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Les années étaient passées, et alors qu'il était devenu un vieillard, Taehyung regardait les étoiles depuis les grandes baies vitrées de sa luxueuse villa.

Après avoir cherché des semaines, des mois, tentant de résoudre l'énigme que Jungkook lui avait envoyée, Taehyung avait ratissé tout le pays à sa recherche, mais sans succès. Au fil du temps, le châtain avait perdu la notion du temps, vouant son existence à la recherche de son petit cœur. Il était devenu vieux, et avait acheté cette villa, sur les hauteurs des montagnes qui donnaient vues sur la mer. Chaque soir, il s'asseyait sur sa grande terrasse, et observait les étoiles, se remémorant les jours où Jungkook lui posait toutes ces questions sur les nébuleuses et les constellations.

Il se remémorait cet amour si puissant, si magnifique qu'il avait ressenti envers ce garçon qui avait disparu. Il se rappelait de son visage si pur et si angélique, de son sourire si merveilleux, et de ses yeux noirs, qui le contemplait si intensément. Longtemps, Taehyung avait espéré que le gamin reviendrait sonner à sa porte, qu'il lui dirait qu'il l'aimait toujours. Ils auraient pu alors faire l'amour sous les étoiles.

Il observa le ciel depuis son fauteuil, son verre de whisky à la main, et ses yeux s'embuèrent. Il avala une gorgée, et dans la nuit, il souffla :

— Il ne devait y avoir que toi, moi, et les étoiles...

Taehyung se réveilla en sursaut, son front couvert de sueur et le cœur battant. La nausée lui vint quand il pensa au cauchemar qu'il venait de faire.

Jamais.

Jamais il ne voulait que son futur ressemble à ça. Il devait retrouver Jungkook. Alors il allait s'occuper de l'enterrement, de la paperasse, et ensuite, il partirait à sa recherche. Il vouerait toute son énergie à résoudre cette putain d'énigme. S'il le fallait, il engagerait des hommes pour le retrouver, mais jamais, jamais il n'abandonnerait son petit cœur.

Une bonne semaine était passée depuis ce fameux jour où tout s'était écroulé. Taehyung se leva, sentant son corps lourd et fatigué, et prit une douche fraîche histoire de se réveiller, puis il enfila un costume sobre, avant de rejoindre le hall. Aujourd'hui se tenaient les funérailles de son père, et Taehyung devait faire bonne figure. Il avait décidé de ne pas parler à l'église, laissant l'honneur à Jin, Namjoon, et ses oncles, de rendre hommage à Daek-Jae. Néanmoins, il avait accepté une interview avec une grande chaîne de télévision, et le rendez-vous avait lieu en début de soirée. Ce serait retransmis en direct, et la seule raison pour laquelle Taehyung avait accepté de parler à l'antenne, c'était dans l'espoir illusoire que Jungkook puisse le voir, et comprendre qu'il ne risquait rien à revenir à Séoul.

L'héritier avait travaillé son discours et ses réponses toute la soirée, essayant d'inclure des messages cachés à l'attention de Jungkook. Il devait absolument pouvoir communiquer avec lui par le biais de cet interview.

Seo-Joon, Hyung-Sik et Bogum conduisirent Taehyung à l'église. Des journalistes étaient déjà entassées devant la grande bâtisse, et les gardes durent jouer des coudes pour permettre au jeune homme de se frayer un chemin jusque sur le parvis. Là, SeokJin, Namjoon, Gil-Su et Woon-Joo, ainsi que leurs femmes respectives, attendaient. Il y avait également tous les amis proches de la famille, monsieur Choi, ainsi que Cristy, Sae-Ron et ses parents, mais aussi les investisseurs, les clients, et tout un tas de monde que Taehyung ne connaissait pas. Il en salua la majorité, et ajusta son costume, avant de rejoindre Jin et Namjoon.

— Jin, tu es toujours d'accord pour te charger du discours ?

— Oui, et Namjoon aussi, ne t'inquiète pas.

— Mon père va également dire quelques mots... affirma Namjoon. Mais... avant ça, est-ce que je peux te parler ?

— Bien sûr, je t'écoute.

Le grand blond lança un regard à Jin, avant de reposer les yeux sur Taehyung.

— Nan, pas ici... viens.

Il attrapa son bras, et s'éloigna de quelques pas, pour se retrouver un peu à l'écart du monde.

— Voilà... commença Namjoon, passant son pouce sur sa lèvre. Je sais que j'aurais dû t'en parler avant, mais il s'est passé trop de choses... et tu ne semblais pas des plus abordables...

— Nam, qu'est-ce qui se passe... ?

— C'est Jungkook.

Le visage de Taehyung changea d'expression.

— Quoi, Jungkook ?

— Peut-être que tu t'en moques, peut-être que ça ne changera rien... mais j'veux quand même t'en parler... la veille du mariage, nous avons emmené Jungkook dans un club de striptease, e-

— Vous avez emmené Jungkook dans un club de Striptease ?! marmonna Taehyung entre ses dents.

— Oui, au City Love.

— Vous avez emmené Jungkook au City Love ?!!! grogna-t-il la mâchoire serrée.

— Oui, mais ce n'est pas ça dont je veux te parler ! s'agaça Namjoon. Justement, Jungkook n'a pas apprécié du tout la balade... il... il était mal, et il voulait s'en aller. Sauf qu'on l'en a empêché, pensant qu'il essayait juste de se rendre intéressant. Alors qu'en réalité, il était vraiment mal... tout ce temps, tous ces mois sans toi Taehyung, Jungkook était malheureux. Il a tenté de le cacher, de faire comme si tout allait bien, mais cette fissure en lui... je ne l'ai vu que ce soir-là... cette faiblesse, que je ne pensais pas réelle... je l'ai vu, assura Namjoon.

— Qu'est-ce que tu veux dire par là ? demanda l'héritier, le cœur battant.

— Il t'aime, Taehyung. Et même si je ne comprends pas bien votre relation, tu méritais de le savoir... parce qu'il serait regrettable que tu imagines qu'il soit parti sans penser à toi.

— Comment est-ce que tu peux en être sûr ?

Taehyung agitait nerveusement la monnaie dans la poche de son pantalon, peu sûr de lui.

— Parce qu'il me l'a dit. Il m'a dit que notre famille vous avait séparée... que chacun de nous avait contribué à votre éloignement... et qu'il en était malade. Alors, n'imagine pas qu'il est parti en te laissant tomber. Je suis sûr que là où il est, il t'attend.

Taehyung lutta de toutes ses forces pour ne pas laisser l'émotion le submerger, et les larmes couler. Puis ses lèvres s'étirèrent en un sourire triste, et il posa sa main sur l'épaule de son cousin.

— Merci, Nam...

— Tu vas aller le chercher, hein ? s'inquiéta le blond.

— Je... je ne sais pas où il est.

— Mais on va trouver... si les flics s'y mettent, on pe-

— Je ne veux pas mêler la police à ça. Il ne mérite pas ça... je dois encore voir les détails avec l'avocat, mais si nous ne retrouvons pas Jungkook dans les six mois, des intérêts vont s'ajouter aux frais de succession... et il risque de s'endetter sans le savoir.

— Tu es sûr que tu ne veux pas organiser quelque chose pour le retrouver ?

— Non... dit Taehyung en regardant le sol, les mains dans les poches. Je vais payer les frais de succession pour lui, et entamer des recherches privées. Si je retrouve Jungkook, c'est pour moi, non pour lui imposer quoi que ce soit... et ce serait sympa que tu ne parles pas de notre conversation et de mes intentions à n'importe qui... prévint-il en regardant Jin.

Namjoon suivit son regard, et passa rapidement sa langue sur ses lèvres.

— Pas de soucis... je reconnais que nous ne sommes pas tous objectifs, et que certains peuvent être aveuglés par le pouvoir. Tu as mon soutien, Tae.

— Merci, Joonie.

Les deux hommes retrouvèrent le reste de la famille devant l'église, alors que le corbillard arrivait avec le cercueil de monsieur Kim. Les portes de l'église s'ouvrirent, et Seo-Joon, Bogum, Hyung-Sik, ainsi que Taehyung, portèrent le cercueil jusqu'à l'intérieur.

Toute l'église était inondée de fleurs blanches et mauves ; des gerbes, des couronnes, et un grand portrait de Daek-Jae était disposé devant le pupitre où le prêtre s'installa.

La cérémonie dura un peu plus d'une demi-heure. Jin, Namjoon, Gil-su et Woon-Joo passèrent tour à tour au pupitre, afin de rendre un dernier hommage au directeur du groupe Lotte. Taehyung ne souhaita pas parler, et à la fin de la cérémonie funèbre, le cercueil fut apporté jusqu'au crématorium.

Le châtain salua les gens venus lui faire leurs condoléances, et il ressortit sous la grisaille de Séoul, et rejoignit l'Audi. Seul Seo-Joon fut autorisé à l'accompagner, l'héritier souhaitant être seul pour faire le trajet. La pluie commença à tomber sur la capitale, et le trajet se fit en silence.

Trois heures plus tard, Taehyung rentrait au manoir, accompagné de ses gardes. La crémation avait été plutôt sobre, et Taehyung n'avait pas fait dans la dentelle. Il avait choisi une urne bleu et blanc, qui fut enfermée derrière une petite vitrine, au deuxième étage du crématorium. L'homme chargé de les accueillir avait laissé une carte de visite au jeune homme, avec les horaires d'ouverture, ainsi que l'étage et le numéro de la « case » où se trouvait son père.

— Vous y avez accès quand vous le souhaitez. La location est à régler au mois de janvier de chaque année... avant le trente et un... et... vous avez le droit de décorer, d'apporter des fleurs... les cases sont nettoyées toutes les semaines, alors ne vous inquiétez pas si vous avez peur que les fleurs fanent, nous pour-

— Ce ne sera pas utile... je doute que là où il est, il ait besoin de fleurs. Merci à vous, coupa Taehyung.

Il salua l'homme d'un signe de tête, et quitta les lieux. En arrivant au manoir, il fut désemparé l'espace de quelques heures, et monta s'isoler dans sa chambre.

— Monsieur, si vous avez be-

— Je sais, Seo-Joon... je t'appelle... merci.

Taehyung ouvrit la porte de sa chambre, et alla s'allonger sur le lit. Il y resta le reste de l'après-midi, et jusqu'à ce que le soleil décline. Il réfléchit à tellement de choses, que tout finit par s'embrouiller dans son esprit.

Il avait choisi de libérer Jungkook de l'emprise de son père. Il repensait à toutes ces fois, où la ceinture s'était abattue sur le dos du noiraud. À ses cris, ses hurlements et à chaque fois où il avait supplié pour qu'il arrête. Et il réalisa. Il avait tué son père, par amour pour lui. Pour le libérer, pour ne plus avoir à supporter la souffrance qui les entourait tous les deux. Jamais il n'aurait cru être capable d'ôter la vie à quelqu'un par amour. Et en y réfléchissant bien, jamais il ne l'aurait fait si son père n'avait pas agi comme il l'avait fait avec le gamin. C'était uniquement les actes de Daek-Jae, qui l'avaient conduit là où il était. Alors que ses yeux commençaient lentement à se fermer, Seo-Joon frappa à la porte.

— Monsieur... il faut y aller... l'interview est prévu pour vingt heures...

— J'arrive...

[]

Jungkook allait mieux. L'onguent de Songyun semblait agir, et déjà, il pouvait se mouvoir plus facilement sans grimacer, mais pourtant, il ne pouvait pas encore se rendre à la supérette à pied. Il y avait trop de trajets, et le couple angoissait à l'idée que leur petit protégé se blesse.

Songyun Kang s'était détendue, et à mesure que le temps passait, Jungkook la trouvait plus agréable. Ce n'était pas encore le grand amour, mais la vieille femme ne râlait plus comme au premier jour. Et ce soir, Jungkook attendait seul, dans la boutique déserte, que l'heure soit venue de rentrer. Les journées étaient longues à la boutique, et les clients se faisaient rares, alors Jungkook avait tout le loisir de laisser ses pensées divaguer. Et plus le temps passait, plus il s'imaginait que Taehyung ne viendrait pas.

Son message était bien caché, mais pas d'une difficulté extrême non plus, alors il avait dû parvenir à le décoder à l'heure qu'il était. Pourtant, il n'était toujours pas là. Jungkook n'aurait jamais imaginé que l'attente lui ronge autant le cerveau. Alors il s'occupait comme il pouvait.

Il alluma la télévision en fond sonore, et s'enfonça vers le fond du magasin, afin de faire le tri sur les invendus. Il était tard, et il doutait que quelqu'un vienne maintenant.

Alors qu'il triait les plateaux de nourriture et les boissons, il se mit à chantonner, bien trop loin pour remarquer que sur le petit écran, dans l'angle de la caisse, Taehyung était interviewé sur la mort de Daek-Jae Kim.

— Monsieur Kim, vous êtes maintenant l'héritier légitime du puissant groupe Lotte, comment voyez-vous le futur de l'entreprise ? Est-ce que vous vous sentez prêt à diriger ?

— Je crois... que j'ai été préparé toute ma vie à diriger... j'ai eu une enfance très stricte, et une éducation millimétrée pour pouvoir prendre en charge mes responsabilités dès que ce serait le moment... mais, je dois vous avouer qu'inévitablement, certaines choses changeront.

— Ah oui ? Lesquelles ? demanda la journaliste.

— Eh bien... je veux rendre ce groupe, plus humain... je veux pouvoir diriger avec une âme humaine, ne pas avoir à traiter les gens différemment parce qu'ils sont mes employés. Je veux faire attention à tout le monde. Quel que soit le poste au sein du groupe, il est important, et doit-être traité avec respect. Je veux... que les employés de la Lotte Society n'aient pas peur de venir me parler, qu'ils ne me craignent pas... car le danger est passé. Si vous avez besoin d'une oreille à l'écoute, je suis là, et je soutiendrai chaque cause qui en vaudra la peine.

Jungkook continuait de trier la nourriture, dos au petit écran, le volume étant trop bas pour qu'il entende quoi que ce soit.

— Merci, monsieur Kim, j'espère que votre message aura été entendu de la part des employés. C'est un très beau message, qui augure un renouveau encore jamais vu au sein d'une si grande société.

— Merci à vous, j'espère aussi qu'il sera entendu. Je n'ai plus qu'à attendre de voir si ma bonne étoile me guidera, plaisanta-t-il.

— J'vous le souhaite.





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