Chapitre 6: Chapitre 5
Notes : Je trouve le début de ce chapitre pas terrible, mais la seconde moitié est beaucoup mieux. Je me suis éclatée à écrire le dernier passage avec Peter ! J'espère que vous aimerez aussi...
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Chapitre 5 : Où les Maraudeurs réalisent, à leur grande surprise, qu'ils ont dix-sept ans.
Plusieurs jours avaient passé, et Harry trouvait sa vie d'enseignant à mi-temps assez monotone. En effet, toutes les mesures qui pouvaient être prises pour protéger Poudlard avaient été mises en place, et à présent ils ne restaient plus qu'à attendre une hypothétique attaque de la part du Seigneur des Ténèbres. Harry commençait donc à s'habituer à sa nouvelle vie et même à l'apprécier quand un événement lui rappela qu'il avait été idiot de relâcher son attention.
Un matin, deux semaines environ après la rentrée, le jeune Auror se réveilla en sursaut dans son lit, les mains pressées contre sa cicatrice brûlante et douloureuse. Désorienté, Harry se redressa et s'assit sur le bord de son lit, attendant que la douleur se calme pour réfléchir plus clairement. Cependant, il eut beau solliciter sa mémoire, aucune image ne lui vint comme cela lui était si souvent arrivé en pareille circonstance : ni torture, ni massacre.
Néanmoins, Harry savait que Voldemort avait exécuté quelque chose d'affreux cette nuit, et le fait de ne pas savoir ce que c'était lui mettait les nerfs à vif. Pourquoi sa connexion à Voldemort ne lui permettait-elle plus de percevoir ce genre de détail ? Harry soupçonnait que c'était lié au fait que le Seigneur des Ténèbres de ce temps-ci ne lui avait pas encore fait cette cicatrice, et si lui s'en souvenait, ce n'était pas son cas. La liaison entre eux existait donc toujours, mais elle était considérablement affaiblie.
Harry ne parvint pas à déterminer si c'était une bonne ou mauvaise chose, mais l'état d'énervement dans lequel le plongeait l'ignorance le faisait plutôt pencher vers la seconde solution. Savoir que Voldemort avait encore frappé, mais ignorer qui, quand, où et comment, et ne pas pouvoir faire quoi que ce soit pour y réagir, était extrêmement frustrant.
Il se maudit donc de ne pas avoir pensé, depuis trois semaines environ qu'il était ici, à avoir pratiqué son Occlumencie. Severus aurait eu sa peau s'il avait su, avec tout le mal qu'il avait eu à faire rentrer ça dans sa tête d'adolescent récalcitrant... Harry fit dévier ses pensées de peur qu'elles ne s'attardent trop sur son professeur de potions. Lorsqu'il avait activé la Tablette, cela faisait environ deux mois qu'il avait vaincu Voldemort. Il était resté un certain temps plongé dans un coma magique après cela, mais à son réveil, il avait eu tout le loisir d'oublier ses habitudes de la guerre. Cela avait été une grosse erreur de ne pas penser à les reprendre dès son arrivée ici.
Enervé par sa négligence, il se leva et décida d'aller prendre son petit déjeuner. C'était aujourd'hui un samedi et il avait compté faire la grasse matinée, mais il n'était plus question de traîner au lit, à présent. Et puis, peut-être le journal du matin lui livrerait-il le fin mot de l'histoire...
Il s'habilla donc rapidement et descendit les couloirs presque déserts vers la Grande Salle. Les quelques rares élèves qu'il croisait le saluaient avec respect et il leur répondait d'un bref signe de tête, plongé dans ses pensées. Les quatre tables étaient occupés par environ une dizaine d'adolescents matinaux, et seule le professeur de Potions se trouvait à celle des professeurs, pressée comme toujours de retourner à ses cachots. Harry s'attabla sans un mot et commença à manger sans appétit.
Brouet se leva peu de temps après, puis la Grande Salle se remplit progressivement alors qu'il terminait son repas. Il attendit alors impatiemment l'arrivée du courrier, qui ne tarda heureusement pas. Mais la Gazette, pas plus qu'aucun des quotidiens délivrés à l'école, ne faisait mention nulle part d'une attaque des Mangemorts. Harry resta quelque temps assis, les sourcils froncés d'inquiétude, fixant la feuille de papier dans sa main sans la voir.
Réalisant qu'il n'apprendrait probablement rien de nouveau aujourd'hui, il se releva et retourna à ses appartements où il ouvrit sa malle, en tira son balai et ressortit aussitôt. Une partie de Quidditch l'aiderait sûrement à se détendre, décida-t-il, et il lui semblait n'en avoir pas fait depuis des lustres...
" Magnez-vous un peu ! " s'écria James en direction de Frederick Hickman et Jennyfer Cauldwell, un seconde et une troisième années qui avaient rejoint l'équipe de Gryffondor lors des sélections de la semaine qui venait de s'achever. " Si on ne se dépêche pas, ce sont les Serpentards qui vont avoir le terrain ! "
Frederick se leva précipitamment et Jennyfer l'imita après s'être emparée d'un dernier toast qu'elle grignota pendant qu'ils rejoignaient leur capitaine.
" Ah ! Tout de même " s'exclama James. " Bon, allons-y ! " ajouta-t-il à l'intention de l'équipe au complet.
Les Gryffondors s'élancèrent hors de la Grande Salle et traversèrent le Hall pour sortir dans l'air du matin encore humide de rosée. Sirius suivait en souriant, accompagnant son ami comme à chaque entraînement pendant que Rémus commençait ses leçons et que Peter s'attardait à la table du petit déjeuner. James était en queue avec les deux nouveaux, leur donnant quelques dernières recommandations.
" Ne vous inquiétez pas " disait-il. " Ce n'est pas un match, c'est juste une séance d'entraînement, vous n'avez pas à... "
Une exclamation de surprise le coupa dans sa phrase et détourna son attention. Elisabeth Carol, une sixième année qui ouvrait la marche, avait le nez pointé vers le ciel. Suivant son regard, l'équipe entière et Sirius levèrent le visage, visages qui prirent des expressions diverses d'étonnement.
Loin au-dessus d'eux, Harry Davies, Auror et professeur de Défense contre les Forces du Mal, était plongé dans une série de tonneaux, vrilles et remontées en chandelle afin d'esquiver les deux Cognards qui lui collaient au train. James le regarda avec une admiration croissante enchaîner les figures acrobatiques sur son Nimbus 1500, le dernier balai sorti sur le marché. Il ne se serait jamais douté que leur professeur jouait au Quidditch, et encore moins qu'il se débrouillait aussi bien.
Il se détourna un instant pour jeter un coup d'œil à Sirius, dont la bouche entrouverte résumait parfaitement bien sa surprise et sa fascination. Un petit cri de Jennyfer ramena son attention sur Davies juste à temps pour le voir piquer droit sur eux, le front plissé par la concentration. Il ouvrit la bouche pour pousser un cri d'avertissement en voyant l'un des Cognards se précipiter droit sur son trajet, mais l'Auror accentua brutalement l'angle de sa descente, esquivant la sphère sombre sans même donner l'impression d'y penser et plaçant son balai carrément à la verticale.
Le second Cognard, droit en dessous de lui, remonta vivement de manière à ce qu'ils foncent l'un sur l'autre. Là encore, Davies ne donna aucun signe qu'il avait remarqué et continua à la même vitesse phénoménale. Seulement, un instant avant que la collision n'ait lieu, il donna une brusque torsion à son balai qui partit en vrille sans changer d'allure ou de direction, et le Cognard passa à l'endroit où se trouvait sa tête une seconde auparavant, et qui était maintenant entre ses deux jambes écartées.
'Comment est-ce qu'il fait pour tenir sur son balai ?' pensa James, estomaqué.
Davies arrêta la vrille d'une autre torsion et reprit sa position initiale sur son Nimbus 1500, laissant les Cognards loin derrière lui. Durant toutes ces manœuvres, il n'avait pas quitté le sol des yeux. Cloué sur place, James le regarda piquer vers lui, de plus en plus bas, sans jamais paraître vouloir s'arrêter... Tous les adolescents retenaient leur souffle dans un silence horrifié. Enfin, à peine trois mètres avant le sol, l'Auror se redressa sur son balai d'un mouvement vif et précis, l'obligeant à pivoter presque instantanément de 90°. Il continua sa course droit sur eux, passant au-dessus de leurs têtes dans un appel d'air qui ébouriffa les cheveux de James, pour s'arrêter net juste à l'aplomb de Sirius.
Les membres de l'équipe le fixèrent un moment, sans voix, avant de remarquer enfin l'éclat doré qui s'échappait de la main de leur professeur : le Vif d'or, qui était resté immobile durant toute la prestation au-dessus de Patmol. Aucun d'eux ne l'avait remarqué. Lentement, Davies fit descendre son balai jusqu'au sol et se retourna vers eux, haletant.
" Désolé si je vous ai fait peur " dit-il avec un large sourire.
James s'aperçut vaguement que toutes les filles avaient plaqué leurs mains contre leur bouche pour retenir leur cris d'horreur, et qu'elles les descendaient maintenant avec précaution, comme si elles s'attendaient à le voir brutalement repartir. Mais il n'y prêta aucune attention, ses yeux littéralement scotché au jeune Auror, sa bouche encore plus largement ouverte que celle de Patmol.
" Co... Comment vous avez fait ça ? " demanda-t-il en bégayant.
" Hein ? " demanda leur professeur sans paraître comprendre. " Quoi donc ? "
James n'en crut pas ses oreilles.
" Mais... tout ! " s'écria-t-il. " Vous êtes... Je n'ai jamais vu quelqu'un jouer comme vous ! C'était... complètement... mince, j'arrive pas à trouver de mots assez forts pour qualifier ça ! "
Davies le fixa, une lueur de plaisir dans les yeux.
" Vraiment ? Merci ! "
" C'est pas possible que vous soyez Auror ! " reprit James, les yeux écarquillés. " Vous devriez au moins jouer au niveau national ! "
" Eh bien, " lui accorda-t-il en descendant de son balai, " j'y ai pensé, mais le Quidditch est avant tout un sport, n'est-ce pas ? Un passe-temps. Je ne pense pas que j'aimerais en faire mon métier, ce serait beaucoup moins amusant. "
Il secoua la tête pour appuyer ses paroles, et ses longs cheveux s'envolèrent alors que le vent se levait. Les yeux de James se posèrent sur le Vif d'or qu'il tenait encore serré dans son poing.
" Vous êtes Attrapeur ? "
" Oui. "
" Vous ne voudriez pas donner quelques trucs à Logan ? " demanda-t-il avec espoir.
Logan Finnigan, loin d'être vexé, eut l'air enchanté de la proposition et fixa Davies avec la même ferveur que James. Malheureusement, Davies secoua la tête.
" Je suis désolé " dit-il avec un sourire navré. " J'aurais l'air un peu partial, si je faisais ça, et ce n'est pas vraiment ce qu'on attend des professeurs... "
Les Gryffondors eurent l'air si déçus qu'il ajouta après réflexion :
" Mais je pense que je pourrais quand même lui donner quelques conseils... "
James releva la tête et lui adressa un sourire éclatant.
" C'est vrai, vous feriez ça ? Merci beaucoup ! "
Un mouvement aux portes du château retint brutalement son attention.
" Ah ! " s'écria-t-il brusquement. " Les Serpentards ! Allez, vous autres, aux vestiaires, et en vitesse, ou ils vont nous doubler ! " cria-t-il à son équipe. " A tout de suite, professeur ! " ajouta-t-il par-dessus son épaule.
Harry lui fit un signe de la main et les regarda foncer vers leurs vestiaires, puis se tourna vers Sirius qui était resté près de lui.
" L'équipe est bonne, cette année ? "
Sirius parut flatté qu'il lui demande son avis, et répondit :
" Les deux nouveaux n'ont pas l'air mauvais, mais je ne pense pas qu'ils seront aussi bons que nos anciens joueurs, du moins pas au début. Finnigan est plutôt bon, et si vous l'aidez, ce sera encore mieux ! Quant à James, c'est le meilleur joueur de Quidditch de Poudlard, tout le monde le dit ! Enfin, " ajouta-t-il après un moment, " il était le meilleur joueur de Quidditch avant que vous n'arriviez. "
Harry pouffa.
" Il y a peu de risques que je lui fasse de l'ombre, j'ai déjà terminé mes études... "
Sirius lui jeta un de ses sourires éclatants habituels.
" Black " interrompit soudain une voix derrière eux. " Qu'est-ce que tu fiches là ? "
Sirius grimaça et se retourna, pendant que Harry reculait dans l'ombre des tribunes pour observer la scène. Jack Pritchard, le capitaine de l'équipe de Serpentard, s'approcha de Sirius, la mine dégoûtée.
" Je te retourne la question " dit calmement Patmol, le regard hautain.
Pritchard eut un sourire triomphant et sortit un morceau de parchemin de sa poche.
" Nous avons l'autorisation du professeur Brouet de nous entraîner sur le terrain ce matin. Vous pouvez donc... "
" Nous aussi ! "
Pritchard se retourna vers James qui avançait vers lui à grands pas, son balai à la main et l'équipe entière derrière lui.
" Qu'est-ce que tu racontes, Potter ? "
" Je dis " répondit James avec un sourire méprisant, " que j'avais prévu ta ruse minable et que par conséquent j'ai moi aussi demandé une autorisation ! "
Il sortit une autre feuille de sa propre poche et l'agita.
" La voici, signée par McGonagall ! "
Sur ce, il fit un signe à son équipe et ils montèrent tous sur leurs balais. Avant de s'élever, il envoya une dernière pique au capitaine adverse :
" Premiers arrivés, premiers servis, Pritchard ! Vous allez devoir attendre votre tour ! "
Sirius éclata de rire devant l'expression furieuse de Pritchard, et Harry lui-même dut retenir un sourire. Mais Patmol s'arrêta net quand une seconde voix prit la parole de derrière le Capitaine :
" Alors, tu traînes toujours derrière Potter comme si tu étais son chien, à ce que je vois ? "
Les yeux de Sirius s'emplirent de colère en voyant son frère Régulus sortir du rang, vêtu de la tenue de l'équipe de Serpentard.
" Mon cher frère " constata-t-il d'un ton lourdement sarcastique. " A ce que je vois, notre adorable mère t'a déniché la place dont tu rêvais dans l'équipe des Langues Fourchues ? "
" Ferme-la, le traître ! " s'exclama Régulus, la mâchoire serrée de rage. " J'ai gagné cette place moi-même, contrairement à toi qui ramasse les os que laissent tomber les valeureux Gryffondors... Comment vont les Potter, ces jours-ci ? Et ton pote, il tourne toujours autour de la Sang-de-Bourbe, Evans ? "
Voyant que Sirius s'apprêtait à se jeter sur son frère, les poings serrés et les yeux étincelants de haine, Harry décida d'intervenir avant que cela n'aille plus loin et qu'il y soit forcé.
" Moins dix points pour Serpentard pour insulte grave envers une de vos camarades " énonça-t-il d'une voix calme, faisant sursauter les Serpentards, qui ne s'étaient pas aperçus de sa présence, et Sirius, qui l'avait oubliée. " Maintenant, vous feriez bien de regagner le château et de laisser l'équipe de Gryffondor s'exercer en paix. Quant à vous, Mr Black, vous ne voudriez pas manquer l'entraînement, n'est-ce pas ? "
Sirius le fixa, troublé, pendant que Régulus lui jetait un regard assassin. Il lui avait fallu plusieurs jours pour reconnaître l'Auror qui les avaient envoyés, lui et sa mère, sur une fausse piste, les contraignant à passer une bonne heure dans l'atmosphère sordide de l'Allée des Embrumes avant que Mme Black ne finisse par déclarer forfait, maudissant le jeune homme et sa famille jusqu'à la vingt-troisième génération. Mais depuis qu'il l'avait identifié, il ne pouvait pas le croiser sans se mettre à froncer les sourcils d'un air menaçant et à grincer des dents, ce que Harry ignorait superbement.
Encore une fois, il fit mine de se désintéresser totalement de lui et prit Sirius par l'épaule, le conduisant vers les tribunes avant qu'aucun d'eux n'ait pu dire quoi que ce soit. Après un instant d'hésitation, Pritchard repêcha leur nouveau Poursuiveur et l'équipe de Serpentard se replia, la rage au cœur.
Quelques jours plus tard, Harry relâcha les Poufsouffles de cinquième année et sortit à son tour de sa salle de cours. La nouvelle de son don au Quidditch avait fait le tour de l'école en très peu de temps et encore rehaussé l'estime que ses élèves et tous les adolescents en général lui portait.
Beaucoup des plus jeunes enviaient maintenant leurs aînés, surtout les élèves de Thomson qui avait un tempérament facilement irascible et qui pressait toujours ses élèves jusqu'à leur maximum. Il dédaignait généralement les plus en difficulté pour s'intéresser aux plus habiles, augmentant ainsi les différences de niveau dans une même classe. En bref, il était loin d'être le professeur idéal, et les troisième et quatrième années aurait donné n'importe quoi pour ne pas faire cours avec l'Auror, célèbre ou pas.
O'Brien était plus douce, mais elle avait tout de même du mal à comprendre que ses élèves n'étaient pas des Aurors en formation et qu'ils débutaient dans le monde de la magie. Les première et seconde années étaient souvent découragés par la difficulté de ce qu'elle attendait d'eux.
De l'avis de tous, Harry Davies restait le meilleur professeur de Défense contre les Forces du Mal de l'année scolaire, et probablement aussi de tous ceux qu'ils avaient jamais eu, même pour les septième années. Dumbledore avait maintenant, à défaut de la confiance qu'il était encore trop tôt pour établir, du respect envers lui, et son avis était écouté et respecté parmi ses nouveaux collègues. Harry était donc assez satisfait de lui-même, et s'il n'y avait pas eu cette fameuse ombre au tableau nommée Voldemort, il aurait même pu se sentir heureux.
Même si son projet de changer le futur n'avait pour l'instant guère avancé, il avait déjà gagné la confiance des Maraudeurs, que l'admiration de James suite à sa démonstration du samedi précédent semblaient avoir totalement convaincus, et celle de Severus qui était venue en même temps que le respect lors de leur discussion matinale le premier jour de cours. Cette confiance allait donc pouvoir lui permettre d'intervenir plus encore dans leurs vies.
La première occasion pour cela allait d'ailleurs arriver beaucoup plus tôt qu'il ne l'aurait cru.
Harry longeait donc le couloir qui menait à son bureau pour y déposer les devoirs que ses élèves venaient de lui rendre avant de descendre dîner, quand il aperçut les Maraudeurs devant lui. Ils ne l'avaient pas remarqué. Intrigué, il constata qu'ils se tenaient tous les quatre dans l'embrasure d'une porte et que Sirius, James et Peter paraissaient amusés par quelque chose tandis que Rémus détournait le regard. Cette scène lui rappela vaguement quelque chose, mais avant qu'il n'ait pu mettre le doigt dessus, une silhouette apparut au bout du couloir, longeant celui qui le croisait à cet endroit. Severus Rogue.
Au moment où le Serpentard disparaissait au coin, James et Sirius s'élancèrent, suivis de près par Peter et avec un peu moins d'enthousiasme par Rémus. Harry sut aussitôt ce qui allait se passer, et, s'élançant, dépassa la porte de son bureau dans une envolée de robes. Le bruit de quelque chose de lourd tombant au sol lui apprit qu'il arrivait trop tard.
" Alors, Pleurnichard ? " résonna la voix de James, moqueuse. " Tu te promènes sans tes potes ? C'est pas très prudent, ça ! "
Harry sentit sa colère s'enflammer et monter en lui en même temps qu'il entendait une voix traînante ressurgie de sa mémoire lui parler sur le même ton. S'il y avait bien une chose qu'il avait eu beaucoup de mal à avaler à propos de son père et de son parrain, c'est qu'ils aient pu un jour se comporter comme un Malefoy le ferait...
" Va te faire foutre, Potter... " vint la réponse assourdie.
" Allons, allons, Rogue, ne sois pas aussi grossier " réprimanda Sirius, sarcastique.
Harry atteignit le bout du couloir au moment précis où son parrain levait sa baguette pour jeter un autre sort au Serpentard étalé par terre, sa propre arme gisant à plusieurs mètres de là. D'un mouvement fluide et avant même qu'aucun d'eux ne l'ait remarqué, il arracha le morceau de bois de la main de Sirius. Les Maraudeurs se tournèrent vers lui comme un seul homme, surpris, et même Severus, qui avait dans un premier temps parut vouloir profiter de leur moment de distraction pour récupérer sa baguette, resta figé devant l'Auror.
Harry savait qu'il devait avoir l'air impressionnant avec ses yeux étincelants de colère et ses robes claquant contre ses mollets sous l'effet de sa course, mais ils ne se souciaient pas le moins du monde de les rassurer. En fait, il était fou de rage.
" Attaquer un homme par derrière ou un homme désarmé entrent pour moi dans la même catégorie " gronda-t-il d'une voix assourdie qu'il s'efforçait de contrôler, " les actes d'un lâche. Pour être tout à fait franc, je trouve cela totalement répugnant ! " dit-il plus fort, la voix tranchante.
" Mais, monsieur... " tenta de protester James, la voix tremblante.
" Silence ! Mr Rogue, " dit-il en se tournant vers le Serpentard, la mine sombre, " partez d'ici. Et vous, suivez-moi ! " ordonna-t-il d'un ton sans réplique aux quatre Maraudeurs.
Les quatre adolescents n'osèrent même pas échanger un regard et le suivirent sans un mot. Il les mena à son bureau et les fit entrer, puis referma la porte derrière eux. Son paquet de copies atterrit sur sa table de travail avec un bruit sourd, les faisant sursauter. Harry se tourna de nouveau vers eux, sa colère toujours entière.
" J'espérais que vous vous serviriez avec un peu plus de jugeote de mon enseignement ! " cracha-t-il. " Je ne crois pas vous avoir dit de vous exercer à l'Expelliarmus sur tous les élèves qui vous passeraient sous la main, que je sache ? Ce sort est censé vous servir à vous défendre contre vos ennemis, pas à rendre vulnérable une personne que vous avez soudain envie d'humilier, et dont l'aide, par les temps qui courent, pourrait plus tard vous être utile sur le champ de bataille... ! "
" Mais, monsieur, " coupa James, dont l'indignation avait pris le pas sur la crainte, " c'est un Serpentard ! "
Harry lui donna à peine le temps de terminer sa phrase et, sans signe annonciateur, le gifla violemment. James vacilla, et les quatre adolescents le fixèrent, médusés. Jamais aucun enseignant n'avait porté la main sur l'un d'eux.
" C'est cela, le problème, Mr Potter ? " demanda Harry sans y faire attention, la voix sourde. " Le fait qu'il soit un Serpentard ? Le fait que sa caractéristique principale soit la ruse et non le courage ? Vous est-il déjà seulement venu à l'esprit que tous les étudiants Serpentards ne sont pas forcément des Mangemorts en formation ? Vous me décevez beaucoup, Mr Potter ! "
Harry criait, à présent, et les Maraudeurs se recroquevillaient devant sa colère.
" Et même s'ils étaient des partisans de Voldemort - "
Les élèves le fixèrent d'un air médusé, tressaillant sous le nom.
" - croyez-vous que ce serait à vous de vous en charger ? Croyez-vous que vous agissez de la bonne manière pour les convaincre qu'ils font une erreur ? Ne leur donnez-vous pas encore plus de raisons de se tourner vers lui, en leur faisant croire que vous ne les accepterez jamais à vos côtés pour lutter contre lui ? "
" Mais, " tenta Sirius en rassemblant tout son courage, " il y en a qui ne changeront jamais d'avis et qui resteront toujours des salauds ! Il y en a qui sont trop bêtes pour même penser qu'il y a autre chose que Vous-Savez-Qui ! "
Harry se tourna vers lui, le regard dur, et un silence lourd régna un instant sur la petite pièce.
" Pensez-vous réellement que cela puisse être de la bêtise, Mr Black, " dit-il enfin, " et est-ce que vous ne croyez pas que cela pourrait plutôt être qu'on ne leur a jamais rien laissé voir d'autre ? D'ailleurs, permettez-moi de vous dire que si vous comptez Mr Rogue aux rangs de ceux-là, vous avez un sérieux problème. "
Il se retourna brusquement, faisant voler ses robes pour aller s'asseoir dans la chaise en face de la table, les fixant gravement.
" Quoi qu'il en soit, " reprit-il de la voix glaciale qu'ils ne lui avaient entendu utiliser qu'avec Rita Skeeter, " il me semble évident que les motifs qui vous ont poussé à agir de manière aussi minable étaient loin d'être nobles... Vous devriez être fier de vous, Mr Black, vous me semblez tout à coup tenir beaucoup plus de votre mère que je ne le pensais. "
Sirius pâlit de colère retenue, et ses amis se redressèrent à l'insulte terrible.
" Professeur... " essaya d'intervenir Rémus en faveur de ses camarades.
Mais Harry en avait autant à son service qu'à celui des deux autres.
" Mr Lupin, ne vous croyez pas en position d'intervenir, je ne suis pas plus fier de votre attitude que de celle de vos camarades. L'amitié n'excuse pas tout, même si elle a été longtemps précédée de la solitude, et j'aurais attendu de vous que vous fassiez plus que manifester muettement votre désapprobation et faire semblant d'être sourd et aveugle ! Si vous les considérez réellement comme vos amis et que vous vous attardiez deux minutes pour y réfléchir, vous réaliseriez qu'ils ne risquent pas de vous laisser tomber parce que vous donnez votre avis quand ils ont continué à vous fréquenter lorsqu'ils ont su que vous étiez un loup-garou ! "
Cette fois, ce fut au tour de Rémus de devenir plus blanc que linge et de baisser les yeux.
" Quant à vous, Mr Pettigrow, " reprit Harry en se tournant vers le quatrième Maraudeur qui se recroquevilla instantanément, " ne croyez pas que je vous oublie. Vous pouvez admirer vos amis autant que vous le voudrez, mais ce n'est pas une raison pour penser que chaque chose qu'ils font est absolument parfaite et ne mérite que l'approbation ! Quand allez-vous commencer à penser par vous-mêmes au lieu de laisser les autres le faire à votre place ? Vous êtes humain, ce me semble, et non pas un simple reflet de ce que pensent vos camarades ! "
Peter avait les larmes aux yeux et se tordait les mains, ne sachant plus où se mettre. Harry se tourna enfin vers le dernier qu'il n'avait pas encore assez frappé pour lui faire baisser la tête. Cela lui en coûtait énormément de faire cela, et il aurait voulu qu'ils ne l'y forcent pas et qu'ils réalisent tout cela par eux-mêmes, mais il devait agir. Retenant sa tristesse, il fixa James dans les yeux et le vit se raidir, attendant l'assaut.
" Et vous, Mr Potter, vous que vos amis estiment au point de vous considérer comme leur leader, n'avez-vous donc rien à faire d'autre de cette estime que de vous en servir pour assouvir vos passions personnelles, et vous attirer l'attention de l'école toute entière par tous les moyens à votre disposition ? Vous voulez être un modèle, n'est-ce pas ? Mais un modèle de quoi ? D'irresponsabilité et de suffisance ? A moins que vous n'appeliez cela " décontraction ", bien sûr... Grandissez un peu ! Serait-ce trop vous demander alors que vous atteigniez presque votre majorité ? "
Harry promena son regard froid sur les quatre adolescents choqués, et, sentant qu'il n'allait pas tarder à craquer, leur ordonna :
" Sortez, maintenant. Vous avez de la chance, vous voyez, vous n'aurez droit à aucune détention. J'ose espérer que cela vous suffira comme leçon. A présent, dehors ! "
Les Maraudeurs ne se le firent pas répéter une troisième fois et sortirent rapidement sans oser croiser son regard. A peine la porte refermée, Harry s'effondra sur son siège et prit son visage crispé de douleur entre ses mains, puis prononça tout bas ce qu'il aurait voulu leur dire, mais qu'il ne pouvait pas :
" Pardon... "
Les quelques Gryffondors qui traînaient dans leur salle commune après avoir fini leur dîner virent le portrait de la Grosse Dame s'ouvrir en coup de vent et les célèbres Maraudeurs, réputés pour leur humour, leurs blagues et leur effronterie, s'engouffrer dans la salle, hagards, le visage défait. Avant qu'ils n'aient pu dire quoi que ce soit, ils s'étaient tous quatre précipiter dans les escaliers qui menait aux dortoirs des garçons.
James referma la porte à la volée et alla s'affaler comme les autres sur son lit. Un long silence régna, que Sirius brisa d'une voix étouffée :
" 'Jamais eu plus honte de toute ma vie " gémit-il, son visage enfoui dans ses bras, allongé de tout son long sur son matelas.
" Je ne me rappelle pas m'être senti plus minable " ajouta Rémus du même ton, roulé en boule sur le sien.
" Est-ce que... " demanda Patmol d'un ton timide. " Est-ce que c'est vrai ce qu'il a dit ? Que tu ne disais rien parce que tu avais peur qu'on te laisse tomber ? "
Rémus resta silencieux un long moment, et ils crurent qu'il n'allait pas répondre, mais il finit pas articuler un " Oui " à peine audible.
" Et... et toi, Queudver ? " ajouta Sirius dans le silence pesant. " Tu pensais vraiment qu'on attaquait Rogue parce que c'était la meilleure chose à faire ? "
Peter laissa échapper un sanglot déchirant, et ils relevèrent tous la tête pour le voir plié en deux, les mains plaqués sur son visage, les épaules secouées par de longs tremblements.
" Je crois... " répondit-il d'une voix rendue rauque par les larmes, entre deux sanglots, " je crois que oui... Je n'ai même pas pensé... que Rogue pouvait être dans ce couloir pour une autre raison... que pour que vous le charriez. Comment est-ce que je peux être aussi con, parfois ? " s'écria-t-il dans un accès de colère contre lui-même.
Sans un mot, Sirius se releva et alla rejoindre Queudver sur son lit, bientôt rejoint par Rémus.
" Je crois qu'on a tous été cons, Peter, et pas seulement aujourd'hui. Maintenant que je me souviens de certains trucs qu'on a fait, j'ai envie de me creuser un trou et de m'y enterrer pour le restant de mes jours. "
Lunard hocha la tête sans un mot, frottant le dos courbé de Peter dans un geste rassurant.
" Pardon... "
" James ? " demanda Sirius d'un ton inquiet à son ami qui ouvrait enfin la bouche.
James était assis sur son lit, les coudes posés sur ses genoux, et la tête si basse qu'on ne voyait que ses cheveux noirs constamment ébouriffés.
" Pardon, c'est ma faute... C'est moi qui vous est entraînés, là-dedans... Je suis tellement désolé... "
Ce n'est qu'à ce moment que Sirius remarqua les légers soubresauts des épaules de son ami. Il se leva comme un ressort et se précipita vers lui, le prenant dans ses bras.
" James ! Dis pas de conneries ! Tu ne nous as entraînés nulle part, c'est nous qui t'avons suivi. D'ailleurs, je ne crois pas que tu es proposé beaucoup plus de débilités que moi ! "
Rémus et Peter les rejoignirent, entourant leur ami. Ils étaient tous conscients maintenant d'avoir fait beaucoup d'erreurs, et souvent en tant que Maraudeurs. S'ils devaient en affronter la responsabilité, ils le feraient ensemble, comme des Maraudeurs, justement.
Le silence régna encore un long moment et James se calma progressivement, relevant même la tête pour offrir un maigre sourire de remerciement à ses amis.
" Dites, les mecs ? " demanda Sirius d'une voix pensive.
Ils se tournèrent vers lui, interrogateurs.
" Comment est-ce qu'il a réussi à nous faire comprendre ça aussi facilement ? Je veux dire... c'est exactement ce qu'essayait de nous dire Evans depuis des lustres, non ? "
Les autres parurent surpris, puis Rémus répondit lentement :
" Je pense que c'est parce qu'il a vraiment frappé là où ça fait mal. "
Apercevant les regards confus des autres, il expliqua :
" Vous voyez, il m'a parlé à moi de ma lycanthropie, à Sirius de sa mère, à Peter du fait qu'il avait tendance à trop nous suivre, et à James du fait qu'il ne réalisait pas les responsabilités que nous lui donnions sans le vouloir avec notre amitié. Ce sont tous des sujets très personnels et douloureux, n'est-ce pas ? Mais ce ne sont pas des choses qu'Evans connaît, ni qu'elle pense être aussi importantes pour nous. Alors, je pense qu'il a tout simplement appuyé là où ça fait vraiment très mal, les trucs qu'on savait et qu'on devait se reprocher quelque part au fond de nous, mais qu'on refusait de s'avouer, et il les a fait remonter à la surface avec ses propres mots. En somme, il nous a juste mis en face de ce à quoi on tournait obstinément le dos. "
Ses amis le fixèrent un instant en silence.
" Rémus, tu devrais faire psy " déclara Sirius avec un demi sourire.
" Non " rétorqua Lunard. " C'est lui qui devrait faire psy ! Vous vous rendez compte qu'il doit nous connaître vraiment à fond pour avoir dit tout ça ? Je ne pensais même pas qu'il savait que j'étais un loup-garou ! "
" Récapitulons " dit James d'une voix calme. " Ce type est très bon Auror, excellent professeur de Défense contre les Forces du Mal, a un don pour le Quidditch et un autre pour la psychologie... Mais c'est l'homme parfait, ma parole ! Quand les filles vont comprendre ça, tu vas avoir beaucoup de concurrence, Patmol ! "
Sirius éclata d'un rire joyeux, entraînant les autres avec lui. Après tout, le passé est le passé, n'est-ce pas ? Ils avaient toute la vie devant eux pour se rattraper, et ce n'était pas parce qu'ils se sentaient un peu plus responsables qu'ils devaient devenir mortellement sérieux. De toute façon, aucun d'entre eux n'en aurait été capable...
Le lendemain matin, James se dirigeait vers la Grande Salle où l'attendaient les autres pour le petit déjeuner quand il vit une pile de livres portées par deux jambes vacillantes descendre difficilement l'escalier. Les yeux ronds, il finit par reconnaître la crinière flamboyante de Lily Evans au-dessus de la couverture usée du volume supérieur. Sa première réaction aurait été de l'effrayer afin de voir si elle allait s'étaler, mais un accès de honte le prit dès qu'il eut formulé cette pensée : les blagues, c'était bien, mais si c'était dangereux et que cela pouvait blesser quelqu'un, mieux valait les remettre à plus tard.
Ces pensées de sagesse lui parurent quelque peu déplacées dans un esprit comme le sien, mais il préféra ignorer cela et se diriger vers la jolie Gryffondor qui tâtonnait à la recherche de la prochaine marche. Elle ne portait en fait pas tant de livres que cela, mais ils étaient tellement gros qu'elle ne pouvait même pas voir où elle allait. D'autorité, il s'empara de la moitié supérieure de la pile et se demanda comment elle avait fait pour en porter le double jusqu'ici tellement les énormes grimoires étaient lourds.
Lily sursauta quand son champ de vision s'éclaircit soudain et que ses bras lui semblèrent plus légers, puis, identifiant le Maraudeur, le regarda avec des yeux étonnés. James grimaça et assura la pile de livres sur ses avant-bras.
" T'es malade de porter tout ce bazar, Evans ? Tu tiens à te casser la gueule, ou quoi ? "
L'expression étonnée devint incrédule.
" Je te demande pardon ? Depuis quand tu te soucies de ce genre de détail ? " demanda-t-elle d'un ton maintenant suspicieux.
" Eh ! oh ! On se calme, Evans ! Si j'avais voulu t'emmerder, je crois qu'il m'aurait suffi de te faire un croche-pied, non ? Tu aurais difficilement pu l'éviter, chargée comme tu l'étais. Alors, j'en fais quoi ? " s'impatienta-t-il en soulevant les grimoires.
" Euh... J'allais les rendre à la bibliothèque... "
" Ben voyons, j'aurais dû m'en douter " soupira le Maraudeur en tournant les talons. " Ca t'aurait tuée de faire deux voyages ? "
Voyant qu'elle restait où il l'avait laissé, il cria :
" Alors, tu viens, oui ou non ? J'ai pas que ça à faire, j'ai pas encore déjeuné ! "
Lily le suivit par automatisme, abasourdie par son brusque changement de comportement.
Du haut des escaliers, Harry sourit de plaisir, un sourire qui lui allait d'une oreille à l'autre, puis partit à la recherche des trois autres. C'était une matinée de congé, autant en profiter...
Sirius remonta impatiemment le couloir qui menait à la salle commune. James aurait dû les rejoindre depuis longtemps maintenant, et si cela continuait, il n'aurait même pas le temps de déjeuner avant le début des cours... Il releva brutalement la tête en entendant des bruits de pas en face de lui, puis pila net en voyant Severus Rogue venir vers lui. Le Serpentard ne l'avait pas remarqué, plongé dans ses pensées, et il était seul. Le moment idéal pour le provoquer.
Mais l'esprit de Sirius s'arrêta sur l'image de son frère souriant perfidement et l'insultant, lui et ses amis. Il ne pouvait pas lui ressembler... n'est-ce pas ? Et bien, décida-t-il, le meilleur moyen de s'en assurer était encore de faire en sorte que cela ne soit pas le cas. Sa décision prise, il reprit sa marche à grands pas. Alors qu'ils n'étaient plus séparés que de quelques mètres, Severus releva brutalement les yeux et son expression devint immédiatement celle d'un homme sur ses gardes. Sa main plongea dans sa poche. Sirius se contenta de penser :
'C'est nous qui l'avons forcé à devenir comme ça ?'
Il continua sa route puis s'arrêta à nouveau, juste à côté du Serpentard qui fit un pas pour s'éloigner de lui, baguette sortie. Sirius tourna enfin la tête vers lui et le fixa dans les yeux. Après un moment de silence, il dit lentement :
" Désolé pour hier, Rogue. "
Puis il repartit sans regarder en arrière, son esprit curieusement plus léger déjà absorbé à nouveau dans la recherche de son meilleur ami.
Caché dans un passage secret camouflé par une tapisserie, Harry observa avec le même plaisir qu'auparavant le visage de Severus prendre une expression d'incrédulité identique à celui de Lily tandis qu'il regardait le Gryffondor lui tourner le dos sans une arrière-pensée et disparaître au coin du couloir. Jetant un nouveau coup d'œil à la carte des Maraudeurs serrée dans son poing, il passa au troisième de ses messieurs.
Rémus se dirigeait vers la bibliothèque afin d'emprunter un livre avant d'aller en cours, quand des éclats de voix lui parvinrent d'un passage secret adjacent. S'approchant, il constata que les voix correspondaient à deux Gryffondors de sixième année qu'il connaissait, et qu'ils ennuyaient visiblement une jeune Serpentard de première année, qui, arrivée depuis trois semaines à peine, ne savaient même pas ce que voulait dire " rivalité des maisons ". Un sentiment d'injustice gonfla son cœur, mais il s'apprêta tout de même à passer son chemin. Ces deux Gryffondors étaient vraiment de bons amis, il ne pouvait pas les ennuyer avec ça, pas vrai ?
Mais quelque chose le fit douter.
" L'amitié n'excuse pas tout, même si elle a été longtemps précédée de la solitude... "
Rémus sursauta. Il aurait presque pu croire que cette voix avait réellement résonné entre les murs de pierre, mais il savait qu'elle sortait en réalité de sa mémoire. Pensif, il baissa les yeux, et son regard croisa le rayon de lumière que lui renvoyait son insigne. P comme Préfet... Non, l'amitié n'aurait pas excusé ça, n'est-ce pas ?
Il fit brutalement volte-face et passa à travers l'illusion d'un pan de mur qui cachait le passage.
" Hey ! " s'exclama-t-il d'une voix forte. " Vous ne pouvez pas la laisser tranquille ? Elle ne vous a rien fait ! "
Les deux Gryffondors se tournèrent vers lui, médusés.
" Rémus ? " dit l'un d'eux. " On ne fait rien de mal, c'est une Serpentard... "
" Une Serpentard de onze ans, née de famille moldue, qui comprend encore à peine ce que Vous-Savez-Qui veut dire. Belle cible pour de valeureux Gryffondors de seize ans, pas vrai ? "
'Si c'était Davies qui les avait entendus dire ça, ils auraient passé un mauvais quart d'heure' ne put-il s'empêcher de se faire la réflexion en les regardant échanger des regards, les sourcils levés.
Il profita de leur moment d'inattention pour faire signe à la petite Serpentard de filer. La gamine le regarda un instant, incrédule, jeta un coup d'œil rapide aux deux autres, puis s'enfuit dans l'autre direction. L'un des garçons s'en aperçut et sortit sa baguette.
" Hey ! " appela-t-il, les sourcils froncés.
Mais Rémus fut plus rapide que lui, et il était déterminé à aller jusqu'au bout.
" Expelliarmus " prononça-t-il nonchalamment.
Le Gryffondor n'était pas sur ses gardes, il fut désarmé et envoyé contre le mur du passage.
" Davies ne serait pas content s'il savait combien tu te fais facilement avoir " dit-il tranquillement, jouant avec la baguette du garçon.
Son ami sortit à son tour sa baguette.
" T'es malade, Rémus ? "
" Non, mon pote " répondit-il calmement. " Je suis préfet. Et vous avez de la chance que je ne sois pas professeur, parce que j'aurais aimé pouvoir vous enlever des points. Excusez-moi, " conclut-il en se retournant, " je dois encore passer à la bibliothèque avant les cours. "
Et il les laissa plantés derrière lui, lâchant la baguette qui n'était pas la sienne et qui tomba sans un bruit au sol.
Harry, caché sous sa cape d'invisibilité, se plaqua contre le mur pour le laisser passer, puis se tourna vers les deux autres avec un regard de mépris. Il faudrait qu'il surveille ces deux-là, décida-t-il, et qu'il voit s'il pouvait exaucer le vœu de Rémus et leur enlever quelques points. Mais pour l'instant, la matinée était à la bonne humeur. Ne restait plus que le plus problématique des quatre...
Peter n'était pas rassuré. Sirius était parti chercher James qui tardait à se montrer, et Rémus avait voulu passer à la bibliothèque. Tous deux lui avaient dit qu'il n'avait pas besoin de les accompagner et qu'il pouvait très bien aller tout seul les attendre devant la salle de cours de potions, mais ça n'empêchait pas que les cachots ne le rassuraient vraiment pas. Il le fut encore moins quand une voix moqueuse résonna derrière lui.
" Alors Pettigrow, tu as perdu tes maîtres ? "
Peter se retourna lentement, et aperçut Régulus Black derrière lui.
" Quoi ? "
" " Quoi ? " " mima le Serpentard. " Quelle conversation intéressante, Pettigrow ! Tu ne vaux vraiment rien quand tu n'as pas tes amis derrière toi pour te souffler ton texte ! "
Peter ne répondit pas, contemplant ses pieds. Il savait parfaitement qu'il était totalement dépendant des autres Maraudeurs, et la réprimande de Davies la veille l'avait douloureusement obligé à se l'avouer. En circonstance normale, il aurait tourné le dos et aurait continué son chemin, ou plutôt se serait enfui. Mais il ne pouvait plus fuir la vérité, n'est-ce pas ? Elle l'avait rattrapé depuis hier... Il resta.
" Alors ? " renchérit Régulus, presque contrarié que son auditoire ne se mette pas à courir la queue entre les jambes. " Comment va Potter ? Toujours aussi arrogant ? Et Lupin ? Il continue de jouer sa compétition de lèche-bottes des profs avec la Sang-de-Bourbe ? Et mon cher frère ? J'imagine qu'il est toujours le même, aboyant et remuant la queue pour que les deux autres le laissent dormir dans votre chambre... "
" Tais-toi " souffla Peter, les yeux toujours baissés.
Il commençait à sentir une vague d'émotion chaude monter en lui et à trembler. Prenant ce signe pour de la peur, Régulus continua de plus belle :
" ... et qu'il continue de rire comme un malade à chaque blague vaseuse que fait Potter, et de reluquer toutes les filles qui passent, qu'elles soient de sang pur ou bien des Sangs-de-Bourbe... La honte de notre famille " conclut-il en grimaçant et en secouant la tête. " Je me demande comment les Black ont pu produire une telle horreur... "
" Ta gueule ! "
Le cri résonna entre les murs de pierre, et Régulus parut complètement désorienté. Ce fut son tour de bégayer :
" Quoi ? "
" Ta gueule, ta gueule, ta gueule ! " hurla Peter, ses poings serrés frénétiquement, ses épaules secouées non pas de peur, mais de rage, une rage qu'il n'avait encore jamais ressentie. " Sirius vaut cent fois mieux que toi, mille fois mieux que toi et toute ta famille de dégénérés ! Pour moi, la vraie question, c'est comment est-ce que votre mère a pu créer à la fois un type aussi génial que lui et une pourriture comme toi !
" Toi qui te crois supérieur à tout le monde parce que ton arbre généalogique sorcier remonte jusqu'au Moyen-Age, et lui qui se demande comment vous avez pu être assez stupides pour penser que les sorciers ne devaient se marier qu'entre eux et que la population sorcière ne dégénéreraient pas à cause de cela ! Toi qui es convaincu que les Moldus sont pires que des bêtes, et lui qui sait que nous sommes tous des humains qui, du moins pour la plupart d'entre nous puisque ça n'a pas l'air d'être ton cas, possédons des cerveaux ! Toi qui te voit déjà porter une cagoule noire pour aller tuer des centaines de personnes et qui en est fier, et lui qui es prêt à tout pour empêcher de nouveaux massacres !
" Tu veux que je continue ? La liste est encore longue ! Dis-moi, à première vue, lequel a l'air d'être l'erreur de la nature, lequel est un abruti fini, lequel finira sa vie en servitude parce qu'il est persuadé que c'est un destin glorieux ? Hein, lequel ? "
Peter reprit sa respiration, soufflant comme un bœuf, ses yeux jetant des éclairs de rage. Il ne se souvenait pas avoir jamais crié aussi fort, et il ne se souvenait pas non plus de la dernière fois qu'il s'était senti aussi léger. Combien de fois avait-il voulu dire ça quand quelqu'un calomniait Sirius devant lui, l'appelant " le traître " ? Combien de fois l'avait-il admiré de suivre ses convictions, les clamant haut et fort quand lui n'osait jamais ? Et voilà qu'il venait de le faire ! L'énormité de son acte lui apparut, mais avant qu'il n'ait pu réagir à l'expression complètement perdue de Régulus, une exclamation de pure joie résonna derrière lui.
" Ca, c'est envoyé ! "
Il se retourna vivement, se sentant rougir comme un gosse qu'on aurait pris le main dans le bocal à friandises. Ses amis se tenaient au bout du couloir. James et Rémus le fixaient, médusés et bouche bée, et Sirius se tenait devant eux, les yeux brillant de joie, le poing dressé d'enthousiasme.
" Alors, mon cher frère, " demanda-t-il à Régulus, " tu es cloué, hein ? "
" Toi... " grogna Régulus, l'expression passant un peu trop lentement de l'incrédulité au dégoût habituel.
" Mais oui, mais oui, moi aussi je suis très content de te connaître " le coupa Sirius aussitôt, et il se mit à la pousser dans le dos dans la direction opposée. " Tu passeras le bonjour à notre mère de ma part, d'accord ? "
Régulus se laissa pousser un instant, puis se retourna, leur lança un dernier regard meurtrier et battit en retraite, furieux de s'être encore fait avoir. Sirius se tourna aussitôt vers Peter, un gigantesque sourire sur le visage. Peter sentit son visage s'enflammer et baissa précipitamment la tête. Il sursauta quand Patmol posa un bras sur ses épaules.
" Là, je dois dire que tu m'as soufflé, Queudver ! Je ne pensais pas que tu me tenais en aussi haute estime ! Tu aurais vraiment besoin de te mettre en colère plus souvent ! "
Peter releva les yeux vers la mine épanouie de son ami pendant que James lançait d'une voix encore secouée :
" Je suis d'accord ! "
" Idem " compléta Rémus du même ton.
Peter les regarda tour à tour, puis leur rendit leur sourire, timidement d'abord, puis plus franchement.
" Dites, " demanda Rémus à ce moment, " je crois qu'on a tous commencé à tirer des leçons de ce que nous a dit Davies, non ? "
Sirius et James s'entre-regardèrent, puis acquiescèrent.
" Ouais " affirma Sirius. " Je crois qu'on a pas besoin de s'apitoyer sur nous-mêmes et nos conneries passées, mais plutôt d'éviter de les reproduire à l'avenir. "
" Vous avez tout à fait raison, Mr Black ! C'est ce qui s'appelle grandir... "
Ils sursautèrent tous et se retournèrent vers leur professeur de Défense contre les Forces du Mal, appuyé nonchalamment contre le mur, souriant.
" Vous... vous êtes là depuis longtemps ? " bégaya Sirius, estomaqué.
" Rien à voir avec la conversation " esquiva joyeusement Davies en se redressant. " Je tenais à m'excuser pour avoir été aussi dur envers vous, hier, mais je tenais vraiment à ce que vous compreniez la leçon. Manifestement, c'est fait. "
" Est-ce... " commença Peter, avant de s'interrompre quand tous les regards se tournèrent vers lui.
Courageusement, il continua quand même :
" Est-ce que ça veut dire que vous ne nous en voulez plus ? "
" Bien sûr que si, je vous en veux toujours " démentit gravement Davies. " Mais j'estime que vous avez compris vos erreurs, et cela me rend fier de vous. "
Il y eut un petit temps de silence avant que Rémus ne commence prudemment :
" Vous avez parlé de grandir... "
Davies sourit doucement.
" Bien sûr. Grandir, c'est comprendre ses erreurs passées, les accepter, puis continuer à vivre en s'efforçant de ne plus les reproduire. Et c'est aussi " ajouta-t-il tout particulièrement pour le jeune lycanthrope, " accepter ses responsabilités. "
Rémus baissa les yeux, confondu et persuadé qu'il avait assisté à la scène avec les deux Gryffondors. Son esprit tournait à cent à l'heure, mais il ne voyait pas comment cela pouvait être possible. Ils étaient seuls dans ce couloir, non ? Davies poursuivit.
" La plupart des gens grandissent petit à petit, et cela aurait fini par vous arriver à vous aussi, mais j'avais peur que le processus ne soit trop lent et que vous ne commettiez de graves erreurs qui auraient pu vous coûter la vie par les temps qui courent. J'ai préféré l'accélérer. Je suis réellement désolé d'avoir été aussi brusque pour cela. "
Le regard du jeune Auror était si sincère que les adolescents le crurent tout de suite. Au bout d'un instant de silence, Rémus se rendit compte que quelque chose clochait. Jetant un coup d'œil à sa montre, son visage prit une expression horrifiée :
" Aah ! On est en retard pour le cours de Potions ! "
" Merde ! " jura Sirius. " Pour le sens des responsabilités, on repassera ! A plus, professeur ! "
Harry leur envoya un geste de la main en retour et les regarda courir comme des dératés vers leur salle de cours, riant de bon cœur. C'était un bon premier pas...
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Le chapitre 6 n'est pas fini, mais ce n'est pas une raison pour ne pas envoyer de reviews ! ^^
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