Chapitre 4 - Masque Social


Je ne sais vraiment pas ce qui me traverse l'esprit, mais je ne suis plus du genre à m'incruster à des soirées. Mon humeur est insupportable. En y réfléchissant, je me suis conduit comme une enfant envers mes parents, mais mon orgueil est plus fort que tout.

Je dépose mon vélo contre le grillage du jardin, inspire profondément, puis me dirige vers la porte d'entrée. Sam m'a invité à sa soirée pour célébrer la rentrée. Les parents de Sam font sûrement partie des plus fortunés de Clémentine Lake. Sa maison se démarque des habitations grisâtres du centre-ville. Bien que moins opulente que celles de mon quartier résidentiel, elle reste charmante. Quelques convives sont déjà affalés sur la pelouse à l'avant de la façade, leurs esprits plongés dans la nébuleuse de l'alcool. Je ne sais pas encore si se bourrer dès vingt heures est une coutume répandue dans ce coin, mais si la soirée continue sur sa lancée, je pourrai peut-être m'y mettre.

Après tout, quoi de mieux pour oublier son horrible vie et faire taire les souvenirs.

— Lily ! La voix enjouée de Sam retentit.

Active ton masque social.

— Merci de m'avoir invitée. Je commence. Tu m'as sorti d'une situation bien délicate.

Elle me fait un clin d'œil complice avant de me prendre par la main et de m'entraîner à l'intérieur. Dès que je suis à l'abri, je me rends compte que la température extérieure a vraiment chuté, sûrement le changement de saison.

— Bienvenue dans l'antre du diable ! Elle lance avec joie.

Sam est visiblement fière de ce qu'elle a fait de sa maison, bien que ses parents ne partagent probablement pas son avis. Le salon est plein à craquer, de l'électro berce les murs de pierre qui vibrent au son de la musique. Bientôt, mon hôte me sert une bouteille de bière avant de disparaître dans la cohue causée par la masse d'adolescents, attroupés dans un si petit espace. J'ai perdu l'habitude de ce genre d'événements.

— Lily ! Quel plaisir de te voir, je ne pensais pas te voir ici !

J e me tourne pour faire face à celle qui a posé sa main sur mon épaule : Camille.

— Camille, qu'est-ce qui t'a fait penser une telle chose ?

Mon ton est lourd et ironique, empreint de mépris.

— Tu ne m'as pas l'air du genre enjôlé comme fille, elle susurre.

Enjôlé, mon cul.

Elle sourit, avec stupéfaction, je remarque qu'elle n'a pas saisi le sarcasme dans ma voix.

— Voudrais-tu faire partie du comité d'organisation pour la fête de l'Équinoxe ? elle demande.

Non.

J'ouvre la bouche pour répondre, mais une autre voix féminine émerge par-dessus l'électro et brise mes rêves de liberté et d'indépendance.

— Bien sûr qu'elle veut, ça lui donnera l'occasion de traîner avec nous.

Rosa apparaît comme par hasard, visiblement, elle a oublié l'incident de l'après-midi, pour revêtir sa bonne humeur naturelle.

— Je pensais que c'était une fête de paysans et de chasseurs qui fêtaient des traditions arriérées, je crache pour essayer de me sortir de la sauce.

Camille roule des yeux et rajuste sa veste jaune.

— Tu devrais moins écouter ce que racontent Sam et Violette, elles n'ont aucun respect pour le patrimoine de cette région.

Je hausse les sourcils, sur ce point je suis d'accord avec les deux filles aux cheveux verts. L'héritage de cette province ne m'intéresse en aucun cas.

— Camille redescend sur terre un peu, c'est juste un comité des fêtes. C'est une super occasion de passer du temps entre amies !

Rosa prend mes mains entre les siennes et affiche un regard suppliant.

— Alors, tu viendras ? Je hoche mollement la tête, lorsqu'elle me saute au cou.

Je veux la repousser, lui dire de ne pas me toucher, mais après les événements de cet après-midi, je n'en ai pas le cœur. Par conséquent, je la laisse faire jusqu'à ce qu'arrive ma délivrance sous la force d'une fille aux cheveux verts.

— Tu ne sais pas dans quoi tu t'embarques.

Violette m'attrape par le bras et je tombe sur un sofa en buvant une gorgée de bière. Elle me tend son joint que je décline, j'ai déjà à gérer ma tête sans substance psychotique.

— C'était quoi le délire de Rosa cet après-midi ? Je demande pour changer de sujet.

La jeune femme émet un sourire moqueur et croise ses jambes sur la table basse, alors que la musique continue de jouer.

— Une de ses amies s'est suicidée, c'était une des « ex » de Jacob, elle est persuadée que c'est sa faute.

Violette prend une bouffée de son joint.

— Si tu veux mon avis, si une fille est assez conne pour souhaiter une relation sérieuse avec Jacob, elle mérite de mourir par sa propre stupidité.

Un sourire s'affiche sur mon visage, Violette est cruelle, mais honnête.

— Ton manque de compassion est affligeant, je murmure.

Elle rit en ramassant une des bouteilles à moitié pleines qui traînent sur le sol et transposées dans la sienne. Peut-être pas la meilleure des idées.

Je repose ma tête en arrière, m'enfonçant dans le canapé. La soirée va être longue, très longue. L'année dernière, je me serais sans doute enfilé les pilules qui passaient de mains en mains, aurais bougé au son de la musique et aurais sûrement fini dans le lit d'autrui. Les envies sont toujours les mêmes malgré la peur qui me retourne les entrailles. Ce besoin intense de proximité avec un autre être humain me consume de l'intérieur. Certainement qu'une seule fois m'aiderait à oublier.

Une fois sans attache, pour me prouver que je suis toujours la même.

J'ai partagé la couche de beaucoup d'hommes. J'ai réussi à renflouer mes émotions, oublier la douleur qui me retournait le cerveau. Honnêtement, je n'ai jamais été heureuse, la joie et le bien-être ne sont pas des sensations dans lesquelles j'ai baigné.

Mon corps, lui, m'appartenait et je vivais pour cette adrénaline que je trouvais dans les moments entre les draps. Jusqu'à cette nuit-là. À contrecœur, je suis le mouvement de la soirée, me mêlant à la foule, esquissant un semblant de danse, enfilant toutes sortes d'alcool qu'on me propose. Me vider la tête, tenter d'oublier que je suis coincée dans cette ville maudite.

***

— Quelle fête de plouc ! s'écrie une voix nasillarde.

D'un mouvement lourd, je redresse ma tête pour contempler les importunes qui ont franchi l'espace de ma cachette à l'arrière-cour.

— Vivement que Victor arrive ! poursuit-elle.

Je lève un regard noir vers Olive.

— Qu'est-ce que tu veux ? crache-t-elle en m'apercevant assise sur le sol.

Je serre les poings, seul le son de sa voix m'horripile au plus haut point.

— Tu ne devrais pas inviter des gens qui ne sont pas les bienvenus, je réplique.

Son beau visage se froisse, se transformant en une grimace plus que désagréable.

— De quoi tu te mêles ?

Je me tourne, un sourire radieux sur mes lèvres, enhardie par l'alcool qui réchauffe mes joues.

— Je dis juste que Rosa est une amie de Sam, et nous sommes chez Sam.

Je parle lentement, pour lui laisser le temps de comprendre.

— Alors si t'es lente à la compréhension, je vais t'expliquer les subtilités de la chose ; tu ne devrais pas inviter des gens pour foutre la merde.

Encore une fois, son visage se tord complètement. Ses yeux brillent de rage, et je comprends qu'elle veut m'étrangler.

— Tu devrais la fermer, petite conne !

Je roule des yeux et me redresse.

— Si tu as besoin de recourir aux insultes pour dialoguer, je pense que je vais passer mon chemin.

Je lui adresse un sourire radieux, affichant fièrement mon doigt érigé à son encontre.

Si Victor pointe le bout de son nez, Jacob ne risque pas d'être loin, et vu la réaction de Rosa plus tôt, il est loin d'être le bienvenu. Olive me lance un regard noir, et je lui donne un coup d'épaule en retournant à l'intérieur. Ses amies continuent de papillonner, et je les laisse faire, abandonnant mon refuge de fortune. Alors je retourne dans le salon, là où les ados continuent de danser, et un jeune homme aux yeux clairs se fond dans son horreur.

Et merde.

Alec a déjà investi la table basse, préparant sa poudre magique. Plus loin, Victor se sert un verre de whisky. Peut-être que Jacob a décidé de ne pas suivre son ami ?

Bien sûr, j'ai tort. Il est là, au milieu de la salle, se mêlant aux autres invités, Olive se pend déjà à son cou, apparemment elle a un sacré béguin. Et sacrément rapide, en deux secondes, elle a rappliqué comme une mouche sur une merde.

Je scanne rapidement la pièce, pour l'instant aucun signe de Rosa.

— Lily ! Viens par ici.

Alec me fait signe de la main, réajustant ses lunettes sur son nez.

— Déjà en train de pourrir ton cerveau, je lance.

Alec est brillant, peut-être trop pour son propre bien, ce qui expliquerait son penchant pour les drogues dures. Mais malgré tout, je l'aime bien, lui ne me crache pas dessus, et me paraît honnête. Alors je le rejoins un sourire aux lèvres et me laisse tomber à ses côtés, tandis que la musique continue de crier dans mes oreilles.

— Désolé pour le truc de tout à l'heure, mais je t'avais dit de ne pas venir. Ils sont tous fous ici.

Je hausse les épaules, et fourre mes mains dans mes poches.

— Rosa a ses raisons, à ce que j'ai compris.

Alec rit, reniflant une autre ligne avant de basculer la tête en arrière et de s'essuyer le nez. Durant un court instant, il reste en suspens, je crois qu'il n'est plus de ce monde. Il est ailleurs, complètement ailleurs.

— Rosa est une salope, lâche-t-il froidement.

Je hausse les sourcils, stupéfaite.

— Charmant, je pensais que tu étais un être civilisé.

Alec esquisse un sourire.

— Je le suis, mais je supporte mal ceux qui ne respectent pas leurs partenaires.

Il se retient avant de rajouter.

— Ici, personne n'est civilisé, tu l'apprendras à tes propres dépens.

Je finis cul sec le contenu d'un shooter que je traînais sur la table basse depuis quelque temps.

— Chacun ses choix de vie, mon ami, je tente de défendre Rosa.

Les hommes accusent bien trop vite les femmes de salopes.

— Ouais, tu ne les as pas vus ensemble encore, on en rediscutera après.

Je m'apprête à répondre, mais quelqu'un se laisse tomber sur l'autre côté du canapé.

— Content de voir que tu partages mon avis finalement.

Jacob apparaît, lui et son sourire moqueur. Il est magnifique cette nuit. Il s'est changé pour enfiler un polo et un jean sombre qui épouse la couleur de ses yeux. Son regard est voilé par l'insouciance, et ses cheveux soigneusement coiffés laissent échapper quelques mèches rebelles. La dernière fois que je l'ai vu, il essayait de s'en prendre à mon amie. Désormais, il semble plus calme, joyeux même.

— Lili, désolé pour tout à l'heure, laisse-moi me faire pardonner.

Alec glousse, et je l'ignore.

— Oublie, casanova, je n'ai pas besoin de plus d'ennuis.

Satisfaite de ma réponse, je tourne la tête pour passer à autre chose. Mais il n'en a pas fini. D'un geste rapide, il saisit ma main me tirant vers les autres qui balancent leurs mains dans les airs.

Il sent magnifiquement bon, ses yeux brillent comme jamais, et une odeur d'alcool sucré flotte sur sa peau. Son intérêt pour ma personne commence me taper sur les nerfs. Je suis jolie, de ça, j'en suis certaine. Je suis une nouveauté exotique, une fois qu'il découvrira qui je suis vraiment, il laissera tomber l'affaire.

Franchement, je n'ai pas envie de danser avec Jacob, mais la partie faible de moi ne peut pas résister à ses yeux bruns ni au sourire arrogant qu'il m'accorde. Tout en souriant, il me tire contre lui alors que j'essaie de suivre le rythme de la musique.

Il est proche, mais je n'ai pas peur. Il est proche et les souvenirs ne reviennent pas. Jacob passe sa main derrière moi, la pose entre mes reins.

— Évite, j'essaie de ne pas m'attirer les foudres de votre reine autoproclamée, je susurre si bas que je crois ne pas l'entendre.

Jacob écarte son visage en haussant les sourcils, visiblement confus.

— Tu sais, la garce condescendante qui règne sur la classe d'une main de fer.

Il éclate de rire.

— Si tu ne veux pas déclarer une guerre civile, évite de dire ça tout haut, murmure-t-il à mon oreille.

Je ris à gorge déployée. Je ne sais pas si c'est l'alcool ou autre chose, mais il est drôle, incroyablement drôle. Je me trouve bête, à danser dans les bras d'un homme que je ne connais pas, un homme qui m'envoie des décharges dans tout le corps.

— Qui te dit que je ne veux pas déclencher une guerre, je murmure.

— Tu n'as vraiment aucune idée de ce qui se passe ici, ne viens pas compliquer les choses.

Je veux lui demander ce qu'il fait ici, pourquoi il s'est invité à cette fête malgré ses différends avec ceux qui l'organisent. Mais la raison est simple : il est un connard arrogant. Je pose ma main sur sa poitrine, je sens son cœur battre dans sa cage thoracique.

Je suis bien là.

Je ne me suis pas sentie ainsi depuis longtemps, depuis avant Gwen.

Je m'écarte de lui, apercevant les regards noirs que me lance sa prétendante. Il n'en vaut sûrement pas la peine.

***

— Rentre !

— Non, tu es ivre, et pour l'instant je n'ai pas envie de mourir.

Qu'importe la situation, je retrouve le chemin de Jacob. Alors quand il me propose de rentrer dans sa voiture à cinq heures du matin après une soirée où il a sûrement trop bu pour conduire, je m'y oppose.

— Tes amis se sont barrés, ou sont partis se coucher, tu n'as que moi.

Je hausse les épaules, ignorant le froid qui piquote ma peau.

— Ou ma propre compagnie.

Il referme la portière de sa voiture et saisit mon bras. J'éclate de rire quand il tente de me tirer vers lui. On a l'air de deux enfants, ici sur la route plongée dans l'obscurité coincée entre la bruine et le vent d'hiver. L'alcool me réchauffe un peu, mais je n'ai pas assez bu pour perdre mes moyens.

— Lily Basher, rentre avec moi s'il te plaît.

Il me demande, un sourire aux lèvres.

— Tu devrais la fermer, Jacob, tu es complètement ivre.

Il me redemande et je reste là un instant, sous la pluie, ma main dans la sienne. C'est trop, sa présence, son odeur, la confiance que je ressens à son égard. Je ne comprends pas pourquoi, mais Jacob me rassure, et l'idée de passer le reste de la nuit à ses côtés est loin de me déplaire.

Bien au contraire.

Finalement, je décide que je n'en ai rien à faire de ma personne. On doit tous mourir un jour. Si le destin a choisi que c'était aujourd'hui, tant pis.

Pathétique.

En silence, je m'assois sur le siège passager que j'ai pris quelques heures plus tôt. Il tourne la clef et le moteur ronronne. Je ne parle qu'une fois le long du trajet, pour dire que je ne veux pas rentrer chez moi. Il me demande pourquoi, et je lui dis que je ne veux pas voir mes parents. À quoi il me propose de rentrer chez lui ; j'accepte. Je ramène mes genoux contre ma poitrine et incline ma tête pour regarder la ville qui défile derrière les vitres couvertes de buée. Les lumières des néons crépitent dans la nuit tandis que quelques âmes égarées arpentent les rues désertes. Dans les airs flotte une nocturne de Chopin. Nous ne parlons pas, mais nous nous comprenons l'un l'autre. Jacob ne cherche pas quelque chose de sérieux, il est curieux, voilà tout, et moi, je suis heureuse de ne pas craindre un homme pour la première fois depuis longtemps. Il ne nous faut que quelques minutes pour arriver dans la zone résidentielle et se garer devant ce qui doit être sa maison. L'endroit est beau, entouré d'arbres et d'une allée bien entretenue. Le bâtiment est moderne, à moitié rénové et luxueux.

Qu'est-ce que tu es en train de faire, Lily ?

— Je vais être un vrai gentleman et te proposer de rentrer.

Bien sûr, je ne vais pas attendre dans la voiture.

— Tes parents ne vont pas te demander pourquoi tu rentres à cette heure-ci ? je rétorque du tac au tac.

Jacob sourit avant de sortir de la voiture. Durant un court instant, mon corps refuse de m'obéir. Je croise mon regard dans le rétroviseur. Je ne ressemble strictement à rien ; des cheveux noirs en bataille et de lourds cernes sous mes yeux sombres. Je baisse mon regard sur mes ongles cassés et mes mains pâles.

J'en ai besoin, j'ai besoin de savoir que je suis vivante.

Je sors de la voiture, croisant le regard de Jacob, qui me tend la main pour me guider dans le noir. J'entends l'eau couler au loin, sûrement le lac pas trop loin. J'entrelace nos doigts alors que nous nous dirigeons vers une dépendance à l'arrière de la maison. Avant d'entrer, je lance un dernier regard par-dessus mon épaule, vers la nuit immobile et l'unique lampadaire qui grésille dans la nuit.

Mon corps m'appartient.

Jacob me fait entrer dans sa chambre, un loft aménagé dans une petite dépendance. L'odeur y est agréable. Je ne connais pas Jacob, mais j'imaginais sa chambre autrement. Les murs sont recouverts de livres, et son bureau de feuilles de papier noircies par des lignes d'écriture. De-ci de-là sont disposés des pots de plantes, qu'il doit s'efforcer à garder vivantes.

— Je ne te prenais pas pour un littéraire, je murmure en faisant courir mes mains sur les tranches.

Il sourit et retire ses chaussures avant de s'asseoir sur son lit.

— Tout le monde me prend pour un gros con, un mec débile qui pense qu'avec sa queue.

J'esquisse un sourire et il continue.

— Toi aussi, à en juger par ton sourire.

Je hausse les épaules et passe au bureau. J'essaie de ne pas lire les mots gravés sur les papiers, mais je ne peux m'empêcher de déchiffrer les bribes ici et là : solitude, douleur, ennui, culpabilité

— Ici, il n'y a personne, tu sais, tu peux être toi-même.

Son invitation est à double sens, je le sais, et je veux jouer à son jeu. Je veux voir jusqu'où mon corps peut aller.

— Que dirait Olive, si elle me savait là ?

Jacob grogne et se laisse aller contre son lit.

— Elle t'arracherait les yeux avec ses faux ongles.

— Tu sors avec elle ? je demande.

S'il est avec elle, je ne ferai rien, je ne suis pas ce genre de fille.

Pas comme Gwen.

— Non, je ne sors avec personne.

Je le rejoins et me laisse tomber à ses côtés.

— Pas même cette fille ? Celle que Rosa...

— Me reproche d'avoir tué ? me demande-t-il soudain, piqué au vif.

J'acquiesce, et il se pince l'arête du nez, dehors, le vent frappe contre les vitres.

— Elle était cool, mais dérangée. Je n'ai pas envie d'en parler... ici, tout est compliqué dans cette ville. Tout le monde a une histoire, mais elles sont putain de dérangées. Cette fille était sympa, mais son père était fou. Elle s'est butée à cause de lui, pas de moi.

Je déglutis et continue de l'écouter en silence.

— Rosa cherche un coupable, et je suis le mec idéal. Qu'elle continue, je m'en bats la race, mais je veux juste que tu saches que ce n'est pas vrai, que je ne suis pas ce genre de mec.

Je hausse un sourcil avant de répondre.

— Quel genre de mec ? Un goujat ? Un mec qui ramène une fille dans sa chambre dès la première nuit ?

Mes questions le prennent de court, et il se contente de hausser les épaules.

— Lily, tu n'es pas comme les autres, tu es comme moi.

— Comme toi ? je répète.

— Oui, tu es là pour la même chose que moi. Tu es perdue et tu as besoin de quelque chose, quelque chose que je peux te donner.

Il prend ma main, et je le laisse faire. Je devrais le repousser, m'enfuir. J'ai essayé de faire ça à nouveau depuis cette nuit, cette horrible nuit, mais je n'ai jamais réussi. Peut-être maintenant, j'en suis capable, avec lui, pour une raison que j'ignore.

— C'est ce que tu veux, non ? me demande-t-il à nouveau.

Je détourne mon regard des livres pour me plonger dans le sien, profond et sincère.

— Juste une nuit.

Il acquiesce.

— Et ne me regarde pas.

Il ouvre la bouche pour répondre, mais j'avance et pose mes lèvres sur les siennes. C'est chaud, et humide à la fois, mais tellement rassurant. Mon corps entier se détend, et pour la première fois depuis cette horrible nuit, je me sens prête à aller plus loin. C'est horrible ce que je fais, je me sers de lui comme un bandage, comme un objet pour assouvir mes besoins et me tester. Mais il le sait, il est le genre d'homme qui fait de même avec les femmes. C'est sûrement pour cette raison que mon âme a trouvé le chemin de la sienne dans la douleur. Je ferme les yeux et je prends le contrôle. Il ouvre sa bouche, et j'impose ma langue, la caressant, lui arrachant des gémissements de plaisir avant de le plaquer contre le lit.

Nous pouvons tous les deux aimer, malgré cette action sans lendemain.

— Tu es certaine ? murmure-t-il à mon oreille.

Je m'écarte légèrement et le regarde dans les yeux une dernière fois.

— Certaine.

Il acquiesce et glisse ses mains sous mon sweat, qu'il retire avec habileté, emportant mon t-shirt avec lui. Il fait sombre dans sa chambre, il ne verra pas ce qui se cache sur ma peau, il ne posera pas de questions. Déjà, malgré le froid, je sens mon corps s'enflammer, hurler son envie pour ses mains contre ma peau. Avec agilité, il retire mon soutien-gorge et l'envoie valser au loin. Jacob sait ce qu'il fait, il a déjà amené des dizaines de filles dans cette chambre, et il en amènera d'autres. C'est à moi de le déshabiller. Je romps notre baiser, passe son polo par-dessus sa tête pour découvrir son corps plutôt chétif. Sa peau est grise, et malgré ses grandes épaules, il n'a pas le corps sportif et athlétique d'autres, mais cette fragilité me rassure. Avec lui, je me sens en contrôle de la situation. Il murmure mon nom à mon oreille, et je l'ignore. Dans ce moment, je ne suis pas Lily, dans ce moment, je suis juste une enveloppe de chair qui cherche à survivre malgré tout. Avec agilité, je glisse ma main sous son pantalon, et il se raidit lorsque j'empoigne son érection à pleine main. Je le sentais déjà contre ma culotte, à travers le tissu, mais ce contact est différent. Je suis en contrôle, je sais ce que je veux. Je commence mes va-et-vient, et il commence à gémir.

Trop curieuse, les joues en feu et enhardie par le désir, je lève le regard dans la pénombre. Il ferme les yeux, comme je lui ai demandé, mais son visage en dit tant. Ses dents s'enfoncent dans sa lèvre inférieure, et ses sourcils froncés témoignent du plaisir que je lui donne. Je continue, je traverse les barrières de ma peur pour retirer son pantalon. Ma culotte s'envole aussi, et je me retrouve nue, à califourchon sur lui. Je sais qu'il veut regarder, je sais qu'il veut explorer ce corps qui s'offre à lui si facilement, mais je ne suis pas prête. Si nous nous regardons, je redeviendrai cette fille, si nous nous regardons, cela deviendra réel. Il me demande à nouveau si je veux, si je suis certaine, à ça je me contente de l'enfoncer en moi.

— Putain de merde ! grogne-t-il.

Ses mains trouvent le chemin de mes hanches et s'enfoncent dans ma peau. À son simple geste, je me cambre, m'habituant à sa longueur en moi. C'est la première fois depuis cette nuit, et c'est la première fois que je suis en contrôle. Je veux le voir, je veux lui demander d'ouvrir les yeux. Je sais qu'il le ferait si je lui demandais. Mais je me concentre sur moi, sur mon plaisir, et je commence à bouger. Je me frotte contre lui, encore et encore, mouvant des hanches jusqu'à ce que mon corps entier s'enflamme, jusqu'à ce que mon souffle se mêle au sien. Ses mains montent le long de mon ventre, et il se redresse pour prendre mes seins dans sa bouche. Sa langue se joue de moi alors que je continue de le chevaucher, alors que je m'inonde dans mon plaisir. Chaque gémissement, chaque coup de langue me ramène à l'extase, et je m'y abandonne. À cette chaleur qui naît entre mes cuisses et qui se propage dans mon corps entier. Je vais venir, je sens la bouffée de nerfs trembler en moi, alors je m'accroche à lui.

Je m'accroche à ses cheveux et bascule sa tête en arrière. Ses yeux sont toujours clos, et son visage plongé dans une expression de plaisir pur. Il est détendu, il sourit, il attend l'extase, il attend que je lui donne l'autorisation de venir. Puis j'explose, et je l'appelle. Son nom résonne dans ma bouche comme un éclat dans le noir. Je me réveille après une longue nuit de sommeil, et il ouvre les yeux. Ses gros iris sombres me dévisagent, nimbés de plaisir, et je fais de même. Je pourrais détourner le regard, me concentrer sur moi, mais j'ai besoin de cet instant, j'ai besoin de le voir, lui, celui qui m'a menée hors du brouillard. Il vient à son tour, et je sens les jets chauds se propager en moi. Il sourit, et je fais de même avant de m'écrouler sur lui, ivre de plaisir. Mais je ne le quitte pas du regard, je reste collée à lui et ses gros yeux sombres.

— C'est bon pour toi, ça ?

À nouveau, il me demande si je vais bien. J'acquiesce en silence, et il replace une mèche derrière mon oreille. Je le laisse faire, et soudain, son visage se froisse.

— Merde. On ne s'est pas protégés.

Il se redresse, et j'esquisse un sourire, toujours ivre de plaisir.

— Je prends la pilule, Jacob, je le rassure.

Il se retourne, à moitié dans les draps, ses lèvres boursouflées, et son regard hagard. Il est si beau, je pense.

— Tu sais que tu n'es pas ma première ? me demande-t-il.

Je hausse les épaules.

— Tu n'es pas mon premier non plus. Mais je me suis testée depuis la dernière fois.

Je suis clean.

Les souvenirs devraient revenir, mais ils ne viennent pas, le visage de Jacob suffit pour les éloigner.

— Et moi alors ? Lily, je pourrais ...

Je me rapproche et l'attire contre le matelas avant de chuchoter à son oreille.

— Je m'en fous.

Il grimace, et c'est à mon tour de me redresser. Déjà l'aurore pointe le bout de son nez, et malgré ma fatigue, je dois retourner chez moi, affronter la réalité Déjà l'aurore pointe le bout de son nez, et malgré ma fatigue, je dois retourner chez moi, affronter la réalité et quitter la sécurité éphémère de ses bras.

— Lily ? m'appelle-t-il alors que je m'apprête à enfiler mon jean.

Je ne devrais pas, mais je fais volte-face.

— Reste, juste un peu. Dors, et je te ramènerai après.

— J'aime marcher le matin, je lui réponds. Il esquisse un sourire et tend sa main en ma direction.

— Dors un peu, tu partiras après...

Je le fixe dubitative.

Rester veut dire quelque chose. Rester amène des ennuis.

— Cela ne changera pas la donne, je sais ce que tu veux, et je veux la même chose, mais dors un peu. Tu as l'air épuisée.

J'acquiesce en silence avant de concéder. J'ai besoin de lui et de la protection qu'il me donne, même si ce n'est qu'un instant. Alors je retourne à ses côtés et me glisse dans les couvertures. Il ne me prend pas dans ses bras, et je l'en remercie. Nous tenons ensemble, nos mains se frôlant à peine.

— Tu devrais faire plus attention à toi, Lily, chuchote-t-il alors que mes paupières papillotent. Je ne réponds pas et laisse le sommeil me prendre.

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