Ta mère qui brûle la mer qui roule

VRraiEs HomMMEs Ne Fait PaS DE NDa eT ne bOUS souHAITe pAS une BoennE LectUERE

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Vingt et une heures quarante, le soleil descend doucement entre les nuages. Renjun et Haechan sont gays. Au fond, c'est toujours la source de leur conflit. Combat de coq, territoire restreint, hormone mal placée et haine intempestive. Deux gays pour un seul village, c'est trop.

"Oh regarde là-bas, y'a ta mère qui roule.
-Nique ta race."

Derrière eux, la mer brûle. Mais ça, ça n'a pas l'air de leur sauter aux yeux.

Ça ne fait que monter, c'est eux qui se mettent à brûler.

"Ducon va, avec ta puanteur qui pique les yeux.
-Toi-même !"

Et voilà, ça se finit toujours comme ça.

Toi-même.

"Toi toi-même !
-Adopté va ! On t'a trouvé dans une poubelle !"

Ça gueule, ça beugle, ça blesse. Comme si tout le sel de la mer se trouvait dans leurs bouches.

"Aïe ! Enculé de mes deux !"

Haechan vient d'attraper Renjun par l'arrière du crâne. Au point d'en arracher une petite mèche de cheveux roses.

"Tes cheveux de paille là, même pas bien décolor- aïe !"

Récidive, réciproque, les attaques s'enchaînent. Comme les deux faces d'un même miroir, incapable de ne pas répondre à la violence par la violence, à la stupidité par la stupidité.

"Paille de quoi même ? Va t'acheter une personnalité au supermarché putain.
-Ah ouais ? Bah j'irais voir ta daronne !
-De quoi tu parles ?
-Bah elle roule jusqu'au supermarché avec ses kilos de graisse !
-Mais putain t'es trop con, c'est ta mère qui roule, pas la mienne !"

Enragé, Haechan attrape le col de la chemise crème que porte Renjun. Dans un geste brusque, il pousse son adversaire à terre. Un nuage de sable se forme autour d'eux, alors qu'ils roulent tous les deux jusqu'au bord de l'eau.

" Ah ouais, et bah ta mère aussi elle roule !
-C'est dans la mer qu'on roule putain lâche-moi !
-T'as peur pour ta chemise de tapette ?"

Là, ils y sont enfin. Insultes perfides, ciblées, vécues avant d'être recrachées. L'homosexualité, donc.
Bousculade de trop, la "tapette" fait trempette.

"Oh... elle est bonne."

Renjun murmure, et Haechan, bon, il a quelques soucis d'auditions.

"Hein ?
- J'ai dis 'elle est bonne' !
- Qui ça ?
- La mer trouduc !
- Ma mère ???
- Putain mais-"

Ni une ni deux, Haechan se jette à l'eau. Ou plutôt, il se jette sur Renjun. Il l'attrape à nouveau par le col de cette pauvre chemise crème, souillée, rendue transparente par l'eau de mer.
Renjun lève une main vers le visage de l'autre, l'ennemi, le deuxième gay. Réflexe. Distance de sécurité.

"Tu fous quoi sur moi, dégage !
- Bah j'te fous des torgnoles, qu'est-ce tu crois ? J'suis pas ta pédale !"

Le coup part, claque un peu sur l'eau en même temps que sur le bras de Renjun, qui se voulait repoussant. Ils se fixent, choqués. Le coup de trop. Renjun regarde son bras, un peu rougi, regarde Haechan, même couleur.

Tout se met à brûler, la mer, le bras de Renjun, les joues de l'autre gay, l'eau encore. Et puis là-haut aussi, ça cogite un peu. Mais ça sort toujours maladroitement.

"Je-je voulais pas euh...
-Tu voulais pas ? Fous-toi bien de ma gueule ouais."

Renjun ne crie plus, il se remet à murmurer avec un reproche en demi-teinte. Ses insultes, ses mots acerbes, il ne les pense plus, il ne les pense jamais.

Un temps, puis deux.

"Tu comptes te barrer de là à un moment ?
-Ouais ouais"

Un temps, puis trois.

Rien n'a bougé.

"Et de ce village, tu comptes t'en barrer un jour ou pas ?"

Pas de réponse.

Haechan cligne des yeux. Rouge.

"Attends... C'est ça ton souci ?
-Quoi ?
-Quoicoubeh... "

Stupidité, sourire bêta, fierté futile et passagère. Il a déjà oublié la conversation sérieuse qu'il était sur le point de lancer.

Renjun brûle. Il devient rouge, mais c'est différent. Il serre le poing, ça lui rappelle la marque, le coup de trop.

"Putain mais j'ai vraiment, vraiment envie d'te gifler là.
- Ah, parce que t'à l'heure t'avais pas vraiment envie ?"

Lèvres qui se pincent, regard qui fuit.

"T'as pas répondu à ma putain de question.
- Ça te foutrait quoi que j'y reste ?"

Haechan emploie de nouveau ce ton irrité, avec un air de défi, haineux.

"J'sais pas trop."

Faux, mais on retrouve la douceur d'un ados presque normal, presque pas gay, presque pas coincé dans ce village paumé en bord de mer. Renjun sait, il ne sait juste pas encore s'il veut que Haechan sache lui aussi.

Le deuxième gay. Sa seule option. Haechan.

Son autre.

La seconde d'après, ça l'engloutit ; il y a trop de sel, trop d'eau, plus de Haechan. C'est une vague ridicule qui ne le tue pas, il a juste le temps de s'étouffer et de se laisser submerger par cette désagréable impression que la mort lui tend les bras.

Il se relève brusquement. Échapper à la noyade. Son front se heurte à un autre. Ses yeux lui piquent, lui brûlent. Il n'y voit rien. Il a aussi les oreilles pleines d'eau, mais bizarrement, il entend la voix de Haechan.

"Aïe ! Eh mec c'est pas parce que j'me casse pas que tu dois mettre fin à tes jours. Je vais pécho qui quand j'serai le seul homo du village ?"

Les yeux de Renjun s'écarquillent. Ça brûle, partout ; le bras, le front, les yeux, le cœur. Il est sacrément con Haechan, c'est une sorte de règle immuable, incontestée, il est seulement doué pour appuyer là où ça fait mal. Exactement ce qu'il vient de faire.

"Je serais jamais ton putain de vide couilles. Barre-toi. Trouve-toi une autre option."

Sourcils qui se froncent, rougeur qui disparaît. Les brûlures aussi disparaissent, derrière ne reste plus qu'un sentiment pâteux et désagréable. Un déjà-vu, déjà-vécu, le serpent qui se mord la queue. Parce que c'est toujours comme ça avec eux, cyclique, avec des hauts et des bas mais surtout des bas. Des déceptions.

"Hein ? Encore cette connerie ? J'avais bien compris alors, t'as pas un problème avec moi en fait...
-Tais-toi !
-T'as juste peur d'être mon bouche-trou...
-Ta gueule !
-T'as peur que je veuille de toi parce que j'ai pas d'autre option, mais la vérité c'est que toi aussi, tu meurs d'envie de me pécho !"

Silence.

Sidération.

Stupidité.

Enfin.

"Moi... aussi...? Tu...
- Moi, je, tu, aussi : ouais. Moi aussi, vouloir pécho toi. Toi aussi vouloir pécho moi. Capiche ?"

Capiche, ouais, carrément capiche. Renjun se trouve con, alors il ne dit pas ce qu'il pense à voix haute. Mais il sourit, ça en dit long.

Il est trop occupé à penser à rien, à eux, au rouge, pour voir Haechan s'approcher. C'est seulement quand leur nez s'apprêtent à se frôler qu'il réalise.

Réflexe.

Il réagit tout seul au contact. Sans vraiment y penser, il trouve une prise sur le bras de Haechan, et le pousse sur le côté, échange leurs places. Et la mer brûle de nouveau.

"Ah euh, pardon je euh-"

Renjun marmonne mais ses mots se perdent quelque part, entre les lèvres de Haechan.

Ça brûle de partout, même si depuis tout à l'heure, la mer a cessé d'être orange. Il fait sombre, Renjun distingue à peine le rictus de Haechan qui recule un peu.

"Allez, lève-toi. Il commence à faire froid et j'ai la bite qui s'emballe."

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