31. Joyeux Halloween.
— Des bonbons ou un sort ! demandèrent en chœur les cinq garçons.
Madame Jenkins versa à chacun une poignée de friandises dans leur sac en toile et ils repartirent en contemplant leur butin.
— C'est une super soirée, s'exclama Jérémy.
— C'est grâce à mon costume, affirma Léo en réajustant son masque de Scream.
— Le mien est plus chouette, dit Adam. Ma mère l'a payé une fortune.
— Je vais commencer par manger les chocolats et je garderais les bonbons pour plus tard, articula Raphaël en engloutissant trois sucreries.
— Eh, les mecs, et si on allait embêter le vieux Bill !
— Excellente idée !
— On n'a pas encore utilisé nos œufs pourris et le papier toilette, on les balancera sur sa baraque !
Ils se jetèrent un coup d'oeil mutin et sortirent rapidement de la ville. La ferme n'était plus très loin, les lampadaires se faisaient de plus en plus rares, mais la pleine lune éclairait leur chemin.
Ils se cachèrent dans les buissons, ils virent sa voiture, mais à travers les fenêtres aucun mouvement.
— Vous croyez qu'il n'est pas là ?
— Mais si, la lumière est allumée et sa cheminée fume, il doit s'être endormi ou un truc du genre...
— Allons-y !
Ils sortirent discrètement et commencèrent à lancer les rouleaux, enveloppant la maison de ruban rose et blanc. Ils riaient aux éclats, balançant les boules puantes sur la porte et les carreaux. Le méfait accompli, ils retournèrent se cacher, attendant avec impatience le vieux râleur et son balai. Quelques secondes passèrent, se transformant en minutes.
— Euh, pourquoi il arrive pas ?
— Il a pas entendu vous croyez ?
— C'est pas possible avec le bordel qu'on vient de foutre, même s'il dormait, il aurait dû se réveiller...
— Raph', va voir, ordonna Jeremy.
Le garçon fixa son ami pendant quelques secondes puis s'exécuta en maugréant. Il s'approcha prudemment, plissa le nez tant l'odeur était forte et observa la pièce à travers le carreau. Le vieil homme était assis dans son fauteuil, dos à la fenêtre, il ne bougeait pas. L'adolescent se tourna vers ses complices et haussa les épaules.
— Tu crois qu'il est mort, demanda-t-il à Jeremy une fois qu'il l'eut rejoint.
Il jeta un coup d'oeil, réfléchit quelques secondes et fit signe aux autres de les rejoindre.
— On va entrer.
— T'es sur ?
— Bin, oui, on va aller voir s'il va bien...
Ils pénétrèrent dans la maisonnette et se dirigèrent vers le fauteuil, ils s'approchèrent avec prudence, Léo tendit son bras vers le vieux.
— Monsieur Bill ? Hé ho, vous dormez ?
Il posa sa main sur l'épaule du fermier qui ne réagit pas. Il le secoua légèrement et sa tête retomba mollement. Léo fit le tour pour de se retrouver face au cadavre et blêmit. Il eut un haut-le-cœur qu'il ne put refréner, il déversa le contenu de son estomac devant la cheminée. Ses compères se précipitèrent, non sans crainte, afin de voir ce qui avait rendu mal leur ami et ils se figèrent d'horreur ; le visage du vieillard était totalement arraché, ses muscles, tendons et autres chair à vif, le reste de son corps était lacéré, quasiment en charpie, laissant apparaître ses organes encore sanguinolents.
Jeremy porta sa main à sa bouche et ravala sa bile.
— Qu'est-ce qui a bien pu faire ça...
— Un ours ? proposa Adam.
— J'ai pas eu vent d'ours dans la région depuis un moment, dit Louis.
— Faut qu'on aille chercher ton père Louis, il saura quoi faire !
— Ouais, on va couper à travers champs, ça sera beaucoup plus rapide.
— Vous avez pas peur que la bête qu'à fait ça ne soit pas loin ? demanda Léo en s'essuyant la bouche avec sa manche.
— Non, enfin, avec ce qu'il vient de manger, il doit être rassasié, dit Jeremy jetant un œil au cadavre avec une moue de dégoût.
Les cinq adolescents sortirent et se dirigèrent vers le champ de maïs du vieux Bill. Les plants étaient si haut qu'ils n'y voyaient plus, mais ils savaient vers quelle direction aller. Après quelques minutes à marcher lentement, ils entendirent des mouvements derrière eux. Adam, qui était le dernier de la file se retourna, mais ne vit rien, cependant les bruissements s'intensifièrent. Il s'arrêta en jetant un coup d'oeil à ses amis quelques mètres devant lui et qui continuaient d'avancer. Il scruta les maïs, plissa les yeux et voulut hurler, mais il se fit violemment happer, disparaissant dans les plants.
Raphaël qui était le quatrième se tourna et constata que son le garçon n'était plus derrière eux.
— Hey, il est où Adam ?
— Quoi ? demanda Jeremy.
— Adam, il est ou Adam ?! Il était derrière moi et là il n'y est plus !
— Adam ?! cria Léo.
— Oh mon dieu, il a dû se faire bouffer par l'ours ! paniqua Raphaël.
— Mais t'es con ou quoi, on l'aurait entendu si un ours était pas loin de nous ! Il a dû oublier un truc et fait demi-tour, on va aller le chercher.
Ils rebroussèrent chemin et tombèrent sur des marques dans la terre, là où les épis étaient brisés. La tension monta légèrement dans le groupe et ils accélérèrent le pas. Louis trébucha sur quelque chose qui traînait au sol et s'étala en râlant.
— Merde, je me suis écorché tout le genou bordel !
Les trois garçons ne réagirent pas, ils fixaient un point non loin du blessé.
— Hé ho, les gars ? Aidez-moi à me relever au moins, je me suis fait super mal !
Il dévisagea ses amis et suivit leur regard ; deux jambes serrées dans un slim vert foncé dépassaient des tiges. Louis s'approcha en rampant et hurla d'horreur quand il vit que les deux membres n'étaient reliés à aucun corps, les filaments de chair pendouillaient des deux cuisses ensanglantées.
— Putain de merde, Adam, sanglota Léo.
— Il faut qu'on se barre et en vitesse, dit Jeremy. Sinon on risque de finir dans le même état...
Ils jetèrent un dernier coup d'oeil aux restes de leur ami et filèrent à toute allure à travers champs. Ils marchaient rapidement, naviguant avec difficulté à travers les plants serrés. Jeremy ralentit quand devant lui apparut un épouvantail. Il était affreux et sa salopette était couverte de sang. Sa grosse tête en toile de jute semblait suivre imperceptiblement leurs mouvements, la chose était malaisante ils ne voulurent pas s'attarder.
Les garçons passèrent quand Raphaël se stoppa.
— Eh, mais ce truc vient d'attraper ma veste !
— Aussi flippant soit-il, ce n'est qu'un stupide objet, magne-toi Raph', j'ai pas envie de me faire bouffer !
Il essaya de décrocher son manteau des griffes de bois tandis que ses amis continuaient d'avancer. Il s'acharna sur sa manche quand le bonhomme de paille baissa la tête. L'épouvantail tira, arrachant le bras de Raphaël qui s'effondra au sol en hurlant et se tenant le moignon. Ses amis se retournèrent et ils eurent tout juste le temps de voir la chose trancher la gorge de l'adolescent qui s'écroula se noyant dans son propre sang.
Les trois garçons observèrent la scène, impuissant et incrédule face à cette créature qui ne devrait pas être en vie. Ils s'enfuirent en criant, traçant tout droit dans les maïs. L'épouvantail était à leur poursuite et Louis était à la traîne à cause de sa blessure, se faisant rapidement distancer par ses deux amis. Il vira à gauche et s'arrêta en haletant, caché par les épis, il s'accroupit, reprenant tant bien que mal son souffle. Les deux autres filaient à toute allure quand ils entendirent un hurlement et se retournant ils virent que leur ami n'était plus là. La panique s'empara d'eux et les larmes coulèrent d'elles même sur leurs joues pâles. Les herbes bougèrent sur leur gauche et l'épouvantail jaillit, agitant tout près d'eux la tête de Louis fraîchement arraché. Ils hurlèrent, ce qui sembla amuser le monstre ; Jeremy le fixa, puis son ami, il fronça les sourcils et le poussa violemment. Léo s'emmêla les pieds et s'écroula à terre, se cognant le visage sur le sol poussiéreux. Il gémit portant sa main sur son arcade qui commençait à saigner.
— Fils de pute... dit-il en peinant à retrouver ses esprits.
Il se sentit soulevé dans les airs et se retrouva face à l'homme de paille qui défonça sa cage thoracique à grands coups et arracha son cœur encore palpitant. Le garçon mourut, le visage figé dans un rictus d'effroi.
— Je ne dois plus être très loin de la route !
Jeremy sprintait, n'éprouvant aucuns remords, c'était eux ou lui. Il ne savait pas par quel miracle cette chose avait pris vie et encore moins pourquoi elle était si meurtrière, mais il tenait à la vie et il ne comptait pas abandonner si facilement. Les plants bougèrent à sa droite ; il n'en pouvait plus, il était à bout de souffle, mais il trouva la force d'accélérer un peu plus. La créature ne le lâchait pas, elle suivait sa cadence et lorsqu'il surgit devant le garçon il bifurqua légèrement évitant son coup de bras meurtrier. Il voyait le bout, il allait s'en sortir si tant est que l'épouvantail ne le suive pas une fois en dehors du champ. Il plongea pour passer sous la barrière lorsque le monstre attrapa sa cheville, il la tordit, brisant sa frêle articulation. Jeremy poussa un cri, les larmes coulant de ses yeux, laissant des traînées sur ses joues sales. Il s'accrocha au bois de toutes ses forces tandis que l'autre l'attirait vers lui ; il tira sur sa jambe et de l'autre asséna un coup de pied dans le sac en toile de jute qui lui servait de tête, mais ça n'eut aucun effet. La créature ouvrit grand sa bouche laissant apparaître les fils de couture et émit un rire guttural qui glaça le sang de l'adolescent. Il lui saisit la gorge et serra, les yeux du garçon s'injectèrent de sang tandis qu'il luttait pour sa survie, essayant de hurler tandis qu'il étouffait. Une voiture passa le long du chemin, de l'autre côté de la barrière, le père de Louis aperçut un épouvantail à moitié caché par les épis de maïs, souriant, il eut l'impression qu'il le suivait du regard, mais continua sa route, non sans frissonner. Jeremy, lui, sentait son cœur ralentir, ses gesticulations se transformèrent en spasmes, les yeux révulsés et la bave sur le menton il rendit son dernier soupir. Le monstre laissa retomber le cadavre et fixa la pleine lune puis il franchit la barrière en souriant de plus belle, il suivit le chemin qui le mènerait vers la petite ville tranquille et de ses habitants fêtant joyeusement Halloween.
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