24. La chute.
Quand soudain, le noir complet.
Je tombe. Là, juste au creux de mon estomac, je sens que je vais vomir ; cette odeur, mais d'où proviens cette puanteur ?! Un mélange d'oeufs pourris et de mort envahit mes narines, je ne pourrai jamais oublier cette abominable fragrance. Je vais m'écraser, je vais me fracasser le crâne par terre. Certains disent que quand on s'apprête à rendre l'âme, l'on peut voir toute sa vie défiler devant ses yeux, ce n'est pas mon cas. Pourquoi ?
Il fait si noir que je ne peux même pas distinguer mes mains ; où suis-je, qu'est-ce qu'il m'arrive...
Dieu du ciel, de la lumière, en bas. Elle se rapproche et tout autour de moi les murs s'éclairent. Des visages, il y a des visages partout ; des crânes décharnés gigotent, leur bouche béante bloquée dans un cri éternel. Des bras sortent des parois semblant vouloir m'attraper ou s'échapper. Leurs yeux révulsés clignent à chaque coup de fouets que j'entends, ce sont les queues des bêtes immondes qui claquent, grouillant entre les têtes. L'une dévore minutieusement un des faciès tandis qu'une autre fornique avec une orbite vide ; le reste torturant avec plaisir les âmes en perditions. La clarté provient d'une mer de lave en fusion en bas, dans laquelle se noient des corps, certains encore vivant se débattent, les cadavres, eux, terminent de brûler. Sous moi, le sol est recouvert de piques en bois au milieu de flammes ardentes, mais qui ne se consument pas. Avec la vitesse de ma chute, je m'empale avec violence dessus ; la douleur est inimaginable, mes os sont brisés et ma chair déchirée, l'un dans mon œil, d'autres dans mon torse, crevant mes poumons, je suffoque. Je tente de hurler, mais seul un long gargarisme s'échappe de ma bouche ensanglantée ; personne ne vient.
Pourquoi je ne meurs pas ? Pourquoi est-ce que je ne pousse pas mon dernier soupir ? Le feu fait crépiter ma peau, formant des cloques qui grillent et explosent tant la chaleur est intense. Mes yeux fondent, mon sang bouillonne, mais je ne meurs pas.
Me voilà debout au milieu d'une nouvelle pièce, je regarde mon corps qui ne porte aucune trace de mon supplice. Un objet vient me défoncer le crâne. Je m'effondre sur le sol chaud, écorchant ma joue déjà pleine de sang. La chose continue de me frapper, encore et encore, mon nez n'existe plus, mes dents sont brisées, ma tête n'est qu'une bouillie difforme et dans ma bouche ce goût de fer et de cervelle.
Je suis de nouveau rétabli. Il faut que je m'échappe de ce cauchemar ; je me pince, il faut que je me réveille ! J'observe la pièce autour de moi, les parois semblent suinter d'une matière visqueuse et des sortes de veines noires le parcourent. Je m'approche et je pose ma main réprimant une nausée ; il est vivant, le mur palpite comme un cœur tiède et vigoureux. Je me retire avec horreur, les yeux écarquillés je m'effondre au sol. Quatre créatures émergent devant moi. Leur peau tannée, comme un vieux cuir fatigué reposant sur un corps décharné, laissant apparaître leurs os. Ils n'ont pas de nez, juste un visage brûlé avec deux fentes noires leur servant à voir. L'une d'entre elles pousse un cri guttural, ouvrant sa gueule démesurée hérissée de crocs. Je ne peux m'échapper, il n'y a aucune issue. Ils viennent me saisir, chacun prenant un bras et une jambe ; ils tirent, riant comme des déments et moi je hurle de désespoir et de douleur. Je sens mes muscles s'étirer ainsi que mes tendons, mes os se déboîtent dans un craquement écœurant tandis que je m'époumone de souffrance. Ma peau se tend et atteint son maximum, elle se déchire, et ce au niveau de chacun de mes membres ; mon tronc retombe lourdement au sol, les créatures dansent autour de moi en brandissant leur trophée. Je vomis manquant de m'étouffer, je tousse en gémissant, mon sang gicle de mes épaules et du haut de mes cuisses, je n'ai plus de bras ni de jambes, mais je ne meurs pas.
Depuis combien de temps suis-je ici ? Depuis combien de temps je souffre et pendant combien de temps tout cela va durer ? Me voilà dans une nouvelle salle et je hurle, j'arrache mes cheveux, je n'en peux plus, je ne veux plus. Quel va être mon nouveau supplice ? J'ai peur, je suis terrifié, mon cœur bat si vite que des étoiles noires dansent devant mes yeux. Ma respiration haletante se bloque quand un cri strident retentit au loin. Et cette odeur, affreuse, écœurante de mort et de pourriture comme si je me tenais près un charnier qui aurait cuit au soleil pendant des jours et des jours.
La paroi en face de moi se déforme dans un bruit de succion humide, une patte traverse, puis une seconde. Deux têtes collées l'une contre l'autre sortent ensuite, la bête rampe ; elle semble être comme deux corps de femme que l'on aurait soudés ensemble dans un mélange chaotique. Leurs cuisses épaisses terminent de passer, laissant le mur se refermer, elles me fixent avec un sourire malsain, elles ont l'air d'attendre quelque chose. La pièce se réchauffe jusqu'à devenir ardente, je m'effondre. Ma peau cloque et brûle à nouveau, l'abomination elle-même se tord au sol dans des mouvements saccadés. Ses hurlements stridents se joignent aux miens et dans un jaillissement de flammes infernales, la Bête apparaît. Je vois d'abord deux sabots fourchus, ses jambes fines, mais vigoureuses s'approchent de la créature rampante. Sa main aux ongles crochus caresse les femmes qui se plient en gémissant, soumise à leur maître. Son torse puissant et musclé où viennent mourir quelques restants de feu se bande quand il m'aperçoit au sol ; créature insignifiante à côté du Démon, je me recroqueville sur moi même et son visage se tord dans un rictus qui me glace le sang. Sa bouche aux lèvres foncées dévoile des crocs aiguisés, sa peau légèrement rougeoyante parcourue de veines noires m'hypnotise, je ne peux plus bouger. Il s'approche et renâcle, j'imagine qu'il se moque de mon être pathétique. Il déploie ses ailes bardées de pointes tranchantes. J'ose à peine lever la tête, l'immonde bête cornue ne m'inspire que crainte, celle d'un vulgaire insecte prit dans la toile d'une terrifiante araignée. Ses bras puissants me saisissent, je me noie dans ses yeux noirs et soudains, me replongent dans la géhenne bien pire que toutes celles que j'ai pu vivre jusqu'alors, envahissant chacune de mes cellules. Le démon sort sa langue rouge et vient goûter ma peau, se délectant de ma douleur. Je me sens comme aspiré, quelque chose s'arrache de moi ; mes mains, mon ventre, mon cœur, mes jambes, rien n'est épargné, tout mon moi n'est que souffrance. Une sorte d'aura sombre commence à émerger de mon corps ; la gueule de la bête s'ouvre, immense, et je vois au fond de sa gorge des milliers de cadavres ramper sur des murs de morts et de pourriture. Mon âme tout entière est aspirée dans les méandres de son être ; qu'ai-je fait pour mériter cela ? Pour mériter l'Enfer ? Le Diable érige un pic de matière noire et dure ; il m'empale dessus aussi aisément que si je n'avais été qu'un rien du tout. Je ne meurs pas, car je suis déjà mort et une éternité de supplices s'ouvre à moi.
Merci infiniment à @Poly_sama qui m'a fait lire son texte sur lequel je me suis grandement inspiré avec son accord ! Je vous invite d'ailleurs à aller y jeter un coup d'œil !
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N'hésitez pas si vous avez des idées ou des suggestions, je serai ravie de les interpréter ! :D
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