Un orage, un piano, une insomnie

Un orage, un piano, une insomnie.

*

La mélodie était magnifique

C'était un air de piano doux, tendre et lancinant. Ambre avait l'impression de flotter dans un océan d'étoile, de flotter comme une mer de nuages et d'embraser la galaxie. L'air l'emplissait, la remplissait, l'attendrissait. Il mélangeait douce nostalgie, repos langoureux et parfaite quiétude.

Dehors, la tempête faisait rage. Le vent grondait, le ciel s'assombrissait et les nuages semblaient sur le point d'exploser... elle avait l'impression que l'univers était sur le point de tomber en morceaux.

Ambre avait toujours détesté ces nuits-là. C'était sans doute doute une vieille réminiscence de son passé, lorsque sa famille explosait en morceau comme des étoiles filantes comme le ciel. Elle n'arrivait jamais à dormir, les soirs orageux. Habituellement, elle tournait en rond pendant des heures, s'efforçait de dormir, n'y arrivait pas et finissait tremblante de colère, ou bien plongeait dans des cauchemars sans fond.

Mais ce soir-là, ça avait été différent.

Ce soir là, elle avait apprit qu'elle était enceinte.

En-cein-te.

Enceinte.

La nouvelle était tombée, crue, directe. Inimaginable.

Impossible.

Ambre s'était sentie anéantie, paniquée, comme si son propre corps la trahissait en faisant grandir un être étranger dans son corps. Elle aurait dû s'y attendre, pourtant : elle avait ses règles depuis l'adolescence, prenait la pilule assez aléatoirement et n'avait plus ses règles depuis deux mois. Mais elle espérait vraiment, vraiment s'être trompé. Son cycle n'avait jamais vraiment été régulier, elle ne ressentait aucun des symptômes, et puis, elle n'était pas du tout prête ! Son corps ne le sentait-il donc pas, qu'elle refusait d'accueillir ce voyageur clandestin ?

Elle n'était ni parfaite, ni exemplaire, ni même consciencieuse. Au contraire, elle était étourdie, maladroite. Elle avait déjà des difficultés à s'occuper d'elle-même. Alors d'un enfant ?

Elle se sentait fébrile, minuscule, un simple atome dans l'immense univers. Infiniment petite, ridicule. Elle voulait garder son bonheur égoïste, vivre une vie tranquille en compagnie d'Isaak et ne pas réfléchir à la possible idée d'enfanter avant bien des années.

Elle n'était tout simplement pas prête.

C'était quand même une bien étrange idée, de donner la vie à quelqu'un. Quelqu'un qui l'appellerait maman. Qui la réveillerait la nuit après avoir fait un cauchemars, qui lui demanderait de l'aide pour faire ses lacets et qui détournerait les yeux avec une grimace quand elle embrasserait Isaak.

Elle n'était peut-être qu'un minuscule atome dans l'univers, mais engendrer la vie lui semblait inconcevable.

Alors elle avait craqué. Elle avait réveillé Isaak, totalement paniquée. Il lui semblait que le monde s'écroulait sur sa tête. Son cœur s'était emballé, son souffle accéléré. Elle n'arrivait même plus à parler.

Il l'avait simplement pris par la main. Ils étaient descendus dans le salon, discrètement, sans un bruit, comme s'ils craignaient de réveiller quelqu'un. L'orage avait contemplé cette escapade silencieuse en grondant

Isaak s'était assis au piano, et avait commencé à jouer.

Et la mélodie était magnifique.

C'était une musique magnifique, de celles qui la transportait, la faisait vivre, lui rappelait son bonheur incroyable et confus. L'étau qui enserrait la poitrine d'Ambre s'était doucement résorbé, comme un mauvais rêve dont on garde seulement un goût amer sur la gorge. Il lui semblait que la musique se répandait dans son corps, dans ses os, la berçait tendrement et murmurait des paroles réconfortantes. Elle se sentait plus forte. Plus fragile, aussi. C'était une étrange sensation, un mélange de doutes et de certitudes, d'interrogations et de réponses, de peurs et de courage.

Pour la première fois de sa vie, elle n'avait plus eu l'impression d'être vide.

Non, mieux encore : elle s'était sentie...

vivante.

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