18. À ta gloire.
— Mes sœurs, nous sommes réunies en ce jour afin de rendre à notre seigneur l'une d'entre nous.
Les prières dites tout bas sonnaient comme des bourdonnements dans les oreilles de la jeune femme. Une larme roula le long de sa joue, venant s'écraser sur sa robe noire.
— Sa dépouille l'ayant déjà rejoint, nous te sollicitons aujourd'hui pour lui rendre hommage et jurer vengeance. Ô gloire à toi, donne-nous la force de retrouver...
Lilith essuya rageusement ses yeux et fit demi-tour, laissant ses semblables seules dans la forêt. Elle demanda au chauffeur de la raccompagner chez elle et une fois arrivée, claqua sauvagement la porte. Elle fonça dans la salle de bain, remplit la baignoire, retira sa robe et se glissa dans l'eau chaude. C'était une belle jeune femme maintenant et bien des années c'était écoulé depuis sa cérémonie d'ascension ou elle avait perdu son innocence, mais gagné des sœurs. Elle s'immergea complètement, ses cheveux de jais venant flotter tout autour d'elle, elle se sentait lasse de tout ça, lasse de ces cérémonies et submergée par ses émotions. La maison était calme et c'était ainsi depuis quelques semaines. Depuis que Morgane fut sauvagement assassinée, plus rien n'avait été pareil. Elle se souvient être rentrée, avoir appelé pour n'être confrontée qu'au terrible silence et dans la cuisine sa mère gisant dans un bain de sang.
Lilith se redressa soudainement, lissant ses cheveux avec ses mains et frottant son visage. Cette vision cauchemardesque à jamais gravée dans sa mémoire, mais il était hors de question que ce crime reste impuni. Ce soir serait le grand soir. Elle sortit, se sécha et revêtit son peignoir de satin noir puis farfouilla dans un des tiroirs du couloir pour prendre ce dont elle aurait besoin. Elle monta au grenier et ferma la trappe derrière elle. Seule la lucarne qui laissait passer les rayons de la lune venait éclairer la pièce, la faisant baigner dans une atmosphère particulière. Elle installa les bougies et les alluma puis posa la planche de ouija. Elle plaça ses mains sur le petit triangle muni d'une loupe en son centre et attendit, utilisant toute sa concentration et se focalisant sur le visage de sa mère. Au bout d'un certain temps, celui-ci commença à bouger, elle rouvrit alors ses yeux.
— Maman, c'est toi ?
La pièce de bois se dirigea vers le oui. Elle sourit, une larme coula sur sa joue, son cœur battait la chamade, non de peur, mais de joie à l'idée d'enfin pouvoir lui parler.
— Es-tu avec notre seigneur ?
Oui.
— Cela correspond à toutes tes attentes ?
Oui.
Elle sourit à nouveau, sa mère était heureuse, mais son visage devint grave et ses traits se durcirent.
— Maman, qui t'as assassiné ?
La pièce s'assombrit et l'air était lourd, comme si toute la colère du monde était présente en cet instant. Le triangle s'agita, bougeant à une vitesse folle, Lilith avait de la peine à le suivre, mais elle assembla toutes les lettres.
— Jonathan Gard. Tu sais où je peux le trouver ?
Trèfle d'or.
— C'est quoi ça ? Tu as plus d'information ?
Le seigneur sera avec toi.
Lilith poussa un soupir.
— Maman... Je t'aime et tu me manques atrocement, je n'aurai pas dû partir ce soir-là, je suis désolée...
Elle se remit à pleurer doucement. L'ambiance se détendit dans le grenier et sur son épaule elle sentit une pression. Tête basse, elle posa sa main par-dessus cette sensation, elle en était certaine, sa mère était là, elle le savait. Son cœur plein de colère sembla légèrement s'apaiser, elle se tourna, mais il n'y avait personne. Le petit morceau de bois s'agita.
Je t'aime aussi, au revoir.
Tout redevint calme. Lilith resta un instant assise sans bouger ; elle avait un nom et autre chose et elle trouverait ce que c'est. Elle essuya ses joues et partit se coucher.
Le lendemain soir, elle monta dans son taxi et lui indiqua une adresse. Elle rendait visite à une des sœurs avec qui elle s'entendait le mieux, bien qu'elle soit légèrement plus âgée. Carène avait vécu son ascension deux ans plus tôt et elle avait été fière de voir son amie de longue date réussir aussi bien la sienne. Le paysage défilait, les magasins aux enseignes criardes et aux néons multicolores qui agressaient les yeux. Le véhicule freina brusquement, devant eux un gros bouchon dû à un accident un peu plus loin, personne dernière, l'homme fit demi-tour. Ils empruntèrent une ruelle attenante, Lilith observait cet endroit mal famé, les clochards qui flânaient parmi les prostituées et les bâtiments crasseux. Son cœur rata un battement.
— Arrêtez-vous ! hurla-t-elle.
Le chauffeur sursauta et pila. Elle lui balança quelques billets et sortit, ne pouvant détacher les yeux de ce qu'elle voyait ; une pancarte en bois vert délavé indiquait "Le Trèfle d'Or". Elle traversa et passa la porte noire, pénétrant dans ce qui semblait être un pub miteux. Elle s'assit au comptoir et commanda une tequila. Le barman lui servit un shot.
— Dites, connaissez-vous par hasard un certain Jonathan Gard... ?
L'homme fixa Lilith quelques instants avant de lui montrer, d'un coup de tête, une table au fond. Elle le paya, lui laissant un pourboire conséquent. Lilith avala d'un trait son verre puis elle se dirigea vers sa cible.
— Bonjour, je peux me joindre à vous ?
Jonathan leva les yeux et sourit, dévorant la jeune femme du regard. Il poussa de son pied la chaise à côté de lui et elle prit place.
— Tu m'veux quoi ?
— Faire connaissance, t'offrir un verre... Et puis quand on sera saoul, on ira baiser chez moi.
— Oh putain, je suis tombée sur une sacrée chaude là... Bah écoute, allons y maintenant...
— Non, non, d'abord, on boit.
Elle commanda une bouteille de Tequila et but plusieurs verres, servant de plus en plus l'homme plutôt qu'elle. Son but accompli, elle l'aida à se lever et ils rentrèrent chez elle. Ils montèrent au grenier et elle commença à l'embrasser langoureusement. Ils s'allongèrent par terre, Lilith au-dessus quand elle se releva subitement ; dos à l'homme, elle murmurait des prières. La pièce devint sombre, la pleine lune brillait de mille feux à travers la lucarne et pourtant, un voile noir semblait entourer chaque chose. Lilith sentit son rythme cardiaque s'accélérer, sa peau fut parcourue d'un terrible frisson et comme une extase explosa en son ventre. Ses iris et sa sclère devinrent totalement noirs. Un sourire carnassier ornait son visage et quand elle se retourna elle n'était plus elle même. Son seigneur avait pris possession de son corps et elle l'avait accueilli à bras ouverts.
— Tu as tué ma mère... articula Lilith d'une voix sombre et puissante.
— Qu... Quoi ?
— Tu as tué ma mère sale enfoirée, pourquoi ?
L'homme fronça les sourcils et sembla comme retrouver ses esprits.
— Oh ! Ah ah, oui. Je suis entrée pour voler quelques trucs, tu vois et elle était là, j'savais pas qu'y'aurait quelqu'un, mais... Son petit cul m'a donné bien du plaisir et j'pense que je vais faire la même avec toi.
Il se releva en titubant, Lilith souriait à pleines dents. Un sentiment de colère la submergea, puissant, destructeur ; une onde de choc sortit de son corps et propulsa l'homme contre le mur d'en face, quelques mètres plus loin. Il retomba sonné entre quelques cartons et fixa la silhouette. Des craquements d'os se firent entendre quand Lilith se replia sur elle même dans un pont parfait. Elle se rua vers Jonathan qui hurla de toute ses forces ; de ses mouvements saccadés, mais rapides, elle rejoint l'homme en quelques secondes. Elle se redressa et le souleva par le col. Elle colla son visage aux siens pour pouvoir se délecter de sa terreur et quand l'homme plongea ses yeux dans ceux de la jeune fille, il faillit défaillir. Il vit dans sa tête des scènes qui le firent pâlir et qui, accompagnées de l'haleine pestilentielle du monstre en face de lui, lui donnèrent des hauts le cœur. Lilith n'était plus elle même, les traits de son visage étaient complètement déformés, ses dents étaient toutes pointues et sa langue qui venait lécher le visage en face d'elle était longue et coupée en deux sur une bonne longueur. Des veines noires parcouraient sa peau diaphane et elle souriait plus que jamais. Elle enfonça doucement sa main dans le ventre de l'homme qui hurla de plus belle ; elle plongea sa tête d'un geste vif et lui arracha la langue. Le sang coula abondamment, il ne criait plus. Ses ongles se plantaient dans la chair et transperçait sa peau, se retrouvant parmi les boyaux elle attrapa quelque chose et tira. Se déroulant, son intestin se retrouvait maintenant devant ses yeux, il essaya de se débattre, mais face à la force titanesque qui le maintenait par le cou, il n'avait aucune chance. Elle tirait et tirait sur l'organe, l'homme effaré ne pouvait que subir. Elle baissa ensuite son pantalon et observa ce ridicule bout de peau qui pendait entre ses jambes ; elle le saisit et tira, l'arrachant et le balançant à terre comme un vulgaire mouchoir. L'homme se vidait de son sang, elle lui donna le coup de grâce en lui lacérant le visage jusqu'à ce qu'il n'en ait plus. Son oeuvre terminé, le démon rendit son corps à Lilith qui s'évanouit sur le sol, le sourire aux lèvres.
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