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Taehyung rangeait ses affaires dans la partie disponible de l'armoire blanche à côté de son lit, ignorant le garçon à ses côtés qui l'observait. Bon Dieu, pourquoi fallait-il qu'il se coltine un camarade de chambre ?!
— Je m'appelle Jackson Wang, j'suis en médecine. Et toi ?
— Qu'est-ce que ça peut te foutre ?! cracha-t-il amèrement.
Le garçon roula des yeux, et retourna à son bouquin de biologie, ignorant le garçon qui soupira d'exaspération. Il détestait être ici. Il détestait tout. Le pays, la langue, l'Université, cette putain de chambre et même ce mec qui n'avait strictement rien fait. Il voulait lui encastrer la tête dans le mur, et passer ses nerfs sur lui. Mais au lieu de ça, il jeta le reste de ses vêtements sur le lit, et sortit de la pièce, rejoignant le rez-de-chaussée, les mains dans les poches de son smoking Chanel. Immédiatement, Min-Ho fit son apparition, un gobelet de café à la main.
— Vous voulez un café ?
— Non, répondit froidement Taehyung avec une grimace de dégoût.
— Un chocolat ? Un soda ?
— Rien, merci.
— Vous allez où ?
L'héritier s'arrêta, regardant l'homme siroter sa boisson, et lui envoya un regard irrité.
— Tu vas continuer de me poser des questions, ou tu vas finir par te taire ?!
— Je peux arrêter si vous le souhaitez. Mais étant donné que vous ne connaissez personne dans cette Université, ou même dans ce pays, je pense que d'ici quelques jours, lorsque vous aurez fini de jouer de votre sale caractère, et que votre calme sera revenu, vous serez heureux de me trouver ici, que je vous parle, et vous propose un café.
Min-Ho regardait Taehyung avec un sourire satisfait. Il était sûr d'avoir réussi à moucher le gamin, et qu'il allait finir par se détendre. C'était sans compter sur l'excessive mauvaise humeur du jeune héritier, qui le toisa avec un sourire en coin, avant de lâcher :
— C'est fort possible... en attendant ce moment que tu sembles tant convoiter... ferme-là.
Le sourire du garde disparut, et l'héritier s'éclipsa plus loin, Min-Ho le suivant en retrait. Il marcha un peu au hasard à travers le campus, les mains toujours dans les poches, errant de façon nonchalante. Certaines filles lui lançaient des regards intéressés, mais il les ignora, se demandant quand est-ce que Seo-Joon allait lire le message qu'il lui avait transmis. Puis son esprit dévia sur ses cours. Il était ici, mais il ne savait même pas où se rendre demain. Dans quel bâtiment devait-il aller ? Et son emploi du temps, à qui devait-il demander ? Il haussa les épaules pour lui-même, se fichant royalement des prochains cours. De toute façon, vu sa note de fin d'année, il ne resterait pas longtemps à Harvard avec ce niveau si médiocre. Traînant des pieds, les mains dans les poches et le regard baissé, il finit par heurter un homme, dont la mallette de cuir marron tomba au sol.
— Oh, excusez-moi, je ne regardais pas où j'allais !
— Ce n'est rien ! répondit l'homme. En revanche, je ne suis pas sûr que vous ayez le droit d'être dans cette partie du campus si vous n'êtes pas étudiant, jeune homme.
— Oh, euh... eh bien, je le suis, assura Taehyung.
— Dans ce cas, je vous suggère d'enfiler votre uniforme, où vous risquez une sanction.
Il rajusta ses lunettes, puis lissa sa moustache, avant de reprendre sa route. Taehyung le regarda partir en grimaçant. Un uniforme ?! Il n'y avait pas pensé, pourtant en observant les étudiants déambuler, il remarqua que tous portaient un blazer à l'effigie de l'Université. Mais où devait-il demander pour en avoir un ? Encore un frein lorsque vous étiez héritier, et que tout était toujours fait pour vous, à votre place. Une fois seul, vous vous retrouviez toujours empoté, à ne pas savoir vous débrouiller par vous-même.
— Vous êtes toujours certain de ne pas vouloir de mon aide ? demanda Min-Ho d'un peu plus loin.
Taehyung émit un petit cri d'agacement en serrant les dents, et avança à pas assuré vers le garde.
— D'accord. Mais je ne suis pas ton pote ou toute autre connerie du genre, c'est compris ?! Alors, évite de me faire la conversation !
— C'est très clair, rétorqua-t-il avec un sourire en coin.
— Alors ? Tu m'expliques.
— Venez... nous allons passer récupérer votre uniforme à l'administration, puis je vous ferai visiter le campus, et on regardera quels sont vos cours.
Min-Ho le devança, et Taehyung le suivait de près. Il n'aimait pas être ici, il n'aimait pas cet endroit ni toute cette foule d'inconnus. Il aurait dû être habitué depuis le temps. Mais non, il préférait être seul que personne ne le regarde ou ne lui parle, et il avait toujours du mal à se comporter en adulte dans un lieu étranger, alors qu'il aurait voulu être encore un petit garçon.
Il pensa alors à Jungkook, qui, lui, aurait certainement été comme un poisson dans l'eau ici. Parce qu'il dégageait un attrait naturel. Il était simple, et ne semblait pas se soucier de ce genre de choses. Il l'aurait sûrement traîné partout avec de grands yeux écarquillés, ravi de se trouver dans cet endroit. Et il aurait rayonné. Il se serait rapidement fait des amis, et aurait excellé. Au fond, c'est lui qui méritait cette place à Harvard avec son score aux derniers examens, ce n'était pas lui. Lui, il avait presque raté ses partiels, et Taehyung n'était pas dupe, il savait qu'Harvard n'aurait jamais voulu de lui sans l'argent de son père. Ce qui le renvoyait encore plus bas que terre. Puisque lui aussi savait que jamais il n'aurait pu entrer dans cette Université de lui-même.
Jungkook l'aurait pu. Parce qu'il était comme ça. Bien plus fort et plus courageux que lui. En réalité, Jungkook était Santiago, son héros dans « Le vieil homme et la mer ». Son Santiago. Celui qui se battait jusqu'à son dernier souffle. Son idole, celui qu'il mettait sur un piédestal. Parce que jamais il ne renonçait, même si cela était insurmontable. Taehyung chouinait tel le gamin pourri gâté qu'il était, se cachant sous ses couvertures sans faire le moindre effort. Il avait tout eu dans la vie, sauf l'amour de son père, et celui de sa mère. Mais il n'avait manqué de rien. Il avait eu à manger, une éducation, des vêtements, et une maison. Et ça, de façon bien plus luxueuse que le reste des gamins de son âge. Alors que Jungkook n'avait pas eu tout cet argent, cette attention, et ces biens matériels,
Taehyung pensa alors que la force ne venait pas avec l'argent, ou le pouvoir. Mais avec l'amour. L'héritier en avait tellement manqué depuis sa naissance, qu'il n'avait jamais pu se forger un caractère. Il faisait semblant. Il avait toujours fait semblant. Il criait, tyrannisait les gens pour atteindre son but, et jouait de son pouvoir et de sa notoriété. Mais ce n'était pas ça, être fort et courageux. Au contraire. C'était être lâche. À l'inverse de Taehyung, Jungkook avait reçu de l'amour de la part de ses parents, de Jimin, ou encore de Yugyeom. Et même de Taehyung. C'est avec cet amour qu'il avait construit sa force. Car pour avoir confiance en soi, il aurait fallu que Taehyung soit aimé.
Depuis qu'il avait rencontré Jungkook, il se sentait pousser des ailes, comme s'il se sentait enfin capable de s'affirmer. C'était donc ça, être aimé ? Sauf que Jungkook n'était plus là. Et que Jungkook ne recevait plus l'amour de Taehyung, là où il était. Soudainement, l'héritier réalisa que Jungkook n'avait plus personne autour de lui. La seule personne au sein du manoir à le soutenir et à l'aimer, c'était lui. Alors qu'allait devenir son petit cœur, s'il était laissé à l'abandon ? Est-ce qu'il allait perdre cette force intérieure, ce courage, et cette détermination qui le caractérisait tant ?
Accélérant le pas derrière Min-Ho, Taehyung se fit la promesse de tout faire pour retrouver Jungkook le plus vite possible, et le sortir de cet endroit. Il l'emmènerait en haut des montagnes, et ensemble, ils pourraient admirer les constellations. Et enfin, il n'y aurait que lui, Jungkook, et les étoiles.
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Seo-Joon était descendu en quatrième vitesse au rez-de-chaussée, dans l'aile est du manoir, afin de regagner sa chambre. Là, Hyung-Sik l'attendait, sortant de la salle de bain, une serviette autour de la taille, et une autre à la main, se frictionnant les cheveux.
— Bordel, bébé ! Tu m'as fait peur !
— Qu'est-ce que tu fais là, toi aussi ? Pourquoi tu n'es pas dans ta chambre ?! râla Seo-Joon après son petit ami.
— Parce que j'en ai assez de passer mes nuits loin de toi...
— On est en service, Hyung-Sik !
— Et alors ?! On l'est trois cent soixante-cinq jours par an !
— Je sais... mais c'est risqué... imagine si on se faisait prendre ?!
Hyung-Sik s'assit sur le lit, et haussa ses larges épaules nues.
— Alors on se ferait virer.
— Et ça ne te dérange pas ?! vociféra Seo-Joon, le morceau de papier coincé entre les doigts.
— Non. Parce qu'il est peut-être temps de penser à nous... tu ne crois pas ?
Le brun s'assit à ses côtés sur le lit, et son regard tomba sur le morceau de papier.
— Si, bien sûr... mais j-
— Tu ne veux pas abandonner Taehyung... je le sais, souffla-t-il en prenant son visage en coupe entre ses mains. Mais tu es trop attaché à ce gamin...
— Je ne peux pas le laisser... je ne peux pas l'abandonner.
— Il n'est plus là. On va rester encore un an ?! À attendre qu'il rentre d'Harvard ?! Alors qu'on pourrait vivre ?! On ne peut plus rien faire pour lui, là où il est !
— Mais on vit !
— Non !! hurla Hyung-Sik en se levant. Je ne vis pas moi ! Je me meurs ici ! À assouvir les désirs d'un putain de taré plein aux as !
Il se ravisa, et s'agenouilla devant Seo-Joon.
— Bébé... partons... partons loin d'ici, juste toi et moi... on pourrait s'acheter une maison... faire un crédit, avoir un chien, j'en sais rien ! Mais partons.
Seo-Joon hésita, son regard triste passant du petit mot à Hyung-Sik.
— Laisse-moi lire ça avant... d'accord ?
L'autre soupira en se relevant, et disparu dans la salle de bain. Seo-Joon déglutit, et ouvrit le message de Taehyung, le parcourant des yeux.
Seo-Joon,
Tu vas bien ?
Rien à signaler ici. Ou quelques secousses dans l'avion.
Une fois arrivé, j'ai rencontré Min-Ho, qui te remplace auprès de moi, le temps de mon passage à Cambridge.
Vérifie que tout se passe bien au manoir, s'il te plaît. Et passe le bonjour à mon père. S'il te demande, dis-lui que je me porte bien. Une fois de plus, j'ai causé du tort à ma famille... Nul n'est parfait... Mais je profiterai de cette deuxième chance pour me reprendre, c'est promis.
Oh ! J'allais oublier ! Y a-t-il quelque chose de particulier que je doive faire ici ? J'ai un peu été abandonné à mon triste sort, et je me sens perdu. En tout cas, présente mes excuses à mon père pour moi s'il te plaît. N'oublie pas Jin et Namjoon, ils ne méritaient pas d'avoir un cousin si égoïste.
Demain, je commence mes cours à Harvard. Et je t'avoue que je suis un peu stressé d'entrer dans un nouvel environnement. Mais je te promets, à toi, comme aux autres, de faire de mon mieux. Et également de me reprendre, afin de rendre mon père fier de moi.
Crois-tu qu'il serait possible que tu demandes à Jungkook de me pardonner ? Ou alors, passe-lui simplement le bonjour... N'insiste pas ; s'il m'en veut, je le comprends.
Tu peux lui dire de prendre mon télescope quand il le souhaite, je sais qu'il aimait observer les étoiles. Aussi, je te remercie par avance pour tout ce que tu feras pour moi.
Crois en ma sincère gratitude pour m'avoir servi tout ce temps. Tu peux être fier de m'avoir supporté toutes ces années. Et aussi d'avoir autant servi le gamin arrogant que je suis. Rares sont les fois où j'ai pu vous rendre fiers, toi et ma famille...
Avec tous mes regrets,
Kim Taehyung.
Seo-Joon regarda de nouveau la lettre, ses yeux parcourant chaque mot sans arriver à trouver un sens cohérant à tout ça. Taehyung pensait-il vraiment tout ce qui était écrit ? Hyung-Sik sortit de la salle de bain en pyjama, et regarda son petit ami l'air soucieux.
— Qu'est-ce qu'il y a, ça ne va pas ?
— Cette lettre de Taehyung... elle n'est pas normale.
— Quoi ? Pourquoi ? demanda Hyung-Sik en lui arrachant des mains, avant de s'asseoir sur le lit en parcourant le papier des yeux.
Il la lut d'une traite, et la reposa sur le drap de coton égyptien.
— Je ne vois pas ce qu'il y a de bizarre... il te dit que tout va bien et qu'il est désolé, c'est tout.
Seo-Joon se retourna vivement vers son petit ami en parlant plus fort cette fois, tout en essayant de ne pas s'agacer.
— Voilà !!! C'est pour ça que je ne peux pas quitter cette maison Hyung-Sik ! Tu ne vois donc rien ?! Cette lettre n'est pas normale ! Pourquoi ne pas m'avoir envoyé un texto ?! Pourquoi avoir choisi de me faire passer une lettre manuscrite à ton avis ?!
— J'sais pas... il n'avait peut-être plus de batterie...
— Bordel, fais un effort ! hurla-t-il en roulant des yeux.
— C'est toi qui imagines qu'il y a des messages subliminaux dans tout ce que tu vois ! Il n'y a rien, Joon !
— Si ! Et je le prouverai !
— Comment ?!
— J'en sais rien ! dit-il en se levant pour ôter sa cravate et sa chemise. Taehyung est fan de chasse au trésor, de messages secrets, et d'énigme depuis qu'il est tout petit... il doit forcément avoir caché quelque chose dans ce message... ce n'est que du vent ! Jamais il n'aurait écrit ça comme ça, ça a forcément un sens caché.
— Très bien... en attendant, viens te coucher... je suis mort.
L'homme ne répondit pas, et se contenta de se déshabiller, avant de se glisser sous les draps, la lettre à la main. Hyung-Sik entoura son torse de ses bras, et lui colla un baiser sur les lèvres, avant de s'endormir contre son torse.
Seo-Joon, lui, continuait de faire vaciller ses pupilles contre les mots qui s'entremêlaient dans son cerveau. Il allait trouver, il le fallait ! Taehyung avait besoin de lui, c'était certain.
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