Morning routine d'un super-héros

Morning routine d'un super-héros.

*

- Superman, fait un effort, et arrête de mettre ton slip par dessus ton pantalon !

Clark Kent étouffa un bâillement avant de jeter un coup d'œil à sa tenue. Comme d'habitude, il s'était encore trompé dans l'ordre des vêtements au moment de s'habiller. Il fallait s'y attendre, aussi : à combiner les jobs de journaliste le jours et super-héros la nuit, il manquait cruellement de sommeil et faisait n'importe quoi.

- Désolé si je m'appelle Superman et pas Supermatin !

Enfin, ça, c'est ce qu'il aurait voulu répliquer. En vérité, cela ressemblait plus à :

- Ejjfhemapeleuf supermane, passuperfrhigu !

Lois éclata de rire, ce qui le fit se renfermer. Il n'aimait déjà pas ordinairement qu'on se moque de lui, mais se payer sa tête le matin, c'était vraiment la pire bassesse qu'on pouvait lui faire.

Il détestait vraiment les réveils.

Dommage que son rôle de super-héros lui empêche d'attirer l'attention sur lui. S'il l'avait pu, il aurait même fait passer une loi contre les réveils. Ou, à la limite, une loi interdisant de se lever plus tôt que dix heures du matin. C'était beaucoup trop tôt ! Comment les gens voulaient-ils passer une bonne journée si elle commençait déjà mal ?

- Allez, désolée mon super héros pref, souffla sa femme sans une once de sincérité.

Ça l'amusait bien, elle ? Clark Kent lui lança un regard noir. C'était facile de se moquer quand on était une personne matinale. Qu'est-ce qu'il aurait aimé, lui aussi, se lever de bonne humeur et avec la joie de commencer un jour nouveau ! Mais non, définitivement, sur ce coup Superman ne réussissait pas à comprendre sa femme.

Super, une nouvelle journée ! Il allait pouvoir la commencer très fatigué, se faire enguirlander par son boss parce que les cernes n'étaient pas bonnes pour l'image de l'entreprise, que tous ses potes se moquent de sa mauvaise mine, et mettre au moins trente bonnes minutes avant de pouvoir adresser la parole à quelqu'un sans être susceptible au cent-vingt-millième degré. Non, décidément, il n'arrivait pas à trouver de points positifs dans le fait de se lever tôt.

C'était véritablement handicapant, dans la vie. Lois ne comprenait pas sa souffrance.

La jeune femme lui lança un regard amusé, s'approcha de lui et lui déposa un bisou sur la joue en murmurant :

- Il faut bien que les super-héros aient une face caché, ce ne serait pas drôle sinon.

Elle n'avait pas totalement tort. Mais ce n'était pas non plus une raison pour le faire tourner en bourrique. Superman grogna (il s'exprimait souvent ainsi, le matin), et s'installa dans la cuisine.

Et là, il sentit que sa journée allait être encore pire que ce qu'il imaginait.

Les cocopops.

Il n'y avait plus de cocopops.

Comment allait-il pouvoir tenir la journée sans sa dose de cocopops ?

Il lui sembla tout à coup que l'univers s'effondrait. Même lorsqu'il avait cru perdre son chien, coincé dans une tornade, il n'avait pas eu aussi peur. Même lorsqu'il s'était battu contre Zod, le dernier membre de sa race, il n'avait pas ressentit une détresse pareille. Même lorsque sa mère lui interdisait de jouer à fortnite pendant un mois, il ne se sentait pas aussi défaitiste.

Plus rien n'avait de sens dans sa vie, maintenant.

Il s'échoua sur sa chaise, profondément dégoûté par la vie. Lois tourna un regard étonné vers lui. Son cerveau fit vite l'association entre la mine dépitée de son mari et le sachet vide qu'il tenait désespéramment contre son cœur, comme pour lui souhaiter un dernier au revoir. Parfois il n'y avait pas besoin de mot pour exprimer ce qu'on ressentait.

Superman l'avait sauvé plusieurs fois, par le passé - c'était comme ça qu'ils s'étaient rencontrés, d'ailleurs. Même si maintenant, elle le voyait plus comme Clark, le mec qui mettait son slip par dessus son pantalon, il restait un super-héros. Il venait en aide aux plus faibles.

Et là, c'est lui qui avait besoin de son aide.

- Ne bouge surtout pas, souffla-t-elle. Je suis de retour dans cinq minutes.

La porte claqua bruyamment, et Superman s'affaissa sur sa chaise. Il n'avait plus qu'à attendre, maintenant. Dans quelques secondes, il saurait si la vie était une magnifique pièce de théâtre dans laquelle il fallait attendre les dernières secondes pour enfin la comprendre, ou si ce n'était qu'une fdp.

La porte se rouvrit avec aplomb, et Superman se releva, plein d'étoiles dans les yeux.

- J'ai oublié mon porte monnaie, cria Lois dans l'entrée.

La porte se claqua de nouveau, tandis que Superman avait l'impression d'être une sirène qui sortait de la mer pour la première fois. Et s'étouffait. Et s'échouait sur une plage. Une plage sans sable. Une plage de bitume. De bitume brûlant. Avec des mouettes. Des mouettes qui volaient au dessus de lui. Et qui déféquaient sur lui. Et il était obligé d'écouter du Maitre Gims. A fond. Tellement fort que...

La porte le fit sursauter : il s'était tellement perdu dans ses divagations philosophiques qu'il n'avait même pas vu le temps passer (à quoi servait de garder la notion du temps quand la vie n'avait plus aucune saveur ?) Il était tellement affaissé que ses bras touchaient presque le sol.

- Il n'y en avait plus...

Les bras de Superman touchèrent vraiment le sol. Il eut l'impression que son cœur était le Titanic et faisait naufrage en jouant une mélodie triste et lancinante.

- Heureusement que j'ai réussi à amadouer le vendeur !

En souriant, Lois sortit un paquet de cocopops de derrière son dos. Les yeux de Superman se remirent à briller. On aurait dit un enfant qui découvrait pour la première fois le sapin de Noël et tous les cadeaux qui l'environnaient. Cela lui faisait l'effet d'une bouffée d'air frais dans le désert du Sahara, du deuxième paquet de pop-corn après en avoir mangé un entier devant la pub, de Macron annonçant qu'il allait pouvoir rester chez lui pendant un mois sans rien glander ou encore la crêpe chocolat-banane dans laquelle on découvrait en plus des oréos.

C'était juste fantastique.

- Finalement, c'est peut-être ça, ta véritable kryptonite.

- Tu sais bien que mon véritable point faible... c'est toi.

Superman n'était peut-être pas du matin, mais il vivait avec la plus merveilleuse femme du monde ; et ça, ça valait bien de se lever tous les matins à huit heure, alors qu'il ne travaillait qu'à partir de midi, ne serait-ce que pour lui faire plaisir.

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