7. Pique-nique dominical.



— Allez, les enfants, on se dépêche ! Dans la voiture et que ça saute ! crie ma mère.

J'adore pique-niquer avec mes parents et ma sœur le dimanche, mais cette fois-ci c'est spécial ; nous avons décidé de partir à l'aventure. D'habitude, on va dans notre coin en pleine campagne, mais mon père a eu vent d'un nouvel endroit apparemment magnifique en montagne.
Le paysage se transforme au fur et à mesure que l'asphalte défile, passant de la ville à la campagne puis enfin aux monts verdoyants.
Après avoir passé une forêt dissimulant l'endroit au reste du monde, nous voilà enfin arrivés à destination. C'est effectivement splendide ; une grande clairière sans personne autour, avec une superbe vue sur les vallées baignée de soleil. Ma sœur et moi allons directement jouer, profitant de toute cette nature ; nous courrons dans les bois, s'y enfonçant de plus en plus, faisant craquer les branches et bruisser les plantes sur notre passage. On escalade un chêne qui doit être là depuis des centaines d'années, grimpant dans ses branches solides, on s'installe à une belle hauteur.

— Elle a prévu quoi maman pour midi ?

— J'en sais rien, du poulet froid sûrement et des salades... Hey, t'as entendu ça ?

— Non, quoi ? dis-je en tendant l'oreille.

Après quelques secondes, un bruit de feuilles sur lesquelles quelqu'un marche retentit. Nous nous taisons et nous observons les alentours. Je plisse les yeux quand au loin, j'aperçois une petite silhouette ; elle nous observe.

— Qu'est-ce que c'est ? chuchote ma sœur.

— J'en sais rien...

La chose nous fixe et sur son visage s'étend un sourire malsain. Il nous fait un petit coucou, fait demi-tour et disparait dans les bois. Une fois qu'il est hors de notre champ de vision, nous descendons puis nous filons à toute vitesse rejoindre nos parents.

— Maman !

— Papa !

— Quelque chose... Il y avait quelque chose dans la forêt et il nous a vus ! articulé-je haletant.

— Qu'est-ce que vous racontez les enfants, ça ne devait être juste qu'une bestiole ou un chevreuil...

— Je sais reconnaître un chevreuil, papa ! dis-je sur la défensive.

— Ah non hein, pas de dispute ! Venez manger, c'est prêt !

Ma sœur et moi nous jetons mutuellement un regard inquiet, mais après tout, qu'est-ce qui pourrait nous arriver de mal ; mon père est là ainsi que ma mère, ils nous protégeront.
On s'installe sur le grand plaid au sol et nous commençons à manger. Je dévore goulûment une tranche de pastèque quand j'aperçois derrière mes parents à l'orée de la forêt, le petit que nous avions vu plus tôt.

— Là, là ! hurlé-je. C'est le gamin qu'on a aperçu tout à l'heure !

Mon père se retourne la bouche pleine de la cuisse de poulet qu'il a encore dans les mains et il voit enfin l'enfant qui sourit de toutes ses dents noires. Derrière lui apparaît un homme, une femme ainsi qu'une fillette. Tous nous fixent de leurs pupilles entièrement noires également. Mon paternel se lève et leur fait face, son couteau à beurre dans la main. Je suis pétrifié ; qu'est-ce qu'ils nous veulent ? Ils ne disent rien, nous fixent. Le "père" met un masque de toile, la "mère" et les enfants en font de même puis ils s'avancent vers nous, sans mots.

— N'avancez pas ! hurle mon père.

Ma mère se place devant ma sœur et moi, écartant ses bras pour nous protéger, mais j'ai bien peur que l'on soit foutu... L'homme avance droit vers mon père et s'empale sur son couteau à beurre.

— Oh mon Dieu ! hurle-t-il en lâchant le couteau l'air ahuri. Je... Je, monsieur, c'est de la légitime défense ! Re... reculez !

L'homme saisit de ses deux mains la tête de mon père, l'empêchant de se dégager. Il ouvre grand sa bouche sous le sac en toile et semble comme aspirer son visage. Après quelques secondes, mon paternel retombe inerte sur le sol, sa peau est grise et ses yeux sont vides. L'homme a disparu et ma mère hurle à pleins poumons.

— Fuyez les enfants, courez et ne vous retournez pas ! nous hurle-t-elle.

Ma sœur et moi prenons nos jambes à notre cou. Ses yeux sont pleins de larmes, mais elle est très courageuse. Je me retourne juste un instant et je vois ma mère se faire attraper par la femme qui lui réserve le même sort qu'à mon père. Les plus jeunes nous regardent et se mettent à nous courir après, mais eux ne sont pas essoufflés comme nous et ils nous rattrapent rapidement. J'ai beau traîner ma sœur par la main, elle ne peut plus avancer. Nous nous cachons derrière un buisson, mais j'ai peu d'espoir, ils ne doivent pas être très loin. D'un coup, j'entends ma sœur hurler et je la vois se faire aspirer le visage, je peux apercevoir chaque parcelle de sa peau entrer dans la bouche noire de l'enfant. Je trébuche en me redressant, je pleure, mais qu'est-ce que je peux faire ? Il n'y a pas d'issues, je suis seul maintenant et je suis poursuivi par un monstre. Je glisse et je me rétame la tête la première dans l'herbe. Je suis sonné et de mes yeux troubles j'entrevois le gamin avancer vers moi. Sa longue tunique blanche lui donne des airs de fantôme et à l'intérieur des trous découpés dans la toile de sa cagoule, j'aperçois ses yeux noirs qui me fixent. Il se penche au-dessus de moi, son visage arrive juste en face du mien. Un terrible frisson me parcourt quand sa bouche s'ouvre en grand. La peau de mon visage commence à me brûler, comme dévoré par des flammes ardentes et je sens la vie m'abandonner petit à petit. Je me sens faible, mes yeux révulsés papillonnent et je sens mon cœur ralentir...

Maman, papa, sœurette ?

Nous voilà tous les quatre dans la clairière, nous portons les vêtements grotesques que portaient nos assassins quelques instants plus tôt comme si nous avions pris leur place. J'ai terriblement envie de tuer...

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