Prologue
Il n'est pas bon pour elle, mais la jeune femme ne peut s'empêcher de le désirer. Il est grand, fort, tout ce que les autres gamins de la fac ne sont pas. Mais il est marié, il fait partie de ceux qui veulent faire du mal à sa petite sœur.
La jeune femme se roule dans les couvertures et fait courir ses yeux avides de désir sur le corps de son amant. Il est policier, il a un fils. Cet homme a le même âge que son père.
Elle n'avait pas l'intention de détruire un mariage, mais elle devait la protéger, elle. Pour sa petite sœur, elle se répétait, mais ça aussi c'était un mensonge. L'homme dont elle est en train de tomber amoureuse est mauvais, rien ne pourra changer les faits. Mais elle a appris de lui. Il lui a montré l'horreur dont il est capable, dont ses parents sont capables.
L'homme se redresse, et la jeune femme qu'elle est en danger, elle le sent dans chaque fibre de son corps. Son instinct ne lui hurle qu'une seule chose : s'enfuir et ne jamais revenir. Désormais, elle en est sûre, elle sait que sa petite sœur est en danger. Elle est la seule raison pour laquelle la jeune femme est toujours là. Sa cadette est la raison pour laquelle elle travaille dans un club de strippe, sa petite sœur est la raison pour laquelle elle couche avec cet homme.
Enfin, c'est ce qu'elle se répète.
Son cœur lui fait mal, car elle sait qu'elle va partir, qu'elle ne reverra plus l'homme qu'elle aime.
L'homme qui va lui faire du mal.
— Je te revois quand ? demande-t-il.
Elle hausse les épaules.
— Je sors au cinéma avec ma sœur demain. Donc pas avant le week-end.
L'homme affiche un sourire éblouissant et un frisson parcourt l'échine de la jeune femme.
— Ta sœur, elle a l'âge de mon fils ? ajoute-t-il en s'allumant une cigarette.
La jeune femme se redresse et enfile son uniforme du club : un t-shirt beaucoup trop court qui montre beaucoup trop de sa poitrine. À nouveau, elle repense à sa sœur, pour elle.
— Oui, murmure-t-elle en attrapant son mini short.
Elle rassemble ses affaires avant de se poser devant le miroir. Esquissant un sourire, elle débouche son rouge à lèvres et replace une de ses mèches rousses derrière son oreille.
L'homme, lui, se redresse dans le lit et la regarde partir en silence. Une pique surgit dans ses entrailles. Il ne l'aime pas, mais l'idée de lui faire du mal lui déplaît. Alors il a décidé de déléguer le travail.
Dans la journée il a récupéré des camés et les a enfermés dans une cellule de dégrisement. Le policier n'aura aucun scrupule à les mettre sur les traces des jeunes femmes contre quelques grammes de poudre.
Les gars sont violents, pervers, ils feraient tout pour les clefs de leur nébuleuse chimique.
Elle pouvait échapper à cette fatalité, elle n'a pas l'âge.
Son amante pousse la porte du motel pour retrouver le parking mal éclairé, là où frémit la lumière jaunâtre des lampadaires. En silence, ses ongles manucurés enfoncés dans la paume de sa main, elle laisse couler une larme le long de sa joue. Puis, elle descend les marches métalliques, ses talons résonnant dans la nuit profonde. Le parking est vide à cette heure tardive, et même les femmes de joies ont raccroché pour la nuit. Arrivée dans sa voiture, elle réajuste son rétroviseur et allume le chauffage pour dissiper la buée accumulée sur le pare-brise avant de démarrer le moteur.
Une fois seule, elle ne peut ignorer la peur viscérale qui lui prend les tripes. Ici, personne n'est à l'abri, ici le monde entier a cessé de tourner, et elle sait pourquoi.
Sur la route bordée de platane, elle rencontre une vielle camaro. La voiture avance lentement à la lumière de la lune, slalomant entre les arbres. Le conducteur et sa jolie passagère disparaissent aussitôt l'abandonnant à la noirceur de la route.
La jeune femme resserre sa poigne autour du volant. Fuir lui semble comme la seule solution, mais il lui faut des preuves ; une raison d'arracher sa sœur à sa famille. Sinon, l'adolescente ne la suivra jamais. Car elle est têtue, elle traverse un âge où elle déteste le monde entier et trouve des raisons pour hurler sa colère. Mais qu'importe le prix, elle la sauvera de l'horreur de cet endroit.
Bientôt, la petite voiture traverse le centre-ville, les lumières des néons crépitent dans l'obscurité là où des âmes perdues flânent sur les trottoirs mal éclairés. Le véhicule accélère et traverse le pont, le seul pont qui cette ville et ses horreurs au reste du monde.
Elle sauverait sa petite sœur de cet endroit, de cela, elle en était sûre.
La voiture s'enfonce sur la départementale, elle a une heure de route pour de retourner chez elle, dans sa maison de mensonges. Alors, la jeune femme allume le poste radio et se laisse aller aux petites voix qui ronronnent dans le combiné.
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