Chapitre 11: Chapitre 10

Chapitre 10 : Où Dumbledore lance sa contre-attaque.

Lily émergea du sommeil dans un cocon doux et chaud qu'il lui suffit d'ouvrir les yeux pour reconnaître comme les draps de l'infirmerie. Bâillant à s'en décrocher la mâchoire, elle s'empara de sa montre qu'elle avait laissé quelques heures plus tôt sur la table de chevet et la consulta distraitement. Elle se redressa soudain, bien réveillée.

'Onze heures et demi ?' réalisa-t-elle, soudain paniquée. 'Oh non, j'ai loupé Arithmancie ! Quelle idiote, je n'aurais jamais dû dormir aussi longtemps...'

Elle se levait quand les rideaux autour de son lit furent brusquement tirés par la jeune infirmière de Poudlard, Mme Pomfresh.

" Ah ! Vous êtes réveillée, Miss Evans " s'exclama-t-elle. " Parfait. "

" Mme Pomfresh, il faut que je sorte, je suis en retard pour mes cours " dit-elle frénétiquement.

" Eh bien, mais je ne vois pas le problème. Je vous donnerais un mot pour votre professeur et vous pourrez rattraper avec vos amies. De toute façon, à l'heure qu'il est, la moitié de l'école est déjà probablement au courant de ce qui vous est arrivé, à vous et à Mr Potter " répondit-elle distraitement en prenant quelques notes.

" Qu'est-ce que vous voulez dire ? "

" Deux élèves se faisant attaquer par des Mangemorts hors de l'école au milieu de la nuit n'est pas particulièrement habituel, Miss Evans " dit-elle avec un regard sévère. " Je ne comprends d'ailleurs pas pourquoi le directeur n'a pas pris la décision de renvoyer ce jeune Serpentard. Rhabillez-vous, je vous rédige un mot d'excuse pour vos professeurs. C'est bien Métamorphose que vous avez tout de suite ? "

" Oui. "

'Qu'est-ce qu'un Serpentard vient faire là-dedans ?' s'interrogea-t-elle en la voyant repartir vers son bureau.

Puis elle haussa les épaules et entreprit rapidement de revêtir son uniforme.

'Il faudra que je demande à Anna de me prêter ses notes d'Arithmancie...' se dit-elle en ajustant sa robe.

Mme Pomfresh n'était toujours pas revenu, et elle entreprit de faire machinalement le tour de l'infirmerie des yeux. Son regard se posa sur le seul lit dont les rideaux étaient encore tirés. Elle hésita un instant, puis après un dernier coup d'œil par-dessus son épaule en direction du bureau de l'infirmière, avança timidement et se glissa entre les rideaux.

Potter était allongé, le visage pâle, paraissant dormir, mais dès qu'elle approcha il ouvrit les yeux et fit un petit sourire en la reconnaissant.

" Salut, Evans " murmura-t-il.

" Salut, Potter " répondit-elle sur le même ton.

" A ce que je vois, Davies t'a lâchement abandonné dans les griffes de Pomfresh, toi aussi " plaisanta-t-il.

Elle se surprit à sourire, et s'approcha un peu plus.

" Comment ça va ? "

Le jeune homme fit la moue.

" C'est pas la grande forme. J'ai des courbatures partout et je ne peux pas bouger sans être pris de crampes. Mme Pomfresh dit que ça devrait passer d'ici quelques heures, mais je m'ennuie à en mourir, ici... "

Il prit un air tellement malheureux qu'elle dut se retenir de pouffer. Un petit silence s'installa et, mal à l'aise, elle s'assit sur le bord du lit.

" Potter, " commença-t-elle, " je voulais te dire... "

" Si c'est pour m'engueuler parce que je suis sorti la nuit et me dire que tout est ma faute, merci, j'ai déjà donné " coupa-t-il en grognant.

" Tu me laisses finir, tu veux ? " répliqua-t-elle.

" Dois-je comprendre que tu n'es pas venu me faire ton sermon de préfète ? " s'étonna-t-il en levant un sourcil.

Lily soupira d'impatience.

" Non, je ne suis pas venue pour ça. En fait, je... je voulais te remercier " avoua-t-elle dans un souffle.

" Me remercier ? " s'exclama-t-il. " Tu délires, Evans, je n'ai rien fait ! Va plutôt remercier Davies. En fait, " ajouta-t-il après réflexion, " ce serait plutôt à moi de te remercier. Si tu n'avais pas été là, il serait arrivé trop tard. "

" Peut-être, mais c'est toi qui a empêché le Mangemort de me jeter un sort après que je leur ai lancé l'Expelliarmus. "

" Mouais. Au fait, qu'est-ce qu'il est devenu, celui-là ? Davies l'avait eu, non ? " demanda-t-il.

Lily haussa les épaules en signe d'ignorance, mais la voix de l'infirmière se chargea de répondre à sa place.

" Gravement brûlé et nécessitant des soins intensifs. Il a été conduit à la section médicale du Centre d'Incarcération Provisoire du Ministère. L'Auror Davies n'y a pas été avec le dos de la cuillère... "

Lily se tourna vers Mme Pomfresh, debout dans l'entrebâillement des rideaux, et trouva qu'elle avait l'air beaucoup moins préoccupé par cela que si c'était arrivé à l'un des élèves dont elle avait la charge.

" Allons, Miss Evans, sortez d'ici et laissez Mr Potter en paix. "

La jeune fille s'aperçut avec amusement que Potter remuait les lèvres en même temps que l'infirmière, les yeux levés au plafond en signe d'ennui profond.

" Il a besoin de beaucoup de calme et de repos " articula-t-il en parfait accord avec la femme en blouse blanche, qui, constatant cela, s'empressa d'ajouter :

" Cessez de faire le pitre, Mr Potter, je vous prie ! "

Potter se tourna vers le mur pour qu'elle ne voie pas sa grimace. Lily se leva et saisit le papier que lui tendait l'infirmière.

" Dans combien de temps sort-il ? " demanda-t-elle.

" Pas avant trois jours " lui répondit-elle. " Et surtout pas s'il continue à se comporter comme un enfant de trois ans " ajouta-t-elle avec un regard furieux vers le jeune homme qui se contenta de laisser échapper un grognement ennuyé.

" J'ai entraînement de Quidditch après-demain... " commença-t-il.

" Rien du tout, Mr Potter ! " coupa l'infirmière. " Trois jours ! Allez, Miss Evans, filez maintenant. Je pense que vous pouvez directement aller dans la Grande Salle, étant donné l'heure. "

Lily s'apprêta à lui obéir et écartait les rideaux de la main quand Potter la rappela. Surprise, elle le regarda bouger inconfortablement.

" Je voulais juste te dire que... tu as été super " souffla-t-il sans la regarder.

Lily resta un instant figé par la surprise, puis lui sourit et haussa les épaules.

" Toi aussi, Potter. Je ne crois pas que j'aurais pu résister à deux Doloris et essayer encore de bouger comme tu l'as fait " dit-elle en se retournant.

" Evans ! "

Elle se figea une nouvelle fois au moment où elle s'apprêtait à partir et le fixa du regard, interrogatrice.

" Tu ne pourrais pas dire à Sirius de m'envoyer quelques Bombabouses ? " demanda-t-il, une lueur espiègle dans le regard. " On s'ennuie vraiment trop, ici... "

" Mr Potter ! " glapit Mme Pomfresh, scandalisée.

Lily quitta l'infirmerie en secouant la tête et se hâta vers la Grande Salle où elle était sûre qu'elle serait prise d'assaut par les questions de ses camarades de maison. En fait, elle n'avait pas encore descendu l'escalier de marbre du Grand Hall que cela commença.

" Evans ! " beugla Black dès qu'il l'aperçut.

Il fonça immédiatement vers elle et la rejoignit en un temps record.

" Comment va James ? " s'exclama-t-il. " Davies nous a dit qu'il avait reçu des Doloris, c'est vrai ? Est-ce qu'il... humf... "

Lupin maintint fermement sa main sur la bouche de son ami tout en s'adressant à Lily.

" Je te conseille de répondre vite, je ne pourrais pas tenir longtemps. "

Lily les fixa tour à tour, puis observa Pettigrow qui les avait rejoint et s'efforçait d'empêcher Black de se débarrasser de Lupin.

" Qu'est-ce qu'il a ? " finit-elle par demander en désignant le jeune homme aux cheveux noirs.

" Crise de grand frère aiguë " répondit laconiquement Lupin. " Alors ? "

" Il est réveillé, mais Pomfresh ne le laissera sortir que dimanche au plus tôt. "

" On peut aller le voir ? " interrogea Pettigrow.

Malgré l'étreinte de son ami, Black hocha vivement la tête, les yeux pleins d'espoir.

" On a cours de Défense contre les Forces du Mal, après le déjeuner " leur rappela Lupin. " Et je doute que Pomfresh nous laisse entrer dès le premier jour. On essaiera plutôt demain. "

Black articula difficilement quelque chose qu'on pouvait interpréter comme un " Rémuuuuus " désespéré et Lupin répondit fermement :

" Il ne va pas se volatiliser pendant la nuit, Sirius, et surtout pas avec Pomfresh dans les parages. "

Lily n'entendit pas la suite de la conversation, car au même moment Anna surgit à ses côtés.

" Je t'ai cherché partout " commença la Gryffondor en fronçant les sourcils. " Ne me dis pas que ces stupides rumeurs à propos de toi, Potter et des Mangemorts sont vraies ? "

" Personne n'a parlé de Davies ? " répliqua tranquillement Lily, d'une manière qui, elle le savait très bien, allait intéresser son amie et donc la calmer.

" Davies ? " interrogea Black à ce moment, coupant net ses lamentations à Lupin qui avait fini par le relâcher. " Qu'est-ce qu'il a à voir là-dedans ? "

Lily soupira, empoigna le bras de Anna d'une main et celui de Black de l'autre et se mit en devoir de les traîner vers la Grande Salle.

" Venez par là, je vais vous raconter... "

Harry observait distraitement les premiers Serpentards arriver en classe, son esprit tourné vers la rencontre que le directeur avait sollicité avec lui et qui devait avoir lieu le soir même. Qu'est-ce qui pouvait donc motiver Albus à vouloir lui parler, sans aucun doute à propos des évènements de la nuit ? Harry se demandait de plus en plus si le vieil homme ne connaissait pas la raison qui avait poussé des Mangemorts à attaquer James. Une fois la fièvre de l'action passée et de retour à un état d'esprit plus calme, il s'était en effet immédiatement rendu compte qu'il ignorait le pourquoi de cette offensive.

Bien sûr, la prophétie qu'avait pondue cette vieille chouette de Trelawney à son propos et à celui de Voldemort parlait bien du fait que ses parents avaient résisté par trois fois au Seigneur des Ténèbres avant de lui succomber un soir d'Halloween, mais Harry avait toujours supposé que c'était en raison de leur inclinaison politique et du rôle actif qu'ils jouaient dans la résistance et même dans l'Ordre du Phoenix. Mais à cet âge, James n'avait en lui-même aucune espèce d'importance pour les Mangemorts, n'est-ce pas ?

Et Trelawney n'avait pas encore prononcé sa fichue prophétie, d'autant plus qu'il y avait de grandes chances maintenant qu'elle ne la prononce plus jamais, si l'on en jugeait par toutes les modifications que Harry avait bien l'intention d'effectuer, et Voldemort ne pouvait donc pas chercher à l'éliminer pour empêcher la naissance du Survivant. De plus, et c'était ce qui avait le plus intrigué l'Auror, les Mangemorts n'avaient pas cherché à le tuer. De cela, il était sûr, car si cela avait été le cas il aurait suffi d'un sort et tout aurait été terminé, et il serait lui-même arrivé trop tard. Non, ils n'avaient fait que l'immobiliser à l'aide du Doloris, comme s'ils voulaient plutôt l'emporter avec eux...

Mais cela n'avait toujours aucun sens pour lui. Pourquoi Voldemort chercherait-il à enlever James, si ce n'était ni pour lui-même, ni pour sa future descendance ? Il y avait anguille sous roche, et Harry détestait se sentir aussi ignorant dans tout ce qui avait trait au Seigneur des Ténèbres...

Ses réflexions furent brutalement interrompues alors qu'un poids se jetait sur lui et se suspendait à son cou, le ramenant aussitôt à la réalité.

" Sirius ! Mais ça ne va pas ? " s'exclama Rémus en se précipitant vers son ami pour le décrocher de leur professeur.

" T'es complètement atteint, Black ! " décréta Lily en le fixant, incrédule.

Harry reprit contenance sous les regards médusés de la majorité de sa classe et baissa les yeux sur le visage de l'adolescent qui le regardait avec un énorme sourire.

" A quoi dois-je cet honneur, Mr Black ? " s'enquit-il d'une voix mi-amusée, mi-surprise.

" Vous ne nous aviez pas dit que c'était vous qui aviez aidé James ! " s'écria-t-il en réponse, tout en laissant Rémus et Peter le tirer en arrière.

" Eh bien, mais je crois que c'est normal " dit Harry, franchement amusé cette fois. " C'est pour ce genre de situation que je suis là, non ? "

Sirius allait répliquer, mais Peter le poussa précipitamment vers une table.

" Je suis désolé " marmonna Rémus à Harry. " Des fois, on dirait vraiment un gamin de cinq ans... "

" Pas de mal " gloussa Harry.

Il regarda les Gryffondors s'asseoir et saisit le regard incrédule de Severus de l'autre côté de la classe. Il lui fallut toute sa volonté pour ne pas pouffer de rire.

Le cours théorique se passa dans une atmosphère de tension assez rare. Bien sûr, il s'agissait d'une classe de Gryffondors et de Serpentards, et personne ne s'attendait avec eux à une ambiance de bonne entente, mais ce jour-là c'était encore bien pire : tous les Gryffondors connaissaient maintenant la responsabilité de Zabini dans " l'accident " de Lily et James, et Sirius tout particulièrement paraissait près à le lui faire payer sur le champ. Même Alice et Kathleen se chuchotaient activement l'une à l'autre en jetant des regards mauvais au Serpentard.

Quant à Zabini lui-même, il était vert que ses efforts n'aient servi à rien et que l'affaire lui retombe entièrement dessus. Si Dumbledore ne l'avait pas exclu de Poudlard, il avait tout de même veillé à ce que la punition soit le plus proportionné possible avec la faute : Serpentard avait perdu cent points et Zabini était soumis à un mois de détentions tour à tour en compagnie de Rusard ou de Scott, le professeur de Divination honni. Les autres Serpentards faisaient bloc derrière lui, renvoyant regard noir sur regard noir aux Maraudeurs, à part bien sûr Severus qui faisaient toujours à peine attention à ce genre de manège durant les cours de Défense contre les Forces du Mal.

Ce n'était pas pour rien qu'il avait reçu un O durant ses Buses sur cette matière, mais c'était surtout une très bonne excuse pour ne pas s'approcher de Zabini et éviter ses jurons et ses malédictions variées en direction de Potter, Evans, les Gryffondors en général, Davies qui avait " le don de mettre les pieds dans le plat ", et Dumbledore qui n'était toujours " qu'un vieux fou amoureux des Moldus ". Que ces commentaires divers soient murmurés et non hurlés au milieu du dortoir des Serpentards de septième année n'ôtaient rien à leur virulence, et Severus commençait sérieusement à en avoir plein les oreilles.

Le Serpentard assista donc distraitement à tous les efforts acharnés de Harry pour distraire l'attention de ses élèves de l'autre parti en présence et éviter qu'ils ne s'entretuent. Finalement, malgré toute sa patience, il devint très visible que l'Auror en avait assez, mais Severus en était venu à croire que lui et Evans étaient les seuls à s'en être aperçus puisque les autres adolescents ne regardaient même plus leur professeur et ne l'écoutaient que d'une oreille.

Vint le moment où Lupin, qui essayait désespérément de ne pas perdre le fil du cours tout en empêchant Black de mettre tout de suite une vengeance à l'exécution, répondit à une question que Harry venait de poser et à laquelle ni Severus, ni Evans n'avaient immédiatement répondu. Zabini, saisissant l'occasion, se pencha aussitôt vers son voisin et, assez fort pour que les Maraudeurs l'entendent, lui chuchota :

" Regardez-moi ces bêcheurs de Gryffondors... "

Il n'en fallait pas plus pour que Black prenne la mouche et se lève d'un mouvement brusque, la bouche ouverte pour riposter. Mais il n'eut pas le temps de prononcer un son que la main de l'Auror s'abattait déjà sur son épaule et le rasseyait aussi sec.

" Tenez-vous un peu tranquille, Mr Black ! " cracha Harry, ses yeux dardant des éclairs. " Mon cours n'est pas le lieu pour régler vos comptes ! "

Black pâlit devant sa colère et baissa aussitôt les yeux, ce qui ne manqua pas d'étonner Severus qui s'attendait plutôt à le voir riposter quelque chose dans le genre " c'est lui qui a commencé ! " comme le gosse qu'il était. Harry n'en resta pas là et se tourna vers Zabini qui ricanait de l'infortune du Gryffondor avec sa cour.

" Quant à vous, Mr Zabini, surveillez votre langue si vous ne voulez pas voir votre nombre de détentions doubler ! Je crois que vous en avez assez fait pour toute l'année scolaire. "

Le souvenir de la dernière colère qu'avait piquée le professeur de Défense contre les Forces du Mal durant l'un de ses cours, le premier de l'année, sembla suffire à faire baisser la tête à Zabini, même si ce ne fut que pour lui envoyer des regards meurtriers dès qu'il eut le dos tourné. Cependant, les adolescents avaient paru quelque peu refroidis par la réaction de l'Auror et le reste du cours se passa dans un semblant d'ordre et d'attention.

Ce fut à la fin du cours que Harry leur rendit leur dernier devoir de théorie qu'il venait de corriger. Severus ressentit une pointe de satisfaction en constatant que le sien était marqué de la lettre O, mais cela se changea bien vite en curiosité quand un petit morceau de parchemin tomba de son rouleau. Intrigué, il s'en empara et lut les quelques mots qui y étaient griffonnés :

" Alors comme ça, tes renseignements ne servent à rien ? Va dire ça à nos deux rescapés... "

Severus retint un sourire et enflamma discrètement la note avant de retourner à son devoir.

Harry frappa à la porte du bureau du directeur et entra, refermant derrière lui. Albus releva la tête des parchemins étalés sur son bureau et lui sourit.

" Ah ! Harry, prenez un siège, je vous en prie. "

Le jeune Auror s'exécuta sans un mot pendant que le directeur menait de côté son travail et invoquait un service à thé.

" Une tasse ? " proposa-t-il.

Harry retint un sourire mélancolique à ce comportement tellement typique du vieux sorcier. Quel que soit le sujet, quand on avait une discussion avec Albus, il y avait forcément du thé dans l'air.

" Non merci, Albus " déclina-t-il. " Pas après le dîner. "

Albus se servit et but quelques gorgées avant de le regarder par-dessus le bord de sa tasse.

" Il est heureux que vous ayez pu aller au secours de Mr Potter et de Miss Evans à temps, Harry. Dieu sait ce qui aurait pu leur arriver si vous étiez arrivé trop tard. "

Harry fit un geste de la main évasif et répliqua :

" Je pense que les renseignements de Mr Rogue ont autant fait pour cela que mon intervention... "

" Il est vrai que Mr Rogue a paru très empressé de me mettre au courant " approuva Albus, une étincelle de malice dans les yeux. " J'ai bien cru qu'il avait réveillé la moitié de l'école quand il a utilisé ce sortilège de Sonorus pour m'appeler... Si vous voulez mon avis, il commence à s'attacher à vous. "

Harry haussa simplement les épaules. Il n'allait pas dire le contraire, même lui s'en était rendu compte, et il s'en réjouissait.

" J'ai été étonné par vos performances " continua Albus. " Bien sûr, nous avions tous entendu parler de vos compétences lors de l'attaque sur Pré-au-Lard, mais vous voir résister à une dizaine de Mangemorts est autre chose que quelques rumeurs. Vous avez réellement fait montre d'une habileté exceptionnelle, surtout pour un nouvel Auror... "

Albus fixa son regard perçant sur le jeune homme en face de lui, attendant manifestement une réponse.

" Comme je l'ai dit à mes collègues, je n'ai pas eu une vie facile " répliqua simplement Harry.

" Etait-elle difficile au point que vous passiez l'examen sans aucune difficulté ? " murmura le directeur, presque pour lui-même.

Harry se contenta de le fixer sans répondre. Albus dut trouver dans ce regard tout ce qu'il avait besoin de savoir, car il soupira avant de prendre une autre gorgée de thé. Lorsqu'il reposa sa tasse, ses yeux n'avaient toujours pas repris leur étincelle habituelle. Harry comprit que " le vieux fou amoureux des Moldus " de tous les jours avait fait place au " plus grand sorcier de tous les temps " que Voldemort redoutait tant.

" Vous savez comme moi qu'il y a peu de chance que Mr Zabini ait cherché à faire sortir Mr Potter de l'enceinte de l'école le jour où un groupe de Mangemorts croisait par hasard dans les parages. Nous savons tous que Poudlard abrite au sein de ses étudiants des fils ou des filles de serviteurs de Voldemort, ou encore des aspirants Mangemorts... très souvent les deux à la fois, d'ailleurs. Mais ce sont toujours des enfants, et notre devoir est de les armer pour leur vie future, quel que soit l'objectif auquel elle sera consacrée.

" J'aimerais croire que l'enseignement que nous leur dispensons ici suffirait à les convaincre que quelles que soient leurs convictions, la voie du Seigneur des Ténèbres, comme ils l'appellent, n'est pas la meilleure qui soit. Mais bien souvent, l'emprise qu'il exerce sur eux est bien trop forte. Les enfants sont faciles à manipuler, ils font la meilleure cible de la propagande de Voldemort. Toute la protection que nous leur offrons à Poudlard ne peut que bien peu de choses face à cela.

" Lewis est persuadé que nous devrions exclure de l'école tous les élèves que le Ministère soupçonne d'avoir un lien de près ou de loin avec les Mangemorts. Mais n'y en a-t-il pas parmi eux qui souhaitent se sortir de ce piège et qui, avec notre aide, pourraient peut-être un jour y parvenir ? Les repousser ne serait-il pas un moyen plus sûr de laisser Voldemort les dominer totalement ? Le Ministre sera bientôt au courant de ce qui s'est passé et il fera alors pression sur moi pour que je prenne des mesures. Philip ne comprend pas que dans cette situation, chaque mouvement peut nous compter énormément.

" Si je vous parle de tout cela, Harry, c'est parce que je sais que vous ne partagez pas toutes les vues de notre Ministre. Je ne suis pas sans savoir qu'en tant qu'Auror, vous avez des raisons toutes spéciales de vous dresser contre tout ce qui rappelle Voldemort, mais je voudrais que vous n'oubliiez pas que Poudlard reste une école, et qu'en tant qu'une école elle n'abrite pas de vues politiques mais simplement des adolescents... "

" Cela suffit, Albus " interrompit doucement Harry.

Le vieux sorcier releva les yeux de sa tasse de thé et les posa sur son visage.

" Pour tout vous dire, je suis vexé que vous me sous-estimiez. "

Harry vit une lueur de tristesse se répandre dans les yeux du directeur. Croyait-il vraiment qu'un discours de ce genre était nécessaire pour qu'il sache à quoi s'en tenir avec lui ? Bah, pourquoi pas après tout...

" Allons, Albus, me croyez-vous si obtus ? Je sais parfaitement tout ce que vous venez de me dire. Le fait que je travaille pour le gouvernement ne fait pas de moi quelqu'un d'obsédé par l'extermination de tous les Serpentards " continua Harry d'un ton léger, feignant de ne pas remarquer qu'Albus s'était mépris sur ses précédentes paroles. " Pour être tout à fait franc, j'ai bien plus confiance en vous que je n'aurais jamais confiance en Lewis. "

Harry laissa Albus fouiller son regard pour déterminer de la vérité de ses paroles. Au bout d'un long moment, le directeur reprit :

" Pourquoi être devenu Auror si vous ne faites pas confiance au gouvernement ? "

" C'est la meilleure façon d'agir que j'ai trouvé " répondit Harry avec franchise. " Car il n'y a jamais eu qu'un seul Serpentard que je rêve d'exterminer : Tom Elvis Jedusor. "

A ce nom et à l'expression de haine qui l'avait accompagné, Albus se redressa dans son siège.

" Il semblerait en effet que je vous ai sous-estimé " murmura-t-il. " Comment connaissez-vous ce nom ? "

Harry secoua fermement la tête.

" Navré, Albus, mais ce n'est pas vos affaires. "

" Et la raison pour laquelle vous lui en voulez tant non plus, j'imagine ? "

Harry haussa simplement les épaules.

" Il m'a arraché cent fois le cœur. Puisque lui n'en possède pas, je lui arracherais la vie " dit-il froidement.

'Et deux fois ne seront pas de trop' ajouta-t-il pour lui-même.

Albus le considéra longuement. Comment un être pouvait-il posséder en lui-même tant de douleur et continuer encore à vivre et se battre ?

" La haine est-elle donc tout ce qui vous maintient en vie ? " dit-il en résumant sa pensée.

Harry le fixa un moment, puis décida que cette seule information ne pouvait guère faire de mal.

" J'ai une tâche à accomplir " révéla-t-il. " Je ne quitterais cette terre que lorsque je serais sûr de l'avoir terminée ou de n'avoir plus aucune chance de la mener à bien. Pas avant. "

'Mon dieu, on tombe dans le mélodramatique, là' songea-t-il en détournant les yeux.

Un long silence régna sur la pièce, puis Albus se ressaisit et se versa une nouvelle tasse de thé.

" Vous êtes véritablement quelqu'un d'étrange, Harry " dit-il.

" Pas plus qu'un homme qui passe la moitié de sa vie à étudier et l'autre à porter le poids du monde magique sur ses épaules. Quand pensez-vous à vous, Albus ? Vous avez tellement foi en ce que vous vous imposez que vous en oubliez de vieillir. "

Devant le silence qui lui répondit, Harry déplaça à nouveau ses yeux sur le vieux directeur et rencontra son regard d'aigle qui le fixait avec insistance. La tasse, à mi-chemin de sa bouche, était redescendue et reposait à nouveau sur le bureau. Devant la nouveauté de la situation, Harry ne put supprimer un sourire.

" Je suppose que je devrais être fier de moi : j'ai réussi à ce que vous soyez à court de mots trois fois en moins de cinq minutes. Généralement, c'est plutôt ce qui arrive à vos interlocuteurs, non ? "

Albus resta un instant de marbre, puis le coin de ses lèvres se retroussa et la lueur de malice fit son retour dans ses yeux.

" Quand je disais que vous étiez étrange... "

Harry eut un petit rire et se renfonça dans son fauteuil. Albus prit le temps de finir sa tasse avant de se redresser et d'ouvrir la bouche pour reprendre la parole. Un flash de lumière aux teintes or et rouge l'interrompit. Les deux hommes tournèrent automatiquement la tête vers le perchoir près de la porte où un phénix venait de faire son apparition et se lissait tranquillement les plumes.

" Je ne crois pas que vous connaissiez Fumseck, Harry " constata Albus.

" Il est magnifique " répondit-il.

Au son de sa voix, l'oiseau de feu tournait la tête vers lui et le fixa sans ciller. Harry eut soudain un doute : personne ne pouvait se targuer de connaître tous les pouvoirs d'un phénix. Qu'est-ce que Fumseck allait pouvoir lire en lui ? Il sentait à l'arrière de sa tête le regard d'Albus qui attendait de voir la réaction de son oiseau. Harry savait que le vieux sorcier avait toujours eu une confiance immense en son phénix.

Après un court instant, Fumseck poussa un petit chant joyeux et s'envola de son perchoir pour venir se poser sur son épaule où il se laissa caresser sans rechigner, les yeux fermés de plaisir. Harry apprécia de pouvoir sentir à nouveau le plumage chaud et soyeux sous ses doigts et sourit. De l'autre côté de son bureau, Albus se laissa aller contre son siège et joignit ses mains au-dessus de sa barbe.

" Eh bien ! On dirait que Fumseck vous a totalement accepté, Harry. "

Harry eut un petit rire amusé et expliqua devant le regard interrogateur du directeur :

" Vous dites ça comme si vous pouviez tout aussi bien ajouter : " Dans ce cas, je n'ai plus rien à dire ! ". "

Albus secoua la tête d'un air réprobateur, un sourire aux lèvres :

" Quand avez-vous appris à me connaître aussi bien ? "

Harry se contenta de sourire en retour sans répondre et attendit qu'il poursuive et se décide à entrer dans le vif du sujet.

" Je vous ai appelé ici pour vous faire une proposition, Harry " révéla enfin Albus.

Harry se redressa aussitôt dans son siège, comprenant où cela menait.

'Déjà ?' s'ébahit-il. 'Mon dieu, moi qui croyais que cela me prendrait des années sous cette identité... Je t'adore, Fumseck !'

L'oiseau poussa une note légère et ébouriffa ses plumes comme s'il avait compris ses sentiments.

" Vous n'êtes pas sans savoir que plusieurs personnes sont venues avec moi à votre secours cette nuit. Ces personnes font partie de ce que nous appelons entre nous l'Ordre du Phoenix. "

Harry fut pris d'un besoin pressant de lui dire qu'il savait tout et qu'il n'avait pas besoin de s'étendre là-dessus, mais cela aurait entraîné un peu trop de questions à son goût.

" Le Ministère se doute de l'existence de cette organisation, mais Lewis se méfie toujours de moi et pense qu'elle a été créée dans le but de le discréditer et de le renverser à mon profit. Je vous prie de ne rien en croire. L'Ordre a pour seul objectif la destruction de Voldemort et l'arrêt des attaques des Mangemorts sur la population, magique ou moldue. Nous intervenons dès que nous le pouvons, lors des cas dont le Ministère n'ait pas au courant ou dont il se soucie peu. Il arrive en effet que nous ayons à nous opposer aux vues du gouvernement, mais c'est alors purement parce que nous ne partageons pas ses dispositions " exposa Albus.

Le vieux sorcier s'interrompit alors quelques secondes pour le fixer et Harry comprit qu'il attendait une réaction de sa part.

" Si vous pensez qu'à ce stade, je vais m'empresser de quitter ce bureau pour aller tout raconter à mes supérieurs, j'ai peur de devoir vous décevoir " annonça-t-il, une nuance d'humour dans la voix. " Pour être franc, si vous vouliez renverser Lewis, je vous supporterais avec le dernier des enthousiasmes. "

Albus sourit et poursuivit :

" Je suis heureux que vous me disiez cela. Votre comportement en tant que professeur m'a déjà convaincu que vous ne ressentiez aucune répugnance envers nos élèves nés de familles moldues, et le cas de Mr Rogue et vos paroles que vous n'aviez pas non plus de préjugés envers les Serpentards. Vous avez à cœur de vous opposer à Voldemort comme nous le faisons. Je voulais donc vous proposer de faire à votre tour partie de l'Ordre du Phoenix. Je suis certain que vous feriez un allié précieux. "

Harry sauta intérieurement de joie. Extérieurement, il se contenta de sourire et de répondre :

" J'en serais ravi, Albus. "

Trois jours plus tard, fidèle à sa parole, l'infirmière relâchait James de sa prison aux murs blancs. Immédiatement, ses trois amis qui se tenaient à la porte, n'ayant pas réussi à obtenir l'autorisation de visite compte tenu de leur réputation — et peut-être aussi de la dernière réplique de James à Lily lors de sa sortie — se rassemblèrent autour de lui. En réalité, James se retrouva enfoui dans l'étreinte de son meilleur ami dès qu'il eut passé la porte.

" James ! Pourquoi tu ne nous avais rien dit pour Zabini ? " le réprimanda-t-il aussitôt. " On était tous morts d'inquiétude ! "

" Par pitié, Sirius ! " gémit le jeune Gryffondor, sentant ses courbatures se raviver sous le poids. " Tu es pire que ma mère ! "

" Sirius a raison, James " dit Rémus pendant que Patmol relâchait leur ami. " Pourquoi ne nous as-tu pas au moins averti ? "

James eut la grâce de prendre un air embarrassé et répondit sans les regarder :

" Parce que je savais que vous voudriez venir avec moi si je le faisais. "

" Et alors ? " s'exclama Sirius. " C'est normal, non ? On ne t'aurait sûrement pas laissé sortir de Poudlard seul ! "

" J'avais juré de venir seul, et Zabini aussi ! Ce serpent s'est sans doute dit que cela ne concernait pas ses potes à cagoule " ajouta-t-il sombrement.

Il y eut un instant de silence, puis Peter dit timidement :

" Je pense quand même que tu aurais dû en parler à quelqu'un, James, pour qu'au moins une personne sache où tu étais. Je suis sûr que Rémus aurait tout de suite compris. "

Sirius se tourna vers Lunard d'un air soupçonneux :

" C'est vrai ça ? Tu l'aurais laissé partir tout seul ? "

" Bien sûr, puisqu'il avait fait une promesse. "

" Mais ça va pas ? " se mit à hurler le jeune homme. " Tu l'aurais laissé partir comme ça, sortir du château avec tous ces Mangemorts autour et... "

" Sirius ! " interrompit James d'une voix forte en fronçant les sourcils. " Personne ne pouvait savoir qu'il y aurait des Mangemorts ! Arrête de t'en prendre à Rémus ! "

Sirius se tut et croisa les bras, visiblement toujours brûlant de rage. Rémus le fixa un instant d'un air confondu, puis détourna le regard. Peter les observait tous les deux en alternance, un air apeuré sur le visage. James soupira devant l'atmosphère soudain devenue lourde.

" Allez, on retourne à la Salle Commune ? " suggéra-t-il d'un ton conciliant. " Je suis sûr qu'Evans a déjà eu son heure de gloire, c'est mon tour maintenant... " ajouta-t-il en plaisantant.

Personne ne réagit, et ils repartirent pour la tour de Gryffondor dans un silence pesant. Dès leur entrée, James fut effectivement submergé par les curieux. Lily avait quelque temps bénéficié de cette attention mais, finalement lassée par tous ses gêneurs qui l'empêchaient de se concentrer correctement sur son travail, elle avait fini par user de l'autorité naturelle qui avait fait d'elle une préfète pour leur faire comprendre qu'elle n'avait pas particulièrement envie de tout raconter dans les moindres détails et qu'il faudrait pour cela attendre l'arrivée de James, qui appréciait bien plus l'attention publique.

James s'assit donc près de la cheminée et entreprit de narrer leur mésaventure commune, remarquant du coin de l'œil que si Peter l'écoutait attentivement, Rémus ne le faisait visiblement que d'une oreille, tout comme Sirius qui ne cessait de jeter des regards sombres au précédent jeune homme. Fronçant les sourcils, il continua néanmoins son récit, jusqu'à ce qu'Evans n'entre à son tour, probablement de retour de la bibliothèque, et ne se dirige aussitôt droit sur lui.

" Ah ! Potter, tu es revenu. McGonagall vient de me dire que nos punitions pour être sortis de Poudlard pendant la nuit avaient été fixées. "

James prit une expression horrifiée.

" Des punitions ? Après ce qui s'est passé ? "

" Ca n'empêche pas que tu es sorti de l'école sans autorisation, et que grâce à toi, moi aussi " renifla la jeune fille avec mépris.

" Je ne t'ai pas demandé de me suivre, que je sache " répliqua James en fronçant les sourcils avant d'ajouter d'un air circonspect : " Et qu'est-ce que c'est, ces punitions ? "

" Nous avons tous les deux retenue pendant une semaine avec le professeur Davies, puisque c'est lui qui a dû venir nous tirer de là " répondit-elle. " Au moins, ils n'ont pas enlevé de points à Gryffondor... "

James leva les yeux au ciel avec une expression désespérée.

" Il n'y a vraiment que ça qui compte pour toi, Evans ? " gémit-il. " Les points de Gryffondor ? "

Lily lui jeta un regard noir.

" Evidemment, on ne peut pas en dire autant de toi. Si toi et les autres vous étiez tenus un peu plus tranquilles ces dernières années, on aurait sûrement eu de meilleures chances de remporter la Coupe des Quatre Maisons ! "

" On l'a déjà gagné les deux dernières années ! " protesta James.

" Eh bien, ce n'est certainement pas grâce à vous ! Personnellement, j'ai horreur de voir le professeur Brouet sourire ! " cracha-t-elle avec véhémence.

Elle s'éloigna aussitôt avec dignité vers le dortoir des filles et James leva une nouvelle fois les yeux au ciel. Avant de disparaître dans l'escalier, la préfète se retourna cependant une dernière fois vers lui.

" Ah ! oui, au fait. Le professeur McGonagall m'a aussi chargée de te dire que le directeur a envoyé une lettre à tes parents pour les avertir. Tu ne devrais pas tarder à recevoir leur réponse, je pense. "

Et la jeune fille repartit sans voir l'expression de totale terreur qui s'étendit sur le visage de l'adolescent à la mention de ses parents. Il se laissa tomber en arrière dans son fauteuil et se prit la tête entre les mains avant de gémir d'un ton consterné :

" Je suis mort. "

La salle entière de Gryffondors éclata de rire.

Quelques heures plus tard, au dîner, James ne put faire autrement que de croiser Zabini et sa bande. Le Serpentard mit aussitôt le cap sur lui comme un missile autoguidé — James ne se souvenait plus où il avait trouvé une mention à cet accessoire moldu, mais il le trouvait très approprié.

" Alors, Potter ? " cracha le Serpentard, assez bas pour qu'aucun élève passant à proximité ne puisse l'entendre. " Tu es fier d'avoir cafté à Dumbledore, hein ? "

" Qu'est-ce que tu racontes ? " grogna Sirius, résumant parfaitement la pensée de James.

Dès qu'ils avaient aperçu les Serpentards, les Maraudeurs s'étaient aussitôt rapproché de James comme pour le protéger. Même si cette attitude pouvait un peu l'agacer, James se sentait reconnaissant envers ses amis de tenir ainsi à lui.

" Je ne te parle pas, à toi, le chien ! " cingla Zabini en réponse, et Sirius se hérissa.

Avant qu'il n'ait pu répliquer, le Serpentards avait repris :

" Vous savez très bien de quoi je parle, il n'y avait que toi qui ait pu rapporter à Dumbledore à propos du duel ! "

" Le pauvre petit innocent injustement accusé... ! " railla Sirius.

" Je n'ai rien dit à Dumbledore, Zabini " coupa James. " J'ai passé trois jours à l'infirmerie et je ne l'ai absolument pas vu. En plus, je n'ai parlé de ça à personne, ils étaient déjà au courant quand je me suis réveillé. Si tu veux mon avis, un élève nous a entendu parler dans le Grand Hall et est allé tout rapporter à Davies... Si ça se trouve, c'est peut-être même un de tes chimpanzés apprivoisés " ajouta-t-il avec mépris pour les autres Serpentards. " Je ne vais pas me plaindre, en tout cas, celui qui a fait ça m'a rendu un grand service... "

Zabini renifla et lui jeta un dernier regard plein de haine.

" Comme si j'allais te croire, Potter... Mais ne t'inquiète pas, tout se paiera en temps et en heure. "

Les Maraudeurs les regardèrent s'éloigner avec mépris, puis James se tourna vers Sirius :

" Vous le savez, vous, qui a parlé à Davies ? Evans ? "

" Non, elle ne savait pas pour Zabini. C'est nous qui lui avons dit " répondit Sirius. " Mais tu dois avoir raison, c'était sans doute quelqu'un qui vous a entendu dans le Grand Hall. "

" Davies le sait sans doute, lui, mais je parie qu'il ne voudra jamais le dire " ajouta Rémus.

James hocha la tête et marmonna, à moitié convaincu :

" Ouais... Mais j'étais pourtant sûr que personne d'autre n'avait entendu. "

Ses yeux se portèrent sur le groupe de Serpentards de septième année qui s'asseyaient à leur table, à l'autre bout de la Grande Salle, et s'arrêta sur la silhouette émacié de Rogue. L'adolescent aux cheveux noirs lui rendit son regard un moment avec un expression de défi, puis porta son attention sur les plats devant lui et la conversation de ses camarades.

" James ? Tu viens ? " intervint Peter, le tirant de ses pensées.

James marmonna un vague assentiment et suivit ses amis vers la table de Gryffondor après un dernier coup d'œil pensif à Rogue.

Le lendemain matin, James n'avait toujours pas de nouvelles de ses parents et commençait même à s'en inquiéter. Les sourcils froncés, il regardait les hiboux délivrant le courrier s'en retourner par la fenêtre par laquelle ils entraient tous les matins.

" Toujours rien ? " demanda Rémus, remarquant son attitude.

James secoua la tête en réponse et tourna les yeux vers son bol de céréales sans le voir.

" C'est bizarre " dit-il au bout d'un moment. " J'aurais juré que je recevrais une Beuglante dès qu'ils apprendraient, mais... rien ! "

" Oh ! Allez, James " s'exclama Sirius. " Tu ne vas quand même pas t'en plaindre, non ? "

" Non, tu as raison " sourit son ami. " Après tout, s'ils pouvaient ne jamais être au courant, ça m'arrangerait bien ! "

Rémus fronça les sourcils, mais ne dit rien. Sirius le remarqua aussitôt.

" Ben quoi, Rémus, tu n'as quand même pas envie que James se fasse engueuler ? " demanda-t-il en fronçant à son tour les sourcils.

" Bien sûr que non, mais c'est vrai que ça ne ressemble pas vraiment à Mr et Mme Potter. C'est tout " répondit le jeune homme en haussant les épaules d'un air désinvolte.

" Tu penses qu'il leur est arrivé quelque chose ? " s'inquiéta aussitôt James.

Rémus hésita un moment avant d'exprimer ses pensées.

" Il faut bien dire qu'en ce moment, plus personne n'est vraiment en sécurité, James, et même si tes parents ne luttent pas ouvertement contre Vous-Savez-Qui... "

" Voldemort " l'interrompit acidement Sirius.

" Euh... oui, tu sais que j'ai encore du mal à prononcer son nom, Sirius " dit Rémus sur un ton d'excuse.

En effet, la famille de Rémus appartenait à cette sorte de gens qui commençait d'hors et déjà à considérer le simple nom du Seigneur des Ténèbres comme une malédiction. Ce n'était pas le cas de celle des Potter et Sirius avait toujours refusé de témoigner le respect que sa famille attendait qu'il porte au mage noir, c'est pourquoi Rémus et Peter avaient dû apprendre à écouter ce nom dans la bouche de leurs amis qui, petit à petit, les avaient encouragé à en faire de même. Mais les vieilles habitudes ont la vie dure.

" Enfin, toujours est-il qu'ils se sont ouvertement prononcés contre ses actions et qu'ils sont assez renommés dans l'Angleterre sorcière, alors... " continua Rémus.

" Mais à quoi tu joues, Rémus ? " s'écria Sirius en se levant brusquement. " Tu le fais exprès, ou quoi ? "

La Grande Salle fit brutalement silence et fixa le Gryffondor avec curiosité.

" Sirius ? " bredouilla Rémus, surpris. " Mais qu'est-ce que tu veux... ? "

" James n'a pas besoin de t'entendre annoncer les pires catastrophes, et surtout pas après ce qui s'est passé ! Si tu étais vraiment son ami, tu arriverais à comprendre ça, non ? Laisse-le un peu tranquille ! "

" Sirius ! " intervint abruptement James en se levant à son tour pour prendre son ami par le bras. " Arrête ! Qu'est-ce qui te prend ? Pourquoi est-ce que tu t'en prends à Rémus comme ça ? "

Sans répondre, Sirius jeta un dernier regard furieux à Lunard et se dégagea de la poigne de son meilleur ami. Il sortit de la Grande Salle dans un silence complet. Ce ne fut que lorsque les murmures reprirent progressivement, la plupart des regards restant fixés sur les Maraudeurs, que James sortit de son hébétude. Il se pencha vers Rémus, qui fixait son assiette sans la voir, et lui posa la main sur l'épaule. Le jeune lycanthrope sursauta et se tourna vers lui.

" Ne fais pas gaffe à ce qu'il a dit, Lunard " lui murmura-t-il. " J'ai l'impression que toute cette histoire lui a sérieusement fait péter un câble. Je vais essayer de lui parler, d'accord ? "

Rémus fit un faible sourire et hocha la tête en réponse et James quitta à son tour la salle pour partir à la recherche de Patmol. Peter le regarda faire, confondu, et se tourna à nouveau vers Lunard. Mal à l'aise, il se mit à chipoter dans son assiette.

A la table des professeurs, Harry regarda son pseudo-futur père glisser quelques mots rassurants à l'oreille du lycanthrope avant de franchir la porte à la suite de son pseudo-futur parrain.

" Voilà qui est inhabituel " commenta Minerva un peu plus loin. " Il est rare de voir ceux-là se disputer. "

Harry ne put s'empêcher de se mordre la lèvre inférieure jusqu'au sang.

**" Sirius ne m'aurait pas dit qu'ils avaient changé de Gardien du Secret s'il avait pensé que c'était moi, l'espion. C'est bien pour cette raison que tu ne m'as rien dit, Sirius ? "

" Pardonne-moi. "**

'Ca a déjà commencé' se lamenta Harry. 'Je ne peux pas les laisser faire. Je ne peux pas les laisser douter les uns des autres ! Mais comment... ?'

Une main se posant sur son épaule interrompit ses réflexions. Il releva les yeux de ses deux mains jointes pour rencontrer le regard inquiet d'Albus.

" Vous ne vous sentez pas bien, Harry ? " s'enquit-il.

Harry eut un faible sourire.

" Si, je vous remercie. Ca ira. "

Albus hocha la tête sans le quitter du regard, puis reprit.

" Dans ce cas, pourriez-vous m'accorder quelques minutes ? Il faut que nous parlions. "

Curieux, Harry acquiesça et suivit le directeur à travers les couloirs de Poudlard jusqu'à la gargouille. Une fois assis dans un des nombreux fauteuils de la pièce, Albus sortit des replis de sa robe une liasse de parchemins et se mit en devoir de la feuilleter. Avec un soupir, il finit par extirper une feuille de la masse et surprit le regard amusé de Harry.

" Je me suis toujours demandé comment chaque jour pouvait apporter autant de formalités à remplir, de lettres de doléances ou d'insultes. Les inconvénients de ma fonction, j'imagine... " dit-il avec humour.

" Allons, Albus " rétorqua Harry sur le même ton. " Vous n'allez tout de même pas vous plaindre qu'on vous offre le combustible nécessaire pour chauffer votre bureau ? "

Albus toussota, la lueur de malice plus présente que jamais au fond de ses yeux, sans se retourner vers le feu ronflant dans la vaste cheminée, allumé pour tenter de repousser le froid du début de Décembre. Quelques morceaux de parchemins racornis étaient visibles parmi les flammes et les bûches.

" Harry, " entama-t-il d'un ton plus sérieux. " J'ai reçu ce matin une lettre d'une personne qui me demandait mon aide contre les Mangemorts. Il semblerait qu'elle ait d'une façon ou d'une autre piquer au vif l'intérêt de Voldemort, bien qu'elle refuse de dire pourquoi, et que sa famille en soit mise en danger. "

" Pourquoi ne pas plutôt demander l'aide du Ministère ? " questionna Harry en fronçant les sourcils.

" Elle semble répugner à dévoiler les causes de ce danger, même au gouvernement. Or, il est certain qu'aucun Auror n'acceptera d'envoyer de troupes sans qu'on leur donne une bonne raison pour le faire. "

" Vous êtes donc persuadé qu'elle est vraiment menacée ? "

" Disons que j'ai une bonne raison de penser qu'elle ne s'inquiète pas pour rien. Toujours est-il que je pensais envoyer l'un des membres de l'Ordre du Phoenix pour lui prêter main-forte jusqu'à ce qu'elle puisse trouver une solution plus durable. "

" Où est le problème ? "

" L'Ordre du Phoenix a beau compter déjà un certain nombre de membres, la plupart d'entre eux ont des obligations permanentes, famille, travail... Certains doivent également éviter d'attirer l'attention en s'absentant trop longtemps durant cette période troublée. "

Harry comprit qu'il faisait allusion aux membres qui devaient concilier cette activité avec leur travail d'Auror, comme Maugrey Fol-Œil ou Kingsley Shacklebolt.

" Vous voulez que je m'en charge ? " demanda-t-il en fronçant les sourcils. " Mais je suis dans la même position qu'eux. Je ne peux pas m'absenter quand le Ministère m'a confié une mission d'un an... "

" C'est vrai, mais vous êtes ici pour la protection des élèves de Poudlard. Or, lors des vacances de Noël, de très nombreux élèves rentrent dans leurs familles. Un seul de vos collègues pourrait même suffire dans ces conditions. Vous pourriez prétendre une urgence familiale ou quelque chose d'autre pour vous absenter sans que cela ne pose, je pense, trop de problèmes. "

" Et jusque-là ? "

" D'autres membres de l'Ordre se relaieraient discrètement afin de leur laisser une certaine protection. "

Harry sombrer dans une profonde réflexion. Effectivement, il n'avait rien de spécial à faire à Poudlard. Les Maraudeurs rentreraient probablement tous chez eux et Lily aussi. Alors, pourquoi rester ? En acceptant la mission d'Albus, il pourrait lui prouver qu'il n'avait pas fait d'erreur en l'acceptant dans l'Ordre, ce qui serait loin de lui faire perdre son temps.

" Très bien, Albus, j'accepte " dit-il.

Albus répondit d'un sourire chaleureux et s'enfonça plus profondément dans son fauteuil.

" Parfait ! Dans ce cas, vous prendrez le Poudlard Express avec les élèves et sortirez seul de King's Cross pour ne pas éveiller l'attention. Seulement ensuite, vous rejoindrez la famille Potter. "

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top