Eh toi là, non ! Ne te retourne pas. 

Tu verrais alors ce qui se cache dans l'ombre, juste derrière toi.
Est-ce que tu sens ta peau parcourue de frissons et tes poils se hérisser sur tes bras ? Ton corps réagit, il capte le danger.
Ne bouge plus, elle te regarde. Ses yeux noirs scrutent le moindre de tes gestes. Elle discerne les battements de ton cœur qui s'accélèrent et les sueurs froides qui te glacent. Sa main se tend et ses grands doigts filiformes pointent vers toi ; ses ongles pointus ne sont plus qu'à quelques centimètres de ta nuque.
Ne fais plus un seul mouvement.
Elle ouvre démesurément sa gueule, hérissée d'une multitude de dents telles des aiguilles, avide de sang. Sa longue langue vient goûter ta peau et tu sens son haleine fétide envahir tes narines. Ton cœur bat la chamade n'est-ce pas ? C'est normal, car ce soir, tu risques de mourir.
Elle commence à gémir tout en faisant de lents aller-retour de ton oreille droite à ton oreille gauche, les frôlant à chaque passage.
Si tu la regardes, tu as perdu.
Une goutte de sueur perle sur ton front, tes yeux sont fixes devant toi et ta mâchoire serrée, tandis qu'elle fait tout pour attirer ton attention, mais tu résistes. Elle se met à hurler et griffer le vide à quelques centimètres de ta joue, tu sens l'air propulsé par sa force contre ta peau et tout ton corps est parcouru d'un frisson à chaque fois qu'il t'effleure.
Quand est-ce que tout ceci va cesser ? Je l'ignore, mais ce que je sais c'est qu'elle ne partira jamais vraiment. Elle ne sera jamais bien loin et quand tu t'y attendras le moins, si tu survis ce soir, elle pourrait jaillir dans le rétroviseur de ta voiture ou quand tu te douches, te pensant seul chez toi. Quand tu regardes la télévision dans le noir ou bien même quand tu commence à t'assoupir. Les craquements inexpliqués, les bruits insolites, c'est elle et si tu croises son regard, alors tu es déjà mort.
Elle s'évanouit dans le noir tandis que toi tu es figé. Tu te sens faible et tes jambes tremblent légèrement. Les lumières de ta salle à manger se rallument doucement et tu reprend ta respiration. Tu peines à retrouver un rythme cardiaque normal, la main posée sur ta poitrine. Les larmes aux yeux tu comprends que tu as gagné du répit, mais jusqu'à quand ?