13. Mélissandre.
— Mélissandre !
La jeune fille descendit les marches et accourut rapidement vers la matrone.
— Demain, c'est ton Grand Jour. Aussi, dans ma bonhomie, je t'accorde une demi-journée de repos. Cet après-midi, tu auras quartier libre, mais en attendant, chambre trois dans dix minutes.
La mère Gressie lui balança le linge dans les bras puis elle fit demi-tour, faisant tourner ses jupons. Mélissandre baissa les yeux ; dans ses mains une robe blanche et un tablier rose, mais pas de chaussettes ni de chaussures. Elle fila coiffer ses cheveux châtain de deux couettes ornées de ruban mauve, enfila ses vêtements puis maquilla son visage ; se faisant un teint de porcelaine et des joues poudrées. Elle entra dans la chambre trois puis se plaça parmi une multitude de jouets et poupées elle resta ensuite aussi immobile que possible. Quelques instants plus tard, un homme passa la porte, rangea sa veste, son chapeau et son écharpe sur le porte-manteau puis s'assit sur le grand lit à baldaquin. Il desserra son nœud papillon et détailla l'endroit du regard. Ses yeux se posèrent sur Mélissandre qui fixait le vide devant elle. Il se dirigea vers elle puis il se baissa, caressant ses petits pieds nus. Il les porta à son nez et prit une profonde inspiration puis il saisit la jeune fille dans ses bras et la déposa avec douceur sur le matelas comme par peur de la briser ; elle resta totalement immobile, désarticulée laissant l'inconnu faire tout ce dont il désirait. Cependant, son grand jour étant demain, il n'avait pas le droit de la pénétrer. Il déboutonna son pantalon, l'ôta puis se servit de la frêle main de sa poupée pour se soulager tout en fixant ses jambes et ses petits orteils. Au bout d'une heure, l'homme se rhabilla et sortit ayant pris soin de déposer l'argent dans la coupelle prévue à cet effet. Mélissandre se leva, fit un brin de toilette et alla déjeuner.
— Vous avez vu les filles, il y aurait un tueur en ville.
— Selon les nouvelles de ce matin, ils l'auraient arrêté, c'était juste un dérangé, dit-on.
— S'ils commencent à tous les mettre en prison, nous n'aurons plus de boulot !
Elles gloussèrent.
— Alors Mel', c'est demain le Grand Jour ! J'espère que tu tomberas sur un homme plus doux que moi !
Toutes acquiescèrent.
— Profite de ton après-midi, tiens, elle déposa sur la table quelques sous. Va t'acheter quelques sucreries, c'est de la part de nous toutes !
— Merci les filles, dit-elle en souriant.
Le repas terminé elle monta s'habiller chaudement et elle sortit. Elle arpenta les rues pavées ou quelques personnes flânaient en faisant leurs commissions. Elle s'arrêta devant une boutique à la devanture colorée, sourit puis franchit la porte, faisant tinter la clochette. Le commerçant l'accueillit chaleureusement, c'était la première fois qu'il la voyait aussi lui fit-il déguster quelques douceurs. Il lui proposa un verre de vin, afin qu'elle se réchauffe, qu'elle accepta avec bonheur. Finalement, elle passa un bon moment dans le petit magasin, c'était un charmant quadragénaire et ils discutèrent longuement. Le marchand lui posa tout un tas de questions sur elle et sa profession auxquelles elle répondit avec une certaine réserve, mais sans gène particulière grâce à l'alcool. Elle acheta des sucreries pour elle et ses sœurs puis elle rentra.
Le lendemain arriva rapidement, elle fut réveillée et apprêtée. Des enchères secrètes avaient eu lieu hier soir, seulement avec des hommes ayant des moyens financiers conséquents. Elle fut accompagnée dans une des luxueuses chambres puis elle attendit. Elle portait une des plus jolies robes, celle des grosses occasions, destinées aux adhérents les plus fortunés, avec des bas blancs et des souliers vernis. Les deux nattes qui encadraient son visage maquillé comme d'habitude lui donnaient cet air si juvénile qui plaisait tant ; elle était adorable. Elle respira un grand coup, son client n'allait pas tarder. Elle se posait un milliard de questions quand elle entendit la porte s'ouvrir. Son cœur battait la chamade et ses mains étaient moites, elle espérait qu'il ne s'en rendrait pas compte. Elle comprit que l'homme se débarrassait de sa veste puis elle le vit s'asseoir sur le lit, en face d'elle. Il portait un masque ; cela arrivait souvent, mais là, elle ne sut pas pourquoi, elle eut un mauvais pressentiment. L'inconnu la fixait, elle pouvait percevoir à travers les trous ses yeux, briller d'une excitation qu'elle ne connaissait que trop bien. Il se caressa longuement avant de se diriger vers elle. Un peu brusquement il la saisit et la déposa au sol relevant ses jupons. Il observa son intimité puis il ôta son masque. Le marchand de bonbons se lécha les lèvres plusieurs fois portant sa main droite à son dos. D'un geste vif, il planta un couteau dans l'épaule de Mélissandre, qui, stupéfaite, n'eut pas le temps de hurler. Il apposa rapidement une pression sur sa gorge, l'empêchant de crier tandis que son sang à imbibait petit à petit la robe blanche. Les yeux écarquillés, la bouche grande ouverte cherchant désespérément de l'air, elle fixait son bourreau, essayant de se débattre sur le sol glacé de la chambre. Son bras lui n'était que douleur et des larmes commencèrent à rouler le long de ses joues. Le confiseur souriait, le regard fou, il la maintint d'une main, défit son pantalon et tenta d'abuser d'elle, mais son impuissance le rendit furieux. Les yeux maintenant révulsés, Mélissandre sentait son corps s'engourdir et sa vision se troubler, un filet de bave coulant de ses lèvres rosées. L'homme arracha le couteau et le planta avec force dans son autre bras, si bien qu'il se cala dans le plancher en dessous. Il desserra son emprise sur son cou, il voulait que cet instant dure, après tout, il avait payé pour cela. De par la douleur, Mélissandre reprit légèrement ses esprits, elle lui griffa les mains, battit des pieds essayant de hurler, mais ce désespoir mourut dans sa gorge étouffée. Le marchand était costaud et il ne lui laissait aucune chance de survivre. Il saisit à nouveau son arme et lui asséna un coup sauvage dans son intimité puis il continua, oscillant entre son ventre, sa poitrine, encore et encore. Baignant dans son sang le corps de la jeune fille n'était plus que charpie, ses yeux rouges et exorbités tranchaient sur sa peau livide et de sa bouche ouverte sortait à jamais le cri silencieux de la poupée violemment assassiné.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top