Chapitre 2 : Découverte.

 Il se redressa douloureusement et s'assit en bord du lit de pailles. Son corps entier le faisait souffrir. Son cerveau le lançait d'atroces migraines à chaque mouvement de la tête. La modeste habitation n'avait qu'un lit et une table sur laquelle étaient entassées des dizaines de plantes, ainsi que des bols et un pilon en bois.

Une jeune fille s'installa à côté de lui. Elle était fatiguée d'une vie qui lui demandait de chasser chaque jour. Épuisée d'une vie qui lui demandait souvent de fuir de sa maison pour en construire une autre à des kilomètres. Ses vêtements n'étaient pas du premier âge, des trous causés par le temps, ou par les ronces dans lesquelles elle avait dû se cacher parfois. Quelques cicatrices sur ses bras fins et si maigres que ses os en étaient l'unique solide. Des blessures faites par des animaux sauvages, des loups, des serpents. Solus ne put compter le nombre de plaies qu'elle possédait sur le peu de son corps qui lui était visible. Les cernes la vieillissaient également de plusieurs années. Elle était pourtant jeune, en pleine adolescence, un début de développement de poitrine ainsi que de hanches.

Le mage commença à se sentir coupable de l'avoir embarrassée avec son corps blessé jusqu'à la mort. Elle avait sûrement dû le nourrir en plus de l'avoir soigné avec des plantes médicinales qu'elle était allée chercher sous le torrent. Elle lui tendit un bol contenant un mélange d'eau et de plantes hachées et écrasées.

-Bois... dit-elle d'une voix faible, plus faible que celle d'une grand-mère sur son lit de mort.

Elle n'était pas timide, il le savait. Sinon elle ne se serait pas assise à côté de lui à le regarder tenir ce bol contenant de quoi le soigner. Solus ne savait pas quoi faire, devait-il boire ce remède et s'occuper de sa blessure. Ou le refuser et la remercier puis partir pour ne pas l'embarrasser plus longtemps.

Elle le fixait intensivement de ses iris bleues, attendant qu'il ne déguste son médicament. C'était comme si elle voulait s'assurer qu'il se soigne correctement. Il décida donc de boire le remède, et malgré l'arrière goût de feuilles, il ne trouva pas cela si désagréable. Ses migraines avaient perdu en intensité depuis qu'il venait de boire. Bien que encore là, il pouvait désormais les supporter.

-Comment tu t'appelles ? finit-il par demander.

-Chloé... Chloé Rivautise... répondit-elle, légèrement absente à l'énonciation de son nom de famille.

Le mage se tourna à plus de soixante degrés vers elle, souffrant atrocement des côtes. Il toussa en crachant plusieurs fois et eut une remontée acide qu'il parvint à contrôler. La jeune fille se tint elle aussi face à lui, les mains devant elle, prêtes à le rattraper s'il s'évanouissait. Il leva les yeux sur la gorge de l'adolescente et eut l'horreur de découvrir une réalité qu'il aurait préféré autre. Une cicatrice longiligne mais extrêmement courte, la longueur de celle d'un couteau pris en estoc.

-Qu'est-ce qu'il y a ? Monsieur...

-Tu... Tu as une sœur ?

Les yeux de Chloé brillaient soudainement à la lueur de la bougie qui éclairait la minuscule pièce. Des larmes réussirent à couler sur ses joues malgré la source qui avait dû se tarir plus d'une fois.

-J'avais... Elle doit être morte...

-Désolé... s'excusa Solus en reprenant douloureusement sa position d'origine.

-Vous n'avez pas à vous excuser. Ça va faire trois mois que je me suis réveillée dans une forêt sans savoir si elle avait survécu. Je n'ai pas eu le moindre contact avec ma mère non plus.

-Ça va faire trois mois que tu vis comme ça, par ma faute.

Un court mais extrêmement pesant silence suivit ses paroles. La jeune fille regarda l'homme avec stupéfaction, elle ne le connaissait pas le moins du monde. Elle ne se souvenait pas de lui, mais seulement de ce fou brun en déguisement félin. Ce jour où, sa sœur s'était comportée étrangement et l'avait fait quitter l'enceinte de l'école primaire.

-Vous étiez présent ? Vous savez ce qu'il s'est passé ? Elle est en vie ? Luna est vivante ?!

L'adolescente commença à reprendre espoir en la survie de sa sœur, mais son corps fragilisé par le temps et le travail qu'elle fournissait pour survivre la ramena à la réalité. Elle se mit à tousser de manière rauque, elle risquait même l'étouffement à chaque fois que ses poumons la lançait. Après une dizaine de minutes de toux où elle se martelait la poitrine du poing pour tenter de la stopper, elle se retourna vers Solus, de l'espoir toujours présent dans le regard.

-Je ne sais pas... avoua-t'il.

Il voyait bien que lui mentir et lui dire que sa sœur était vivante la rassurerait, lui permettrait sûrement de reprendre foi en elle et de se surmonter. Mais il ne pouvait que avouer qu'il n'en savait rien en imaginant le futur. Elle se surmonterait pour la revoir, elle se tuerait à la tâche. Et même si elle en survivait, que faire si elle découvrait qu'en réalité sa sœur est morte. Elle n'était d'ailleurs pas dans son monde. Le mage avait fini par comprendre qu'il avait voyagé dans un autre monde lors de sa supposée mort contre Eklypsus. La seconde fois également, et il lui semblait que cette fille l'avait également fait avec un écart de plusieurs mois.

-J'ai vu cet homme s'en prendre à toi, mais après... je ne me souviens que de la lame qu'il m'a planté dans le milieu du torse.

-Ces blessures datent de trois mois ? Vous l'avez protégée ?

-Je ne sais pas si je l'ai protégée. Normalement, il ne veut que moi, il cherche à me tuer depuis longtemps. Celles-ci ne doivent dater que de quelques heures. acheva-t-il de répondre en posant la main sur les bandages grossièrement enroulés autour de son torse.

-C'est lui qui vous a mis dans cet état ?

-Oui... J'aurais dû en mourir. Quand crois-tu que je pourrais marcher ?

-Vous ne comptez pas partir au plus vite ? Vos blessures sont très profondes.

-Je dois rejoindre ma propre habitation pour préparer mon voyage. Accompagne-moi si tu souhaites arrêter de vivre de cette façon.

-Je... Je suis très bien... avec cette vie.

Elle mentait, elle savait qu'il le voyait. Elle refusait de devoir occuper quelqu'un avec ses problèmes. Elle l'avait aidé certes mais elle ne voulait pas qu'il s'occupe de lui. Il risquait déjà bien sa vie au quotidien pour devoir s'embarrasser d'une gamine comme elle. Ça ne ferait que lui donner une bouche de plus à nourrir, ça lui demanderait des dépenses supplémentaires.

-Même si j'étais aveugle, je ne t'aurais pas crue. Ta voix seule permet de savoir que tu ne vivras jamais jusqu'à l'âge adulte dans ces conditions. Arrête de me vouvoyer et appelle moi par mon prénom désormais. Je suis Solus, et désormais je m'occuperai de toi.

Il leva, avec toutes les douleurs qui devaient l'accompagner dans son geste, la main et la posa sur la tête de la jeune fille. Il la caressa, emmêlant un peu plus ses cheveux secs et poussiéreux qui commençaient à perdre leur couleur blonde et à blanchir. Elle ne savait pas quoi répondre à ça, elle avait vécu trois mois en tant qu'animal sauvage. Elle ignorait tout de la situation extérieure à la nature. Tous les humains qu'elle avait croisé l'avait traitée avec mépris, haine, et l'avait jetée hors de chaque auberge où elle entrait. Si bien qu'elle s'était décidée de vivre en forêt et de fuir chaque chasseurs ou rôdeurs qu'elle croisait. De dernières larmes mouillèrent ses joues, de joie cette fois, et elle hocha la tête dans un petit geste comme acquiescement.

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