Chapitre 4 : Vérité.

 -On se trouve dans un pays qui n'a aucun lien avec ce que tu appelles la France. Nos frontières sont totalement hermétiques et rien ne peut les traverser, quel que soit le sens.

Solus expliquait les choses que voulait savoir Chloé au cours du dîner qu'il avait préparé pendant qu'elle se lavait. Bien qu'elle ait une énième fois hésité à se nourrir, elle préféra ne pas gâcher le ragoût de lapin qu'avait fait le mage.

-Comment suis-je arrivée ici ? Et comment tu as pu nous voir ce jour-là ?

-Tu te souviens du comportement de ta sœur ?

-Pas totalement, mais je pense me souvenir qu'elle avait agit bizarrement à l'école.

-Elle a parlé de tablette Aykah lorsque tu as sorti ton appareil étrange, ton téléphone comme tu l'as dit.

L'adolescente écouta le mage attentivement, cherchant à comprendre où il voulait en venir. Elle ne le coupa pas pour savoir comment il savait tout ça, se disant qu'il allait le lui dire.

-Je suis celui qui contrôlait le corps de ta sœur, ce jour-là.

La cuillère lui échappa des mains, Chloé n'en revenait pas, elle était totalement abasourdie. Elle aurait probablement cru qu'il mentait si sa situation avait été différente pendant les derniers mois. Elle ne pouvait que le croire sur parole, elle l'avait retrouvé avec un trou béant dans le torse, le coeur touché, et il était en vie. Voyant qu'elle n'allait rien ajouter, il reprit :

-Je me suis réveillé dans son corps au matin de cette journée, juste après que Eklypsus m'ait tué dans ce monde, là où tu m'as trouvée. C'est pour ça que je t'ai dit que je ne savais pas si elle était encore en vie, vu que j'étais elle lorsqu'il l'a tuée. Pour ton cas, je ne sais pas comment cela est arrivé. Je m'excuse si jamais cela est de ma faute, et je m'excuse encore pour la souffrance que tu as enduré par ma faute. Te faire tuer puis renaître dans un monde totalement inconnu pour vivre comme un animal, je n'ai pas voulu causer ça. Le pire doit être ailleurs, il s'est écoulé trois mois pour toi, alors que pour moi ce n'était l'histoire que de quelques heures.

-Ça veut... ça veut dire que tu ne peux pas réellement mourir ? Tu deviens ma sœur tant qu'elle ne meurt pas ?

-Je ne sais pas si c'est comme ça que ça fonctionne. Probablement, mais ça a forcément des conséquences sur sa vie et sur son corps.

-Et si je meurs ?

-Je ne pense pas que ça soit possible... Je vois où tu veux en venir, mais je pense que ce qui t'es arrivé est lié au fait que tu m'aies touché à l'instant de ta mort. Eklypsus doit également être un élément important dans ce changement... Je n'irai bien sûr pas me suicider pour vérifier cette théorie. Surtout que maintenant que tu es là, je n'ai pas le droit de partir comme ça.

-Désolée...

-Ne t'excuse pas. Ça me fait plaisir que tu sois là, plus que tu ne le penses. Ça me rassure...

-Je te fais penser à ta sœur ?

Un silence gênant suivit la demande de Chloé, Solus la regarda quelques secondes et comprit qu'elle avait vu les photos dans la chambre.

-Oui... finit-il par répondre.

-Elle s'appelle comment ?

-S'appelait... Elle s'appelait Stella.

-Désolée... s'excusa-t-elle une seconde fois.

Elle s'attendait bien à ce que la sœur du mage ne soit plus de ce monde, mais elle avait gardé l'espoir qu'elle soit juste partie, qu'elle ait fui pendant la purge des mages.

-T'excuse pas. Je suis le dernier mage, Eklypsus me l'a bien dit avant de me pourfendre.

Le repas terminé, Solus débarrassa la table, refusant l'aide de son invitée, et lui indiqua l'escalier pour qu'elle puisse aller se coucher dans la chambre de sa défunte sœur.

-Tu es sûr ?

-Oui. Je ne veux pas que tu n'empires ne serait-ce qu'un peu ta santé en dormant mal.

-Je vais beaucoup mieux.

-Peut-être mais tu restes toujours fatiguée. Ces cernes n'embellissent pas ton visage, tu as bien dû le voir en haut.

Une vingtaine de minutes après qu'il ne lui ait souhaité la bonne nuit, il se tenait sur le pas de la porte de la chambre à l'observer dormir. Il crut revoir sa sœur, quelques larmes lui échappèrent et il se hâta de les essuyer du revers de la main, légèrement en colère contre lui-même. Il avait été coupable du malheur de cette fille, mais également coupable de la mort de Stella. Il se décida à fermer la porte, puis descendit au rez-de-chaussée pour sortir de chez lui. Il s'installa sur le tronc penché et alluma un feu parmi les quelques brindilles toujours humides dans le cercle de galets.

-Ardet !

Les étincelles jaillirent de sa paume pour se déposer dans le cercle prévu à cet effet, puis les flammes grandirent malgré le milieu mouillé dans lequel elles se trouvaient. Le mage leva la tête, observant les étoiles une à une, recherchant les constellations de la saison.

-C'est là qu'on voit la monstruosité des mages.

Un homme en armure sortit de l'ombre des arbres, sa protection en acier blanc reflétant les flammes dansantes à la perfection et ses iris rouges brillant plus que le soleil. Sa marche cliquetante l'accompagna jusqu'à ce qu'il ne s'assoit aux côtés du mage. Il retira ses gantelets et tendit les mains au-dessus du feu, puis se tourna vers Solus.

-Ce feu n'aurait jamais tenu sans votre magie.

-Je ne vois pas ce qu'il y a de monstrueux...

-Ta survie le reste. Tu étais mort lorsque je suis parti, et j'en suis certain. Mais lorsque je suis revenu pour prendre en image magique ta dépouille... Tu avais disparu.

-Ce soldat était donc en train de surveiller ma maison... Il ne revenait pas du village du nord.

-C'est cela. Cette jeune fille. Chloé, c'est bien ça ? J'imagine qu'elle t'a soigné...

Eklypsus reprit ses gants et les enfila méticuleusement, tirant plusieurs fois dessus pour s'assurer qu'ils tiendraient. Puis il se leva et dégaina l'épée qu'il portait à la ceinture, une lame parfaitement noire, au manche incrusté de pierres bleues.

-Après que je ne t'ai tué, une seconde fois, je m'occuperai d'elle. Tu sais que le roi est friand de collections ? Celle de la semaine concerne ta famille et tu y manques cruellement. Bien sûr, il ne veut pas de corps, juste une image magique.

-Une collection de deux personnes ? Le roi est devenu aussi fou ?

-Deux ? Depuis quand vous n'êtes que deux ? Les Rivautise se trouvaient simplement disséminés aux quatre coins du royaume.

Solus se leva et s'écarta d'un court bond en arrière, main derrière lui. Le souvenir de sa seconde mort lui revint, lorsqu'il avait essayé de lancer un sort. Il avait échoué, et il craint d'échouer cette fois aussi. Le chevalier blanc le laissa quelques secondes dans sa pose avant de secouer la tête tout en soupirant.

-Tu ne sais même plus te défendre. Tu avais pourtant été le seul à t'être battu pour survivre.

Le mage réalisa qu'il n'était pas dans le corps de Luna et comprit que ses sorts fonctionneraient. Après tout, il s'en était servi pour allumer le feu.

-Sagit!...

-Trop tard. lui susurra Eklypsus à l'oreille.

La lame noire lui transperçait le cœur, il laissa tomber sa tête sur les épaules d'acier du chevalier.

-Laisse-la en dehors de ça...

-Tu m'avais demandé la même chose pour cette gamine. J'en ai un mauvais souvenir. Je ne laisserai pas celle-ci me prendre quelque chose.

Le soldat prit l'épaule de Solus et retira son arme en repoussant le corps du mage. Il le laissa s'écrouler, face contre terre, à ses pieds. Alors qu'il s'apprêtait à se diriger vers la porte d'entrée, une main lui retint la cheville.

-Elle... n'est pas... kof... mage...

-Les lois sont claires.

Eklypsus se dégagea en donnant un coup de talon dans le visage de Solus, l'éperon arrachant un dernier cri au mage.

***

La sonnerie aiguë de l'entrée lui siffla aux oreilles, Solus était redevenu Luna. Il s'échappa des draps dans lesquels l'enfant s'était enfouie, et fut surpris de voir la lumière du soleil l'éblouir. Luna n'avait pas été réveillée par sa mère pour être emmenée dans cet établissement scolaire ressemblant à une prison. La voix de la mère de l'enfant attira son attention et il s'adossa à la porte pour entendre convenablement la discussion.

-Votre fille va bien ? Je suis inquiète pour elle, perdre sa sœur devant elle à son âge.

-Elle refuse de sortir de son lit, je ne veux pas la forcer. Je lui apporte quand même de quoi manger mais elle ne veut même pas me voir. Je suis désolée, je ne pense pas que vous la reverrez à l'école de si tôt.

-Je peux comprendre. Le coupable a été retrouvé ?

-La police ne sait même pas par où commencer. Il n'y avait rien qui leur permette de lancer les recherches sur place.

Solus, Luna sortit de sa chambre et descendit les escaliers dans la plus grande discrétion. Recroquevillée sur elle-même, elle cherchait à observer sa mère et sa professeur entre les barreaux. Les adultes se trouvaient dans la cuisine, derrière le seul mur qui obstruait la vision depuis les escaliers. Du haut de ses décennies, Solus se demanda pourquoi il se cachait ainsi alors qu'il était le sujet de la discussion. Reprenait-il son âme d'enfant en se retrouvant dans ce corps ? Ou Luna restait-elle consciente au fond de lui ? Il mit vite fin à ses questionnements et descendit complètement les marches pour se rendre dans la cuisine. En remarquant l'absence des symboles magiques sur les éléments électriques, il comprit que cette fois-là, la magie ne l'aiderait pas. Luna croisa les regards étonnés de sa génitrice et de la maîtresse d'école, et dû se reculer de deux pas pour éviter la tentative d'étreinte de sa mère.

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