Rencontre entre humain et créature surnaturelle.

Rencontre entre humain et créature surnaturelle.

*

- Bianca ? Bianca !

Bianca fronça les sourcils en reconnaissant la voix d'Hazel. Il était une heure du matin, sa belle-mère était couchée depuis deux bonnes heures. Si elle se faisait surprendre en train de discuter avec quelqu'un, elle allait se faire arracher la tête.

Elle ouvrit rapidement la fenêtre. En dessous, Hazel l'attendait avec un grand sourire, comme super fière d'être ici. Bianca ne put s'empêcher de sourire elle aussi - avec une minuscule pointe d'angoisse.

Quand on réveillait les gens la nuit, c'était rarement pour leur annoncer une bonne nouvelle.

- Ma belle-mère dort, souffla-t-elle le plus silencieusement possible.

- Mes parents aussi !

Bianca leva les yeux au ciel en réprimant un sourire. Elle était gentille, Hazel, mais ça aurait quand même été plus pratique si elle savait chuchoter.

- Bouge pas, j'arrive.

Bianca referma doucement sa fenêtre, prit une paire de chaussette au hasard et descendit le plus vite possible les escaliers, son cœur battant à toute vitesse. Elle avait l'impression de voler. Non, mieux encore, elle ne faisait que planer depuis quelques jours. Hazel devait être un ange pour lui permettre de s'envoler et survoler tous les problèmes. Elle espérait juste que la chute ne serait pas trop dure.

Elle enfila rapidement ses baskets, prit les clés et sortit. Hazel l'attendait devant son porche.

- Qu'est-ce qu'il y a ? demanda-t-elle en refermant la porte le plus doucement possible.

- Je repars en ville, demain.

- Oh...

Elle aurait dû s'en douter. Ce n'était pas une bonne nouvelle.

Bianca retint un soupir de déception. C'était juste pour ça, qu'elle était si heureuse ? Elle ne savait pas qu'Hazel détestait à ce point la campagne. D'accord, son village ne valait peut-être pas l'agitation de la ville, mais il avait son charme, aussi. Un charme plus discret, plus calme, le genre de charme qui faisait ralentir le coeur et respirer après des années d'errance.

Une vie sans Hazel allait être bien morne.

Hazel sourit malicieusement, inconsciente du dilemme qui se déroulait dans la tête de Bianca,

- C'est justement pour ça qu'il faut profiter à fond de la dernière nuit ! On fait la course jusqu'aux champs ?

Bianca sentit son coeur faire une embardée. Hazel ne l'avait pas oubliée. Non, mieux encore, Hazel avait pensé à elle pour passer sa dernière nuit. Elle n'était pas un ange. Elle était son ange, un ange-gardien qui venait lui offrir des paillettes dans la vie et des papillons dans le cœur.

Celle-ci lui lança un regard désabusé avant de se mettre à courir. Bianca sursauta et s'élança à sa suite. Quelle tricheuse ! Elle allait vite, en plus. Bianca sprinta jusqu'à la clôture et y arriva une demie seconde après Hazel, à bout de souffle.

- T'es partie avant.

- Mauvaise perdaaante, se moqua Hazel.

- Non, perdante réaliste.

- Avoue juste que t'as le seu... attention !

Hazel poussa Bianca dans l'herbe tandis qu'une voiture rouge pétard déboulait sur la route, illuminant l'encre de la nuit par ses lumières dorées. Elle ralentit au niveau de la barrière, frôlant les deux filles allongée. Une tête masculine émergea de celle-ci. On aurait dit qu'il recherchait quelqu'un.

Bianca savait qu'elle aurait dû être morte de peur, mais le souffle d'Hazel, à deux centimètres d'elle, la déconcentrait trop. Il lui semblait que l'univers n'existait plus. Elle voyait l'herbe, le vent, les phares qui battaient la campagne et les grognements furieux de l'homme, mais... c'était comme si son cerveau n'enregistrait plus rien. Tout lui semblait dérisoire.

Après quelques secondes, l'homme accéléra, et les deux filles éclatèrent de rire.

- C'était ton père ?

- Non, je croyais que c'était le tien.

Hazel fronça les sourcils, avant de hausser les épaules.

- J'imagine qu'on est pas les seules ados à fuguer la nuit, surtout quand il fait aussi chaud. C'est pas toi qui voulait me montrer un endroit trop cool ?

- Oui ! (Bianca se redressa brusquement, tandis que son cœur s'emballait une énième fois. Hazel se rappelait qu'elle voulait lui montrer quelque chose !) C'est une clairière dans la forêt, elle est trop belle.

- On passe par la forêt ?

- Bien vu Sherlock.

- La forêt, la nuit ?

- Pourquoi, t'as peur ?

- Clairement. Mais bon, je compte sur toi pour me protéger.

Sa réponse fit rire Bianca. Définitivement, Hazel allait lui manquer.

Elle aurait aimé ressentir cette complicité avec ses amis d'ici, mais... elle n'y arrivait pas. C'était juste impossible. Elle se sentait trop différente, ici, comme un loup qui aurait endossé un costume de mouton ridicule. Elle ne leur ressemblait pas, elle n'arrivait pas à être elle-même. Son existence actuelle était trop différente de l'ancienne.

Il n'y avait qu'avec Hazel qu'elle se sentait en sécurité, qu'elle pouvait s'autoriser à être elle-même. Avec Hazel, tout était plus simple. Si elle se sentait mal à l'aise, elle lui disait. Il n'y avait pas de mensonges, pas d'hypocrisie. C'était plus reposant.

- Tadaaam ! fit Bianca en dévoilant la clairière.

L'endroit était encore plus beau de nuit que de jour. Si Bianca s'était attendue à que les arbres l'effraient un peu, ils semblaient au contraire veiller sur les quelques humains qui se perdaient ici, tels des colosses immuables et insensibles au temps. Le fleuve qui détonnait en contrebas ressemblait aux roulis de la mer, et les libellules renforçaient l'aspect magique du lieu. La clairière était vraiment, vraiment magnifique.

- Je vais regretter la campagne, quand même.

- C'est normal, c'est le meilleur endroit du monde.

- Je t'assure, la ville c'est bien aussi.

- Oh, je sais... (Bianca prit une profonde inspiration, hésitant sur ce qu'elle allait dire. Cela faisait un mois qu'elle voulait en parler, sans jamais réussir à trouver les mots qui convenait. Cette fois, c'était sa dernière chance.) Parfois, je regrette un peu la ville, mais la campagne c'est vraiment mille fois mieux.

- T'as vécu dans la ville ?

Le regard étonné d'Hazel la fit rire.

- Ouais, pourquoi, je ressemble tant que ça à une campagnarde ?

- Ça tombe bien que t'abordes le sujet, parce que... (Hazel fit une grimace puis explosa de rire.) Non, je blague, je m'étais juste jamais posée la question. Je t'imagine pas vraiment vivre dans un minuscule appart, je pense.

Hazel haussa les épaules, comme si la question n'était pas vraiment importante. Bianca la contempla durant quelques secondes. Il était trop tard pour revenir en arrière, maintenant. Est-ce qu'elle pouvait lui faire confiance ? Oui, elle le savait, elle n'aurait jamais évoqué e sujet sinon. Mais elle ne savait pas si elle se faisait suffisamment confiance à elle-même. D'une certaine façon, ne pas en parler, c'était dénier l'existence de sa vie d'avant. Ça la rendait moins réelle. Moins difficile à supporter.

- J'étais pas vraiment dans un appart, en fait. Je me suis enfuie de l'orphelinat quand j'avais treize ans. Jusqu'à mes seize ans, je... j'étais dans un espèce de gang. On était quasiment que des gamins, on se battait contre les Sonnenkiller, des gosses de riches qui se prétendaient racailles. Ils faisaient pitié. Nous aussi, on faisait pitié. C'était... c'était une autre vie.

- Bah putain... Et comment t'as fait pour te retrouver là ?

- Un jour, une fille du lycée des Sonnenkiller est venue, pour me parler. Au moment où j'allais la vir, un mec m'a stoppé. Il m'a proposé d'aller vivre dans une famille à la campagne, à condition que j'oublie toute ma vie d'avant et que j'en parle à personne. J'avais pile le temps de courir à la gare pour attraper le train, il avait déjà préparé une valise et un billet à mon nom. Il s'était chargé de me trouver une famille d'accueil, un lycée où aller. C'était vraiment trop bizarre, mais aussi une occasion inespérée. Je savais que j'allais pas aller loin si je restais là. Alors j'ai dit oui.

- Et tu regrettes ?

Hazel lui prit la main et Bianca sursauta.

- Je... parfois, je me sens un peu mal à l'aise avec Lia, c'est elle ma famille d'accueil. Elle a perdue sa fille dans un accident de voiture et je la lui rappelle donc elle est souvent confuse. Et puis, c'était irréel de revenir au lycée après avoir vécu seule pendant trois ans. après, ça m'a permit de prendre un nouv...

- Ahouuuuuu !

Bianca se redressa instinctivement. A ses côtés, Hazel frissonna. L'atmosphère de la forêt ne leur semblait plus si calme, maintenant, mais remplie de secrets terrifiants.

- C'est là que t'es censée me protéger, murmura Hazel sans réussir à insuffler suffisamment d'énergie à sa blague.

- Ahouuuu ahouu ahouuuuuuu !

Les deux filles ne firent aucun geste durant quelques secondes.

- On dirait... un loup.

- Ou pire, même. Tu penses qu'on pourrait voir si on prenait de la hauteur ?

Bianca acquiesça. Elle s'apprêtait à faire la courte échelle à Hazel quand celle-ci se mit à escalader les arbres avec une facilité déconcertante. Celle-ci dû voir ses yeux incrédule puisqu'elle éclata de rire.

- Je fais de l'escalade en club, lui expliqua-t-elle.

Puis ses yeux s'égarèrent derrière Bianca et son visage changea de couleur.

- GRIMPE !

Bianca sursauta, son cœur accéléra. L'arbre était noueux, épais. Elle attrapa difficilement la première branche, glissa, se sentit irrémédiablement entraînée vers le bas. Hazel descendit aussi vite que possible et la tira vers le haut. Sa jambe s'érafla contre l'arbre et son T-shirt fit un craquement étrange, mais Bianca n'était plus à ça près. Elle escalada un deuxième, un troisième mètre. Une fois passé la première branche, l'ascension était plus simple. Un peu plus rassurée, Bianca se tourna vers Hazel.

- Ne regarde pas en bas, murmura celle-ci, livide.

Bien évidemment, ce fut la première chose qu'elle fit.

Bianca ne vit d'abord qu'une ombre. Une ombre qu'elle ne connaissait que dans les mythes mais qu'elle n'aurait jamais imaginer voir en vrai. Une ombre de plus en plus grande, qui se rapprochait de plus en plus vite.

Un loup garou.

Un loup garou, qui fonçait droit sur elles.

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