Chapitre 5 - In extremis...

« L'amitié entre deux êtres dépend de la patience de chacun ». Proverbe Amérindien

Lila

Stacy voulait absolument garder nos vieilles habitudes. Pendant toutes nos années de lycée, elle venait me chercher le matin et me ramener le soir. C'étaient nos moments à nous. Nous avions sept ans avec Chayton quand Stacy était arrivée dans notre classe. Elle avait passé des heures à nous observer. Et nous, nous avions remarqué qu'au bout d'une semaine, elle était toujours toute seule. Quelques enfants avaient essayé de l'aborder, mais elle refusait poliment.

Un jour, Chayton tomba malade, elle était directement venue me parler pour me demander de ses nouvelles. Elle m'avoua enfin, qu'elle attendait le bon moment pour venir nous voir, qu'elle voulait être notre amie, à nous seulement, parce que l'on avait l'air de bien rigoler. Cela nous avait suffi pour l'intégrer à notre petit duo.

Stacy était quand même beaucoup plus sociable que nous et arrivée au lycée, elle avait sympathisé avec des jeunes plus populaires et intégré le petit groupe de théâtre. Aspen, qui rêvait déjà d'une carrière comme célébrité, l'avait pris sous son aile.

Stacy passait d'ailleurs de plus en plus de temps avec eux et nous profitions des trajets pour être ensemble. Encore plus lorsque Chayton a quitté le lycée subitement. Depuis, j'avais eu tendance à m'isoler dans la salle de musique et les rejoignais seulement pour les cours et la pause déjeuner.

Tous les matins sur la route, nous fantasmions sur la journée qui allait se dérouler et le soir, nous faisions un débriefing qui pouvait durer des heures dans l'allée de ma maison. Je lui avais proposé de venir par mes propres moyens au boulot, mais elle prétextait que c'était une lève-tôt, que cela ne la dérangeait pas et qu'elle adorait conduire.

– Tu es partie avant que la soirée débute, samedi soir ! s'exclama mon amie, toujours de bonne humeur.

Le premier jour au « Double Arrow Lodge » avait été hippique. J'étais bien évidemment arrivée en retard et la journée avait été si intense et riche en information que nous n'avions pas eu cinq minutes pour bavarder. Je sentais que là mon amie allait se rattraper.

– Je compte sur toi pour me dire tout ce que j'ai bien pu manquer, répondis-je, sans conviction.

J'imaginai déjà Aspen avec un nouveau mec. Noam toujours pas décidé à avouer ses sentiments à Stacy. Et notre cher Cayden, parfaitement dans son rôle : faire croire qu'il était complètement sous le charme de son petit ami à Billings, là, où vivait son père. Alors qu'en réalité, il était éperdument amoureux de Noam. La boucle était bouclée.

Mon cercle d'amis était digne d'une télénovela. Mais je ne savais pas qu'aujourd'hui, j'allais être à la une du mélodrame. La réaction de Stacy me laissa sans voix. Elle roula quelques instants sans parler et stoppa la voiture sur le bas-côté.

– Ce n'est plus possible Lila. Je t'assure, cela fait un an ! Un an ! Et est-ce que tu as eu des nouvelles de Chayton ?

Je fis non de la tête. Et je n'avais même pas la force de protester. Je n'avais plus la force de faire semblant. Elle abordait un sujet sensible.

– Je sais que tu souffres, je sais que c'était ton meilleur ami.

– C'est toujours mon meilleur ami, nuançai-je.

– Et moi ? Et le reste du groupe, Aspen ? Noam ? Cayden ? Et Parker ?

– Tu sais très bien que c'est toi qui as commencé à les fréquenter, murmurai-je, pour ma défense.

Bon, Parker, c'était moi et il s'était parfaitement entendu avec le reste du groupe. Comme quoi !

– Qu'est-ce que tu insinues, Lila ? Que se sont mes amis ? Pas les tiens... C'est vraiment ce que tu penses ?

– Je n'ai pas dit ça, je... tentai-je de me justifier.

Mais à quoi bon, je m'éloignais inévitablement de tout et tout le monde, c'était une évidence.

– Moi aussi j'ai souffert de ne plus voir Chayton. C'était mon ami également et ce qui arrive à son peuple est terrifiant. J'ai toujours accepté votre complicité, les moments que vous passiez ensemble, souvent sans moi. Mais il fallait que je fasse quoi en attendant ?

– Je suis désolée Stacy... Ce n'est pas tous les jours faciles. Je ne me sens pas forcément à ma place, encore moins depuis qu'il n'est plus dans ma vie. Je sais, j'ai ma part, je me suis beaucoup isolée aussi. Mais je t'assure, j'apprécie vraiment notre petit groupe, c'est sympa d'être avec eux.

Seulement, comment continuait à avancer quand la personne qui comptait le plus pour vous a disparu sans donner de nouvelles ? Quand votre confident, celui qui partage le même état d'esprit que le vôtre, les mêmes valeurs... n'est plus là. Imaginez-vous un instant ? Sans cette personne, si quelconque pour les autres, mais unique pour vous. Chayton et moi avions tout traversé ensemble et il était hors de question que nous ne traversions pas l'épreuve du temps.

Stacy me faisait également prendre conscience que malgré nos différences à tous, nous passions de bons moments. Ils étaient assez fêtards, bons vivants, et j'appréciais ces instants. Mais j'avais beaucoup de mal à être intime avec eux. J'étais bien plus proche de Stacy. Et même si elle ignorait certains aspects de mon intimité, nous partagions les petites joies de la vie et les petits coups durs aussi. Avec le temps, j'avais également créé de jolis liens avec Cayden. Nous avions eu l'occasion de passer des moments ensemble et de partager cette complicité tendre et rassurante.

– Je ne supporte plus de te voir comme cela, c'est vraiment de pire en pire. La vie continue Lila ! Et Chayton n'aurait pas aimé te voir ainsi, non plus.

Je ne supportai pas sa dernière phrase. On aurait dit qu'elle parlait d'une personne décédée ! Chayton était en vie, j'en étais certaine. Je le sentais au plus profond de mon être.

– On va être en retard, éludai-je.

Elle abdiqua, mon amie me connaissait et elle savait combien il était difficile de me faire parler, encore plus quand je n'étais pas décidé. Je lui souris, sachant au fond de moi qu'elle avait raison en partie. Je savais que je jouais gros et que le déséquilibre de notre amitié n'était plus en ma faveur.

– Merci Stacy...

– Nous ne sommes peut-être pas les amis rêvés, mais nous sommes là, nous.

Je ressentais des sentiments contradictoires, à la fois flattée de la voir réagir afin de sauver notre amitié, mais d'un autre côté, j'avais l'impression qu'elle avait fait un trait sur Chayton. Et pour cela, je lui en voulais.

Je réussis très facilement à lui faire changer de sujet, en lui reparlant de la soirée. Elle semblait ravie de m'apprendre qu'elle avait sympathisé avec un des serveurs, ce qui avait suscité une vive jalousie de la part de Noam, par skype. Il lui reprochait que ce fameux Randall fût bien trop vieux pour elle. Ah ! La distance, loin des yeux, mais finalement pas si loin du cœur. Il allait peut-être se décider à ouvrir ses mirettes !

J'en profitai pour prendre des nouvelles de notre petit groupe et je vous le donne en mille... Aspen avait flashé sur un jeune Californien, en vacances avec ses parents, lorsqu'elle était venue au spa. Et Cayden viendrait sûrement nous rendre visite durant l'été. Après avoir passé quelque temps chez son père et son mystérieux amoureux. Nous plaisantions beaucoup sur son histoire et sur la mienne plutôt que d'en pleurer. Bien conscient, tous les deux, que Stacy et Noam, s'étaient une évidence – sauf pour eux-. Nous étions donc voués à finir comme deux âmes en peine, devant une téléréalité, où Aspen aurait le rôle principal.

Stacy me fit la promesse de me raccompagner ce soir, même si selon elle : « je méritais de marcher jusque chez moi, ce qui me remettrait peut-être les idées en place ». N'étant pas une grande sportive, j'aurai gagné de ce périple des courbatures et des ampoules aux pieds.

Je rangeai la réserve de la boutique située quelques mètres plus loin, Maddox viendrait me prévenir si de nouveaux joueurs se présentaient, la plupart des touristes n'étaient pas encore arrivés.

Je devais passer le lendemain chez ma grand-mère afin de l'aider à accueillir les personnes âgées. J'avais beaucoup de chances de travailler avec l'oncle à Stacy, il m'avait autorisé à modifier mes horaires. Je voulais absolument croiser le responsable de la maison de retraite. C'était important pour moi. Finalement, je pourrai lui demander une attestation de stage bénévole, avant qu'il ne reparte le jour même. Il voulait s'assurer que les résidents étaient bien installés.
Quant à moi, j'avais opté de porter mains fortes auprès du petit groupe de retraités, ce qui me permettait de remplir mon CV, bien à l'avance.

Vous vous doutez bien que mon seul moyen d'entrer dans la réserve où se trouvait Chayton, était soit d'être enseignante, soit d'être médecin. Sincèrement me retrouvait au centre d'une classe, avec une trentaine d'enfants, très peu pour moi. Par contre, je savais d'après les derniers messages de mon meilleur ami, que la réserve manquait cruellement de médecins généralistes. Certains avaient même peur de venir à cause de plusieurs cas de maladies contagieuses.

La famille était sacrée pour moi, et être médecin, cela ne pouvait être qu'aux plus près des gens, dans leur quotidien. La première personne consultée pour des problèmes de santé, faisant parfois office de médiateur familial ou thérapeute à son insu. Et j'aimais tous ces aspects de la profession.
Seule ma famille connaissait mes intentions de rejoindre un jour la réserve. Et pour l'instant, j'étais bien loin d'y parvenir...

J'avais également réussi à l'avouer à Cayden lorsqu'il m'avait confié ses sentiments pour Noam. Stacy n'était pas au courant et vu notre conversation de ce matin, je ne pensais pas lui dire de sitôt.

Elle connaissait mon engagement auprès des personnes en souffrance, elle m'avait vu aider tant de fois ma petite mamie guerrière et je crois, qu'elle associait mon désir d'être médecin à cette partie-là de ma vie. Ce qui n'était pas faux non plus, mais pas l'entière vérité.

Des pas me firent sursauter, cette horrible journée ne faisait que commencer.

– Bonjour Lila !

Je le saluai, comme j'aurai dit bonjour à n'importe quel client.

– Heureusement que la charmante Stacy m'a dit où je pouvais te trouver, jubila-t-il. J'ai bien failli te louper. Il n'y avait personne à la boutique.

Maddox devait voir le directeur ce matin, mince je n'avais pas vu le temps passer et il me fallait le relayer ! Il devait donc être déjà dix heures.

Et, finalement, j'aurai peut-être dû mettre un terme à mon amitié avec Stacy, au moins pour la journée, si j'avais su...

– Qu'est-ce que tu veux, Jayden ? Je n'ai pas le temps, je travaille là, soufflai-je.

– Justement, toujours d'après l'adorable et expressive Stacy. J'aurai besoin de tes services cet après-midi, pour une partie de golf. Je vois qu'elle avait également raison. Tu es d'une humeur maussade. Elle pense que je pourrai peut-être, réussir à te redonner le sourire. Encore une autre personne de ton entourage ravie de ma présence.

Je ne savais pas ce qui m'agaçait le plus. Son petit air narquois ou juste son air heureux. En tout cas, je ne pouvais pas nier sa ténacité. Il avait entièrement raison, nous allions nous revoir et la faire cette partie de golf... Mais je ne parierais pas vraiment sur le fait qu'il resterait en vie jusqu'au trou dix-huit. Surtout s'il continuait comme cela.

– Je prépare la pelle, heu désolée, les golfs, plaisantai-je, un petit sourire sadique sur les lèvres.

– Tu me fais vraiment flipper parfois... Bref, si tu veux vraiment faire ça, n'oublie pas le sac de chaux.

Je le regardai abasourdi.

– La chaux est utilisée pour brûler les tissus de la peau, avant qu'il ne se décompose. Relax, Lila, tu oublies toujours que j'étudie la médecine. Et je crois, avoir également vu, un reportage sur la seconde Guerre mondiale où les nazis enterraient les victimes... Bref, tu deviens toute pâlotte, ça va ?

Certes, il faisait preuve d'une culture intéressante, mais je n'étais pas friande de ce genre de détails sordides.

– Rendez-vous à quatorze heures, devant la boutique, Stephen Hawking.

Un large rictus apparut sur son visage. Vraiment arrogant !

– Tu ne pouvais pas faire de plus belle comparaison, Lila, finit-il par dire. Il secoua la tête, comme pour chasser un souvenir. Tu as ta pause à midi, on mange ensemble ?

Stacy se vengeait de notre petite dispute de ce matin, ce n'était pas possible... Elle lui avait partagé mon emploi du temps sur Google agenda aussi ?

– Bien sûr, et après la partie de golf, on va se faire une bouffe à la maison, devant un film, pendant que l'on y est.

– Avec plaisir !

– C'était du second degré Jayden !

Il avait déjà tourné les talons et quittait la réserve avant que je ne finisse ma phrase. Il fallait que je lui dise que je détestai le voir partir, sans que je puisse lui dire non ! Vraiment, c'était insupportable. Si c'était sa stratégie pour passer du temps ensemble, c'était bas. Il y parvenait d'ailleurs trop bien et je ne voulais en aucun cas élargir mon cercle relationnel. J'avais déjà bien du mal avec l'actuel. Ce déjeuner sera l'occasion parfaite pour lui faire comprendre qu'il n'y avait plus de place de libre dans ma vie...
Je me frottai les yeux avec mon pouce et l'index, moi qui voulais passer un été tranquille ! 

Un peu moins de temps pour écrire en ce moment :( !

J'essaye en plus, dans ce tome 2, de développer davantage les personnages secondaires. N'hésitez pas à relever les incohérences ou si cela manque de descriptions ? De clarté ? Merci pour votre aide :)

A bientôt ! ;)

Lila, selon moi, bien sûr ;) ! Mais Britt Robertson est très jolie, je dirai donc une Lila qui lui ressemble, mais beaucoup plus simple et naturelle !

Comment j'imagine Cayden ;)

Et Stacy :


Et j'allais oublier Maddox ! bcp plus réaliste à mes yeux que les autres :

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