Chapitre 17: Chapitre 16
Cc tous le monde désolé pour mon retard mais j'ai eu beaucoup de travaille avec les cours. Encore désolée et bonne lecture!😉
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Chapitre 16 : Où il est prouvé que Sirius est un imbécile, et que Remus ne vaut guère mieux
Le vent froid de fin décembre souleva quelques feuilles mortes, faisant bruisser les branches des buissons. James refusa de se laisser distraire, l'esprit tendu et prêt à toute éventualité. Dans sa main, sa baguette semblait vibrer en phase avec les battements de son cœur, qu'il pouvait entendre résonner dans sa poitrine avec une netteté exacerbée par l'adrénaline. Fronçant les sourcils, il modifia légèrement ses appuis au sol et scruta une nouvelle fois les alentours.
Il savait depuis le début qu'il était loin d'avoir le dessus dans cet affrontement, mais sa fierté refusait obstinément de le laisser lâcher prise. Il serra les dents et se déplaça lentement vers sa gauche, restant autant qu'il le pouvait sous l'abri précaire dispensé par une haie dépouillée par le froid. Veillant à rester le plus silencieux possible malgré la neige crissant sous ses pas, il leva une nouvelle fois le pied et l'abaissa précautionneusement. Il ne dut qu'à un réflexe salutaire le bond en arrière qu'il effectua lorsqu'un rayon lumineux d'un rouge agressif frôla le sol, se détachant singulièrement sur le tapis blanc uniforme, avant de s'abattre à l'endroit même où il s'apprêtait à poser le pied. James déglutit et retint de justesse un juron en s'apercevant que la neige se mettait à fondre à cet endroit précis, laissant entrapervoir le sol gelé qu'elle recouvrait un instant auparavant.
Décidé à opposer encore autant de résistance qu'il le pouvait, il agrippa un peu plus le manche de sa baguette avant de se jeter en avant dans l'espace vide qui le séparait de la prochaine haie. Du coin de l'œil, il perçut un mouvement vif et la lueur d'un sortilège. Levant le bras avec une vitesse et une audace qu'il ne se connaissait pas, il cria :
« Protego ! »
Le bouclier claqua en rencontrant le sortilège adverse, avant qu'ils ne disparaissent tous deux avec une lueur irisée. Profitant de l'aveuglement relatif engendrée par le bref phénomène lumineux entre lui et son adversaire, James sortit sa dernière carte avec autant d'énergie qu'il pouvait en trouver.
« Pyro ! »
A sa grande satisfaction, une boule de feu se détacha aussitôt de sa baguette et se rua dans la direction depuis laquelle on l'avait attaqué, au moment même où se dissipait finalement sa chiche protection. James atterrit rudement — et avec très peu de grâce — au sol, avant de se relever tant bien que mal pour se jeter derrière la haie qu'il cherchait précedemment à attendre. Finalement autant à l'abri qu'il pouvait l'être, il ne s'accorda pas pour autant de répit et se hâta de continuer à se déplacer, aussi silencieux qu'un cerf se déplace en territoire potentiellement dangereux.
S'arrêtant finalement derrière un large chêne, à quelque distance du lieu où il se trouvait précédemment, il prit une grande goulée d'air et entreprit de reprendre son souffle le plus discrètement possible, aux aguets. Plus rien ne lui parvenait de son adversaire, mais James n'était pas assez naïf pour penser que son petit tour puisse l'avoir sérieusement atteint. Le silence commençait par ailleurs à lui porter sur les nerfs. Accroupi, le dos contre le tronc de l'arbre, James posa sa baguette sur ses genoux et retira ses gants à l'aide de ses dents pour souffler brièvement sur ses doigts engourdis par le froid et la crispation. Ne tenant pas à perdre de temps, il se hâta de s'emmoutifler à nouveau, vérifiant par la même occasion la fermeture de sa cape et la position de son écharpe, qu'il n'avait par miracle pas perdu dans ses mouvements désordonnés.
Au même instant, le bruissement d'une étoffe parvint à ses tympans et il agrippa sa baguette avant de détendre brusquement les jambes, roulant sur le côté pour éviter un nouveau sortilège. Il se releva précipitamment et s'apprêtait à plonger une nouvelle fois à couvert, quand le bruit de tissu se confirma sous la forme d'une silhouette enveloppée d'une longue cape noire fendant l'air avant d'atterrir devant lui en un gracieux saut périlleux. James leva aussitôt sa baguette, mais il n'eut pas le temps de prononcer un mot avant qu'il ne perçoive la sensation familière de sa baguette tentant de lui échapper. Se tendant aussitôt, il réaffirma sa prise sur son arme et résista obstinément à l'Expelliarmus.
Sentant qu'il ne perdrait pas le contrôle, il n'attendit pas que le sort s'estompe totalement avant de rejeter son bras en arrière et de le projeter devant lui en un large arc de cercle.
« Sagittae ! »
Une volée de flèches se matérialisèrent le long de l'arc parcouru par la pointe de sa baguette, prenant de cours son attaquant qui, malgré son saut sur le côté, laissa à leurs pointes quelques lambeaux de sa cape. James se permit un sourire de satisfaction et profita de la diversion pour plonger à terre et ramasser une poignée de neige fraîche. Sans prendre la peine de lui donner une forme correcte, il la jeta au visage de son opposant qui protégea au dernier instant son visage d'un geste ample du bras, laissant la boule de neige retomber en paquets désordonnés par terre. Sa vision enfin dégagée ne lui offrit qu'un nouveau sort qu'il évita d'un nouveau bond sur le côté.
James serra les dents et, sentant qu'il ne parviendrait à rien, chercha à nouveau à gagner du temps en faisant volte-face pour gagner l'abri des buissons. Cependant, il comprit son erreur au moment même où il tournait les talons, son regard toujours fixé sur la silhouette qui reprenait son aplomb avec une facilité déconcertante, avant de lever sa baguette avec une lenteur délibérée. Brièvement, leurs yeux se rencontrèrent, et James ne put que prier pour que sa chute ne soit pas trop douloureuse.
« Petrificus totalus. »
Il y eut un instant de silence, puis le bruit mat d'un corps percutant le sol.
Quelques oiseaux s'envolèrent, comme pour signaler la fin des hostilités.
Harry retira finalement la capuche de sa cape et sourit au jeune garçon étendu à plein ventre par terre, raide comme une planche à repasser, les yeux toujours tournés vers lui, le cou tordu dans une position inconfortable.
« Ce n'était pas si mal que ça, James. Vous voyez, quand vous voulez. Finite incantatem » ajouta-t-il en pointant une nouvelle fois sa baguette vers lui.
James grogna en retrouvant la mobilité de ses membres, puis s'assit en se massant le cou.
« Vaincu par un sortilège de première année » soupira-t-il, affligé.
Seul un rire chaleureux lui répondit.
C'est les épaules voûtées que James passa les portes du manoir des Potter.
« … Il y a une chose que vous devez mémoriser, James : ne criez jamais vos sorts » disait Harry. « Si votre adversaire n'entend pas la for… »
« James ! »
James releva la tête en entendant la voix familière qui l'appelait. Sirius se jeta quasiment sur lui et le saisit par les épaules.
« Ben alors, qu'est-ce qui t'es arrivé, vieux ? T'as une de ces mines ! »
« … mule que vous prononcez, il ne saura pas à quoi s'attendre et disposera de moins de temps pour réagir » finit Harry sans se formaliser, tout en ôtant sa cape. « Bonjour, Mr Black. »
Sirius fit aussitôt volte-face et plaqua une main sur sa bouche, penaud.
« Oups ! Excusez-moi, professeur, vous disiez quelque chose ? »
Harry se contenta de sourire.
« Bonjour, professeur. »
« Bonjour, Mr Lupin » répondit Harry en faisant face à son élève. « Il est donc si tard que vous soyez tous les deux déjà arrivés ? »
« Il sera bientôt 19h, professeur » l'informa Sirius, curieux. « Qu'est-ce que vous faisiez tous les deux dehors le soir du Nouvel An, si ce n'est pas indiscret ? »
« C'est indiscret » répondit James, la mine boudeuse.
Sirius prit un air offusqué et croisa les bras en fixant son meilleur ami d'un regard désapprobateur, ce à quoi James répliqua en lui tirant la langue.
« Voilà qui est très mature, Mr Potter » fit Remus, secouant la tête en roulant des yeux.
« Il faut l'excuser » intervint Lily, souriante, descendant l'escalier pour s'approcher d'eux. « James vient de se faire mettre au tapis par Harry, c'est normal qu'il soit de mauvaise humeur. »
« Lily ! » s'exclama James, mortifié. « Tu nous espionnais depuis ta chambre ! »
« Mais pas du tout ! Je vous observais ! C'était très instructif, d'ailleurs… »
Lily lui décocha un sourire narquois, adressa un signe de la main à Remus et Sirius, puis se dirigea vers le salon d'où leur parvenaient des bruits de voix. James, fulminant, lui emboîta aussitôt le pas, les deux autres Maraudeurs dans son sillage.
« Oh ho ! » fit Sirius, une lueur malveillante dans le regard. « Je savais qu'il y avait une histoire intéressante là-dessous. Crache le morceau, James ! »
Comme pour le prendre à témoin, James leva les yeux au ciel avec un énorme soupir. Harry cacha tant bien que mal un sourire en suivant les trois jeunes hommes, après avoir déposé sa cape sur une patère accrochée au mur.
« Ah ! James, Harry, vous voilà ! » s'exclama George en les voyant tous deux arriver. « Je m'apprêtais à envoyer Cherry vous chercher, pour tout vous dire. Où étiez-vous, si ce n'est pas indiscret ? »
James poussa un grognement quasi-désespéré et plaqua une main sur son visage.
« Hum… Nous faisions un tour dans le jardin, George » répondit Harry en se mordant la lèvre pour ne pas rire.
Le Guérisseur haussa un sourcil et les scruta tour à tour, mais ne fit aucun commentaire. Harry en profita pour examiner les autres occupants de la pièce, soigneusement décorée pour l'occasion par les bons soins de Cherry. Assise dans un fauteuil près de la cheminée, Anne observait la scène d'un air amusé. En face d'elle, installé dans le canapé confortable, un couple à l'air vaguement familier le dévisageait avec une curiosité amicale.
« Harry, » repit George, tirant le jeune Auror de ses pensées, « laissez-moi vous présenter Sarah et Jonathan Lupin, les parents de Remus. Sarah, Jonathan, Harry Davies est cette année, comme les garçons n'ont probablement pas manqué de vous le mentionner, l'un des professeurs de Défense Contre les Forces du Mal de Poudlard. »
« Le meilleur prof de Défense Contre les Forces du Mal qu'ai jamais connu Poudlard, vous voulez dire ! » s'écria Sirius avec enthousiasme.
James allongea le bras et tapota gentiment le haut du crâne de son meilleur ami.
« C'est ça, c'est ça, Sirius. »
« Ben quoi ? C'est vrai ! »
Derrière eux, Remus roula des yeux à l'intention de ses parents, qui échangèrent un regard amusé, manifestement habitués à l'exubérance du jeune Gryffondor. Jonathan se leva et s'avança à la rencontre de Harry, vaguement gêné par cette nouvelle preuve d'adoration inconditionnelle.
« Remus nous a en effet parlé de vous en termes flatteurs, Mr Davies. Je suis ravi de vous rencontrer. »
Harry lui rendit son sourire et accepta la main tendue, tandis que Sarah s'approchait à son tour, approuvant les propos de son mari.
« Moi de même, Mr et Mme Lupin. Mais je vous en prie, appelez-moi Harry, puisqu'il semblerait que je sois le cadet des adultes ici présents… »
« A votre guise, Harry » répondit Sarah en souriant tandis qu'elle lui serrait à son tour la main.
« … et puis d'abord, on sera majeur dans à peine quelques mois, et c'est pas la peine de nous considérer comme des gosses ! »
« Sirius, la ferme. »
« … Pas juste. »
Mme Lupin masqua poliment un éclat de rire derrière sa main, tandis que Harry et Jonathan échangeait un regard à demi blasé.
Ce fut ce moment que choisirent les flammes ronflant paresseusement dans la cheminée des Potter pour gagner un regain d'énergie et changer momentanément de couleur, passant à un vert émeraude soutenu. Un instant plus tard, une petite femme replète émergeait de l'âtre en balayant quelques particules de suie de sa robe du plat de la main. Harry, dont la posture s'était relativement tendue — on l'avait 'engagé' comme garde, non ? —, se relaxa en constatant que l'assistance n'avait pas de réaction particulière à cette arrivée.
« Bonjour, Dorothy » dit Anne en se levant pour venir à sa rencontre.
« Anne, ma chérie ! Bonjour ! » s'exclama la dénommée Dorothy en s'avançant pour étreindre la sorcière.
Juste comme elle laissait le passage libre, les flammes s'animèrent à nouveau d'une lueur verte, bondirent vers le haut, et relâchèrent un nouvel arrivant.
« Salut, Peter ! » salua James.
Peter reprit son aplomb et se dirigea vers ses amis, sourire aux lèvres.
« On n'est pas trop en retard, j'espère ? Parce que si c'est le cas, je tiens à dire que pour une fois, ce n'est absolument pas ma faute ! Papa avait perdu une de ses chaussures, et il lui a fallu une bonne demi-heure pour la retrouver, alors évidemment… »
« Quelle mesquinerie de médire de ton père en son absence, Peter Pettigrow » gronda gentiment le sorcier qui posait à cet instant même le pied dans le salon des Potter. « Je croyais t'avoir éduqué mieux que ça… »
Peter lui fit une grimace moqueuse et les trois autres adolescents ne prirent pas vraiment la peine de masquer leurs rires. Harry observa George s'avancer pour saluer le dernier arrivant depuis le coin du salon où il s'était automatiquement retranché pour évaluer la situation. Il ne fallut pas longtemps pour que Jonathan le repère et le harponne, l'entraînant dans une nouvelle série de présentations.
De toute évidence, Peter avait hérité de la constitution de sa mère, Dorothy, tandis que ses cheveux châtains et une grande partie de sa personnalité lui venait d'Harold Pettigrow, son père. L'homme avait en effet l'air relativement tête en l'air et d'un caractère plutôt effacé, laissant volontiers son épouse prendre les choses en main. Dorothy, au contraire, était une femme vive et attachante, d'une tendance fortement mère poule. Elle rappelait beaucoup Molly Weasley à Harry, et il se fit prendre par surprise plus d'une fois dans la soirée par une vague de nostalgie en la voyant redresser le col de son mari ou ordonner à son fils de se tenir droit.
Quoiqu'il en soit, Harry fut rapidement accepté par cette petite assemblée, et se laissa entraîner dans une discussion sur la politique menée par le Ministère de la Magie tandis que Anne présentait Lily à Dorothy et Sarah, qui eurent tôt fait de l'adopter. Sirius ajoutait son grain de sel dans leur conversation, ne manquant pas de piques à envoyer à ce brave Lewis. A l'autre bout de la pièce, Peter écoutait Remus décrire le principe d'un sortilège qu'il avait des difficultés à maîtriser, et James essayait de convaincre Cherry de ne pas apporter plus d'apéritifs que la table basse ne pourrait en porter.
Porté par l'ambiance chaleureuse, Harry remarqua du coin de l'œil que George refermait l'âtre à tout passage par Poudre de Cheminette et se permit de se relaxer, confiant que les alarmes qu'il avait installées autour du manoir sauraient l'avertir si quoique ce soit devait arriver.
« Eh, Lunard ! Passe-moi le sel, tu veux ? »
James leva la tête, délaissant un instant son assiette, pour voir la salière passer à quelques centimètres de son nez, lévitant tranquillement jusqu'à atterrir dans la main tendue de Sirius, qui l'accueillit d'un large sourire.
« Merci, Remy chéri ! »
Assis à la droite de James, Remus poussa un grognement menaçant à l'encontre de ce nouveau surnom, ce qui ne suscita pas d'autre réaction chez Sirius qu'un sourire plus large encore. Patmol retourna à son repas et à sa passionnante conversation sur le sujet croustillant de l'hypothétique femme du professeur Scott avec Peter, à qui ces quelques instants de répit avaient permis d'essuyer ses larmes de rire et de tenter de se remettre à manger. Peine perdue, puisqu'un instant plus tard, il était reparti dans un véritable fou rire.
Pensivement, James tourna à nouveau la tête vers sa droite, où Remus discutait avec son père comme si rien ne s'était passé. Sentant son regard, il lui jeta un coup d'œil interrogateur, auquel James ne répondit que d'un sourire et d'un vague geste de la main. Sitôt que le jeune lycanthrope eut de nouveau le dos tourné, en revanche, son sourire se fit un rien calculateur. A sa gauche, Peter s'était finalement remis à manger, profitant de ce que Sirius s'était faufilé dans la conversation de George et Harry. James fila un léger coup de coude à Queudver et se pencha discrètement vers lui.
« Qu'est-ce qu'il y a, James ? » demanda Peter, curieux.
James sourit à nouveau.
« Tu n'as rien remarqué ? »
Peter fit le tour de la salle des yeux, puis reporta son attention sur lui, perplexe, avant de hausser les épaules.
« Sirius et Remus » souffla James, son sourire s'accuentant.
Peter jeta un coup d'œil de part et d'autre de lui, puis le fixa encore un moment sans comprendre. Enfin la lumière se fit dans son regard et il rendit son sourire à James, ravi.
« Après le repas, on leur tire les vers du nez » murmura James aussi bas qu'il le put, remarquant que Remus commençait à leur jeter des coups d'œil suspicieux.
Peter hocha la tête et ils échangèrent un regard malicieux avant de retourner à leur repas.
A l'autre bout de la table, Harry se sentait, comment dire… nerveux. La raison en était probablement son aimable voisine de table, qui se trouvait être, par le plus grand des hasards, Anne Anastasia Potter. Sa voisine de table, donc, et les coups d'œil réguliers qu'elle lui lançait. Ainsi que ses sourires en coin.
La relative tranquillité de ces derniers jours avait laissé Harry s'installer dans une fausse impression de sécurité, ce qui avait été, il le reconnaissant à présent, une grossière erreur. Car Anne était une personne têtue, et, s'il en jugeait par son comportement actuel, elle était loin d'avoir oublié leur conversation écourtée du début des vacances scolaires et la manière plus qu'insatisfaisante dont Harry avait réagi à ses interrogations.
Déglutissant silencieusement, il se résigna donc à ne plus pouvoir fuir, et s'attacha à trouver des réponses plausibles pour la scientifique. Vite.
Chose promise, chose dûe.
Sirius et Remus avaient à peine fini leur assiette de bûche glacée — à la mode sorcière, bien sûr — que James se levait d'un bond, renversant presque sa chaise dans le processus, et entraînant Peter dans son sillage. Les personnes encore attablées leur jetèrent un regard interrogatif, intriguées par cette hâte.
« Qu'est-ce qui se passe, James ? » demanda George, perplexe.
« Désolé » répondit James, un peu gêné. « Mais Peter, Sirius, Remus et moi devons absolument avoir une discussion… euh… capitale ! »
« Ah bon ? » s'étonna la voix de Sirius depuis le dessous de la table où il avait plongé pour rattraper son Père Noël en sucre glace enchanté, qui tentait désespérément d'échapper au sort peu enviable auquel les mâchoires du jeune homme le destinaient.
« Oui, c'est capital » répéta James en chopant son meilleur ami par le col avant de le tirer vers la porte.
« Eh, mais, James ! » protesta Sirius, moitié rampant, moitié marchant. « Mon Père Noël ! »
Sans écouter ses geignements, James le traîna dans le couloir, suivi de près par Peter qui se chargeait de prendre Remus en remorque, le jeune lycanthrope arborant une mine aussi peu informée que son compatriote Gryffondor.
Quelque part à la hauteur du sol, un Père Noël en sucre glace s'appuya contre un pied de table et s'essuya le front en soupirant de soulagement, avant de se faire attraper par une main aussi grande que lui et de finir sa courte existence dans une bouche vorace. Devant les regards amusés qu'il reçut, Harold haussa les épaules avec un sourire gêné.
« J'ai un énorme faible pour le sucre glace… » confessa-t-il.
Peter referma la porte de la chambre de James et s'appuya dos à elle, bien décidé à ce que personne n'élude l'interrogatoire qui allait suivre. Remus lui jeta un coup d'œil un peu perdu, puis se tourna vers James qui avait lâché Sirius au milieu de la pièce, le laissant s'étaler en un tas informe sur l'épaisse moquette le temps de se jeter sur son lit. A présent, Cornedrue, assis en tailleur sur sa courtepointe moëlleuse, les fixait tour à tour avec une lueur malicieuse qui criait quasiment : « Attention, Maraudeur ! » à trois kilomètres à la ronde. Remus lui rendait son regard avec une expression totalement perplexe, tandis que Sirius ne lui prêtait absolument pas attention, trop occupé à redresser chacun de ses membres dans sa position légitime et à se relever avec une lenteur excessive, le tout en grommelant, bien entendu.
« Bon, James » finit-il par dire, la mine boudeuse. « C'est quoi, ce truc capital dont on doit discuter, et qui est si important qu'il justifie l'abandon de mon Père Noël en sucre glace ? »
« Tu ne peux pas arrêter de penser à ce Père Noël cinq secondes ? » soupira James, perdant pour le coup son expression espiègle, le temps d'avoir l'air affligé par le sens des priorités de son meilleur ami.
« Naon ! Quand je pense qu'il avait l'air délicieux ! Quelqu'un d'autre l'a probablement déjà mangé, maintenant ! Vraiment, Cornedrue, quelle cruauté envers ton bon vieux Patmol… Mais que t'ai-je fait pour mériter un tel traitement ! »
Au bord des larmes, Sirius se jeta sur le lit de James et s'aplatit à ses pieds.
« Quelque soit mon crime envers toi, mon ami, mon frère, sois sûr que je le regrette du plus profond de mon âme — même si je ne m'en souviens toujours pas, après tout, comment un ange tel que moi pourrait-il commettre le mal, volontairement ou non ? — mais je t'en prie, je t'en supplie, James, mon ami le plus précieux, ne sois plus jamais aussi cruel avec moi. Ne m'interdis plus jamais d'ingurgiter un Père Noël en sucre glace ! »
Et sur ces paroles débordant d'une émotion insoutenable, Sirius, les larmes ruissellant sur son visage, se pencha vivement vers James dans le but de l'entraîner dans une étreinte fraternelle et amicale afin de sceller leur affection indestructible.
James plaqua une main sur son visage pour le tenir à distance.
Les violons jouant en arrière-plan émirent une ou deux fausses notes grinçantes afin de tomber en poussière, et les fleurs ayant inexplicablement envahi la chambre de James se fanèrent brutalement jusqu'à n'être plus qu'un tas de cendres, le tout disparaissant dans un souffle de vent — qui n'aurait pas dû exister, étant donné que la fenêtre était fermée — venu meubler le silence. Comme par enchantement, Peter et Remus réapparurent, contemplant la scène d'un œil — presque — blasé.
« Surdose de sucre » décréta James d'une voix ne souffrant aucune contradiction.
« Mééééé, Jaaaaamesss » geignit Sirius en prenant un peu de recul pour essuyer ses pseudo-larmes avec l'air d'un adorable chiot qui ne comprend pas pourquoi il vient de recevoir un coup de pied au derrière alors qu'il reniflait innocemment l'assiette de jambon posée sur la table.
James l'ignora royalement et s'appliqua à lisser soigneusement la courtepointe malmenée par Sirius, qui s'en alla pleurer son mal-être, son désespoir et sa solitude dans le coin opposé de la chambre.
Remus poussa un soupir apitoyé inaudible, puis se décida à se racler la gorge, attirant l'attention de Cornedrue.
« Alors, James, de quoi étions-nous censés discuter ? » reprit-il depuis le départ, en s'approchant du lit pour s'asseoir à même le sol en face de son ami.
La lueur « Attention, Cornedrue est là, fuyez, pauvres mortels ! », aussi appelée lueur du Maraudeur-en-force-attention-mes-amis-ça-va-faire- mal, fit son grand come-back dans le regard de James, qui se redressa narquoisement.
« Mais, de vous deux, bien sûr. »
Pour le coup, Sirius se désintéressa de sa contemplation religieuse du mur pour lui jeter un coup d'œil louche, échangea un regard perplexe avec Remus, puis un haussement d'épaules.
« Tu as abusé de la sauce au rhum, James ? » suggéra Remus d'un ton évocateur.
« Une fois chauffé, le rhum ne contient plus qu'un très faible taux d'alcool, vous savez » intervint Peter, toujours appuyé dos à la porte. « Enfin, c'est ce que me répète tout le temps ma mère, en tout cas » marmonna-t-il en rougissant quand il devint la cible du poids combiné de leurs regards incrédules.
« Bon, trêve de bavardages » trancha James en se repositionnant sur la courtepointe, allongé à plat ventre et penché en avant sur ses coudes pour mieux transpercer ses deux futures victimes de son regard inquisiteur. « Et entrons dans le vif du sujet. »
Peter se décolla finalement de la porte après s'être assuré qu'elle était fermée et se plaça debout près du bord du lit, juste à la gauche de Cornedrue, les bras croisés et l'expression tout aussi déterminée. Etrangement, Sirius et Remus commencèrent à se sentir nerveux.
« Quoi ? » émit Sirius en gigotant inconfortablement, maintenant assis en tailleur près de Remus, le seul qui ne semblait pas être une menace dans l'histoire. « On a fait une boulette ? »
James fit mine de considérer cela.
« Oh, ça dépend… »
« Humm… De quoi, exactement ? » demanda Remus d'un ton circonspect.
« Eh bien, de si vous considérez qu'avoir passé une semaine à vous ignorer l'un l'autre… »
Hochement de tête solennel de Peter.
« … à refuser catégoriquement de vous trouver dans la même pièce au même moment… »
Nouveau hochement de tête.
« … à nous obliger, Peter et moi, à nous tenir au milieu du champ de bataille comme deux imbéciles… »
Hochement de tête vigoureux.
« … et à immobiliser pendant sept longues journées les célèbres et invulnérables Maraudeurs pour cause de conflit interne… »
Quatrième hochement de tête, grave et sévère.
« … comme une boulette. Parce que dans ce cas, oui, vous avez fait une boulette. »
Un silence. Long, très long silence.
Puis les cerveaux de Remus et Sirius semblèrent enfin parvenir à intégrer les informations qui leur étaient fournies, et ils échangèrent un regard proprement horrifié avant de brusquement détourner le regard en rougissant.
Il y eut un autre long silence.
Une armée d'anges, tout en cheveux blonds et en robes blanches, passa, laissant un épais tapis de plumes sur la moquette de James, qui fixait ses amis sans ciller. Finalement, son regard s'écarquilla.
'Ne me dites pas… que…'
« … Vous aviez oublié… »
Le rougissement de Remus et Sirius s'intensifia jusqu'à des niveaux jamais vus — à part lorsque les Maraudeurs s'étaient introduit en cinquième année dans une chambre de filles de Gryffondor en pleine nuit, et où Remus s'était retrouvé nez à nez avec les sous-vêtements des dormeuses en ouvrant un placard au hasard — mais, bref, ce n'était pas le sujet. James plaqua une main lasse sur son visage et se força à expirer lentement et calmement. A côté de lui, Peter semblait ne plus savoir s'il devait éclater d'un rire hystérique ou se frapper la tête de désespoir contre le support du lit à baldaquin de James. Répétitivement.
« Bien » fit James d'une voix lasse, appuyant fortement sur les voyelles. « Et si nous commencions par le début ? » suggéra-t-il.
Sirius osa se retourner pour le regarder, tandis que Remus s'obstinait à fixer le mur d'en face.
« Euh… Quel début ? » émit-il d'une voix un peu faible.
James se contenta de le fixer, le visage dénué d'expressions, et ce fut Peter qui prit le relais.
« Si vous commenciez par nous dire pourquoi vous ne pouviez plus vous voir en peinture ? » geignit-il, la voix un peu étouffée par la courtepointe de James où il avait finalement enfoui son visage, en guise de compromis à son précédent dilemme.
« Erm… C'était plus ou moins ma faute… j'imagine… » commença Sirius en se balançant de droite à gauche d'un air plus ou moins dégagé.
« Evidemment, que c'était ta faute ! »
Remus reprit soudain du poil de la bête et lui jeta un regard noir.
« C'est toi qui t'est mis à me fusiller du regard à tout bout de champ et à refuser de me parler, que je sache ! »
« Mais tu l'as cherché ! » répliqua Sirius, indigné. « Tu n'arrêtais pas de traîner avec Snape, et tu te comportais bizarrement, et, et… ! »
Peter releva la tête et leur jeta un coup d'œil par-dessus son épaule, perplexe.
« Hein ? Eh, une minute, là ! » intervint James, tout aussi perdu. « C'est quoi, encore, cette histoire ? »
« C'est lui ! Il… »
« N'importe quoi ! » s'exclama Remus, interrompant Sirius en secouant la tête, offusqué. « Vraiment totalement n'importe quoi, Sirius Black ! Je ne traînaispas avec Snape ! »
« Ah non ? Alors comment est-ce que tu expliques que je vous ai vus ensemble dans les cachots, l'autre jour ? Vous n'aviez pas l'air de vous entendre trop mal, pourtant ! »
« Non, mais je rêve ! Tu m'espionnes, maintenant ? »
« Bien sûr que non, je suis tombé sur vous par hasard ! Mais arrête de dévier la conversation ! Qu'est-ce que tu faisais avec Snape ? »
« C'est quoi, ce soudain besoin maladif de savoir ce que je fais et avec qui je suis à toute heure du jour et de la nuit ? De la jalousie ? »
« Quoi ! Qu'est-ce que tu racontes ? Ce n'est pas… C'est ridicule ! Je veux juste savoir… »
« Silence ! »
Remus et Sirius refermèrent immédiatement la bouche et se redressèrent, raides comme des manches à balai. Peter, qui avait lui-même sursauté, jeta un regard de reproche à James et s'éloigna un peu de lui.
« Puisque vous le prenez comme ça, je pose les questions, et vous n'ouvrez la bouche que pour y répondre » détermina James d'un ton catégorique.
Sans attendre les protestations indignées de Sirius, il reprit aussitôt à l'intention de Remus :
« C'est quoi, cette histoire avec Snape ? »
Le jeune homme émit un 'hmmf' et jeta un regard méprisant à Patmol.
« Guère plus qu'une invention de l'esprit paranoïaque et déjanté de Sirius, vraiment… »
« Eh ! Je sais ce que j'ai vu… ! »
Sirius s'interrompit brusquement et porta les mains à sa gorge en fusillant James du regard.
« J'ai dit : uniquement pour répondre à mes questions » releva Cornedrue en agitant paresseusement sa baguette pour appuyer son point de vue.
Sirius lui jeta un dernier regard noir et se mit à bouder en silence, puisqu'il n'avait plus d'autres options.
« Donc… ? » reprit James.
« Snape m'aidait en cours de Potions » répondit Remus en roulant des yeux.
Peter haussa les sourcils, et Sirius se retourna pour exprimer à coups de larges et furieux mouvements de bras son « Qu'est-ce que je disais ! ». Remus se pencha agilement pour éviter de recevoir un coup au visage, et continua en l'ignorant :
« Il y a quelques semaines, je l'ai chopé à la sortie du cours et on a eu une discussion. On a fait un accord… »
Sirius se leva d'un bond, ses lèvres articulant muettement une harangue virulente qui fut malheureusement perdue pour l'Humanité.
« … et il a accepté de m'aider en Potions, pendant que je lui donnais en coup de main en Transformation. C'est tout. »
Et Remus haussa les épaules en levant les yeux au ciel.
« Donc, c'était juste une sorte de marché ? » releva Peter.
« Mais oui ! Je lui donnais deux ou trois conseils pour ses transformations, et il veillait à ce que je ne fasse pas trop de bourdes en cours de Potions, rien de plus ! »
Sirius finit par empoigner sa baguette et se jeta le contresort en ignorant le grognement menaçant de son meilleur ami.
« Mais c'est un Serpentard ! »
Remus lui jeta un regard en coin agacé.
« Le professeur Davies lui fait confiance, je considère que c'est une preuve assez satisfaisante qu'il ne va pas m'Avada Kedavrer dès que j'aurais le dos tourné » répondit-il sèchement.
Sur le coup, Sirius ne sut plus trop quoi répliquer. James en profita pour intervenir d'un ton peu amène :
« Ne me dis que tu refusais de lui parler juste pour ça, Patmol ? »
« Mais non ! Je l'ai dit tout à l'heure, il agissait de plus en plus bizarrement, et… »
« Bizarrement comment ? Je n'ai rien remarqué, moi… » fit Peter.
Sirius lui jeta un regard exaspéré et développa.
« Il proposait de moins en moins souvent des idées de blagues, il passait moins de temps avec nous, on aurait dit qu'il nous snobait ! »
Remus plaqua une main sur son visage, l'air désespéré.
« Je révisais pour les Aspics ! » s'exclama-t-il.
« Pardon ? » fit James, les yeux ronds. « On est en décembre, Lunard. Il sera bien temps de commencer à réviser l'année prochaine ! »
Remus lui jeta un regard neutre et contempla sa montre en haussant un sourcil.
« C'est-à-dire dans… oh, un peu plus d'une heure. Oui, bonne idée, James, on n'a qu'à faire ça, tiens ! Quelqu'un a apporté ses manuels ? » ironisa-t-il, pince-sans-rire.
James rougit légèrement.
« Tu sais très bien que ce n'est pas ce que je voulais dire, Remus ! »
« Les Aspics sont le diplôme le plus important de toute la scolarité sorcière, James ! Vous ne croyez quand même que je vais me mettre à réviser seulement un mois à l'avance ? J'imagine bien que c'est trop vous demander d'anticiper autant, et je savais que vous alliez trouver le moyen de râler si j'essayais de vous pousser, c'est pourquoi je ne vous ai rien dit et j'ai commencé à travailler tout seul ! Pas de quoi en faire un drame ! »
Et il jeta un regard exaspéré à Sirius, qui prit aussitôt la mouche.
« Mais tu ne participais quasiment plus à nos blagues ! Il faut le dire, si notre compagnie t'ennuie tant que ça ! »
« Sirius, » fit savamment remarquer James, « quand avons-nous effectué notre dernière sortie en tant que Maraudeurs ? »
« Euh… »
Sirius porta une main à son menton et fronça les sourcils, réfléchissant intensément.
« Tu veux dire, sans compter celle où nous avons généreusement offert une nouvelle teinture de cheveux à Lily et Davies ? Eh bien, ça doit faire… »
Ses yeux s'agrandirent soudainement de façon démesurée et il se jeta sur James, pour se mettre à le secouer frénétiquement.
« Un mois ! Ca fait plus d'un mois, James ! Tu te rends compte ! On commence déjà à se rouiller, mon vieux ! Alors qu'on n'est même pas encore majeurs ! »
Et Sirius s'effondra sur son meilleur ami en sanglotant et en versant d'énormes larmes de crocodiles. James lui tapota distraitement le dos.
« Oui, oui, oui, Sirius, mais ce n'était pas là que je voulais en venir » soupira-t-il. « Si nous n'avons pas fait de blagues, comment Remus aurait-il pu ne pas les faire avec nous ? »
Sirius se redressa, le visage mystérieusement sec, et se mit à méditer sérieusement sur la question, d'une logique, il faut bien le dire, indéniable.
« Euh… Ah ! Ca me revient ! Il n'était pas venu avec nous pour la dernière qu'on avait faite, tu sais, celle où on avait changé l'entière garde-robe de Pritchard en… »
« J'étais en détention. »
Sirius jeta un coup d'œil à Remus par-dessus son épaule.
« Hein ? » fit-il très intelligemment, ce qui lui valut un regard d'agacement.
« J'étais en détention, Sirius. A cause de la blague précédente, justement. »
Un ange retardaire passa à tire-d'aile, s'empressant de rejoindre la horde.
« Ah… »
Poussant un énooorme soupir de lassitude, James tendit le bras et poussa Sirius à bas du matelas. Il y eut comme un 'Boum'. Un vague 'Aïe', aussi.
« Bien, maintenant que nous avons clairement établi que Sirius est un imbécile… »
« … hey !… » fut-il émis d'une voix faible.
« … il y a encore une chose que j'aimerais comprendre. Remus, tu ne savais pas pourquoi Sirius t'en voulait, pas vrai ? »
« Bien sûr que non ! Sinon, crois-moi, je me serais empressé de lui mettre du plomb dans la cervelle ! »
« Et tu ne t'es pas posé la question avant ? »
Remus cligna des yeux. Deux fois. Puis commença à rougir.
« Et bien… je pensais que… enfin… je croyais… »
Sa voix s'éteignit et il se mit à rougir à une vitesse alarmante sous leurs regards perplexes et interrogateurs. Finalement, il soupira et se détourna.
« Ah, laissez tomber, ça n'a pas d'importance… »
« … » fit Sirius.
C'est étrange comme certains silences particuliers chez certaines personnes particulières peuvent attirer l'attention. Sous les regards attentifs de James et Peter, Sirius se ramassa finalement du pied du lit de James, dépoussiéra dignement ses habits et s'approcha du jeune lycanthrope toujours assis en tailleur à même le sol. Au bout d'un moment, Remus consentit par lever les yeux vers lui.
« Remus J. Lupin, aussi appelé Lunard, c'est aujourd'hui et maintenant que vous allez mourir » déclama Sirius d'un ton solennel.
Puis, dans un cri de rage :
« Je vais te dépecer et te cuire à la poêle, stupide loup-garou ! »
Remus émit quelque chose comme un couinement et tenta tant bien que mal de se soustraire à l'assaut furieux de l'Animagus, rampant à quatre pattes sur la moquette aussi vite que sa constitution biologique le lui autorisait. Peine perdue, puisque Sirius lui sauta dessus et le plaqua au sol en un rien de temps, avant de se mettre à le chatouiller sans merci.
Assis au pied du lit, Peter leva un regard perplexe vers James, qui ne fit que pousser un long soupir.
« Et dire qu'après sept ans, il se traîne toujours un complexe d'infériorité aussi gros que ce manoir. Quand je pense au temps qu'il nous a fallu pour le convaincre qu'on n'allait pas le traiter comme un monstre et annoncer à tout Poudlard que c'est un loup-garou… j'attrape une migraine. »
Suivit un autre très long soupir. Peter le fixa quelques instants, observa Remus se débattre contre la prise tentaculaire de Sirius en pleurant de rire, et se leva.
« Eh, Sirius ! Laisse-m'en un bout, tu veux ! »
James releva la tête et eut un large sourire, avant de se redresser à son tour.
« Ne m'oubliez pas ! Je veux mon mot à dire, moi aussi ! »
Et Remus produisit un long son étranglé ressemblant vaguement à quelque chose comme 'Nooooon !', avant de repartir dans un fou rire incontrôlable.
Non loin de là, Harry était très loin de partager la joie de vivre des quatre Maraudeurs.
Comme il s'y était attendu, les regards insistants de Anne avaient persisté jusque tard dans la soirée, alors que les adultes, accompagnés de Lily, s'étaient de nouveau retirés au salon pour poursuivre leurs discussions autour de digestifs ou de tasses de café. Cherchant à obtenir un répit, bien que momentané et illusoire, Harry avait fini par se lever et déclarer qu'il allait voir où avaient disparu James, Remus, Peter et Sirius, puisque minuit approchait à grands pas.
C'était un mauvais calcul. Un très mauvais calcul.
Anne s'était empressée de sauter sur l'occasion et de proposer de l'accompagner, et bien que Harry lui ait assuré que ce n'était absolument pas nécessaire, elle n'avait bien entendu pas lâcher prise pour si peu, prétextant qu'il pourrait très bien avoir besoin d'aide si les quatre adolescents s'étaient mis en tête de fêter le Nouvel An d'une façon digne des Maraudeurs. Ce à quoi les autres adultes présents acquiescèrent vivement. Lily, assise dans un fauteuil près de la cheminée, s'était mordu la lèvre pour ne pas rire, se demandant manifestement si elle voulait vraiment savoir ce qu'il y avait là-dessous…
Toujours est-il qu'il se trouvait maintenant dans l'une des très nombreuses salles du manoir, qui devait sans doute servir de bureau les trois cent soixante-quatre jours de l'année où Anne ne l'utilisait pas en tant que sa salle d'interrogatoire personnelle, seule avec la scientifique, dont le sourire triomphant affichait clairement l'état d'esprit.
« Eh bien, Harry, asseyez-vous, je vous en prie » suggéra-t-elle d'un ton malicieux.
Harry poussa un soupir inaudible, leva discrètement les yeux au ciel, et ne chercha même pas à jouer la carte de l'innocence en proposant de repartir à la recherche des quatre jeunes hommes. Résigné, il s'avança à son tour et s'installa dans le fauteuil en face de celui de Anne, qui avait pris place derrière l'imposant bureau en chêne constituant le principal mobilier de la pièce. S'appuyant contre le dossier de son siège, il posa ses mains croisées sur ses genoux et leva un regard neutre vers sa 'grand-mère'.
« J'en déduis que vous avez trouvé une solution à vos problèmes ? » supposa-t-il.
Anne sourit et acquiesça, anticipant avec plaisir la discussion qui allait suivre.
« Oui, en effet. Et puisque que grâce à votre excellente suggestion, je n'ai plus à m'inquiéter pour la santé de ma famille, je serais enchantée que nous reprenions notre dernière discussion là où elle avait abruptement pris fin de manière si peu satisfaisante… »
Harry haussa un sourcil et lui envoya un regard mi-amusé, mi-las.
« Vous ne lâcherez pas prise avant d'avoir obtenu ce que vous désirez, n'est-ce pas ? »
« Eh bien, le fait est que même si vous étiez un parfait inconnu, je m'en voudrais énormément de laisser passer un mystère de cette taille sous mon nez sans réagir. Etant donné que vous enseignez à Poudlard, et vous trouvez donc en contact régulier avec mon fils et ses amis, sans parler de l'influence remarquable que vous semblez exercer sur eux, je pense que vous pouvez vous douter que je suis d'autant moins disposée à céder. »
Le temps de prononcer ces quelques phrases, Anne était devenue considérablement plus sérieuse, et fixait à nouveau Harry avec quelque chose qui ressemblait énormément à de la méfiance. Le jeune Auror se laissa aller à baisser les yeux et à soupirer. Il s'était bien douté en conseillant Anne que sa reconnaissance ne serait que de courte durée, et qu'elle n'en oublierait pas pour autant qu'elle n'avait aucune raison valable de lui faire confiance. Mais tout de même, il avait espéré avec ferveur qu'elle ne soulèverait plus le sujet avant son départ de Junction Hill. Après quoi, il était très peu probable que Harry revoit jamais les parents de James, même s'il n'avait absolument aucune idée de ce que l'avenir lui réservait.
A la fin de l'année scolaire, lui et ses collègues quitteraient Poudlard, et il pourrait très bien ne plus jamais revoir les Maraudeurs, pas plus que Lily et ses amis, ou encore Severus. Bien sûr, Harry chercherait toujours à veiller sur eux, ne serait-ce que de loin. Mais il ne pouvait pas éternellement rester à Poudlard et laisser le reste du monde se débrouiller seul avec ses propres problèmes. S'il était ici, c'était pour changer ce qui pouvait l'être, et il n'y réussirait pas s'il ne tentait rien par lui-même. Harry devait réfléchir à ses prochains objectifs. Pour l'instant, avec la surveillance constante de Eddings et l'engagement qu'il avait pris envers les Aurors, il n'avait que très peu de marge d'action, mais, bercé par la routine familière de l'école, il n'avait pas encore pris la peine de chercher de solutions, et c'était probablement une grosse erreur.
Un raclement de gorge un peu irrité le sortit de ses pensées et il tourna à nouveau les yeux vers Anne, sans bouger cependant de la posture pensive qu'il avait adopté.
« Que désirez-vous savoir ? » demanda-t-il finalement.
« Tout. »
« C'est impossible. »
Anne fronça les sourcils, mais Harry ne lui laissa pas le temps de protester.
« Je pense que vous pouvez très facilement comprendre que certaines connaissances sont trop dangeureuses pour être confiées au premier venu, Anne. »
La sorcière sursauta à l'allusion à peine déguisée à sa propre situation, et lui jeta un regard noir, mais n'ajouta rien.
« Alors, que désirez-vous savoir ? »
« Que pouvez-vous me confier ? » demanda-t-elle d'une voix froide.
Harry eut un sourire ironique.
« Rien. Ou du moins, » continua-t-il comme elle lui jetait un nouveau regard noir et ouvrait la bouche pour s'insurger, « il n'est rien que je devrais vous confier. Cependant, il me semble que nous sommes dans une situation quelque peu figée,et je ne cherche nullement à m'attirer votre méfiance. C'est pourquoi je veux bien faire preuve de bonne volonté. »
Il la fixa à son tour gravement et continua :
« Mais vous devez comprendre que ce ne sont pas des choses dont vous pourrez parler autour de vous. Cela compromettrait tout ce qui a été accompli jusqu'à présent. »
Anne le regarda un moment avec une expression étrange, partagée entre la méfiance et la curiosité. Finalement, cette dernière finit par l'emporter — Harry voyait très bien ce qui avait poussé la sorcière à devenir scientifique, c'était à peu près aussi évident qu'un Détraqueur au milieu d'un troupeau de moutons — et elle acquiesça de la tête, lui faisant signe de continuer. Harry la fixa encore quelques instants du regard, comme pour la jauger, puis se leva et se dirigea vers la fenêtre, où il laissa ses yeux se perdre sur le tableau magnifique que constituait le jardin des Potter, tapissé d'une épaisse couche de neige et éclairé par un fin croissant de lune.
Il y eut quelques secondes de silence.
« Je ne suis pas de ce monde. »
« … … ! Pardon ? » articula Anne, les yeux ronds.
Harry s'autorisa un sourire, sachant qu'elle ne pouvait pas le voir.
« Je vais vous raconter mon histoire, Anne. Mais vous devez me promettre de ne pas m'interrompre avant la fin. »
Par-dessus son épaule, il la vit lui jeter un regard torve, puis hocher la tête avec reluctance. Harry tourna à nouveau son attention vers la fenêtre.
« Je suis né le 31 juillet 1980. »
Derrière lui, il y eut une sorte de borborygme incompréhensible qu'il s'attacha à ignorer.
« Lorsque j'eus atteint mon premier anniversaire, mes parents, tous deux sorciers, furent tués par un Mage Noir qui semait la terreur dans toute l'Angleterre magique. Le nom qu'il se donnait, je l'appris bien plus tard, était Voldemort. »
Cette fois, Anne n'eut pas de réaction. Harry avait le sentiment qu'il venait d'ajouter plusieurs paramètres étrangers à son équation, la transformant sans doute en l'un des problèmes les plus ardus qu'elle ait jamais eu à résoudre, et qu'elle attendait simplement qu'il lui fournisse les éléments nécessaires à sa résolution.
« Quant à moi, je grandis en toute ignorance du monde magique, chez des parents de ma mère, qui se trouvaient être d'origine moldue. Lorsque je reçus ma lettre de Poudlard, je ressentis probablement le choc le plus grand de ma courte vie. A onze ans, j'apprenais l'existence d'un monde qui m'était totalement inconnu, un monde auquel j'appartenais de droit. Un monde merveilleux, mais un monde en sursis. »
Harry se retourna et fit de nouveau face à la sorcière, qui le dévisageait avec un air indéchiffrable.
« Plusieurs années auparavant, Voldemort avait enfin été mis hors d'état de nuire. Malheureusement, ce que la plupart des gens ignoraient à cette époque, c'est qu'il ne s'agissait que d'un répit temporaire. Lorsque j'atteignis la fin de ma quatrième année à Poudlard, Il revint. Il récupéra ses pouvoirs, ses serviteurs, et exposa à nouveau au grand jour ses envies de grandeur qui ne l'avaient jamais quittées. A partir de là, tout alla de mal en pis… »
Harry baissa les yeux et son expression se fit lointaine et nostalgique.
« Son retour passa tout d'abord inaperçu, et la vie continua comme si de rien n'était. Pendant une année entière. Après quoi… un homme paya de sa vie pour avoir cru à son retour. »
Une larme tomba au sol près de ses pieds.
« Cet homme, c'était mon parrain. »
En face de lui, il entendit Anne bouger légèrement. Il releva la tête, mais ne la regarda pas, car ses yeux étaient perdus vers un temps et un lieu qu'il était le seul à voir.
« Et Voldemort se décida enfin à passer aux choses sérieuses. Ses offensives s'abattirent sur la communauté sorcière avant qu'elle n'ait eu le temps de totalement réaliser ce qui se passait. En quelques mois, le monde fantastique que j'avais découvert plongea dans une spirale de destruction et de peur. Une guerre contre un ennemi qui se dissimulait parmi nous. Bientôt, le conflit ne se limita plus à la seule humanité, et des deux côtés, d'autres êtres rejoignirent les rangs. Les elfes firent partis de ceux qui combattirent auprès de nous.
« Il y eut énormément de victimes, moldues comme sorcières, humaines ou non. Mais Voldemort fut vaincu, et son âme disparut enfin à jamais. »
Harry baissa de nouveau la tête, et lutta contre un sanglot qui menaçait de faire irruption. Sur son visage, les larmes coulaient maintenant librement.
« Mais ce monde magique, tel que je l'avais vu pour la première fois alors que je n'étais qu'un petit garçon de onze ans, ce monde n'existait plus. Meurtri, ruiné, il se reconstruisait lentement, et chacun de son côté, nous devions tous soigner nos blessures et pleurer nos morts. Cinq ans de guerre… pour ça.
« Alors j'ai fui.
« Là-bas aussi, j'étais un Auror. On me proposa une mission dont je pouvais très bien ne jamais revenir. Une mission qui devait, peut-être, changer la face des choses. J'ai accepté, parce que rien ne me retenait. Parce que je voulais désespérément faire quelque chose, aussi, n'importe quoi. Je me rends compte, maintenant, que c'était probablement de la lâcheté, et que j'aurais dû rester. Mais il est trop tard, de toute façon, et je ne reverrais jamais mon monde. »
Il y eut quelques instants de silence, avant que Anne ne le pousse doucement à continuer.
« Que s'est-il passé ? »
Et Harry lui parla de la Tablette de la Seconde Chance, ce mystérieux artefact découvert dans un manoir abandonné, et des inscriptions qui en garnissaient la surface. Il raconta ce qu'il avait vécu en activant la Tablette, comment il s'était retrouvé dans un temps qui n'était probablement pas le sien, dans un monde qui ne l'était sans doute pas non plus, mais si identique malgré tout, si proche… Il parla de son accord avec Eddings, de son succès à l'examen des Aurors, et de son affection à Poudlard. Il dit sa volonté de changer ce qui devait l'être.
Sur son visage, les larmes avaient séché, lui laissant les yeux rouges, mais l'expression déterminée.
Et Anne écouta.
Ce fut en chahutant comme si rien ne s'était jamais passé que les célèbres Maraudeurs, terreurs de l'Ecole de Magie et de Sorcellerie de Poudlard, redescendirent finalement au rez-de-chaussée et rejoignirent leurs parents au salon.
« Ah, vous voilà, vous ! » s'exclama Georges en les voyant arriver, les bras croisés. « J'ai bien cru que vous alliez décider de nous fausser compagnie ! Harry et Anne sont partis vous chercher, mais il semblerait qu'ils vous aient manqué… »
« Sans doute, parce qu'on ne les a pas vus » répondit James en haussant les épaules. « Eh, papa, il reste de ce truc au chocolat ? »
« C'est pour aider à digérer, James, ce n'est pas fait pour être pris plus d'une heure après le repas… » soupira Georges en roulant des yeux.
« Mais c'est sacrément bon ! Alors, il en reste ? » reprit Sirius, plein d'espoir.
Georges baissa les bras et les laissa faire comme bon leur semblait. Quelques minutes plus tard, Harry et Anne revinrent. La sorcière semblait distraite et exceptionnellement pensive, tandis que le jeune Auror n'affichait aucune expression particulière. Georges leur lança un regard curieux mais ne dit rien, préférant réserver les questions pour plus tard.
Enfin, quelques minutes plus tard, devant l'assistance au grand complet, la grande horloge du salon des Potter égrena les dernières secondes de l'année 1978.
« Lily ! Eh, Lily ! »
La jeune fille se retourna, curieuse de savoir qui pouvait bien l'interpeller avec autant d'énergie à une heure pareille.
James Potter, bien entendu.
Soupirant discrètement, elle attendit qu'il parvienne à sa hauteur. Tous les invités de la soirée venaient de repartir par Cheminette et les habitants du manoir s'apprêtaient à aller se coucher. Donc, la question était, que lui voulait James Potter à une heure de matin, le premier jour de cette nouvelle année naissante ?
James la rejoignit et s'arrêta devant elle, l'air un peu gêné.
« Euh… Ca a été ta soirée ? » commença-t-il gauchement.
Devant le regard neutre de Lily, il reprit rapidement :
« Je veux dire, au départ, tu avais peur de te sentir de trop, non ? Alors, comme je suis resté avec Remus, Peter et Sirius la majorité de la soirée, je me demandais, enfin, j'espère que… tu n'as pas été trop mal à l'aise, et… Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a de drôle ? »
Lily se contenta de secouer la tête sans cesser de sourire.
« Toi, Potter. Tu es vraiment impayable, par moments. C'est gentil de t'en soucier, mais je suis une grande fille et je peux me débrouiller sans toi plus de cinq minutes, je t'assure… »
« Mais c'est pas ce que je voulais dire ! » s'énerva tout seul James, frustré. « C'est juste que… ma mère m'a toujours rabâché qu'il fallait veiller à ce que les invités soient le plus à l'aise possible, et tout le blabla qui va avec, alors je me disais… »
Lily fit tout son possible pour ne pas pouffer. Il était rare de voir James nerveux, mais la manière dont il s'emportait tout seul, ne cessait d'éviter son regard, et passait perpétuellement la main dans ses cheveux… Il commençait à rougir, aussi. Lily se mordit la lèvre pour ne pas rire. Au lieu de cela, elle jeta un coup d'œil au plafond et sourit.
« Oh, au fait, James… » l'interrompit-elle dans son monologue.
Il lui jeta un coup d'œil interrogateur, puis suivit la direction de son regard.
« Eh bien, quoi ? C'est juste du… »
Il s'arrêta net et porta la main à sa joue où une paire de papillons s'était un instant posée.
« … gui… »
Lily lui sourit d'un air amusé, puis s'élança vers l'escalier.
« Bonne nuit, James ! »
James la regarda grimper les marches deux à deux, puis disparaître au premier étage. Sans qu'il ait vraiment demandé quoique ce soit, un sourire naquit sur ses lèvres.
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