Chapitre 9


Je me réveille en pleine nuit, complètement déphasé. Je ne sais plus où je suis. Mon cerveau embrumé met un temps à se rappeler. Avion. France. Je sombre à nouveau dans un profond sommeil.

Des rayons du soleil me chatouillent le visage lorsque j'émerge à nouveau quelques heures plus tard. J'ai oublié de tirer les lourds rideaux de la chambre d'hôtel. J'ai une faim de loup. Je regarde ma montre, 7h du matin. J'appelle la réception pour me faire monter un plateau de petit déjeuner.

Une fois le café, le pain et la confiture avalés, je me sens déjà mieux. La nuit m'a fait du bien, j'aborde cette journée sous un angle nouveau. Je file sous la douche et me délecte de la chaleur de l'eau qui coule sur mon corps. Je ne sais pas encore ce que les prochains jours me réservent, autant profiter du calme tant qu'il en est encore temps. En sortant de la cabine de douche, je croise mon reflet dans le miroir. J'ai l'air d'un baroudeur, avec mes cheveux longs et ma peau tannée par le soleil. Pour un peu, je me prendrais pour Cooper !

Il va falloir que je remédie à ça. Je ne peux pas me pointer au mariage de Flora et Guillaume en ayant l'air d'un vagabond. J'ai disparu si longtemps, quitte à revenir, autant avoir figure humaine. Je passe le tee-shirt le moins pourri qu'il me reste. Mon regard se promène autour de moi dans la chambre. J'ai du mal à me dire que je suis rentré. Je suis en France. Plus proche des miens que je ne l'ai été depuis longtemps. Une sensation de vertige me prend et je dois m'assoir sur le lit. Respire. Respire...Ça va bien se passer.

On est mercredi. Le mariage a lieu dans trois jours. Je ressens une certaine appréhension et impatience mêlées à débarquer dans ma famille, sans prévenir, après autant de temps. Je descends régler la nuit à la réception et me voilà dans la rue, étui à guitare sur le dos, sac en bandoulière de l'autre côté. J'avise la devanture d'un coiffeur un peu plus loin et traverse la rue.

La coiffeuse est ce qu'on appelle ici une « cagole ». Elle me demande avec un accent à couper au couteau, tout en mâchant un chewing-gum, ce qu'elle peut faire pour moi. Je demande une coupe de cheveux et un taillage de barbe. Lorsqu'elle a terminé, j'ai du mal à me reconnaître dans le miroir. Presque un choc.

Je suis en quelque sorte redevenu mon moi d'avant. Cela me fait un drôle d'effet, mais je ne pense pas que ce soit négatif. J'ai l'impression de me retrouver, de renouer avec mon ancien moi. Une sorte d'étrange renaissance. J'ai les cheveux coupés courts, la barbe taillée de près, comme une barbe naissante de 3 jours.

̶ Oh fatche ! Ça vous va drôlement bien, me dit la coiffeuse.

Sa réflexion me fait sourire. Je règle ce que je lui dois et ressors dans la rue, me sentant comme neuf. Maintenant, les choses sérieuses commencent. Je regrette de ne plus avoir les comprimés d'Amy car je sens que les prochaines heures vont être éprouvantes. Je me rends à la gare routière pour attraper un bus pour Aix. Le prochain est dans une heure. Une fois à bord, je me rendors.

A la sortie du bus, je passe devant l'immense fontaine de la Rotonde puis remonte le Cours Mirabeau, cette grande avenue aux fontaines moussues et bordée de platanes. Je m'enfonce dans les vieilles ruelles pavées. Malgré la chaleur estivale, j'y trouve un peu de fraîcheur. Mes pas me portent, ils reconnaissent le chemin sans que j'aie besoin de les guider et m'amènent devant le magasin de musique. Mon magasin. Notre magasin.

Ça me fait une drôle d'impression de me trouver là. Des vagues de souvenirs remontent, je les laisse affluer sans chercher à les contrôler. Mes jambes et mes mains tremblent lorsque je pousse la porte et entends le tintement familier de la clochette. Je prends une grande inspiration. Rien n'a bougé ici, depuis les rayons jusqu'à l'odeur particulière des lieux. Derrière le comptoir, mon beau-frère Guillaume. Il ne m'a pas encore vu.

Je prends le temps de l'observer. Grand gaillard châtain, bâti comme un bûcheron, il n'a pas changé. Il a toujours cet air jovial, comme dans mon souvenir. Il relève la tête de ses papiers et m'aperçois. Son visage se fige un instant, ses yeux s'écarquillent :

̶ Oh putain ! Putain ! Ce n'est pas vrai ?! s'exclame-t-il interloqué, Flora !! Flora !! Putain viens voir !

Mon cœur s'emballe lorsque je vois cette petite tornade brune, qui me tient lieu de sœur, débarquer de l'arrière-boutique en râlant.

̶ Quoi ? Qu'est-ce qu'il se passe ? Tu n'as pas intérêt de me déranger pour rien !

Guillaume tend le bras vers moi dans un mouvement large, comme pour me présenter. Je vois le regard de Flora se poser sur moi. Je crois un moment qu'elle va faire une syncope. Je suis moi-même au bord de l'apoplexie. Puis elle accourt vers moi et me prend dans ses bras en sanglotant.

Je la serre longtemps dans mes bras. Les émotions me submergent, je les laisse venir à moi, je renifle dans ses cheveux. Je suis rentré. Guillaume se racle la gorge, il attend que je desserre mon étreinte avec Flora pour me tendre une poignée de main si ferme, que je sens mon bras presque se dévisser.

̶ Kylian, finit par articuler ma sœur, je n'arrive pas à croire que tu sois là. Tu m'avais pourtant dis au téléphone que tu ne viendrais pas. Je ne pensais pas...

̶ J'ai changé d'avis, dis-je doucement.

Je réalise, maintenant que je suis là, à quel point elle m'a manqué. A quel point ils m'ont manqué. Je me suis volontairement coupé du monde, mais leur présence à cet instant me réchauffe le cœur. J'avais craint une gêne ou une froideur mais il n'en est rien.

̶ Je suis désolé, je murmure malgré moi.

̶ Ne le sois pas, Kylian. On comprend, souffle Flora.

̶ Je n'avais pas le choix, je tente d'expliquer.

Flora secoue la tête, comme pour dire, cela n'a pas d'importance maintenant.

̶ Bon, on dirait bien qu'on va avoir un invité de plus samedi, dédramatise Guillaume en me tapant fortement dans le dos.

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