Chapitre 11
Anaïs rit doucement dans mon cou. Puis part dans un franc fou rire. Je l'éloigne de moi et la regarde, perplexe. Elle se tient les côtes, je pense qu'elle a craqué littéralement. Sa réaction me déroute.
̶ Merde, dit-elle.
Je la dévisage sans comprendre. Elle rit de plus belle.
̶ Je suis venue en voiture avec tes parents, explique-t-elle, une fois qu'elle a repris son souffle ; elle a les larmes de rire au bord des yeux. Et ils sont partis ! On n'a plus de véhicule !
Je comprends qu'on est coincés tous les deux sur cette place, sans savoir comment se rendre au domaine où se déroule le repas de mariage. Je m'étourdis de la voir rire. Comme ça m'avait manqué ! Je n'ai pas eu l'occasion de la voir rire depuis si longtemps. Son hilarité me contamine, elle fait rempart à des sentiments sûrement trop compliqués.
C'est si naturel d'être ensemble, sans effort, tel que respirer. Je me rends compte à quel point ma vie a été une misère privé d'elle. Je me suis amputé en la quittant. Il me manquait déjà une jambe et je me suis coupé volontairement la deuxième.
̶ Attends-moi là, je lui dis.
Je me dirige à nouveau vers le café. Cinq minutes plus tard, je ressors avec deux casques et une clef de scooter. Elle me contemple, amusée. De ce regard que je n'avais pas vu sur moi depuis une éternité et qui me galvanise.
̶ Si mademoiselle veut bien se donner la peine, dis-je en montrant le scooter gris garé devant le café.
Elle monte à l'avant et je m'installe derrière elle, respirant une grande bouffée de son parfum enivrant. Cette odeur est ma maison. Je la laisse me conduire, mon cerveau est sur arrêt. Je vis dans le moment, cela fait si longtemps que cela ne m'est pas arrivé que je me sens comme lobotomisé.
Après vingt minutes ou plus, comme cela pourrait être moins vu que j'ai perdu la notion du temps, nous arrivons au domaine. Le chant des cigales nous assaille. Elle gare le véhicule sur le côté. Je descends et elle aussi. Elle enlève son casque et une cascade dorée tombe sur ses épaules. Je vois son regard se voiler, elle sait autant que moi que nous devrons parler. Plus tard. Il le faudra. Mais maintenant, une fête nous attend.
Cinq ans plus tôt, Anaïs m'avait sauté dessus au réveil. Me brandissant un stick sous le nez, complètement surexcitée. Qu'elle était belle avec ses cheveux décoiffés au saut du lit. Je l'avais attirée à moi pour l'embrasser. Elle s'était dégagée de mon étreinte et avait dit solennellement :
̶ J'espère que tu es prêt à changer des couches ?
Puis elle avait éclaté en sanglots, tout en riant à la fois. La nouvelle m'avait rempli de joie. Pendant neuf mois, j'avais regardé son ventre pousser, ses humeurs changer au gré des hormones. J'avais peint une chambre d'enfant, résolu une crise mondiale en trouvant un placard assez grand pour ranger la boite de céréales d'Anaïs et posé un congé paternité. Nous vivions dans notre bulle de bonheur. Le jour de la naissance, j'avais accompagné Anaïs du mieux que je pouvais. Je l'avais laissée me broyer la main et même m'interdire de manger par solidarité.
Puis elle était arrivée, notre fille. Au moment où ses prunelles se sont posées sur moi, j'ai senti un amour immense m'envahir. J'avais pris au creux de mes bras ce petit être chaud, sorti tout droit du ventre de ma femme et ma vie avait changé. J'étais papa. Nous étions une famille. J'étais tellement fier d'Anaïs. Ainsi notre petite Stella avait rejoint nos vies pour nous combler.
Notre statut de nouveaux parents avait chamboulé tout notre univers. On galérait dans notre organisation, on arborait des cernes jusqu'aux pieds mais nos cœurs débordaient d'amour. Stella prenait une place immense dans notre existence, comme si elle avait toujours été là. C'était une enfant facile, éternellement le sourire aux lèvres. Anaïs l'avait surnommée notre bébé sourire.
J'avais pris l'habitude de lui fredonner des chansons à la guitare pour l'endormir et j'adorais la voir lâcher prise et s'abandonner dans un sommeil profond. Et lorsqu'elle entourait ses petits bras potelés autour de mon cou, j'avais le sentiment d'être la personne la plus chanceuse du monde.
Notre arrivée au sein du mariage ne passe pas inaperçue. J'ai l'impression que tous les regards se tournent vers Anaïs et moi. Les gens chuchotent entre eux. Je vois au loin Flora et Guillaume, recevant les félicitations de la famille et je les rejoins. Anaïs s'éloigne de son côté. Flora m'observe pour sonder si je vais la passer à la moulinette ou si elle a des chances de survie, Guillaume est prêt à intervenir, puis devant sentir le danger écarté, elle me saute au cou.
̶ Désolée de t'avoir fait ce coup, Kylian.
̶ Il fallait bien qu'on soit confrontés à un moment ou à un autre
̶ Tu ne m'en veux pas ? dit-elle d'une moue contrite.
̶ Ça ferait mauvais genre de tuer la mariée lors de son grand jour, mais tu ne perds rien pour attendre.
Sur ces mots, je pars me servir un verre d'une boisson fortement alcoolisée. Dieu sait que je vais en avoir besoin !
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Note de l'auteur:
Que pensez vous de ce chapitre? Je trouve que le passage sur la naissance est un peu cliché, pourtant j'ai 2 enfants!! Je n'ai pas su bien décrire je pense que ca serait à retravailler...
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