Chapitre 18: Chapitre 17
Chapitre 17 : Où l'on trouve un peu de tout, pour tout le monde
Harry referma sa valise et la boucla soigneusement, avant de se redresser et de faire une dernière fois le tour de la chambre des yeux. Avisant la table de chevet, il secoua la tête avec désapprobation et s'avança pour récupérer sa fiole de Potion de Sommeil Sans Rêves, sur laquelle il renouvella le sort qui devait la rendre Incassable durant la durée du voyage. Comme il traversait à nouveau la pièce, la porte s'ouvrit. Il jeta à peine un coup d'œil par-dessus son épaule, avant de se pencher vers ses bagages et de glisser le flacon dans une des poches de côté, d'où il s'assura qu'elle ne glisserait pas.
« Anne » salua-t-il la nouvelle venue sans se retourner. « Je ne peux pas dire que je sois surpris de vous voir. Etes-vous venue me faire part de votre incrédulité ? »
La sorcière resta silencieuse quelques instants, l'observant réduire sa valise d'un coup de baguette avant de la ranger dans la poche de sa robe pourpre d'Auror. Elle ne prit la parole que lorsqu'il se tourna enfin vers elle.
« A vrai dire, je suis plus ou moins sur le point de vous accorder le bénéfice du doute » avoua-t-elle.
Harry haussa un sourcil surpris, l'invitant muettement à développer. Anne fit quelques pas et s'assit sur le lit que Cherry avait refait à peine une heure plus tôt.
« Ce que vous m'avez avoué a certainement de quoi en surprendre plus d'un » accorda-t-elle. « Mais vous y avez mis trop de détails, et surtout trop d'émotions, pour que je puisse vous accuser librement d'avoir menti. D'autant plus qu'aussi étrange et irréel qu'il puisse paraître, votre récit explique la majorité des incohérences que vous semblez semer derrière vous. Il reste encore pas mal de points d'ombre, et il me semble que vous êtes loin de m'avoir tout dit. Comme par exemple… »
Elle lui jeta un regard sévère.
« … Votre rôle dans cette guerre. Puisqu'il semble que vous ayez dû apprendre à parler elfique, je… »
« Je vous avais prévenu que je ne pouvais prendre le risque d'en dire trop, Anne » la coupa Harry.
Anne continua de le fixer en fronçant des sourcils, puis se détourna.
« Et pourquoi cela vous semble-t-il nécessaire ? »
« Je crains de changer trop d'évènements, et pas des plus appropriés, si je ne prends pas garde à ce que je dis ou fais » avoua-t-il. « Je ne voudrais pas vous mettre en danger, ou vous pousser à agir d'une façon qui pourrait… »
« Vous pensez vraiment y arriver ? » l'interrompit-elle brutalement.
Comme Harry la fixait d'un air désorienté, elle continua :
« Vous pensez vraiment que vous allez pouvoir modeler ce monde selon votre bonne volonté ? Qu'à vous tout seul, vous allez empêcher une guerre et sauver le monde ? Vous ne croyez que ce genre d'espérances est quelque peu utopique ? »
Harry garda le silence quelques instants, puis un sourire un peu triste naquit sur ses lèvres.
« Vous avez sans doute raison. C'est probablement utopique. Mais c'est la seule chose qui me permet encore d'avancer, et je pourrais tout aussi bien me couper bras et jambes que de cesser d'espérer. Je veux éviter que ce qui s'est passé dans mon monde ne se reproduise ici, et je ferais tout mon possible pour y parvenir. »
« Même si vous ne prenez pas le bon chemin ? »
« Que voulez-vous dire ? »
« Vous ne voyez donc pas, Harry ? » s'exclama Anne en se relevant. « Comme n'importe lequel d'entre nous, vous êtes apte à faire des erreurs ! Vous n'êtes qu'humain, après tout ! Et si les décisions que vous prenez se révèlaient mauvaises ? Si vous finissiez pas obtenir l'effet inverse de celui que vous escomptiez ? Vous voulez améliorer la situation, mais il est toujours possible de l'empirer ! Qu'est-ce qui vous permet de dire que vous êtes sur la bonne voie ? »
Troublé, Harry détourna la tête, les yeux perdus dans le vide. Il y eut quelques instants de silence, avant qu'il ne reprenne la parole, presque à voix basse.
« Je ne sais pas. »
Puis, un peu plus fort :
« Je ne sais pas s'il est écrit quelque part que je doive réussir, qu'autrement tout est perdu pour toujours. Je ne sais pas si tout cela a réellement autant d'importance que nous lui en accordons, pas plus que je ne sais en réalité si ce que je fais est juste et bon. Tout ce que je possède, ce sont mes croyances. Je crois que les Ténèbres ne sont pas une bonne chose. Je crois qu'il nous faut les chasser aussi loin que possible. Et surtout, je crois que personne d'autre ne le fera si je ne le fais pas. »
Il se tourna de nouveau vers Anne, avec un regard d'excuse, gêné :
« Cela vous paraît sans doute exceptionnellement pompeux, mais c'est ainsi que je vois les choses. Si je n'essaie pas, personne ne le fera à ma place. Et maintenant que je suis là… que devrais-je faire, d'après vous ? M'asseoir et ne plus bouger, de peur que je ne change quoique ce soit qui n'aurait pas dû l'être ? C'est du quitte ou double, Anne. C'est sans doute un peu égoïste de ma part de décider à la place de ce monde tout entier, mais je pense être le seul à pouvoir agir en tout état de cause. Donc, j'agis. »
Anne le fixa quelques instants sans bouger.
« C'est un objectif impossible que vous vous êtes fixé » déclara-t-elle finalement.
Harry lui adressa un petit sourire un peu douloureux.
« Depuis bien longtemps, les gens ont toujours eu le chic pour me fixer sans vraiment me demander mon avis des objectifs impossibles. Pour une fois que je suis libre de mon choix, j'aurais tort de me plaindre. »
Sur ce, il se dirigea vers la porte en jetant un coup d'œil à sa montre.
« Nous devrions y aller, il va bientôt être l'heure » prévint-il.
Anne le laissa atteindre la porte sans rien dire, les sourcils froncés, visiblement pensive.
« Attendez ! » dit-elle finalement.
Harry suspendit son mouvement et garda la main posée sur la poignée, le regard interrogateur.
« Admettons que je vous crois. »
Le jeune Auror se permit un petit sourire soulagé.
« Eh bien ? » répondit-il.
Anne se tut quelques instants, les yeux plissés.
« Je veux que vous me transmettiez par hibou tout ce dont vous vous souvenez à propos de cette fameuse Tablette de la Seconde Chance » exigea-t-elle soudain. « Apparence, contenu et origine des runes qui y étaient gravées, ce que vous avez pensé et ressenti en l'actionnant… Tout ! »
Harry la fixa quelques instants, désarçonné, puis éclata d'un rire bon enfant devant l'étincelle presque maniaque qui s'était allumée dans les yeux de la scientifique.
« Très bien » concéda-t-il, amusé. « Même si je ne vois vraiment pas à quoi cela pourrait vous servir, étant donné que je doute très fortement de son existence dans ce monde… »
« Ne vous occupez pas de ça, j'en fais mon affaire » déclara-t-elle, très sérieuse.
Harry sourit et secoua légèrement la tête. Maintenant, au moins, il savait d'où provenait cet attrait pour le mystère et l'inconnu que lui et son père semblaient partager…
Il ouvrit la porte et s'apprêtait de nouveau à sortir pour rejoindre le hall du manoir où James, Lily et Georges devaient d'hors et déjà patienter, quand Anne le rappela une dernière fois. Curieux, il se retourna et lui jeta un coup d'œil. Anne le fixait avec une expression sévère, les mains sur les hanches.
« Une dernière chose. Harry Davies est-il réellementvotre nom ? »
Harry eut un large sourire, une étincelle de malice dans les yeux.
« Croyez-vous vraiment que je vais répondre à cette question ? »
Sur un dernier regard à celle qui aurait pu devenir sa grand-mère, Harry se détourna et sortit de la chambre pour suivre le long couloir qui le mènerait à l'escalier principal.
A l'intérieur de la chambre qui avait été la sienne durant ces deux dernières semaines, Anne resta quelque temps immobile, debout, l'air pensif. Puis elle jeta un coup d'œil distrait autour d'elle, fit quelques pas et sortit à son tour, refermant la porte en silence.
Un peu plus d'une demi-heure plus tard, Harry, Lily et la famille Potter posaient le pied à la gare de King's Cross, et se fondaient parmi la masse des Moldus. Harry avait pour l'occasion ressorti son long manteau noir afin de cacher son uniforme, tandis que les quatre autres avaient préféré adopter directement des vêtements moldus.
Lily discutait chaleureusement avec Anne, qui ne se privait pas de lui répéter qu'elle serait toujours la bienvenue à Junction Hill et qu'elle serait elle-même ravie de la revoir. George observait avec intérêt la foule qui évoluait autour d'eux, apparemment curieux du mode de vie et du comportement des Moldus. Quant à James, Harry remarqua avec amusement qu'il jetait de réguliers coups d'œil à sa condisciple Gryffondor, mais prenait garde à toujours se tenir à quelques pas des deux femmes, cherchant sans aucun doute à éviter que sa mère ne l'entraîne dans la conversation.
Harry lui-même scrutait la foule avec vigilance, par pur réflexe plus que par une décision mûrement réfléchie. Bien lui en prit, puisqu'alors qu'ils approchaient des quais, il aperçut une tête familière parmi la foule. Abandonnant quelques instants les quatre sorciers, il se faufila entre chariots de bagages et groupes de voyageurs.
Quelques minutes plus tard, il réapparaissait accompagné d'un Sirius sautillant, manifestement impatient de retrouver Poudlard.
« Salut, Cornedrue ! » s'écria-t-il dès qu'il aperçut James.
« Ah ! Je vois que vous ramenez le bétail manquant à l'étable, Harry » fit George, hochant la tête d'un air appréciateur.
James et Lily ricanèrent devant les protestations colorées de Sirius, outré d'être comparé à un bovidé. Harry sourit à son tour et s'adressa à eux :
« Je ne sais pas si vous vous en rendez compte, » fit-il remarquer. « Mais cela revient peu ou prou à affirmer qu'il y avait déjà du bétail à l'étable. »
James et Lily le fixèrent un instant, avant que la jeune fille ne croise les bras d'un air proprement offusqué. Derrière elle, Anne secoua la tête d'un air désapprobateur.
« Ce n'est vraiment pas le genre d'insinuations qu'un gentleman digne de ce nom se permet d'émettre devant une jeune fille, George Potter. »
George eut la bonté de rougir légèrement, et s'inclina bien bas devant Lily.
« Je vous prie de m'excuser, Miss Evans, car j'ai bien peur que mon épouse n'ait raison. Veuillez me pardonner mon comportement… »
« Et nous, alors, on compte pour du beurre ? » s'exclama James, incrédule, tandis que Sirius avait purement et simplement décidé de bouder.
Lily étouffa un rire derrière sa main et s'attacha à ignorer les deux jeunes hommes avec la même application de George.
« Puisque vous avez la délicatesse de reconnaître vos erreurs, vous êtes tout pardonné, Monsieur » répondit-elle pompeusement.
George se redressa avec un large sourire ravi et proposa aussitôt son bras à Lily, qui l'accepta gracieusement. Après quoi, ils repartirent tous deux vers le quai 9 ¾, Anne dans leur sillage, laissant les deux Maraudeurs à leur pauvre sort. Harry réprima un éclat de rire et se décida à les pousser dans le dos, ne souhaitant aucunement les voir manquer le train. James et Sirius grommellèrent un peu — beaucoup — mais acceptèrent de se remettre en marche.
Après quelques secondes, ils atteignirent la barrière que George et Lily franchissaient déjà nonchalamment. Anne leur adressa un sourire amusé, jeta un ou deux coups d'œil autour d'elle, et s'avança à son tour pour disparaître vers le quai du Poudlard Express. James eut un reniflement indigné et s'avança pour la suivre, mais Sirius le retint d'une main posée sur le bras.
« Attends un moment, James ! Je pense que c'est le moment, non ? »
Le jeune Gryffondor lui jeta un coup d'œil interrogateur, puis parut comprendre où il voulait en venir.
« Ah ! Oui, très juste, Patmol, très juste » fit-il en hochant la tête d'un air satisfait.
Il jeta quelques coups d'œil autour de lui, où les Moldus continuaient leur petit train-train de vie sans les remarquer, et où quelques familles de sorciers prenaient leur tour pour accéder au quai. Puis il se tourna vers Harry, qui les fixait tour à tour, un sourcil levé un signe de perplexité.
« Pas de mauvais tour, j'espère ? » les prévint celui-ci avec un regard sévère. « Dans une foule pareille, ce ne serait pas… »
« Non, non, non ! » le rassura Sirius. « Rien de potentiellement illicite ou interdit, ne vous inquiétez pas ! James et moi, on s'était simplement dit que… »
James sortit précautionneusement un objet de sa poche.
« … il vaudrait mieux vous offrir ça avant d'être revenus à Poudlard, c'est tout ! » termina Patmol, tandis que son meilleur ami tendait le paquet soigneusement emballé à leur professeur.
Harry examina un instant l'objet reposant dans la paume de James : plutôt petit et de forme rectangulaire, il était orné d'un papier cadeau aux motifs de branches de houx. Etonné, il dévisagea tour à tour les deux adolescents.
« Vous n'auriez vraiment pas dû, ce n'était pas… »
« Oui, bon, peut-être, mais on l'a quand même fait » décréta James en s'emparant autoritairement de la main du jeune Auror pour y déposer le cadeau. « Alors maintenant, vous arrêtez de tergiverser, et vous l'ouvrez. »
Amusé, Harry leur jeta un dernier coup d'œil, puis se décida à s'éxécuter. Malgré lui, il devait bien admettre qu'il était touché par cette attention, d'autant plus qu'il s'était sincèrement attaché aux jeunes Gryffondors. Dès le départ, il les aimait déjà en tant que ceux qui auraient pu devenir des personnes si importantes dans sa propre vie, mais à présent, l'affection qu'il leur portait se rapportait plus à celui d'un professeur pour ses élèves préférés, et d'un jeune homme envers ceux qui deviendraient probablement des amis très chers si le temps leur en laissait l'opportunité.
C'est donc avec gratitude qu'il veilla à ne pas déchirer le papier recouvrant l'objet, et dévoila finalement une boîte rectangulaire d'un bleu sombre. Intrigué, il fit précautionneusement pivoter le couvercle sur sa charnière, et ses yeux attrapèrent un éclat doré. Enchâssé dans un écrin de mousse, retenu par une lanière qui immobilisait ses fragiles ailes, un authentique Vif d'or attendait paisiblement son prochain envol.
A côté de lui, James étudiait ses réactions, tandis que Sirius avait recommencé à parler avec animation.
« On a cherché un moment pour trouver ce qui vous ferait plaisir, et puis on s'est rappelés que l'autre jour, vous jouiez avec un des Vifs d'or d'entraînement de l'école, alors comme c'est pas vraiment ce qu'on peut trouver de mieux, on s'est dit que… Les vrais sont un peu chers, alors on s'est cotisés tous les quatre pour arriver à en dégoter un, mais c'est un des meilleurs vendus sur le marché ! Maintenant, vous allez enfin pouvoir donner la pleine mesure de vos talents et de… »
« Sirius ! » finit par le couper James avec un regard excédé.
Sirius lui adressa un sourire faussement embarrassé avant de se tourner à nouveau vers l'Auror, qui fixait toujours le Vif avec une expression indéchiffrable.
« Alors ? » demanda-t-il anxieusement. « Ca vous plaît ? »
Il y eut quelques secondes de silence, puis Harry releva la tête, un doux sourire aux lèvres.
« Oui, énormément » acquiesça-t-il avec un regard chaleureux. « Merci à vous tous, cette attention me touche beaucoup. »
James et Sirius lui rendirent son sourire au centuple.
« Bah, c'est tout naturel, avec tout ce que vous avez fait pour nous ! » s'exclama James.
« C'est vrai ! » renchérit Sirius. « Sans vous, James serait peut-être six pieds sous terre, à l'heure actuelle ! »
James eut le bon goût de rougir et jeta un regard mauvais à son meilleur ami. Tandis que les deux jeunes hommes commençaient l'une de leurs habituelles disputes amicales, Harry refermait avec précaution l'écrin, qu'il plaça en sécurité dans la poche de son uniforme. Après quoi, il fit un pas en avant et attrapa les deux Maraudeurs par les épaules, avant de les serrer brièvement contre lui. Surpris, Sirius et James se figèrent un court instant dans l'étreinte.
« Merci à tous les deux » souffla Harry de sa voix grave.
Puis il les lâcha et recula un peu, ne répondant à leurs regards interrogateurs que par un sourire calme.
« Vous remercierez Messieurs Lupin et Pettigrow de ma part, n'est-ce pas ? »
« Euh… oui, bien sûr » émit James.
« Parfait. Dans ce cas, je crains qu'il ne me faille à présent vous quitter, car le Poudlard Express ne saurait tarder à partir. Nous nous reverrons à Poudlard ! »
Et Harry s'éloigna avec un dernier signe de la main dans leur direction. James et Sirius le regardèrent passer l'entrée du quai 9 ¾ , puis échangèrent un coup d'œil.
« Je n'avais jamais réalisé que j'étais presque plus grand que lui » fit Sirius, les yeux écarquillés.
James ricana et le prit par l'épaule pour l'entraîner vers la barrière.
« Severus Rogue, n'est-ce pas ? »
C'était ainsi qu'il l'avait abordé. Ses longs cheveux blond platine s'écoulant librement dans son dos, un verre à la main et un sourire aux lèvres.
« Lucius Malefoy, tu te souviens de moi ? J'étais à Poudlard, à Serpentard, jusqu'à l'année dernière… »
Il n'avait jamais eu besoin de préciser, et ils le savaient tous les deux. Le Prince de Serpentard, âgé de seulement un an de plus que Severus, Préfet et unique héritier de la puissante et influente famille Malefoy.
« Bien sûr » avait-il simplement répondu. « Je me souviens. »
Satis s'agita brièvement sous sa cape, à la recherche d'une position plus confortable pour son corps de reptile, et Severus leva la main pour réajuster le vêtement sur ses épaules. Machinalement, il observait le quai autour de lui et les mouvements désordonnés de la foule, élèves, parents et tuteurs dansant une étrange sarabande désarticulée, souriant, riant et criant.
« Ton père dit le plus grand bien de toi. »
Il avait suivi son regard, et émis un réniflement dédaigneux en posant les yeux sur son géniteur, ridiculement guindé dans une robe coûteuse dont le tissu se tendait au-delà du raisonnable sur son embonpoint prononcé. Voletant avidement autour d'un petit groupe d'éminents invités, il se tenait presque sur la pointe des pieds dans son empressement à ajouter son commentaire à la discussion. Il s'était à nouveau tourné vers Lucius, un mépris muet écrit en toutes lettres sur son visage, et le sourire du jeune homme s'était légèrement agrandi.
Une première année affolée le dépassa en courant, à la poursuite de son chat fugueur. Severus la suivit du regard sans mot dire, indifférent. Le Poudlard Express laissa échapper un sifflement strident, et il leva les yeux vers le train.
« Pas de quoi s'en réjouir, hm ? »
Il avait croisé son regard, et une sorte d'empathie silencieuse était passée entre eux. Parce que celui-là n'était pas comme les autres, Severus le laissa engager la conversation. Parce qu'il ne l'assimilait pas à son père ou à sa lignée, tombée en désuétude depuis longtemps, il écouta ce qu'il avait à dire.
Ils avaient longuement discuté, tous les deux. De la longue et peu enviable histoire des Rogue, famille de Sang-purs s'il en est, mais à la fortune dilapidée et à la réputation ternie. De l'honneur des grandes familles de sorciers, et du visage exemplaire qu'elles devaient offrir au monde. Du pouvoir qu'un homme devait détenir pour être respecté, et de l'ambition qui caractérisait leur Maison.
« Mais qu'est-ce qu'ils fabriquent ? »
Severus lança un regard désintéressé à Lupin, secouant la tête d'un air à la fois amusé et désapprobateur. Près de lui, Pettigrow scrutait également la foule, manifestement à la recherche de quelqu'un. Il détourna les yeux et se dirigea vers le wagon le plus proche, alors qu'un autre sifflement de la locomotive annonçait leur départ imminent.
« Ah, Severus, te voilà ! »
Il avait tourné un regard parfaitement neutre vers son père. Depuis longtemps, il avait appris à ne pas lui montrer le dégoût qu'il lui inspirait, et il n'était pas rare que son simple regard fixe mette l'homme mal à l'aise, ce que ses poings se chargeaient ensuite de relayer. Mais à cet instant, il ne lui prêtait pas la moindre attention, tout entier occupé à minauder d'un air crispé devant l'interlocuteur de son fils.
« Mr Malefoy, quel plaisir de vous rencontrer ! »
Lucius avait hoché la tête, tout aussi inexpressif que Severus.
« Mr Rogue. »
« J'ose espérer que Severus ne s'est pas montré grossier envers vous ? C'est qu'il n'a pas l'habitude de la compagnie, n'est-ce pas ? Toujours plongé dans ses livres ou ses chaudrons, jamais un moment pour nouer des relations. Je lui ai bien dit que cela le mènerait à sa perte, mais cet écervelé ne m'écoute jamais… »
Il était resté de marbre, les yeux baissés sur le crâne de cet homme qu'il abhorrait.
Il contourna de justesse la malle qu'un troisième année distrait faillit enfoncer dans ses côtes, et le gratifia d'un regard noir. Le Poufsouffle recula précipitamment et pâlit, puis baissa les yeux en toute hâte, marmonna une excuse inaudible. Severus ne prit pas la peine de l'écouter et s'approcha du marche-pied.
« Et s'il mourait ? »
Il s'était détourné du dos de son géniteur s'éloignant en toute hâte vers un groupe de sorciers à l'air important, et avait reporté son attention vers Lucius. Le jeune homme le fixait d'un regard perçant.
« Bon débarras. »
Il n'y avait pas une once de sentiment dans sa voix. Lucius avait souri.
Severus posa une main aux longs doigts sur la poignée enchâssée dans la paroi du wagon et s'apprêta à se hisser à l'intérieur. Du coin de l'œil, il saisit une tâche de couleur vive parmi la foule.
« Il raconte à qui veut l'entendre que tu réussis n'importe quelle potion. »
Lucius n'avait pas eu besoin de préciser de qui il parlait. Bien sûr, la concotion de potions était un art tellement noble, tellement respecté parmi les vieilles familles…
« Mais il me semble que tu as toujours brillé en Défense Contre les Forces du Mal. »
Il lui avait jeté un coup d'œil interrogateur, surpris qu'il en sache autant sur lui. Lucius lui avait renvoyé un sourire assuré.
« Tu as beaucoup de talent, Severus. Il serait dommage de le gâcher. »
Vêtu de son habituel uniforme pourpre, Harry Davies s'avançait vers le train. Il parut se rendre compte de son regard fixe et mit peu de temps à le repérer, après quoi il lui adressa un sourire amical et pivota, se dirigeant à présent vers lui. Severus ne le quitta pas des yeux et le regarda s'approcher, une expression insondable couvrant ses traits.
« As-tu déjà songé à ton avenir ? Tu as le potentiel nécessaire pour aller loin, Severus. »
Il l'avait dévisagé, silencieux. Lucius lui avait offert un ultime sourire, puis s'était détourné pour répondre à l'appel de sa mère, discutant non loin de là avec quelques sorciers à l'air imposant. Ce fut sans se retourner qu'il ajouta ses derniers mots.
Il resserra sa prise sur la poignée de métal, et monta dans le train d'un mouvement souple, tournant le dos à l'Auror.
De nulle part, une petite voix, très semblable à celle d'un homme au sourire mesuré et aux paroles pleines de sens, lui murmura à l'oreille : 'Il te faut juste faire les bons choix, aux bons moments.'
Bellatrix Lestrange était d'une humeur massacrante. Non pas qu'elle soit de compagnie particulièrement agréable lors de ces rares occasions où elle pouvait être considérée comme étant 'de bonne humeur', mais le fait demeurait.
Néanmoins, elle s'efforça de ne rien laisser paraître de son trouble lorsqu'elle atteignit finalement le bureau de son Maître. De l'encadrement de la porte où elle se tenait, elle pouvait distinguer le dos de son fauteuil faisant face à la cheminée allumée, et le bras qu'il avait posé sur l'accoudoir. Sa main élégante berçait un verre de vin dont le liquide rouge sang renvoyait étrangement la lumière changeante que procuraient les flammes. Les écailles du corps reptilien enroulé aux pieds du fauteuil, sur le tapis près de l'âtre, luisaient également d'un éclat rougeâtre surnaturel.
Elle but cette vision comme un homme assoiffé se désaltérerait du nectar mythique des anciens Grecs, et ses yeux brillaient devant la puissance implacable et sauvage qu'incarnait son Seigneur.
« Entre, Bellatrix » vint finalement l'ordre sifflant, presque désinvolte.
Elle s'avança aussitôt et vint s'agenouiller devant lui, près de son compagnon animal, comme un geste lascif de sa main pâle le lui avait ordonné.
« Eh bien ? »
Bellatrix s'efforça de ne pas trembler et de garder une voix ferme, mais soumise.
« Nous avons infiltré le laboratoire, Maître. L'objet n'y était plus. »
Il y eut un long instant de silence, puis elle sentit son Seigneur se pencher vers elle.
« En es-tu bien sûre, Bellatrix ? »
L'accent sifflant de sa voix était soudain plus prononcé que jamais, messager de cette fureur froide qu'elle couvrait soudain. Bella ne put pas rester impassible plus longtemps, et ses épaules se mirent à trembler imperceptiblement, autant sous l'effet de la peur que sous celui de l'excitation à savoir son Maître si proche. Néanmoins, sa voix demeura imperturbable. C'est probablement ce que lui sauva la vie.
« Absolument sûre, Seigneur. Nous avons perçu les traces des ondes magiques qu'il dégageait, mais elles commençaient déjà à s'effacer. »
Le son âpre du verre s'écrasant contre la pierre claqua dans l'air glacial de la pièce, et elle dut se mordre la lèvre jusqu'au sang pour ne pas sursauter. La robe de son Maître lui frôla le visage lorsqu'il se leva vivement pour parcourir la pièce, et le serpent à ses côtés se dressa avec un sifflement menaçant dans sa direction, éveillé par le bruit du verre de vin se brisant contre le mur. Bellatrix lutta pour ne rien montrer.
Elle ne dit rien, ne bougea pas, gardant la tête baissée dans sa posture soumise, à genoux sur le tapis. Le Maître méprisait les pleutres. Si elle montrait qu'elle avait peur, elle n'était plus digne de le servir. Si elle l'avait laissé voir ouvertement combien lui rapporter cet échec lui avait fait craindre pour sa vie, il l'aurait probablement tué sans hésitation. Bellatrix ne faisait partie des Mangemorts que depuis un an, et encore lui avait-il fallu l'appui de son mari pour atteindre la confiance toute relative du Seigneur des Ténèbres. Elle devait encore prouver sa valeur à ses yeux, et elle était déterminée à y parvenir.
Au bout de quelques instants, le Maître revint finalement prendre place dans son fauteuil.
« Regarde-moi, Bellatrix. »
Subjuguée par sa voix et l'autorité impériale qu'elle contenait, elle obéit et leva les yeux pour les plonger dans son regard rouge sang. Il était à nouveau penché vers elle, et son visage était si proche qu'elle sentit une nouvelle bouffée d'adoration la traverser. Ses yeux s'écarquillèrent d'émerveillement, mais elle ne détourna pas le regard, n'osant pas même cligner des paupières. Au fur et à mesure des années, l'apparence du Seigneur des Ténèbres se transformait. Ses traits élégants s'étaient peu à peu faits reptiliens, et de verts, ses yeux étaient devenus rouges. Mais là où les vermiceaux les plus impressionnables voyaient un objet de peur et de fascination macabre, Bellatrix n'avait jamais trouvé que beauté dans ce visage inhumain.
« Sais-tu où l'objet se trouve à présent ? »
« Non, Maître » répondit-elle dans un murmure.
Il plissa les yeux, puis se renversa dans son fauteuil et tourna son regard vers la cheminée. Tranquillisé d'une caresse distraite, le serpent se coula à nouveau à terre. Dépitée, Bellatrix baissa à nouveau les yeux et se risqua à suggérer :
« Peut-être l'a-t-elle confié au Ministère, Seigneur ? »
Un reniflement moqueur fut sa réponse, mais il ne contenait aucun signe d'agacement.
« Cet imbécile de Lewis ? Ah ! Il s'en serait déjà vanté à qui voulait l'entendre, et il y a belle lurette que la presse serait au courant, et moi aussi ! Non, ce doit être ce vieux fou de Dumbledore. Encore lui… »
Bellatrix risqua en regard par en-dessous et vit ses doigts longs et pâles se resserrer avec hargne sur l'accoudoir. Un nouvel instant de silence passa. Puis :
« Tu peux disposer, Bellatrix. »
Elle se releva lentement, pas trop pour ne pas l'agacer, mais assez pour montrer qu'elle n'était pas pressée de quitter sa présence. Puis elle s'inclina une nouvelle fois devant lui, et traversa la pièce jusqu'à la porte qu'elle franchit et referma derrière elle.
Resté seul, Voldemort ne détourna pas son regard des flammes. Ses yeux rouges étaient plissés, et une lueur de contrariété se reflétait dans son regard. Il ne pourrait pas avoir ce qu'il désirait. Ou du moins, pas encore… Rien ne lui résistait indéfiniment, et surtout pas ce vieux fou et cette nurserie qu'il appelait 'école'.
Mais en attendant, peut-être était-il temps d'accélérer ses prochaines opérations ?
A ses pieds, un faible sifflement s'éleva, comme approbateur.
Harry était perplexe. Voire même un peu inquiet.
C'est avec un léger froncement de sourcils qu'il franchit les portes de Poudlard au milieu d'une marée d'étudiants échangeant bruyamment leurs récits de vacances et leurs listes de cadeaux de Noël. Quelques mètres plus loin, par-dessus les têtes de deux première années riant à gorge déployée, il pouvait apercevoir la haute silhouette et le maintien imposant de Severus Rogue, Serpentard de septième année, qui ne fit pas mine de l'avoir aperçu et s'engagea dans les escaliers menant aux donjons.
Harry n'était pas idiot. Il n'était peut-être pas aussi brillant que sa meilleure amie Hermione Granger, ou aussi perspicace qu'Albus Dumbledore, mais il n'en était pas pour autant idiot. Il savait que Severus l'évitait. Ce qu'il aurait aimé savoir, c'était pourquoi. S'était-il passé quelque chose durant les vacances qui justifiaient pareille attitude ? Peut-être n'avait-il pas apprécié qu'il lui envoie Satis ? Severus avait parfois paru gêné de la proximité que Harry voulait voir s'établir entre eux. Se pouvait-il qu'il estime que son professeur soit allé trop loin en lui offrant un cadeau de Noël ?
Un hurlement strident coupa net ses réflexions et il pivota vivement, sortant sa baguette dans le même mouvement avant que son esprit ne rattrape finalement ses réflexes. Près du grand escalier, une pauvre Serdaigle grelottait et dégoulinait sur le parquet, littéralement trempée. Au-dessus d'elle, Peeves planait en rond tel un aigle grotesque, son rire caquetant résonnant dans le hall temporairement silencieux.
« Peeves ! » hurla la préfète de Serdaigle en s'avançant vivement vers sa condisciple, l'air furieux.
Le poltergeist laissa tomber le seau qu'il venait de vider, laissant le soin à quelques seconde années de s'éparpiller hâtivement pour éviter l'objet lorsqu'il percuta le sol dans un grand bruit métallique, et saisit l'un des trois autres récipients dont il avait enfilé l'anse sur son bras gauche. La préfète hésita soudain, écarquilla les yeux et amorça un mouvement de recul en le voyant s'approcher d'elle avec un sourire mauvais. Le temps qu'elle pense à saisir sa baguette, un flot d'eau s'était déjà déversé sur sa tête, la laissant sous le choc et haletante. Harry eut une grimace de compassion.
« C'est glacé ! » s'écria-t-elle d'une voix tremblante et incrédule.
Peeves éclata d'un nouvel éclat de rire ravi et se tourna vers le reste des élèves, qui semblaient n'avoir attendu que ce signal pour s'éparpiller et fuir en courant, poussant des cris d'alarme et de protestation.
« Agnès ! Ca suffit, Peeves ! Arrête ça tout de suite ! »
Harry, activement occupé à tenter de ne pas se mettre dans le chemin des adolescents qui paniquaient autour de lui, n'eut pas le temps de se demander si la situation pouvait requérir son intervention, qu'il voyait déjà une nouvelle préfète se diriger droit vers le poltergeist. Il haussa un sourcil vaguement amusé en avisant Lily, furibonde, voler au secours de son infortunée collègue. Du coin de l'œil, il repéra un mouvement rapide près de la porte et identifia James, tentant de se frayer un chemin vers elle à travers la cohue.
« Evans ! » hurla-t-il par-dessus le vacarme. « T'es complètement timbrée, ou quoi ! Dégage de là ! »
Lily commit l'erreur de tourner la tête pour lui jeter un regard noir par-dessus son épaule. Fort heureusement, l'expression soudain épouvantée de James et le cri jumeau de : « Lily ! » qui s'échappa de ses lèvres et de celle de la dénommée Agnès la prévinrent à temps. Il lui fallut moins d'une seconde pour lever la tête et brandir sa baguette magique. Une trombe d'eau s'écrasa sur le bouclier qu'elle avait érigé in extremis, et elle rentra la tête dans les épaules en laissant le déluge s'écouler jusqu'au parquet trempé sans la toucher.
Avec un sourire triomphant, elle releva les yeux vers Peeves… au moment où l'esprit frappeur se faisait un plaisir de décharger le contenu de son quatrième seau sur elle.
Lily resta totalement immobile, mais son sourire glissa à terre avec le flot de liquide glacé qui imbibait soudain sa robe et ses cheveux, et une lueur meutrière prit naissance dans le regard qu'elle fixait toujours sur le poltergeist. Lequel avait finalement laissé tomber son dernier récipient vide et s'étouffait de rire au-dessus de sa tête.
« Waddiwasi ! »
La petite trentaine d'apprentis-sorciers n'ayant pas encore déserté le hall furent témoins d'un soudain sifflement et de l'apparition d'un Objet Blanc Non Identifié Filant à Très Grande Vitesse, qui traversa toute la longueur du vestibule avant que quiconque ne puisse réagir et se ficha proprement en plein centre du visage de l'esprit frappeur. Il y eut un instant de silence et d'immobilité, puis Peeves cligna des yeux d'un air décontenancé, faisant glisser quelques particules de neige de son visage dans le mouvement. Un Poufsouffle tenta vainement de cacher un éclat de rire.
« Drôlement bien visé, James ! »
Harry tourna la tête et fut salué par le large sourire de Sirius, qui fixait James d'un air rayonnant de fierté. Derrière lui, Remus étouffait poliment un rire derrière sa main et Peter observait le nouveau look de Peeves, fasciné. Un sourire satisfait aux lèvres, James se tenait campé juste devant les grandes doubles portes de Poudlard, toujours ouvertes sur le parc, désert en cette fin d'après-midi de janvier. Sa baguette était encore levée dans la direction de l'esprit frappeur.
« Ca t'apprendra peut-être la galanterie, Peeves. »
Peeves sembla brusquement se gonfler d'indignation et relâcha un « Oouuuuh ! » d'une voix stridente, manifestement furieux. Lily arracha son regard de James juste à temps pour plonger à terre lorsque le poltergeist se rua soudain vers les Maraudeurs, empoignant au passage un chandelier qui avait eu le malheur de traîner par là.
« Wooouups ! » laissa échapper Sirius d'un air qui laissait entendre qu'il ne savait pas s'il devait courir se mettre à l'abri ou éclater de rire.
James ne semblait pas sujet à ce genre de dilemme. Eclatant d'un rire moqueur à l'intention de l'esprit frappeur, il fit un bond rapide en arrière pour franchir les portes et dégringola agilement les marches menant à l'extérieur. Peeves se rua à sa poursuite mais fut arrêté net au seuil, comme stoppé par un mur invisible. Le poltergeist, s'il 'hantait' le château de ses frasques, ne pouvait en sortir sous aucun prétexte…
Furieux, il jeta le chandelier à la tête de James, qui l'évita facilement et pointa à nouveau sa baguette vers lui, sourire aux lèvres.
« Waddiwasi ! »
Un petit paquet de neige s'assembla soudain à ses pieds et fusa vers l'esprit frappeur. Peeves l'esquiva de justesse et tira la langue au Gryffondor en une grimace exubérante. Un instant plus tard, il dut précipitamment recracher la boule de neige qui en avait profité pour tenter d'atteindre son gosier. James arbora une expression de surprise ravie.
« Remus ! Je ne savais pas que tu connaissais ce sort ! »
« J'apprends vite » rétorqua le préfet avec une mine pas si penaude que ça. « Et puis, je n'allais pas le laisser te balancer des chandeliers à la figure impunément, tout de même… »
Avisant l'expression meurtrière de Peeves, il sursauta brièvement, avant de se précipiter à l'extérieur du hall, bientôt suivi de Sirius et Peter, qui échappèrent de peu à la colère du poltergeist furibond. James couvrit de bon cœur leur fuite par un bombardement intensif. Furieux, Peeves dut encore essuyer plusieurs tirs réussis avant que, s'apercevant que les autres Maraudeurs commençaient à lui apporter leur renfort, il ne déclare finalement forfait. Il poussa un hurlement strident et rageur, puis disparut avec un 'pop' retentissant.
Sirius émit un grognement de dépit lorsque sa dernière boule de neige passa exactement à l'endroit où aurait dû se trouver le nez de Peeves. Un instant plus tard, il y eut un cri aigu.
« Uh ? »
L'expression perplexe de Patmol ne tarda pas à se dissoudre en un air horrifié lorsqu'Agnès, la préfète de Serdaigle, se précipita vers la porte pour le foudroyer du regard. De toute évidence, elle venait tout juste d'utiliser un sort pour sécher sa robe dégoulinante, lorsque le projectile l'avait atteint de plein fouet.
« Tu es mort, Black ! » hurla-t-elle en se ruant à bas des escaliers.
« Quoi ? » balbutia Sirius. « Non, attends ! Je ne l'ai pas fait exprès !… »
« Rien à faire ! Tu vas payer ! »
« Mais, Agnès, enfin, ma douce ! » plaida-t-il en reculant précipitamment devant sa baguette levée.
« Je t'interdis de m'appeler comme ça, Black ! Waddiwasi ! »
Sirius poussa un cri étranglé et tourna vivement les talons. La première boule de neige l'atteignit à l'arrière de la tête, l'autre trempa sa cape, mais la troisième ne rencontra que quelques buissons derrière lesquels le Gryffondor venait de plonger. Qu'importe, le mal était déjà fait.
« Une bataille ! » hurla James.
Agnès se retourna, perplexe, et reçut de plein fouet l'attaque du jeune homme.
« James ! » protesta aussitôt Remus, indigné. « Attaquer par derrière, c'est totalement déloyal et… »
Une boule de neige s'écrasa sur sa joue, coupant net sa diatribe réprobatrice. Peter, accroupi au pied des marches, lui adressa un sourire vaguement penaud.
« Oh, allez, Remus, détends-toi un peu ! »
« Waddiwasi ! »
Agnès avait profité de l'instant de latence parmi les Maraudeurs pour prendre sa revanche sur James. Instantanément, Sirius bondit de son abri et se précipita à l'aide de son meilleur ami avec de grands cris indignés. Peter se laissa distraire et tourna la tête pour assister à la scène avec intérêt. Stoïque, Remus se baissa gracieusement et cueillit une poignée de neige. Il prit son temps pour la modeler, puis visa avec soin la tête de l'Animagus rat. Peter tomba à la renverse avec un couinement de surprise.
A quelques mètres de là, Agnès reçut deux projectiles simultanés et poussa un cri de rage qui suffit manifestement à sortir leurs spectateurs de leur observation muette. Trois adolescents de Serdaigle dégringolèrent les marches en criant à l'injustice et partirent au secours de leur condisciple, tandis que le préfet de Poufsouffle tentait vainement de ramener un peu d'ordre à la situation. Un instant plus tard, un projectile perdu l'atteignit de plein fouet et lui fit oublier toutes ses bonnes intentions.
En quelques instants, le Hall se vida de tous les étudiants restants
Les Serdaigles se liguèrent contre les Maraudeurs pour venger l'honneur de leur camarade, les Gryffondors se rallièrent unanimement derrière leurs quatre représentants parce qu'ils ne pouvaient honnêtement pas laisser leur maison perdre la face, et les Poufsouffles se mirent à tirer sur tout ce qui bougeait en guise de représailles pour leur préfet. Quelques première et seconde années de Serpentard qui n'avaient pas encore regagné leurs Salles Communes s'étaient laissés entraîner dans l'agitation générale par les quolibets des Gryffondors…
Les boules de neige fendaient l'air dans toutes les directions, magiquement propulsées ou non, et des cris aigus résonnaient régulièrement dans les jardins, s'élevant des nombreux passages entre les buissons dépouillés par l'hiver ou des bouquets d'arbre en retrait.
Fermement campé en haut des marches extérieures du château, les bras croisés, Harry dominait la scène de chaos de toute sa hauteur. Un sourire pensif aux lèvres, il resserra machinalement son manteau autour de ses épaules. Au-dessus de sa tête, il entendit le faible bruit d'une fenêtre que l'on ouvre, et des exclamations de surprise. C'est à ce moment seulement qu'il se rappela que la Salle Commune de Serdaigle donnait sur cette fraction précise du parc.
Très bientôt, un bruit de galopade empressée se fit entendre dans son dos. Harry se retourna et se glissa à nouveau dans les ombres du Hall. Ce fut d'abord un Serdaigle solitaire portant le badge de préfet qui se précipita d'un air empressé dans le couloir menant aux cuisines et à la Salle Commune de Poufsouffle. Puis quelques Gryffondors pointèrent la tête par-dessus la rampe de l'escalier principal, vérifièrent que le préfet était hors de vue, et s'élancèrent vers les portes. Un instant plus tard, trois ou quatre Serdaigles plus espiègles que les autres suivirent, de toute évidence contre les recommandations de leur condisciple.
Un vague grondement commença à emplir les couloirs de Poudlard, et bientôt une large population d'adolescents, Gryffondors et Serdaigles confondus, dégringolèrent les marches. Une porte claqua non loin dans les sous-sols, et les Poufsouffles se mirent à leur tour à émerger en nombre.
Harry les laissa tous passer dans un joyeux brouhaha.
Enfin, alors que le Hall se vidait finalement de cette nouvelle vague d'assaut, la porte des sous-sols s'ouvrit une nouvelle fois. Le préfet de Serdaigle en émergea aux côtés d'un Serpentard de septième année à l'allure distingué, portant la distinction de Préfet-en-chef. Derrière eux suivaient une trentaine de Serpentards en rangs presque soignés, marchant calmement derrière leur leader qui, sourds aux arguments frénétiques du Serdaigle, se dirigea fermement vers les portes, sa baguette à la main.
Leur arrivée provoqua un chorus de réactions bruyantes dans le parc, les Gryffondors étant manifestement décidés à saluer leurs éternels rivaux comme il se doit. Par-dessus le chaos, Harry entendit distinctement la voix de Sirius s'exclamer :
« Enfin ! C'est qu'on aurait presque commencé à s'ennuyer, sans vous ! »
Harry reprit lentement son poste d'observation et s'appuya au montant de la porte. De nouveaux sons de pas ne tardèrent pas à se faire entendre, mais Harry ne bougea pas, laissant ses collègues professeurs sortirent sur le perron pour contempler la scène.
Près du lac, cinq Serdaigles avaient embusqué deux Gryffondors et les forçaient à subir un tir nourri de projectiles glacés. Un petit groupe de Serpentards s'était caché non loin de là et bombardait tout ce qui était rouge et passait à leur portée. Devant cette balance des forces inégale, les Poufsouffles, animés par leur soif de loyauté et de justice, s'étaient ralliés à la bannière rouge et or et combattaient main dans la main avec les lions de Poudlard.
Ca et là, on commençait à remarquer des taches de couleurs incongrues dans le paysage blanc et gris insipide de l'hiver, et Harry fut pris de l'étrange suspicion que les Maraudeurs aient entrepris de diffuser leur technique de combat à grande échelle.
« Oh, Merlin ! »
Harry tourna la tête et observa Minerva McMonagall. La directrice de Gryffondor fixait la scène d'un air proprement horrifié. Derrière elle, une silhouette courte et trapue s'avança pour parcourir le parc d'un regard perçant sous ses sourcils fournis.
« Eh bien, par ma foi ! » s'exclama Scott, le professeur de Divination, d'une voix sonore. « Je n'avais pas vu pareille bataille depuis les glorieux jours de ma jeunesse ! Peut-être que tous ces blancs-becs que nous appelons élèves ne sont pas uniquement des bons à rien, après tout. »
« Adam ! » protesta le professeur McGonagall, choquée. « Il faut absolument arrêter ça, il va finir par y avoir des blessés ! »
« Oh, détendez-vous, Minerva. »
Le minuscule professeur Flitwick bondissait littéralement d'excitation, les yeux brillants.
« Ce n'est qu'un jeu ! Que peut-il arriver de pire que plaies et bosses ? »
De toute évidence, pour Minerva McGonagall, plaies et bosses étaient déjà largement suffisantes pour considérer cette activité comme dangereuse. Dans son dos, Edouard Thomson et Samantha O'Brien observait la scène de dévastation devant leurs yeux avec un air de pure perplexité.
« Allons, Minerva » résonna finalement une voix profonde depuis le Hall vide.
Les deux Aurors sursautèrent et s'écartèrent vivement devant la présence imposante du maître de Poudlard. Albus Dumbledore sortit à son tour et fixa gentiment sa directrice adjointe.
« Laissez donc ces enfants se détendre. Merlin sait qu'ils en auront besoin dans les temps à venir. »
Ces paroles limitèrent quelque peu l'enthousiasme de Flitwick et de Scott. Minerva parut prise de court, mais tenta une dernière fois :
« Mais… Albus… Le dîner… »
« … peut attendre, Minerva » finit Albus pour elle, son sourire s'élargissant, tandis qu'il reportait son regard sur le parc dévasté. « Personnellement, je me joindrais bien à eux, si je n'avais peur que mon âge ne se fasse quelque peu sentir. »
« Aha ! Bien dit, bien dit, Albus ! » claironna Scott, tapotant sa bedaine sous le tissu tendu de sa robe.
Trop occupé à étudier les interactions de ses collègues, Harry faillit manquer le sifflement menaçant qui traversa soudain l'air vers lui. Son regard pivota soudainement, et il ne dut qu'à ses réflexes impressionnants le mouvement vif qui lui fit pencher le torse sur le côté et éviter la boule de neige qui lui était destinée.
Un bref silence stupéfait s'installa sur le petit groupe d'enseignants qui semblait soudain avoir remarqué sa présence. Arborant une expression totalement désarçonnée, Harry ne leur prêta aucune attention et se redressa prudemment, à la recherche de son attaquant. Il ne mit pas longtemps à le trouver : fermement campé sur ses deux jambes à quelques mètres de l'escalier, les mains sur les hanches, Sirius le fixait avec un air d'arrogance travaillé.
« J'exige ma revanche ! »
La stupéfaction de Harry se mua en amusement et il se redressa complètement.
« Ce n'est pas contre moi que vous avez perdu, Mr Black » rétorqua-t-il d'un ton de défi.
« Mais c'est à cause de vous que j'ai perdu ! » lui cria Sirius en réponse. « Je demande réparation ! »
Il n'avait pas encore fini de parler qu'il se baissait déjà pour cueillir une autre munition. Derrière lui, les trois autres Maraudeurs, accompagnés d'une bonne demi-dizaine de Gryffondors et de Poufsouffles, sortirent du couvert des buissons. Apercevant son meilleur ami et leur professeur de Défense Contre les Forces du Mal, James ne mit pas longtemps à saisir la situation.
« Hé ! » s'exclama-t-il avec un large sourire. « Bonne idée ! »
Il se baissa à son tour, sourds aux protestations hilares de Remus. Harry esquiva sans difficulté la seconde attaque de Sirius, mais poussa un soupir à fendre l'âme devant le renfort que recevait le jeune Gryffondor. Derrière les trois premiers Maraudeurs, il pouvait distinctement voir Peter s'efforçant de convaincre leurs compagnons de la noblesse de leur tâche actuelle. Et il y arrivait, le bougre.
Un instant plus tard, il dut éviter les attaques combinées de James et de Sirius, qui lui criait fermement de 'descendre de là et de se battre comme un homme'. En guise de réponse, Harry sauta souplement sur la rambarde de l'escalier, laissant les deux boules de neige s'écraser contre le mur de pierre, et se tourna vers les deux Gryffondors. Sur le coup, ils se figèrent brièvement.
Les dominant de toute sa hauteur, une main posée sur la hanche, Harry les fixait avec un sourire calme et presque mélancolique.
« Qu'est-ce que vous attendez, jeune homme ? » claironna soudain la voix de Scott. « Apprenez donc à ces blancs-becs ce que veut dire le respect ! »
Harry sembla pensif un instant, puis son sourire se fit brusquement plus assuré, et il releva les yeux.
« Très bien, messieurs. Montrez-moi ce que vous valez ! »
D'un mouvement d'épaules, il fit glisser son manteau noir le long de ses bras, et le laissa fluidement tomber jusqu'à terre, révélant son uniforme pourpre d'Auror. La lueur qui habitait à présent ses yeux n'exprimait que défi.
« Patmol, mon vieux, je crois qu'il est vraiment sérieux, cette fois » commenta James après quelques secondes de silence.
« Cornedrue, mon frère, cette victoire ne sera acquise que de haute lutte » lui rétorqua Sirius sur le même ton solennel, hochant la tête d'un air mortellement sérieux.
« Feu ! » hurlèrent-ils en chœur, se jetant à terre avec un synchronisme parfait.
Un feu nourri de projectiles blancs fusa au-dessus de leurs têtes. Harry les gratifia d'un sourire moqueur et sauta sur le côté et à bas de l'escalier avec une grâce insultante, pivotant en plein vol pour éviter quelques boules de neige qui le visaient d'un peu trop près. Il atterrit en position accroupie dans le crissement de la neige sous ses semelles et les cris de ses collègues.
Flitwick, excité, s'était remis à bondir afin de pouvoir voir au-delà de la rambarde de l'escalier, et Scott lui hurlait des encouragements d'une voix tonitruante.
« Montrez-leur, à ces jeunes impertinents ! Par la barbe de Merlin, ce n'est pas demain la veille qu'un professeur à Poudlard se laissera traiter de cette manière, ça non ! »
Minerva paraissait proprement offusquée par pareille conduite de la part de ses Gryffondors, mais elle l'était d'autant plus par le comportement immature de son collègue. Et puisqu'elle était Minerva, elle fit finalement connaître son approbation réticente de la bataille actuelle d'une manière très particulière :
« J'accorde 5 points à tout élève qui touchera Mr Davies ! » s'exclama-t-elle assez fort pour que les élèves les plus proches du Hall l'entendent.
Il y eut un court silence stupéfait, que Harry mit à profit pour évaluer exactement combien d'élèves l'avaient entendu. Il s'avéra qu'il y en avait beaucoup.
'… Aïe.'
Scott se mit soudain à beugler à la trahison, offusqué que sa collègue ne prenne pas le parti d'un membre du corps enseignant aussi évidemment provoqué. Cela sembla suffire à réveiller Remus, et tandis que tous les autres Gryffondors tentaient encore d'intégrer la possibilité que leur directrice de maison accepte de donner des points pour une bataille de boules de neige, il repartit immédiatement à l'attaque.
« Waddiwasi ! »
Malheureusement pour lui, Harry n'avait pas non plus attendu que tout le monde reprenne ses esprits, et sa boule de neige s'écrasa à l'endroit exact où se trouvaient les pieds de l'Auror une fraction de seconde auparavant. Ce fut finalement la vision de sa fuite qui parvint à réveiller ses autres agresseurs, mais ils n'eurent guère le temps de voir autre chose qu'une flèche pourpre traversant le terrain découvert au pied des marches pour plonger dans une glissade spectaculaire sous le couvert d'arbustes denses.
« Sus à Davies ! » beugla une voix bien connue, et Harry acquit la conviction absolue que d'ici à dix minutes, tous les élèves se trouvant actuellement dans le parc sauraient que sa tête avait été mise à prix, ne serait-ce que par les hurlements enthousiastes de Sirius.
Et tout cela par la faute de la droiture d'esprit de Minerva. Harry ne savait pas s'il devait lui en vouloir ou la serrer dans ses bras.
Une heure plus tard, allongé de tout son long dans la neige à l'abri de quelques arbres, alors que les derniers élèves trempés et grelottants franchissaient finalement les portes pour un dîner tardif dans la Grande Salle exceptionnellement encore pleine, il fixa son regard calme sur la voûte étoilée et décida qu'au bout du compte, les deux options se valaient bien.
'J'aime cette vie.'
Et c'était bien plus que le retour à la vie d'un homme brisé.
C'était une promesse faite aux étoiles.
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