez précis pour qu'il puisse l'identifier. Frustré, il mobilisa chaque parcelle de son être pour trouver une solution.
Il sortit sa baguette et chercha du regard quelque chose qui puisse faire l'affaire. Ses yeux tombèrent sur ceux globuleux de Miss Teigne, ce qui le fit à peine sursauter, et, juste à côté d'elle, sur un cadre déserté par son occupant et posé contre le mur. Le portrait attendait manifestement d'être rénové, à en juger par le mauvais état de la toile. Sans s'en préoccuper plus, Harry pointa sa baguette sur lui et murmura la formule de Lévitation, le faisant flotter juste au-dessus du sol, puis retomber. Le choc produisit un très léger bruit, et Miss Teigne se tourna lentement vers lui au moment où le cadre basculait vers l'avant, tombant à plat avec un " pouf " qui résonna entre les murs de pierre.
Aussitôt les bruits dans la salle cessèrent, la porte s'ouvrit, et une tête méfiante apparut dans l'embrasure, puis se pencha un peu plus pour voir la chatte du concierge s'éloigner le long du couloir, sans doute pour aller prévenir son maître que des tableaux tombaient tout seuls dans le couloir du troisième étage de l'aile sud. Harry doutait que Rusard se dérange pour cela, surtout si, comme il le pensait, Peeves avait décidé de s'amuser un peu cette nuit. Le Serpentard qui avait ouvert la porte attendit silencieusement que la queue du chat ait disparu au coin du couloir, puis se pencha en arrière.
" C'est rien, " dit-il à l'adresse de personnes que Harry ne pouvait pas voir, " Juste cette maudite Miss Teigne. Elle est partie, elle n'a pas dû nous entendre. "
Harry profita de ces paroles pour se glisser précautionneusement dans l'entrebâillement sans toucher l'adolescent, tirant le dernier pan de sa cape au moment où il refermait la porte. Enfin, il se permit un regard alentour. Quelques tables branlantes avaient été repoussées contre les murs, et une quinzaine d'élèves, principalement des Serpentards, et assez âgés, s'y tenaient appuyés ou restaient debout au centre de la salle. Celui qui se tenait près de la porte rejoignit les autres en face d'un Serpentard de septième année que Harry reconnut comme Adrian Zabini.
" Bien " reprit celui-ci. " Comme je le disais, nous allons prendre le passage secret qui mène à Pré-au-Lard où on nous donnera un Portauloin pour rejoindre le Maître. "
" Mais pourquoi ce soir ? " demanda un Serdaigle de sixième année. " Et pourquoi est-ce qu'on n'a pas été prévenus plus à l'avance ? "
Zabini lui envoya un regard noir mais répondit quand même d'une voix sèche :
" C'est une rencontre très importante, il n'aurait pas fallu qu'un mouchard quelconque la compromette. Au moins, comme ça, on est sûr que s'il y avait un traître, il n'aurait pas eu le temps d'en parler. Et est-ce que je dois vous rappeler qu'on doit toujours être prêts pour Lui ? "
Le Serdaigle baissa la tête, honteux, sous les regards désapprobateurs des autres. Mais une autre voix intervint :
" Tu n'as pas répondu à la seconde question. Pourquoi ce soir ? Pourquoi pas pendant le week-end où tout le monde se relâche ? "
Harry aperçut avec soulagement Severus près du mur du fond, son visage reflétant l'indifférence parfaite que lui inspiraient les coups d'œil des autres. Zabini eut à nouveau l'air en colère, mais il répondit :
" Ce soir, c'est la seule option. C'est Thomson qui était de garde, et il vient tout juste de recevoir une lettre noire " ajouta-t-il avec un sourire mauvais. " En ce moment, il doit être en route vers le Ministère. "
Harry fut empli de chagrin à l'idée que son collègue vienne de perdre un être cher. Il savait trop ce que c'était. Mais il n'empêchait pas que dans pareille circonstance, l'Auror aurait dû réveiller l'un d'eux et lui demander de prendre sa place pour la garde de nuit qu'ils avaient établie à tour de rôle afin de compléter les rondes de Rusard.
" C'est bon, maintenant ? Ou vous tenez à arriver en retard ? Vous savez qu'il n'aime pas ça... "
Il y eut quelques remous à la menace de Zabini, mais tout le monde suivit lorsqu'il se dirigea vers la porte. Tout le monde, sauf Severus. Le signal d'alarme se fit plus pressant dans la tête de Harry et il vit avec angoisse les sourcils de Severus se froncer comme il plongeait dans une profonde réfléxion. L'adrénaline rendait l'esprit du jeune Auror plus performant que jamais, aussi imagina-t-il sans mal ce qui se passait dans la tête du Serpentard.
D'après ce que Harry savait de lui, il y avait peu de choses à quoi Severus tenait plus qu'à sa liberté. Toute sa jeunesse, il avait dû suivre les directives de son père, et voilà que celui-ci voulait déléguer la responsabilité de lui donner des ordres au Seigneur des Ténèbres. Pour lui, cela revenait au même : il était enchaîné. Le Severus qu'il avait connu avait obéi par peur de ce qui pourrait lui arriver s'il refusait. Plus tard, lorsqu'il avait réalisé que cela n'avait pas vraiment d'importance par rapport à la monstruosité de ce qu'on lui demandait de faire, il avait voulu un instant renier son maître publiquement et mourir en accomplissant ce dernier acte de liberté. Mais il avait compris que si cela l'arrangerait, lui, cela n'aiderait en rien à ce que d'autres ne soient pas victimes du même châtiment. C'est pour cela qu'il était devenu l'espion de Dumbledore.
Mais le Severus qu'il avait maintenant en face de lui n'était pas exactement celui qu'il avait connu, car ce dernier n'avait jamais eu cette discussion avec lui, Harry Davies, au bord du lac le matin du début des cours. Il n'avait compris que plus tard ce que Harry avait fait envisager aussitôt à l'adolescent : s'il tenait vraiment à sa liberté, quelle importance qu'il meure en la protégeant ? Mais c'était encore, justement, un adolescent, et il ne pouvait pas encore imaginer passer sa vie à jouer double jeu, cachant sans cesse ses actions et risquant sa vie chaque jour. Malgré toute son expérience, Severus était encore trop jeune pour cela. Et c'est pourquoi il voulait dès maintenant renier Voldemort.
Harry vit avec horreur le Serpentard parvenir à la même conclusion que lui et relever la tête au moment où Zabini lui demandait :
" Alors, Rogue, tu viens ? "
Severus ouvrit la bouche pour offrir une réponse négative. A la vitesse de l'éclair, Harry se précipita près de lui. L'adolescent se figea en sentant l'appel d'air que son mouvement avait provoqué, et sursauta quand il murmura à son oreille, aussi bas qu'il le pouvait :
" Suis-le, Severus. "
Dans sa précipitation, Harry avait à peine remarqué qu'il était repassé au tutoiement et à l'utilisation de son prénom. Il attendit avec angoisse la réaction de son élève.
Au bout d'un temps qui sembla infini, Zabini s'impatienta et murmura à nouveau furieusement :
" Rogue, putain, tu viens, oui ou merde ? "
Severus parut sortir d'une sorte de transe et chuchota en retour d'une voix rauque :
" Ca va, ça va, j'arrive. "
Harry poussa le plus discrètement possible un soupir de soulagement pendant que Severus se dirigeait vers la porte. Le Serpentard jeta furtivement un coup d'œil par-dessus son épaule avant de passer devant Zabini qui referma silencieusement la salle. Harry resta quelques instants plongé dans l'obscurité et le silence pour leur laisser le temps de s'éloigner, puis sortit précipitamment. Severus était trop confus en ce moment pour qu'une entrevue avec Voldemort soit exactement ce dont il avait besoin. De plus, l'angoisse sourde qui l'étreignait depuis tout à l'heure persistait, ce qui prouvait qu'il n'était pas sorti d'affaire.
Harry ressortit donc à la hâte la Carte des Maraudeurs, la consulta, et se précipita dans la direction où le petit point étiqueté Argus Rusard s'agitait. A en juger par ses mouvements erratiques, le concierge était bel et bien occupé à limiter les dégâts de la dernière facétie de Peeves. La carte n'affichait malheureusement pas les fantômes, mais l'esprit frappeur ne devait pas être loin. Harry s'engouffra dans plusieurs passages qui raccourcirent considérablement son trajet, et il se trouva bientôt au quatrième étage.
Des malédictions marmonnés et des bruits de casserole rouillée l'informèrent sur la proximité de Rusard, probablement affairé à rassembler les morceaux de la dernière armure que Peeves avait démembrée. Mais où était l'esprit frappeur ? A l'instant où cette question lui venait, le petit bonhomme translucide surgit du sol en ricanant et se dirigea vers l'armure la plus proche. Harry ôta immédiatement sa cape.
" Peeves ! " appela-t-il dans un chuchotement pressant. " Tu sais que je pourrais alerter Rusard ? "
L'esprit frappeur se retourna vers lui, où du moins le haut de son corps le fit, car ses jambes restèrent tournées dans leur direction originelle.
" Tiens, tiens ! Revoilà le p'tit'Harry ! "
" J'appelle Rusard " dit Harry en feignant de se retourner pour mettre ses paroles en action.
Aussitôt Peeves se précipita en ricanant vers le sol et commença de s'y enfoncer. Harry eut un sourire triomphant. Levant sa baguette, il murmura rapidement une formule. Les jambes de Peeves s'immobilisèrent soudain, puis se mirent à se tortiller avec rage. La tête du petit bonhomme ressurgit à la hauteur du sol en caquetant furieusement, et Harry ne chercha même pas à visualiser l'angle que devait arborer le reste du corps à l'étage du dessous.
" Qu'est-ce que tu m'as fait ? " s'exclama Peeves d'une voix coléreuse.
Harry se rapprocha lentement de lui avec un sourire mauvais qu'il avait appris à arborer pour ce genre de situation, s'obligeant à rester calme et à ne pas précipiter les choses. Il s'agenouilla juste hors de portée de main de l'esprit frappeur.
" Vois-tu, Peeves, il se trouve que durant ma formation d'Auror, j'ai reçu des cours d'exorscisme. Je ne l'ai pas dit à Dumbledore, mais je pourrais très bien le faire, et alors peut-être qu'il me demanderait de t'expulser de l'école. Je ne pourrais pas refuser, bien sûr. "
L'esprit frappeur le fixa un instant de ses yeux plissés.
" Qu'est-ce que tu veux ? " caqueta-t-il finalement.
" Oh, pas grand-chose. Il y a un groupe d'élèves - "
Harry jeta un nouveau coup d'œil à sa carte, et s'aperçut que le temps pressait.
" - juste à cet étage, qui s'approche du miroir dans le couloir sud. Il faudrait juste que tu puisses faire en sorte d'attirer Rusard dans cette direction et de mettre un peu le bazar là, histoire qu'il passe la majorité de la nuit dans le coin. Si tu le fais correctement, alors il se pourrait que " j'oublie " de parler à Dumbledore de mes compétences d'exorciste. "
Peeves l'observa encore quelques secondes, mais il n'avait pas vraiment le choix. S'il tentait de déformer ses termes pour en faire à sa guise, l'Auror pourrait parfaitement parler au directeur.
" Tu promets ? " demanda-t-il finalement.
" Sur mon diplôme d'Auror " répondit Harry, la main levée.
Peeves reprit soudain son sourire mauvais habituel.
" Ca peut se faire " caqueta-t-il avec une joie malsaine.
Harry sourit et annula le sortilège qui avait maintenu le corps sans substance de Peeves dans sa prison de pierre. Aussitôt l'esprit frappeur se précipita vers l'armure qu'il tentait d'atteindre à son arrivée et fonça dedans dans un grand bruit de batterie de cuisine. Les jurons de Rusard s'arrêtèrent net, puis reprirent à un volume nettement plus élevés.
" Peeves ! "
Harry eut juste le temps de se cacher à nouveau sous la cape avant que Rusard ne se précipite dans le couloir et ne parte poussivement à la poursuite de l'esprit frappeur qui continuait de passer à travers les armures avec son ricanement habituel. Harry les regarda tous deux disparaître au coin avec soulagement, puis suivit la scène sur le morceau de parchemin toujours serré dans son poing. Le groupe de Mangemorts en formation s'arrêta net en entendant le capharnaüm qui s'étendait vers eux, puis se retrancha précipitamment dans un passage secret, une dizaine de mètres avant le miroir qui s'ouvrait sur un passage vers Pré-au-Lard, celui, comme Harry le savait, qui s'était effondré durant l'hiver 1996, un an avant que les jumeaux Weasley ne lui confient la carte.
Un son encore plus énorme que tous les autres retentit alors dans cette partie heureusement déserte du château, et informa Harry que Peeves avait pris ses instructions au pied de la lettre et donné du travail à Rusard pour au moins trois jours dans ce secteur. Souriant de plaisir, il vit les élèves s'agiter un instant avant de remonter le passage dans lequel ils se trouvaient vers son autre extrémité. Maintenant, s'ils connaissaient le second passage, celui de la sorcière borgne, il allait vite devoir trouver une autre idée.
Mais arrivés au second étage, les adolescents trépignèrent un moment sur place, manifestement pris dans un débat animé, puis se dispersèrent. Harry soupira lentement et fortement, s'appuyant contre le mur de soulagement. Les Serpentards retournaient tous ensemble en direction de leur dortoir, Severus dans leur sillage. Harry savait qu'ils ne bougeraient plus de la nuit, et probablement pas plus les suivantes étant donné que c'était pour eux une occasion unique qui ne risquait pas de se reproduire.
La terreur qu'il ressentait s'était calmée. Bâillant longuement, Harry décida que s'il voulait être dispos pour ses cours de la matinée, il ferait aussi bien de retourner se coucher.
" Mr Pettigrow, êtes-vous sûr que vous vous concentrez au maximum ? "
" Mais oui, professeur ! "
" Expliquez-moi pourquoi je suis convaincu du contraire, dans ce cas ? "
Le Maraudeur baissa les yeux, presque au bord des larmes. Harry se retint de secouer la tête en soupirant. Les Gryffondors et Serpentards de septième année continuaient de s'entraîner sur le sortilège de l'Expelliarmus, et la plupart d'entre eux avaient fait assez de progrès pour que Harry espéra passer bientôt à celui du Bouclier, mais Peter n'avait pas le moins du monde progressé. Harry s'était creusé la cervelle pour essayer de comprendre pourquoi, et il pensait qu'il venait justement de mettre le doigt sur le problème.
" Mr Pettigrow, avez-vous de l'imagination ? "
Les élèves levèrent les sourcils, incrédules, et Peter releva la tête devant l'étrangeté de la question.
" Euh... oui, monsieur... "
" Beaucoup ? "
Peter s'agita, mal à l'aise.
" Une certaine quantité, je pense... "
" Très bien. "
Harry saisit son élève par les épaules et le fit pivoter de 90°.
" Voyez-vous votre partenaire, Mr Pettigrow ? "
" Euh... oui... "
" Qui est-ce ? "
" Mais, c'est Rémus... " répondit Peter, les yeux ronds.
Le jeune loup-garou, comme tous les autres, fixait le jeune Auror, attendant de voir sa nouvelle invention.
" Eh bien, voilà ! C'est ça le problème avec vous, Mr Pettigrow " dit Harry en haussant les épaules.
" P... pardon ? " demanda Peter, complètement largué.
" Le problème, " développa Harry, " c'est que dans votre tête, vous avez étiqueté Mr Lupin comme un ami. N'est-ce pas ? Alors vous n'osez pas vraiment jeter le sort. "
Peter le regarda fixement, et il prit cela pour une approbation.
" Je veux, Mr Pettigrow, " dit-il lentement et clairement, " que vous vous imaginiez être en face de Mr Régulus Black. "
Tous les adolescents le fixèrent, médusés, mais Peter reprit brutalement des couleurs, comprenant où il voulait en venir.
" D'accord " approuva-t-il en hochant la tête.
Harry s'écarta pour l'inviter à commencer, et Queudver ferma un instant les yeux, baguette levée. Rémus se tendit par automatisme afin de se concentrer sur sa prise sur sa propre arme. Lorsque Peter rouvrit les yeux, l'expression inhabituellement sérieuse, il fit un très léger mouvement de poignet et prononça la formule d'une voix calme et presque menaçante, bien loin de le petite voix aiguë qu'il utilisait d'habitude. A la grande surprise de tout le monde, la baguette de Rémus sauta de ses mains et vola vers celles de son vis-à-vis, pendant que le jeune garçon lui-même se retrouvait projeté à deux ou trois mètres de là, sur les matelas qui garnissaient le sol.
Peter fixa tour à tour la seconde baguette qu'il tenait et son ami qui se relevait précautionneusement, incrédule. Harry lui tapa amicalement sur l'épaule, le faisant sursauter, et lui adressa un sourire joyeux.
" Très bien, Mr Pettigrow ! Maintenant, vous saurez quoi faire afin de vraiment vous concentrer sur vos sorts d'attaque ! "
La fin du cours et le début de la pause déjeuner sonna à cet instant dans les couloirs, et Harry les invita comme d'habitude à sortir, leur rappelant au passage le devoir sur les harpies qu'il leur avait donné au cours précédent. Les Maraudeurs ramassèrent précipitamment leurs affaires et se groupèrent autour de Peter pour sortir. Harry entendit en souriant Sirius s'exclamer en brandissant le poing :
" C'était génial, Peter ! T'as bien raison, va, mon frère n'est qu'un gros imbécile, de toute façon ! "
Harry regroupa ses feuilles de notes éparpillées sur son bureau, puis releva les yeux. Severus était toujours là, son sac d'école à la main, l'air mal à l'aise. Le jeune Auror sourit à cette vue. Il se serait douté que le Serpentard voudrait parler avec lui de la nuit dernière, mais celui-ci ne savait visiblement pas par quel bout s'y prendre, se demandant probablement s'il n'avait pas été tout bonnement victime d'une hallucination.
" Je ne vais pas vous manger, Mr Rogue " dit-il avec un sourire chaleureux.
Severus releva la tête, et ouvrit la bouche, hésitant. Harry prit l'intiative.
" Venez dans mes appartements " proposa-t-il. " Nous y serons plus à l'aise pour parler de cela. "
Severus le fixa. Harry venait d'admettre implicitement qu'il avait bien été mêlé à ce qui s'était passé quelques heures auparavant, et il savait qu'il comprendrait. En effet, le Serpentard sortit derrière lui sans mot dire et le suivit docilement jusqu'à la porte adjacente à celle des quartiers de O'Brien et Thomson. Ce dernier n'avait d'ailleurs pas reparu depuis la veille, mais il avait récemment envoyé un message au directeur pour l'informer de son inaptitude temporaire à continuer sa tâche. Albus avait parfaitement compris.
Harry ouvrit et laissa passer Severus, puis referma derrière lui. Ils prirent tous deux place dans les fauteuils disposés près de la cheminée, et Harry le laissa commencer.
" Vous étiez là, n'est-ce pas ? " constata plutôt que demanda Severus.
" Oui. Ou du moins, j'étais là pendant la plus grande partie de la discussion. "
Severus fronça les sourcils.
" Miss Teigne, c'était vous ? "
Harry hocha la tête, souriant.
" Il fallait bien que j'entre, n'est-ce pas ? "
" Mais comment saviez-vous ? Et comment avez-vous pu... ? "
Severus ne finit pas sa phrase, mais Harry comprit qu'il voulait dire " ... rester dans une salle pleine d'apprentis Mangemorts sans vous faire remarquer ? ". Il se leva et fit un court passage dans sa chambre, d'où il revint avec la cape qui lui venait de son père. Il la tendit au Serpentard.
" Voilà pour votre seconde question. "
Admiratif, Severus fit couler l'étoffe lisse et chatoyante entre ses doigts.
" Une cape d'invisibilité " murmura-t-il. " Mais pour mapremière question ? " ajouta-t-il en relevant la tête, fronçant les sourcils.
Harry sourit. Il avait eu le temps de constater, en dix ans passés à le côtoyer, que Severus perdait rarement le nord.
" Navré " répondit-il joyeusement. " Je ne peux rien vous dire. "
Severus le fixa longuement.
" Il y a beaucoup de choses que vous ne pouvez pas dire, non ? "
Harry pouffa.
" Mon Dieu ! Vous me dites ça alors que vous n'en connaissez pas le centième ! "
Severus leva un sourcil, puis baissa de nouveau les yeux sur la cape qu'il posa respectueusement sur la petite table entre eux.
" Pourquoi ne nous avez-vous pas surpris ? Vous auriez dû nous punir. "
Harry l'observa un long moment avant de répondre.
" Si j'avais fait cela, vous n'auriez pas eu droit à de simples détentions, Mr Rogue. Par les temps qui courent, Lewis aurait fait pression sur Albus pour que vous soyez tous exclus, même vous. Je n'aurais rien pu faire contre cela. "
" Pourquoi auriez-vous voulu intervenir ? Nous nous étions réunis pour servir Vous-Savez-Qui ! "
Severus parlait fort, raide dans son fauteuil, les poings serrés sur les accoudoirs. Manifestement, il s'était surtout attendu à une réprimande de sa part. Harry se pencha brutalement vers lui, sourcils froncés.
" Oui, vous serviez Voldemort, et vous avez failli vous faire tuer de la manière la plus idiote qui soit pour que cela ne soit plus votre cas ! Je me trompe ? "
Sa voix était si sèche tout à coup que Severus resta un instant confondu.
" Vous m'aviez dit... "
" Je vous ai dit de défendre ce qui vous était cher, pas de chercher par tous les moyens à obtenir ce que vous voulez pour ne pas avoir une minute de plus à vivre afin d'en profiter ! Réfléchissez un peu, Mr Rogue. Je sais que vous êtes plutôt solitaire, mais vous ne supportez pas de voir d'autres personnes dans la même situation que vous, n'est-ce pas ? Ce n'est pasvotre liberté que vous recherchez, mais bien celle de tous ceux qui ont vécus sous les mêmes contraintes que vous. Cela présente une nette différence, et vous n'auriez servi que votre liberté en vous faisant tuer stupidement cette nuit. "
Severus le fixait sans bouger, les yeux ronds.
" Comment saviez-vous que... que c'était la liberté que je... "
Harry se redressa dans son siège, un petit sourire moqueur aux lèvres. Avant même qu'il n'ouvre la bouche, Severus devina à l'étincelle de malice dans ses yeux ce qu'il allait dire.
" Vous ne pouvez pas me le dire ! " s'exclama-t-il, sarcastique. " Bien sûr. Où avais-je la tête ? "
Harry éclata de rire. Severus attendit qu'il se calme et demanda :
" De toute façon, je n'ai aucune manière de travailler pour cela tant que je suis moi-même pieds et poings liés, non ? "
" Vous n'êtes pas aussi privé de toutes possibilités que vous voulez bien le croire, Mr Rogue " répondit doucement Harry.
" Ah non ? " rétorqua sarcastiquement Severus. " Je dois obéir aux moindres ordres d'un mage noir obsédé par la destruction des moldus et des Sangs-de-Bourbe, et je n'ai pas même le droit de louper une réunion sans être sûr d'avoir tous les Mangemorts, mon père et même la plupart des Serpentards à mes trousses ! Où est-ce que vous voyez des possibilités là-dedans ? "
" Avez-vous déjà été sous Imperium, Mr Rogue ? "
" Quoi ? Non. "
Severus eut l'air confus.
" Le Sortilège de l'Imperium est pour moi la dernière forme de privation de la liberté, et c'est bien pour cela qu'il fait partie des Sortilèges Impardonnables. Voyez-vous, celui qui le subit, à moins de parvenir à y résister, n'a durant toute la durée du sort même plus la liberté de penser par lui-même. Pouvez-vous penser par vous-même, Mr Rogue ? "
Severus hocha lentement la tête.
" Alors vous ne pouvez pas dire que vous êtes privé de toute liberté, n'est-ce pas ? De plus, si c'était le cas, vous ne seriez pas ici en train d'en discuter avec moi. Vous marchez sur un fil suspendu au-dessus d'un ravin, c'est vrai, mais les plus habiles peuvent exécuter de nombreuses figures acrobatiques dans ces situations, vous savez ? Il ne vous manque qu'un peu d'expérience. "
" Et quelles sortes de " figures acrobatiques " pourrais-je exécuter sur mon fil ? " demanda Severus d'un ton toujours légèrement dubitatif.
" C'est Voldemort qui vous prive de cette liberté que vous chérissez, non ? "
Harry remarqua que Severus ne tressaillait qu'à peine à ce nom, et il en fut ravi.
" Alors, cherchez à oeuvrer contre Voldemort. "
Le Serpentard le fixa avec des yeux ronds, incrédule.
" Vous plaisantez ? Je serais mort avant d'avoir pu dire " ouf " ! "
" Ne connaissez-vous donc pas l'histoire de Mr Black, Mr Rogue ? "
Severus se rembrunit.
" Black est un Gryffondor, il ne partage pas son dortoir avec une demi-dizaine d'apprentis Mangemorts, et il s'est réfugié chez les Potter dès que la situation chez lui s'est gâtée. "
" Mr Rogue, dans moins d'un an, non seulement vous aurez terminé vos études ici, mais vous serez également capable de vous défendre et vous serez majeur, ce qui signifie que vous n'aurez plus à obéir à aucun ordre, même de votre père. "
" Mais il reste toujours les Mangemorts ! Si je refuse de les suivre... "
" A cela, Mr Rogue, il existe deux solutions : soit vous ne reniez pas publiquement Voldemort et vous continuez de le suivre en surface, pendant que vous fournissez des renseignements à ses adversaires. En gros, vous servez d'espion dans ses rangs. L'information est un bien très précieux contre ce type d'ennemis, vous le savez. Mais cela pourrait être extrêmement dangereux, et si vous êtes démasqué, votre destin sera... "
Harry dut déglutir pour parvenir à murmurer ses derniers mots : " ... vraiment terrible. " Il détourna le regard sous les yeux inquisiteurs du Serpentard.
" Et la seconde option ? " demanda Severus après un instant de silence lourd.
" Mettez-vous sous la protection de Dumbledore " dit Harry d'une voix redevenue calme.
" Quoi ? " s'exclama-t-il. " Vous appelez ça une solution ? Dès qu'il saura que je suis en contact avec des Mangemorts, il préviendra le Ministère. Vous l'avez dit vous-même, vous ne pourriez rien faire contre ça ! "
Harry sourit.
" Vous connaissez bien mal notre directeur, Mr Rogue. Albus tient avant tout compte des choix d'une personne. Si vous faites le choix de renier Voldemort, il vous y aidera et ne prendra nullement en compte le temps que vous avez passé avant cela à obéir à ses ordres. Quel que soit ce que vous avez fait, il vous protègera et vous laissera régler votre dette à la manière que vous l'entendrez. "
Severus fronça les sourcils, dubitatif.
" Même si vous aviez raison, comment pourrait-il me défendre contre Lewis ? Même s'il a une grande influence, je ne pense qu'il puisse agir à sa guise contre le Minsitère... "
" Il n'en aurait pas besoin, Mr Rogue. Personne d'autre que lui n'aurait besoin de savoir ce à quoi votre père vous destinait, surtout s'il n'y a aucune preuve pour cela. "
En parlant, Harry fixait inconsciemment l'avant-bras du Serpentard, la place attitrée de la Marque des Ténèbres. En tant qu'aspirant Mangemort, Severus ne devait la recevoir qu'à sa majorité, car Voldemort se souciait peu de s'encombrer de gosses qui comprendraient mal " l'importance de ce qu'il voulait accomplir " et pourraient se trahir, en entraînant d'autres plus précieux avec eux.
Les adolescents n'étaient donc tenus au courant que des missions les moins importantes, et généralement uniquement de celles qui avaient un rapport quelconque avec eux. On leur apprenait à révérer Voldemort et à attendre avec impatience de pouvoir le servir comme d'autres, frères, pères, amis, le faisaient déjà, et la réunion prévue la nuit même avait sans doute avant tout pour but de les rassurer quant au fait que le Seigneur des Ténèbres pensaient à eux et ne les oubliaient pas.
Il se pouvait également que l'on ait voulu leur confier une mission qu'eux seuls, en tant qu'étudiants à Poudlard, pouvaient accomplir, et cette pensée inquièta soudain Harry. Bien sûr, Voldemort avait des adeptes à l'intérieur même de l'école, et il était possible qu'il s'en serve s'il décidait de lancer une offensive contre le château. De plus, Zabini n'avait-il pas ajouté que la réunion devait être importante ?
Plongé dans ses pensées, Harry ne remarqua pas que Severus avait porté la main à son bras et fixait avec attention l'Auror, se demandant manifestement à quoi il pouvait bien penser. Harry ne sortit de ses rêveries que pour lui demander, sourcils froncés :
" Vous n'avez aucune idée de la raison de la réunion qui devait avoir lieu cette nuit, Mr Rogue ? "
Severus secoua la tête sans le quitter du regard.
" Non, on ne nous le dit jamais à l'avance. Mais il va sans doute y en avoir une nouvelle bientôt, de toute façon " ajouta-t-il en le voyant s'assombrir.
Harry releva la tête, étonné.
" Je croyais que c'était une occasion unique pour vous de quitter l'école ? "
" Oh ! oui, unique aussi tôt dans l'année, et surtout pour le faire au nez et à la barbe des types du Ministère... sans vouloir vous vexer " rajouta Severus après coup, mais Harry lui sourit et lui fit signe de continuer. " Mais à la prochaine sortie à Pré-au-Lard, par exemple, ils trouveront le moyen de nous rassembler, vous pouvez en être sûrs. "
" Au nez et à la barbe des types du Ministère ? " répéta Harry, amusé.
Severus haussa un sourcil, montrant par là qu'il ne voyait pas où il venait en venir.
" Vous imaginez bien qu'en tant que gardiens de Poudlard, nous nous devons d'être présents pour un événement comme les sorties à Pré-au-Lard " dit-il d'un air nonchalant. " Ca devrait leur donner plus de fil à retordre, non ? "
Severus sourit.
" Peut-être " concéda-t-il. " Mais, " ajouta-t-il en se rembrunissant, " ils trouveront toujours un moyen de tous nous voir. "
" Oui, c'est probable, en effet. "
Harry fixa Severus, attendant qu'il veuille bien lui dire quel était le problème. Le Serpentard céda en fronçant les sourcils.
" Vous m'avez donné deux idées pour ce qui se passerait après ma majorité, mais en attendant ? Il me reste encore un an à tenir sous la responsabilité de mon père et donc sous les ordres de Vous-Savez-Qui ! "
" Ne croyez-vous donc pas pouvoir feindre la soumission, Mr Rogue ? "
" Bien sûr, je pourrais essayer, mais il y aura un moment où l'on comprendra que je ne joue pas franc jeu. De plus, je n'aiderais personne en faisant cela... "
" Vous vous aiderez vous-même, Mr Rogue " répondit Harry en souriant doucement.
Voyant que son jeune élève ne paraissait pas satisfait de sa réponse, il ajouta :
" Si vous y tenez tant que cela, vous n'aurez qu'à mettre en application le conseil que je vous ai donné : fournir des informations, jouer l'espion. Et quant à votre capacité de dissimulation, je pense que vous vous sousestimez. "
" Mais les aspirants Mangemorts ne savent presque rien ! Je vous fournirais des renseignements souvent inutiles " s'exclama Severus.
" Pas autant que vous le pensez, Mr Rogue. Ecoutez, il se peut que si Voldemort lance une attaque contre Poudlard, il vous demande de l'assistance pour franchir les défenses. Dans ce cas, il nous serait beaucoup plus facile de résister en sachant ce que vous seriez chargés d'accomplir. De plus, chaque information, aussi minime qu'elle soit, serait tout de même d'une grande aide. "
Severus parut sceptique, mais décida de le croire.
" Et à qui donnerais-je ces renseignements ? A vous ? "
" Par exemple, mais je pense qu'il serait plus efficace que vous les fournissiez directement au professeur Dumbledore, ne croyez-vous pas ? "
" Et vous pensez qu'il va me croire ? "
" Je vous ai déjà dit, Mr Rogue, que j'en suis convaincu. "
Severus le fixa sans ciller, hésitant.
" C'est à vous de faire votre choix, Mr Rogue. Vous m'avez exposé vos problèmes, je vous ai proposé des solutions. Maintenant, c'est à vous de voir " conclut doucement Harry.
Il y eut un long silence pendant que Severus fixait le sol, les sourcils froncés et que Harry ne regardait nul part en particulier, les yeux dans le vide. Ses yeux finirent par tomber sur sa montre, et il haussa un sourcil de surprise. Il ne s'était pas aperçu que l'heure tournait si vite.
" Je pense que vous devriez y aller, Mr Rogue, ou vous devrez aller en cours l'estomac vide. "
Brusquement tiré de ses rêveries, Severus leva les yeux vers lui.
" Oui, vous avez raison " murmura-t-il en récupérant son sac de cours au pied de son fauteuil et en se levant.
Il était déjà à la porte lorsqu'il se retourna vers l'Auror qui s'était levé pour le voir partir. Pour la deuxième fois de la journée, il avait l'air singulièrement hésitant. Harry crut même percevoir de la gêne quand il se remit à parler.
" Hem... Professeur ? "
Harry leva un sourcil pour l'inviter à continuer, cachant tant bien que mal son amusement.
" Je... enfin, cette nuit... vous m'avez appelé par mon prénom, pas vrai ? "
Harry se redressa. C'était cela qui le gênait ?
" En effet, Mr Rogue, et je m'excuse si je vous ai vexé... "
" Non, non " interrompit Severus. " Ce n'est pas ce que je voulais dire, c'est juste, euh... enfin... si ça ne vous dérange pas, j'aimerais beaucoup que vous continuiez... en privé, bien sûr. "
Harry le regarda fixer obstinément ses pieds, incrédule. Il savait depuis très longtemps que Severus n'était pas un fanatique des relations publiques, loin de là, et après tout, il ne se connaissait que depuis un peu plus d'un mois. Alors, avoir assez confiance en lui pour lui demander d'utiliser son prénom ?
Avec l'autre Severus, ça lui avait pris des années pour arriver à ce stade. Il se souvenait d'ailleurs de sa réaction lorsque, comme Harry était venu apporter quelques informations de dernière minute à Albus et à l'Ordre du Phoenix et qu'il était resté à l'école pour le petit déjeuner, n'ayant pas fait de pause de toute la nuit, Severus avait tout à coup sortit au détour d'une réplique :
" Appelle-moi Severus. "
La phrase avait été dite d'un ton tellement plat et anodin et à un moment tellement inattendu qu'il avait fallu plusieurs secondes à Harry pour comprendre ce qu'elle signifiait. Cette signification même, couplée au fait que pour la première fois en presque neuf ans qu'ils se connaissaient, Severus l'avait tutoyé, l'autorisant ainsi à faire de même, l'avait fait s'étouffer dans son café. La seule réaction qu'avait eu le maître des Potions de Poudlard à sa subite quinte de toux avait été un haussement de sourcil, puis d'épaules.
" On vois bien que tu es toujours un Gryffondor. Toujours aussi long à la détente. "
Ce qui avait donné lieu à une nouvelle longue série d'échange de piques sous le regard blasé des professeurs et celui sidéré des élèves.
Harry s'arracha au passé avec regret et douleur, et revint à son Severus de dix-sept ans qui attendait toujours anxieusement sa réponse. Cette vue le fit sourire, et il répondit malicieusement :
" Très bien, mais uniquement si vous m'appelez Harry et que vous me tutoyez. "
Severus releva aussitôt la tête, médusé.
" Mais... mais vous êtes un professeur et... "
" Et je n'ai que quatre ans de plus que vous " répliqua Harry. " Or, j'ose espérer que nous pourrons être amis à votre sortie de Poudlard. "
Severus le considéra un instant en silence. En parlant d'amitié avec un jeune élève qu'il ne connaissait lui-même que depuis à peine un mois, Harry venait tacitement d'indiquer qu'il acceptait sa confiance et qu'il la lui rendait entièrement. Le Serpentard sourit timidement en retour.
" D'accord. "
Le sourire de Harry se fit rayonnant.
" Parfait ! Dans ce cas, dépêche-toi, Severus, ou tu devras vraiment attendre le dîner ! "
Le Serpentard acquiesça, manifestement surpris de la facilité avec laquelle il maniait son nom.
" Au revoir... Harry. "
Severus sortit et Harry le regarda se diriger rapidement vers la Grande Salle, l'air pensif. A vrai dire, Harry était ravi que l'adolescent lui ai demandé cela, car il aurait très bien pu risquer un autre impair dans une situation aussi périlleuse ou s'il avait été distrait. A présent, au moins, il pouvait revenir à ses habitudes et ne plus sans cesse se rappeler à l'ordre, du moins quand ils seraient en privé. Il songea d'ailleurs, tout en refermant la porte, qu'il lui faudrait penser à régler ce problème avec Sirius et Rémus... et puis Minerva, et Pompom, et puis...
" Félicitations. "
Harry releva la tête de son journal qu'il parcourait d'un œil terne et mortellement ennuyé en laissant sa tasse de café refroidir dans sa main - les nuits de garde lui faisaient à peu près toujours cet effet - pour les poser sur le directeur qui était arrivé derrière lui, s'efforçant de se réveiller un peu plus pour comprendre de quoi il parlait.
" Je vous demande pardon ? "
" Mr Rogue est venu me voir hier soir " expliqua Albus, ses yeux pétillants de joie comme à son habitude. " Il m'a dit que c'était vous qui lui aviez conseillé de venir me voir... "
" Oh... " lâcha Harry, son esprit encore légèrement nébuleux s'efforçant de s'arracher aux dernières limbes du sommeil pour comprendre toutes les conséquences de cette information qu'on lui avait donné.
Depuix trois jours, Harry et Severus n'avait pas reparlé ensemble en privé, et le Serpentard étant un très bon élève, l'Auror n'avait pas même besoin de lui adresser un mot de reproche ou de conseil pendant les cours. Il n'avait donc jusque-là eu aucune occasion d'évaluer l'impact que ses mots avaient eu sur lui, et, et son cerveau réagit enfin à cette dernière constatation, il s'avérait qu'il l'avait convaincu. Du moins pour cela. Harry n'avait toujours aucune idée des intentions de Severus une fois qu'il aurait atteint sa majorité, mais ce n'était pas l'important pour l'instant.
Il releva les yeux vers le directeur qui attendait toujours une réponse plus structurée, visiblement amusé de son manque de combativité matinal. Harry sourit.
" Je suis heureux qu'il ait accepté de vous faire confiance. "
" Et je suis heureux que vous l'ayez convaincu de me faire confiance. "
Harry fit un geste de la main pour indiquer que ce n'était vraiment rien, se réapprovisionna à la plus proche cafetière et entreprit d'engloutir tasse de café sur tasse de café. Albus gloussa et le laissa absorber sa dose de caféine vitale pour aller s'asseoir à sa place à la table du petit déjeuner, un peu plus loin. Une fois la cafetière reposée pour la cinquième fois sur la table, Harry se permit un regard légèrement plus éveillé à travers la Grande Salle, et fixa un élève à la table des Serpentards.
Severus releva aussitôt la tête et lui fit un sourire en coin, sourire que Harry lui rendit tout aussi discrètement, avant d'appeler Minerva à l'aide pour qu'elle lui passe une autre cafetière, la précédente étant vide...
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