- 10 -

Monsieur Kim s'arrêta un instant, reportant son attention sur les hommes à l'arrière, immobiles, se tenant le long du mur.

— Messieurs, détachez donc notre invité. Je ne voudrais pas l'incommoder...

Jungkook sentit les menottes se faire enlever, et ses poignets enfin libres. Il joignit les mains devant lui et massa ses poignets douloureux tour à tour.

— Je t'en prie, assieds-toi, lui intima l'homme en lui désignant un gros fauteuil de cuir couleur camel.

— Non, je préfère rester debout.

Un rire s'échappa de ses lèvres, et l'homme s'assit, croisant ses jambes sous son bureau.

— Eh bien soit... je t'écoute.

Jungkook fronça les sourcils.

— Je suis monsieur Kim. Taehyung est mon fils. Il me semble que tu voulais me parler, non ?

Jungkook savait qu'il était dans le manoir des Kim, mais il ne pensait pas que monsieur Kim était... Ce type. Il l'avait imaginé plus grand. Plus jeune. Plus... Méchant ? Il n'avait pas l'air d'être le personnage horrible que tout le monde décrivait.

— Oui, je voulais vous parler. Mais il n'était pas nécessaire de me faire kidnapper dans mon sommeil, vous savez.

— Je crois... que tu ne comprends pas bien devant qui tu te tiens, et où tu te trouves, jeune homme. Je ne crois pas avoir déjà accordé autant de temps à un inconnu... qui plus es un gamin de ton âge.

— Je ne suis pas un gamin ! rétorqua l'étudiant, les sourcils froncés.

— En quelle spécialité es-tu... Jungkook ?

— Commerce international.

— Quelle année ?

— Première.

Daek-Jae le jaugea un instant, et reprit.

— Tu n'as pas l'air de pouvoir prétendre à une place à la SNU... tu as obtenu une bourse, je me trompe ?

— Vous savez qui je suis, vous savez que je suis son fils ! Pourquoi ne pas aller droit au but ?! Il me semble que ma vie, mes études, et ma famille ne vous intéressent pas plus que ça... alors, finissons-en.

Monsieur Kim haussa les sourcils.

— Eh bien... tu as beaucoup de caractère, Jungkook. Néanmoins, je me demande si c'est de l'audace, du courage, ou bien de la stupidité.

L'homme le regardait sévèrement. Il ne plaisantait pas, et peu à peu, il perdait patience.

— Libérez mon père... grogna-t-il en serrant la mâchoire. Il n'y est pour rien dans cette affaire. Et vous comme moi, savons qu'il n'a pas les fonds que vous lui demandez...

— Est-ce que tu crois que c'est aussi simple que ça, Jungkook ?

— L'agence pourra fermer. Mon père s'effacera. Contactez les représentants de la SLI... ils gèreront, eux. Ne vous en prenez pas aux plus faibles.

— Mais Jungkook ! Si je ne m'en prends pas à ton père... qui va me payer ?

— Les représentants d-

— Nous savons tous les deux qu'ils ne le feront pas. Nous irons directement au procès. Ce qui coûtera de l'argent à ma société, et me fera perdre du temps. Qui plus est... ma réputation risque de se ternir... alors que ton père a des contacts, je le sais. Il peut récupérer l'argent que l'assurance me doit. Et ça, sans que j'aie besoin de me mettre moi ou ma famille en première ligne.

Jungkook ne parvenait pas à croire qu'il se tenait devant un homme, qui lui expliquait avec un petit sourire suffisant, qu'il allait écraser son père telle une mouche. Ses yeux s'embrumèrent, il serra les poings de rage, et alors qu'il allait parler, monsieur Kim reprit :

— Jungkook... avec quelle note as-tu obtenu ton Suneung ?

— 99,98 %

Le sourire de l'homme s'élargit. Il savait que ce gamin était une mine d'or, un élément favorable. Dès qu'il s'était renseigné sur lui après que Taehyung eut avoué, il avait su immédiatement qu'il serait bien plus intéressant de faire affaire avec Jungkook qu'avec son père.

— Et... est-ce que tu as trouvé ta place depuis la rentrée ? Les cours te semblent difficiles, ou est-ce qu'au contraire, tu as pris de l'avance ?

Jungkook ne comprenait pas ce que cette discussion avait à voir avec son père ni avec l'agence, ou encore l'argent qu'il devait fournir à la famille Kim.

— Je... j'ai pris un peu d'avance, mais j-

— C'est ce qui me semblait...

L'homme se leva et croisa les mains derrière son dos, déambulant dans son bureau en réfléchissant. Il ne voulait pas gâcher sa chance. Mais en même temps, il n'allait pas non plus se montrer gentil avec le gamin. Pourtant, secrètement, il espérait réussir à le manipuler entièrement.

— Jungkook... jusqu'où es-tu prêt à aller pour tirer ton père de cette affaire ?

Les yeux noirs et sévères de l'homme se posèrent sur lui. Et bien qu'il sache ce que cette famille représentait, ainsi que tout le pouvoir dont elle disposait, Jungkook ne baissa pas les yeux. Il voulait montrer au dirigeant qu'il n'avait pas besoin d'être riche ou de posséder une multinationale pour s'imposer. Jungkook était prêt à tout pour que l'homme qui se tenait face à lui oublie jusqu'à l'existence même du nom des Jeon.

— Loin. Très loin. Je peux... faire ce que vous voulez... dites-moi, et j-

— Je vais te proposer un marché. À l'issue de ma question, tu n'auras que deux choix. Accepter, ou perdre.

[]

Taehyung observait la lune depuis son télescope. La nuit était claire malgré l'hiver, et il pouvait aisément distinguer la lumière cendrée ; cette partie de la lune habituellement invisible et légèrement éclairée par le reflet du soleil sur la Terre, quand il entendit du bruit à l'étage inférieur. Il consulta son téléphone qui affichait 3 h 34. Son père recevait de temps en temps des collaborateurs tard le soir, mais jamais à cette heure de la nuit.

Il sortit de sa chambre et remarqua que Seo-Joon n'était pas présent devant la porte. Lui qui d'ordinaire gardait l'entrée était absent, et le couloir était désert. Taehyung descendit jusqu'au premier, sur la pointe des pieds, et suivit la conversation qui s'entretenait dans le bureau excentré de son père. Il n'allait quasiment jamais dans ce bureau. Il était réservé aux étrangers, pour peu qu'il les laisse le visiter, ou alors lorsque son père le punissait très sévèrement. Mais il y avait longtemps que ce n'était pas arrivé.

Devant la double porte en bois massif étaient postés deux gardes, immobiles, dont Seo-Joon. Voici donc pourquoi l'homme n'était pas au deuxième. Le châtain posa sa main sur la poignée, mais Seo-Joon l'interrompit et murmura :

— Je ne ferais pas ça, si j'étais vous.

Taehyung l'observa un instant, parcourant son visage de ses prunelles. Il connaissait le garde depuis des années, et il le trouvait plutôt gentil. Néanmoins, il n'avait pas à lui dire quoi faire.

— Mais tu n'es pas moi... rétorqua-t-il sèchement.

Sa main fit tourner la poignée ronde et dorée, et il pénétra dans un petit couloir donnant sur une nouvelle porte vitrée et quadrillée de verre. À l'intérieur, Taehyung fut surpris de voir que Jungkook se tenait là, en jogging, les cheveux en vrac, et pieds nus, devant son père qui le regardait les bras croisés.

À l'abri des regards, il se terra dans l'ombre, et observa la situation. Quand monsieur Kim lui avait fait cracher la vérité plus tôt dans la journée, Taehyung n'avait pas été fier de balancer le nom des Jeon sur la table. Il savait que le gamin s'attirerait des ennuis. Mais il ne pensait pas que tout cela irait si vite, et que son père le ferait venir en pleine nuit. En détaillant la tenue du gamin, il réalisa qu'il avait dû être cueilli au sein même de sa résidence, et être contraint de venir jusqu'ici. Les voix étaient basses, mais il pouvait tout de même entendre la conversation.

— Loin. Très loin. Je peux... faire ce que vous voulez... dites-moi, et j-

— Je vais te proposer un marché. À l'issue de ma question, tu n'auras que deux choix. Accepter, ou perdre.

Taehyung ouvrit de grands yeux. Il savait de quoi son père était capable. Il avait pourtant prévenu Jungkook de rester loin de cette maison, de sa famille, et de son père. Mais le gamin n'avait pas voulu écouter.

— C'est simple... enchaîna monsieur Kim. Je t'offre la possibilité de me servir. Pour rembourser ce que ton père ne pourra jamais me payer.

— Q-quoi ? demanda Jungkook d'une petite voix.

— Tu restes ici, dans cette maison, et tu suis le moindre de mes ordres. Je te veux avec moi partout où je vais. Tu es très intelligent Jungkook, je suis sûr que tu peux m'être utile. Bien plus que mon fils. Bien plus que ton père...

Jungkook se glaça sur place. Il n'en croyait pas ses oreilles. L'homme le plus influent et le plus dangereux du pays venait de lui demander de le servir ?! Comme un simple grouillot. Comme s'il n'était rien. Comme s'il devait faire un erase complet de sa vie pour se mettre au service de la famille Kim !

— J-

— Si tu acceptes, tu seras bien traité et ton père pourra garder l'agence et oublier cette histoire d'argent. Tant que tu te conformeras aux ordres. Si tu refuses en revanche, souffla monsieur Kim en approchant son visage tout prêt de celui de l'étudiant, alors je ferais en sorte que tu ne revois jamais ton père et ta mère. Je ferais en sorte qu'ils soient ruinés et qu'ils n'aient jamais une chance de retrouver un emploi.

Jungkook se sentit piégé. Il n'avait pas voulu ça. Il n'avait aucun moyen de se sortir de ce mauvais pas. Il resta un instant immobile, ses oreilles bourdonnant sous le choc de la nouvelle.

— Mais... et mes études ? Et ma vie ?!! se mit-il à crier, hors de colère.

— Si tu parviens à concilier les deux, alors ça me va, au contraire. Je suis pour que tu continues ton ascension, Jungkook. Il ne faut pas brider ton intelligence, il faut la laisser aller de l'avant.

— Et ma vie ?!!!! Insista-t-il. Mes amis ! Ma famille !

Le visage de monsieur Kim se fit plus sévère.

— Tu feras partie intégrante de la famille Kim, Jungkook. Il ne sera plus question d'avoir d'autres relations que celles que je t'imposerai.

Taehyung observait depuis le couloir. Jamais il n'avait entendu son père faire une telle proposition à qui que ce soit. Et pourtant, bon nombre d'hommes au sein de son équipe lui étaient fidèles depuis des années.

Pour Jungkook c'était une chance inespérée. Des millions de jeunes garçons auraient tué pour entrer dans le cercle fermé d'une famille Chaebol. Mais c'était également assez délicat et compliqué de se défaire de ses amis et de sa famille.

Taehyung sentit un pincement de jalousie envers l'étudiant. Son père choisissait un gamin de son âge pour le seconder, comme s'il souhaitait le remplacer. Un instant, il entrevit une lueur. Si Jungkook le remplaçait, alors lui ne servait plus à rien ? Il ne serait plus tenu de reprendre le groupe Lotte ?! Dans ce cas... Si un autre se faisait emprisonner à sa place, lui pourrait être libre ?

— Je dois vous donner la réponse quand ? demanda Jungkook, la voix tremblante.

Monsieur Kim se mit à rire cyniquement.

— Jungkook, tu n'as pas bien compris... il n'est pas question que tu sortes de ce manoir. Si tu es favorable à ma demande, nous appellerons tes parents pour les en informer. Mes hommes récupéreront tes affaires dans ta résidence, et tu t'installeras ici. En revanche, si tu refuses... tu ne passeras pas la nuit, mon garçon.


****

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top