Chapitre 8 - Enquête et compromis
Je fixe le plafond de ma chambre, le téléphone collé contre mon oreille, Jacob à l'autre bout du fil. Pour une raison que j'ignore, il veut absolument me voir. Peut-être à cause du devoir, mais je ne peux m'empêcher de rejouer en boucle le « pas moi » qu'il m'a lâché sur les escaliers. Finalement, j'acquiesce ; je me rendrai à la soirée après tout. Pour une raison obscure, je veux voir Jacob, sortir de chez moi.
Ne le laisse pas gagner sa place, ne le laisse pas se glisser sous ta peau.
Non sans tituber, je me redresse sur mon lit. Plus le temps passe, plus j'ai l'impression de m'enfoncer dans un monde inconnu. Je repense à Gwen, à mon épisode d'aujourd'hui, à la réaction de mes camarades, des adultes.
Ce n'est pas le moment de penser à ça.
Je ne peux pas me le permettre.
À nouveau, je pianote sur mon téléphone. Mes nouvelles amies m'appellent déjà pour sélectionner une tenue. Je reste immobile devant mon miroir. Comment m'habiller pour cette soirée ?
Dure tâche.
Les filles de mon groupe ont visiblement vu la sortie comme une opportunité de se mettre sur leur trente et un. Rosa affiche ses choix de vêtements sur la conversation, une jupe outrageusement courte et un haut trop révélateur. Violette et Sam optent pour quelque chose de plus sobre, des habits néo-gothiques dans le thème. Puis, il y a Camille.
Camille, toujours trop.
Des tenues sexy et colorées, qu'elle adore tellement. À moitié entre la petite écolière et l'actrice porno.
À vrai dire, je n'ai encore pas l'autorisation de mes parents. J'imagine que je serai assez douée pour les convaincre. Ils ne sont pas au courant de la connexion entre le meurtre de Maëva et la disparition de Gwen, ils vont le constater par eux-mêmes, ce qui me donne encore quelques heures de répit. J'ignore ce qu'ils feront lorsqu'ils découvriront la vérité, et je m'en fiche. Je dois me changer les idées et penser à autre chose.
Finalement, je choisis des porte-jarretelles et un T-shirt qui me descend jusqu'à la moitié de mes cuisses. Puis j'enfile mes chaussures avant de me maquiller. Bien sûr, toujours plus Lily.
J'attrape ma longue veste et dévale les escaliers. Arrivée devant la porte, j'étudie mes options. Primo, je peux me casser en silence, rebelle jusqu'au bout. Le point positif : je n'ai rien demandé à mes parents, donc la réponse sera forcément oui. Points négatifs : ils seront en colère et me priveront de sortie. En plus, si la police les contacte dans la soirée, ils pourraient devenir fous.
La seconde option, jouer cartes sur table : leur dire en face que j'ai envie de sortir et de m'intégrer aux autres, en omettant soigneusement les événements de ma journée horrible. Points positifs : ils auront sûrement la conscience tranquille.
Point négatif : ils pourraient dire non.
Je reste silencieuse un moment, à peser le pour et le contre. La seconde option l'emporte. Je soupire lourdement avant de me diriger vers le salon. À travers la fenêtre, je vois déjà une petite voiture garée devant la maison, je ne veux pas décevoir Nia. Mon père, assis à son ordinateur, essaie certainement d'écrire. Ma mère lit un de ses magazines, femme parfaite. J'hésite un instant, je pourrais juste claquer la porte.
Non.
— Maman, papa, je sors, annoncé-je fièrement.
Pas la meilleure des options, peut-être que j'aurais dû le formuler autrement qu'une affirmation. Ma mère prend un malin plaisir à assouvir son autorité et je viens de lui donner un moyen sur un plateau d'argent. Mais il est trop tard : les dés sont jetés.
Elle lève les yeux de son livre, enfin, son magazine de beauté : « Maigrir en dix pas faciles », autant ne pas manger et se fourrer le doigt dans la gorge et le tour est joué.
— Tu veux sortir ce soir.
Visiblement, la situation semble bien partie. Je pense qu'ils auraient choisi un gros « non, retourne dans ta chambre » dans le cas contraire. Ou pire encore ; reste ici où on peut te voir.
— Ouais, les gens prévoient un truc pour la mémoire de Maëva, la fille qui est morte.
Ce fut à mon père de se tourner, comme si l'évocation de corps suffit à l'extirper de son monde.
— Ils ont trouvé le cadavre ? demande-t-il curieux.
— Non, mais c'est plus un truc en l'honneur de sa mémoire, c'est la classe qui organise ça.
Mes géniteurs échangent des regards surpris. Peut-être incertains de ce qu'ils doivent répondre et sûrement étonnés que leur fille ratée veuille sortir. Pour ma part, si j'avais eu le malheur d'avoir des enfants, je leur aurais catégoriquement dit non.
Mais, je suis Lily Basher et mes parents ont déjà jeté l'éponge dans mon cas.
Ma mère lance un regard vers mon père, comme si une idée vient de traverser son esprit perfide. L'écrivain comprend et acquiesce en silence. Elle se redresse pour se rapprocher de moi, l'odeur du parfum de luxe qui ne la quitte jamais flotte dans mes narines. Elle me caresse la joue du dos de sa main. Je ne réagis pas, cela fait trop longtemps qu'elle n'a pas fait preuve d'affection à mon égard, pas depuis que Gwen a disparu.
Non, depuis plus longtemps.
— Si on te laisse sortir, tu retournes voir le médecin.
Ô, les enfoirés, un coup bien placé, je ne l'avais pas vu venir celle-là.
Je ne peux pas leur en vouloir, c'est fin, et un échange plutôt juste. Ils me donnent du lest, mais en même temps, je dois faire preuve de maturité. Maturité. Ce mot me brûle la langue.
— Si je vais voir le médecin, cela ne veut pas forcément dire que je reprends mes médicaments.
Ma mère lance un regard vers mon père, et il hoche la tête en signe d'approbation.
— D'accord, mais si le médecin dit que c'est nécessaire, tu le fais.
Je me mords l'intérieur de la joue. Bien sûr que si je n'avais rien à demander, je leur aurais répondu que les médecins étaient les marionnettes des industries pharmaceutiques, et qu'ils pouvaient se foutre le Xanax bien profond. Malheureusement, je ne suis pas en position de force. Je n'ai aucune envie de rester ici pour la nuit. Alors, je ravale ma bile et acquiesce.
— D'accord, j'irai chez le docteur, mais ne promets rien pour les drogues.
Ma mère roule des yeux, comme si je venais de dire une énième aberration. Elle se dirige vers le bureau de mon père et en sort un morceau de papier. Maman me le tend et je le prends du bout des doigts.
Telle mère telle fille, eux aussi ont quelque chose à me demander, ils ont déjà pris rendez-vous. Je le fourre dans mon sac avant d'avancer dans la nuit. Mes parents me scrutent par la fenêtre entrer dans la voiture de Nia. Cette dernière me sourit quand je me mets sur le siège passager. Mon amie me lance un regard pétillant de joie tandis que je me délecte de la chaleur du chauffage.
— Tu réussis à sortir ? me demande-t-elle.
— Ouais, au prix de fortes négociations, et toi ?
Nia démarre la voiture avant de répondre.
— Ma mère n'est pas là, et mon père, trop occupé à filtrer l'eau et trouver des explications à ses théories du complot. Donc, je fais un peu ce que je veux.
Décidément, comme s'il ne manquait pas le sceptique fou dans cette putain de ville.
— Tu sais qui il y aura du monde à la soirée ? demande Nia pour faire la conversation.
— Ouais, j'imagine que toute la classe y sera.
Elle esquisse un sourire.
— Nia, sais-tu ce qui se passe dans cette ville ?
La jeune fille ne quitte pas la route des yeux.
— Pas tout, mais beaucoup, quand on est invisible, on se fond dans le décor, murmure-t-elle à demi-voix.
Je repense à ma journée, à l'officier de police, à Gwen. Je n'ai rien fait, j'ai laissé l'enquête se faire toute seule. J'arrive à peine à me relever, je ne peux pas juste abandonner.
Plus maintenant.
— J'ai besoin de ton aide. Si je te dis quelque chose, je veux être sûre que tu ne le balances pas à tout le monde, commencé-je.
— Je n'ai pas beaucoup d'amis à qui parler, comme tu as dû certainement le remarquer, répond mon amie.
Je lance un autre regard par la fenêtre. Les arbres défilent dans la nuit, déformés par la lumière de la lune et la vitesse de la voiture, je ne devrais pas être dehors, pas alors qu'un fou attend sa prochaine proie dans les bois. Mais je n'ai jamais été une personne sensée, donc je me racle la gorge et continue la discussion.
— J'ai besoin de savoir ce qui est advenu de Gwen. Quand c'est arrivé, je n'ai pas eu la force de chercher, j'étais complètement brisée.
Les horribles souvenirs de cette nuit reviennent me hanter, mais je les ressaisis dans la pénombre.
— Mais maintenant, un an plus tard, je pense que je peux faire quelque chose.
Nia acquiesce à son tour.
— Je te promets qu'on va essayer de trouver quelque chose. Mais tu dois savoir une chose par rapport à cette ville. Tout le monde sait tout, et des trucs très louches se passent ici, tu es sûre de vouloir y fourrer ton nez.
— Promis, je n'ai plus rien à perdre.
***
Rosa se roule en boule dans un coin de la salle, loin des lumières blafardes des néons, de la musique et des fumées toxiques, des corps qui s'entrelacent. Je m'approche, et elle pose sa tête sur mon épaule.
— Elle est morte.
Son souffle empeste l'alcool. C'est la première fois que j'entends quelqu'un pleurer la mort de Maëva. Je ne l'ai pas connue, j'ai du mal à comprendre pourquoi sa mort laisse tant d'indifférence. Je dévisage les autres, les élèves du lycée que je n'ai pas encore eu la chance de rencontrer. Là à la lumière des néons, je comprends ce qui me gêne dans cette ville si intimiste ; l'indifférence des adultes.
Les ados vivent au jour le jour, comme bon leur semble. Maëva n'est qu'une victime de quelque chose bien plus grand ; comme toi, Gwen.
— Qui était Maëva ? demandé-je, curieuse.
Rosa s'essuie le visage, et le noir de son mascara coule sur ses joues poudrées.
— Une fille qui traînait parfois avec nous, j'avais arrêté de lui parler, pour une raison débile. Maintenant, je le regrette.
Je passe mon bras autour de ses frêles épaules.
— Pourquoi ?
Elle prend une gorgée de la bouteille dans sa main, une vodka bon marché.
— Elle aimait Jacob.
Je roule des yeux.
— Ce n'est pas possible, ce n'est pas le seul gars à tirer dans cette putain de ville ? Tu sais Victor et Alec ne sont pas si mal, non ?
Rosa rit, mais elle ne connaît pas toute l'histoire. Plus le temps passe, moins j'assume d'avoir couché avec Jacob. Mais, plus le temps passe, plus je le trouve attirant. Jusqu'à maintenant j'ai pu coucher avec des gens pour le simple plaisir. Quelque chose en moi s'est brisé avec la disparition de Gwen. Je n'arrive pas à connecter avec les autres. Je cherche juste la chaleur. Je prie pour que la connexion ne revienne jamais. C'est ma punition ; Gwen est partie, mais pas moi.
— Il attire les gens, comme des mouches sur une merde. Même si je comprends, il a quelque chose de magnétique. Perso, des deux connards, je préfère Victor.
Jacob et lui chahutent dans un coin de la pièce. L'un grand et blond, l'autre brun. L'un heureux, l'autre triste. Je n'ai pas eu la chance de passer du temps avec Victor, mais il semble être un sacré spécimen. Je me tire de la contemplation des garçons pour revenir à notre conversation, et mon amie ivre contre mon épaule.
— Rosa, je pense que tu as trop bu, tu devrais peut-être penser à rentrer et...
Je n'ai pas le temps de finir ma phrase qu'on m'interrompt.
— J'ai bien entendu ce que je viens d'entendre ?
Alec apparaît comme par magie, ses pupilles complètement dilatées. Mon ami prend place sur le sol avec moi.
— Il t'arrive d'annoncer ton arrivée ? jure-je en repoussant la bouteille qu'il me propose.
Alec se rapproche encore de mon visage tandis que son haleine sucrée caresse ma peau.
— Jamais, mais je ne vais pas me gêner de répéter ce que je viens d'entendre.
Rosa devient rouge pivoine avant de disparaître sur la piste de danse en titubant. Je l'appelle en vain, elle a déjà disparu dans la foule et se mêle aux autres me laissant en compagnie du drogué de service.
Mais bien sûr, il ne reste pas à sa place. Il me tend sa main et m'attire vers la foule. Je lui souris et plonge mon regard dans le sien. Pourquoi doit-il se bourrer le crâne de ces merdes ? Quelles horreurs se cachent dans sa petite tête, que peut justifier tant de douleur !
— Alec... je commence.
Il m'empêche de répondre et replace ses lunettes sur son nez.
— Danse avec moi.
Je hausse les sourcils avant d'accepter. Après tout, rien ne peut arriver de pire, je ne coucherai pas avec lui, et je trouve sa présence agréable. J'ai besoin de penser à autre chose que Gwen et Jacob. Nous nous faufilons à la lumière des néons, et il m'attire contre lui tandis que j'étouffe un rire.
— Tu fouines, je le vois Lily. Tu vas mal finir.
Il me fait tourner sur moi-même. Que lui passe par la tête, faire une valse sur de la grosse techno.
— J'ai mes raisons, je réponds volontairement évasive.
— Je n'en doute pas, mais si tu comptes te foutre dans la merde, tu peux compter sur moi pour te suivre.
Je m'écarte, toujours sonnée par l'étrangeté de la situation. Plus loin, Violette me dévisage, un sourire béat sur ses lèvres. Complètement défoncée elle aussi.
— Tu ne sais même pas ce que je veux faire, je réponds, plus fort que la techno qui braille dans mes oreilles.
— Je sais juste que je me fais chier, et tu m'intéresses, donc tu vas devoir te caler le drogué du coin, il susurre à mon oreille.
— Pourquoi Alex ? demandé-je. Pourquoi les drogues.
Il fronce les sourcils et me fait tourner une fois de plus.
— Peut-être parce que je ne supporte pas le monde.
Je veux lui répondre, mais il part en courant, hurlant quelque chose sur des chevaux. J'hésite à le suivre, mais Violette l'a déjà rejointe.
Étrange, ces deux-là. Je me demande s'ils ont déjà couché ensemble. Il existe une tension entre eux, un lien que je n'arrive pas à expliquer.
Mais je ne prends pas la peine de raisonner avec des drogués, je n'en ai ni le temps ni l'envie.
Je me rapproche du buffet et me sers un verre de punch avant de me tourner vers le reste de la salle. La Fosse est en effet un ancien hôtel délabré, le genre d'endroit super dangereux où les ados devraient éviter de traîner.
Tout le monde est là.
Nia danse au milieu de la piste, Camille lui lance des regards noirs. Olive, elle, rumine dans un coin, avec sa cour, elle me dévisage comme si j'étais la peste incarnée. Elle me déteste, je le sais, pour une raison qui m'est totalement inconnue.
Si seulement, elle savait.
Puis je vois Rosa, elle se dandine contre Victor, je faillis m'étouffer sur ma boisson. Il me semble qu'elle a un petit ami, mais il est sûrement le dernier des cocus. Je hausse les épaules, ce n'est pas ma place de juger, ou des empêchés. Alors je me dirige vers un coin, breuvage à la main, m'adossant contre le mur. Je ferme les yeux, m'adonnant à la lumière qui danse derrière mes paupières closes. L'atmosphère est chargée de fumée, de transpiration et d'alcool ; pourtant, je me sens enfin chez moi. Je n'ai pas besoin de réfléchir, juste de m'abandonner à la musique qui pulse dans mes veines. Je flotte, loin et bientôt je perds le contrôle. Ma main se met à trembler. Les pensées affluent. Je me mets à revoir les images de ma sœur, son cadavre, son visage, sa tête, ses cheveux.
Merde, merde et merde.
Je n'arrive pas à respirer, je tâtonne et me dirige vers la sortie. J'entends sa voix, elle rit, je me demande si j'ai pris ses robes. Mes jambes tremblent et je m'accroche au mur pour ne pas tomber. Les images deviennent incontrôlables et les larmes coulent sur mes joues.
Je pousse la porte pour rejoindre l'extérieur.
L'air s'infiltre dans mes poumons et je me laisse aller contre les parois décrépites. Devant moi, une femme passe sûrement une fille de la nuit. Je lui fais un signe de la main, avant de me cambrer et vomir sur le sol.
Deux fois en une journée, quelque chose ne tourne pas rond.
Je me redresse pour voir le visage qu'il me scrute.
— Encore toi, tu devrais retourner voir ta copine, elle va me regarder comme si j'étais le mal incarné.
Je m'essuie la bouche du revers de la main, tentant d'avoir l'air normal et d'ignorer les souvenirs de ma sœur. De la nuit que je préfère oublier.
— Jacob n'a pas de petite amie, c'est une des règles d'or.
Ce crétin parle de lui à la troisième personne.
— Ce n'est pas ce que dit Rosa.
— Rosa est en train de chauffer mon meilleur pote devant toute la classe, bientôt son mec ne devrait pas tarder à arriver et la scène risque d'être mémorable.
Je roule des yeux, me concentrant sur ses traits familiers, loin du goût de la terre dans ma bouche.
— Ne me dis pas que c'est toi qui l'as appelé.
— Je m'ennuyais, pourquoi pas ?
Je lui lance un regard noir avant de me tourner vers la porte, j'ai l'intention de la prévenir. Mais avant, il m'attrape le bras et je pousse un cri de douleur ; mon bras bandé, celui brûlé. Il fronce les sourcils, inquiet.
— Tu t'es fait quoi ?
Il lève ma manche pour voir le pansement. Il m'a vue nue, il doit savoir que mon corps est une toile parsemée d'entailles plus anciennes les unes que les autres.
De ces marques physiques, d'une douleur mentale.
— Je me suis grattée, ça m'arrive quelquefois.
Cette fois il est vraiment perturbé, inquiet même.
— Quelque chose à voir avec ta prestation ce matin ? demande-t-il.
J'oublie Rosa et je pose ma tête contre le mur en béton, ravalant les dernières bribes de ma raison.
Foutu pour foutu.
— Oui, tu devrais le savoir, vu qui est ton père, mais le meurtre de Maëva a quelque chose à voir avec celui de ma sœur.
Ses sourcils se froissent, comme la nuit où je lui ai dit que j'avais besoin de chaleur.
— Je ne savais pas. Je suis désolé.
Pour la première fois, il a l'air sincère. Il me prend la main et la serre dans son étreinte.
— Réellement désolé, ajoute-t-il.
Je hausse les épaules tandis que le lampadaire grésille au-dessus de nos têtes.
— De toute façon, tout ce qui est mal me tourne autour, pas de moyen d'y échapper.
Il ouvre la bouche, mais se ravise. Il écrase sa clope du talon et lâche ma main.
— Lily, c'est Clémentine Lake tout entière qui est étrange, tu n'y es pour rien. Peut-être que tu es une addition intéressante, mais rien de plus.
Mes joues se réchauffent.
— Merci, je ne sais pas comment prendre ça, un compliment ou pas.
Il sourit.
— À toi de voir Lily. D'ailleurs il faut qu'on se prévoie une date pour notre devoir d'histoire. Ce n'est pas que, mais j'ai l'intention de tout déchirer.
J'esquisse un rictus moqueur.
— Parce que tu es du genre bosseur ?
Cette fois-ci, il passe sa main dans ses cheveux, un tic nerveux.
— Figure-toi, je suis plutôt académique comme gars. Je compte faire des études de philo, ou même une prépa, donc ouais, je suis genre bosseur.
Cette fois-ci, c'est à moi d'être étonnée. Je repense aux livres de sa chambre, ce n'est pas de la décoration, il les a tous lus, il est intelligent.
— Tu sembles choquée, susurre-t-il à de mi-voix.
— Non, agréablement surprise, je murmure.
Nous restons là un instant, à nous jauger en silence. Lui, le fils prodigue, moi, le mouton noir. Bientôt, il ne reste qu'une bulle d'air entre nous, une frontière qu'aucun d'entre nous n'ose franchir. Les souvenirs ont disparu, il ne reste plus que Jacob, ses yeux sombres et ses délicieuses promesses. Il bruine et les gouttes se coincent dans ses mèches rebelles. J'ai besoin de m'agripper à ne pas sombrer, alors je tends ma main et m'accroche à sa veste.
— Respire, Lily, murmure-t-il.
— Je me noie, Jacob.
Il s'approche encore et son front rencontre le mien.
— Accroche-toi à moi.
C'est à ce moment que ses lèvres trouvent les miennes, il me plaque contre le mur, tandis qu'une énorme vague de sentiments me submerge. Il me tient fermement. Me fait trembler. Sa respiration se mêle à la mienne.
Je ne suis plus dans ce monde, je ne suis pas ici.
— Putain, Lily.
Il frotte son bassin contre le mien, je le sens à nouveau contre moi. Je soupire lourdement une dernière fois, avant de m'écarter de son exquise bouche.
— Jacob, on ne peut pas, susurré-je.
Il me toise, ses yeux nimbés de désir avant de revenir.
— Si, si Lily.
Il m'embrasse, et je me laisse aller. Tout est si délicieux, je ferme les yeux.
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