Chapitre 14 (2-2) : Parenthèse enchantée
***
Je me ressaisis rapidement, une simple erreur pouvait vite arriver.
— Ton arrogance te perdra, Jayjay.
Il leva les yeux au ciel.
— Arrête, j'ai l'impression d'entendre mon père.
Il s'assit enfin en face de moi avec bien entendu tous les restes de midi de ma grand-mère entre nous.
— Un homme sage.
— Tu parles, je suis le même que lui. Mon frère heureusement et beaucoup plus humble.
— Il est plus jeune que toi ?
Un silence s'installa, depuis notre rencontre il en racontait tellement peu sur lui.
— Je suis désolée si c'est trop indiscret. C'est juste par équité. Je crois que tu sais tout sur moi, au-delà même de ce que j'aurais espéré te dire.
— Ce n'est pas faux ! Va pour l'équité. Ma famille compte beaucoup pour moi. Junior est mon grand frère, c'est l'amour personnifié.
— Tu me donnes son numéro ?
— Tu peux toujours rêver, je suis sûr qu'il t'adorerait en plus. Surtout quand tu m'appelles Stefen Hawking.
— Yep, Monsieur je sais tout sur tout !
Il sourit. J'aimais voir ses yeux scintillaient lorsqu'il parlait de sa famille, mais je ressentais une infime frontière entre briller de joie et briller de chagrin.
— Mon frère nous appelle comme ça. Il dit que je suis le cerveau de Monsieur Hawking et lui le corps et le fauteuil.
Je restais surprise par ses révélations et ne comprenais pas tout, lorsqu'il poursuivit.
— Junior est atteint d'une infirmité motrice cérébrale suite à une méningite lorsqu'il avait un an. Son corps lui fait plus que défaut, mais son intelligence émotionnelle demeure immense. Depuis deux ans, il vit dans une institution spécialisée. Il a d'ailleurs rencontré une jeune femme qui lui plait bien.
— Mince, c'est raté pour avoir son tel. Je dois me contenter du second Bennett.
— Ne me regarde pas comme ça Lila...
Il ne me lâchait pas des yeux et les miens oscillaient entre les siens et ses lèvres. Je tournai immédiatement la tête pour récupérer de quoi manger, et un peu de dignité. Je réussis à croquer dans une tomate cerise et la pulpe s'étala sur ma joue, la table et le visage de Jayden. C'était mort pour la dignité, mais on éclata de rire en cœur, essayant quand même d'essuyer les traces du crime.
— Je crois que ton côté famille me fait faire n'importe quoi, me justifiai-je.
— Oh, mais je vais continuer à te dire combien j'ai le sens de la famille. Combien je les aime et aussi combien je rêve de fonder la mienne d'ailleurs !
— Arrête, franchement fabuler ne te vas pas du tout !
— Je ne te mens pas.
Je saisis le couteau en plastique et le menaçai aussitôt.
— J'espère bien pour toi, je crois que j'ai eu ma dose de mensonges pour les vingt ans à venir !
— Oh du calme. Tu comptes faire quoi là ?
On se leva sans cesser de se regarder contournant la table qui nous séparait. L'objet tranchant toujours à la main, il soulevait les siennes en l'air.
— Sincèrement, je joue le jeu parce que tu es trop mignonne. Aïe !
Je lui piquai le torse avec mon arme.
— Ne dis plus jamais que je suis mignonne, je n'ai pas douze ans, je ne suis pas non plus un petit chiot.
— Tu es super mignonne.
Je ne réussis pas à lui sauter dessus. Il avait déjà agrippé mes mains et la moitié de mon corps était suspendu dans le vide.
— Jayden, non !
— Lâche ce couteau, excuse-toi et peut-être que tu ne finiras pas dans l'eau.
— Jamais de la vie.
Je détestais m'excuser sur commande, bon je n'aimais pas m'excuser tout court, même parfois quand j'avais tord.
— Très bien, je t'aurais prévenu.
J'essayais de me débattre, mais rien à faire ses mains tenaient fermement mes poignets.
— Stop, je ne sais pas nager !
Une infime lueur de doute s'installa dans son regard.
— Purée, si tu pouvais voir ta tête, tu ne sais pas mentir !
J'éclatais de rire effectivement ce n'était pas une de mes principales qualités.
— Allez, arrête, tu ne le feras pas. Tu es trop gentil.
Je crois que je venais de signer ma perte. Avec la plus grande délicatesse et fermeté, je finis de l'autre côté du bateau dans un méga « splach » tout sauf sexy. Je revenais à la surface les cheveux devant les yeux, la bouche ouverte. Rien à voir avec les films, où la fille sortait de l'eau avec grâce et élégance.
— Mais quel con !
Pas très original, lui il était plié de rire. Et il avait le culot de me tendre la main pour que je remonte à bord. Plutôt mourir sur place !
— Maintenant que j'y suis, j'y reste.
Je nageais un peu, puis regagner la partie où je pouvais retourner sur le bateau seul. Monsieur prenait son temps pour enlever son tee-shirt et plongea pour me rejoindre, juste pour la vue de ses abdominaux ça valait le coup d'avoir refusé son offre.
Quelques heures après notre petite escapade d'un jour, je me retrouvais entourée de casseroles me préparant un ramen digne de ce nom. Refusant de croire que j'avais vécu un aussi joli moment. Je me saisis d'une cuillère en bois et me changeais les idées en cuisinant. Rien de mieux pour se vider le cerveau et se remplir l'estomac, combo gagnant ! « Wonderful Life » de Smith & Burrows en fond sonore, je songeais à remercier Jayden pour cette belle journée. Je n'avais qu'une envie : courir rejoindre celui qui monopolisait mes pensées. La lumière du perron s'activa au moment où je décidai finalement de le retrouver, je n'allais pas manger tout cela seule, c'était du gaspillage, pas très écologique tout ça. J'ouvris ma porte à la hâte, et tomba face à Jay Jay, immobile au milieu de mon allée. Un ange passa. Je descendis les quelques marches qui me séparaient de lui cherchant une excuse à ma sortie nocturne.
— J'allais prendre le courrier, tu fais quoi toi ?
Il regarda ma main tenant fermement ma cuillère en bois. Pourquoi possédais-je encore ce truc sur moi ?
— À minuit, avec une cui...
— Pourquoi il y a une heure limite, puis je cuisinais, oui, y'a pas d'heures pour se faire plaisir, le coupai-je.
Son sourire narquois n'aidait pas.
— Tu prépares quoi ?
— Des ramens, enfin des nouilles instantanées...
— Et tu appelles ça cuisiner ? C'est un crime contre l'humanité, me taquina-t-il.
Bon, il n'avait pas tort, mais nous n'étions pas tous de fins gourmets, encore moins en pleine nuit.
— Et toi, tu as senti l'odeur et tu es venu défendre la gastronomie ?
L'observer se dandiner cherchant une excuse ça n'avait pas de prix.
— Heu, je marchais et...
— Tu marchais, à minuit.
— Pourquoi il y a une heure particulière pour balader ? J'ai vu que tu ne dormais pas, je m'inquiétais pour tes insomnies.
— Sérieusement ? Tu es là pour mes insomnies ?
— Je suis un futur médecin.
— Désolée, je ne suis pas insomniaque, j'aime juste vivre la nuit. Tu devras trouver une autre excuse pour venir me voir maintenant.
— Ah effectivement, c'est un choix, moins d'interactions avec les autres, j'imagine...
Comment lui expliquer que j'avais le sentiment que la nuit tout semblait possible. Que la vie paraissait plus facile, que les gens étaient différents, simplement eux.
— Bon, on continue à se dire n'importe quoi ou on se dit la vérité ?
Je chassais mes élucubrations sur la vie nocturne, cela devenait intéressant.
— OK, commence, tu es l'invité.
— Bien tenté, mais non, honneur à l'hôte.
— Je te promets d'être honnête.
Mes paroles le surpris, il fronça les sourcils pouvait-il me faire confiance ? Il abdiqua au bout de quelques instants.
— Je voulais juste te voir Lila.
Mon corps frissonna à cet enchainement de mots si simple. Mon attention oscillait encore entre ses yeux et sa bouche. Ses lèvres s'étirèrent devant moi.
— Ne me regarde pas comme ça.
— Comme quoi ?
Il soupira.
— Si j'étais sûr à 95 % de ne pas me prendre un coup de cuillère sur le crâne, tes lèvres seraient déjà sur les miennes.
Je lâchai le bout de bois sur le sol. Il resta surpris par mon geste et observa un moment l'objet à terre. Son corps avançait vers moi, je ne regardais toujours pas ses yeux, ce qui le fit sourire. Ses doigts effleuraient ma joue, sans jamais cesser de le contempler.
— J'imagine que j'ai atteint les 100 %.
Je hochais la tête, j'aurais pu lui dire : « tais-toi maintenant Jayden », mais je ne pouvais pas paraître trop désespéré. Sa main toujours contre ma peau suffisait à me faire perdre la raison. Je voulais plus, tellement plus. L'odeur de son parfum m'enivrait, comment une simple senteur pouvait-elle provoquait autant de désirs ? Au moment où ses lèvres se posèrent enfin sur les miennes, mon corps frissonna, une bouffée de chaleur m'envahit. Merde, l'effet Jayden... Non impossible, s'était surement dû à la température de cette nuit d'été. Le réchauffement climatique rien de bien drôle.
Lorsque sa langue trouva la mienne, je me retenais de presser mes doigts derrière sa nuque, de caresser sa peau doucement, de rapprocher son corps du mien pour le sentir davantage. C'était ce putain de parfum, complètement aphrodisiaque, voilà, c'était ça. Il mit fin à ce baiser et se recula un instant pour observer ma réaction, et avant que je ne perdisse totalement le contrôle. L'ensemble de mon être en réclamer plus et lui, il s'amusait comme un petit fou. Comment arrivait-il à se maîtriser ?
— C'est tout ?
— Pour maintenant, oui.
— Tu ne couches pas le premier soir ?
— Pas avec toi...
— Tu plaisantes là ?
Sérieusement, je ne comprenais pas. Je venais quand même de lui montrer, de lui dire même que j'étais plus que consentante, non ? Il souhaitait une trace écrite ? Soit le baiser ne lui avait rien procuré et franchement c'était super vexant. Soit il essayait de me rendre dingue.
— Tu veux rester vierge avant le mariage ? Je comprends, ça se fait de plus en plus.
— Ne me tente pas Lila.
— Alors quoi ?
— Alors, je sais bien que pour l'instant tu cherches juste à passer une nuit avec moi. Et ce n'est pas ce que j'espère.
— Et tu veux quoi ?
Il sourit encore.
— Toi. Toi qui ne fais pas semblant de ne pas vouloir de relation sérieuse.
— Je n'envisage pas d'attaches, pas de contraintes.
— J'ai bien compris, je commence à te connaître.
Je réfléchis et ça me rendait folle qu'il puisse me cerner si facilement, parce que nous ne trouverions pas entrain de parlementer là... Je souhaitais juste succomber au plaisir charnel que provoquer son odeur et sa peau contre la mienne...
— J'ai quitté Parker, et il n'y a personne d'autre, c'est déjà bien, non ?
Il m'observait encore, les mâchoires serraient, ah ça devenait plus dur de résister.
— C'est un début. Tu peux faire mieux. Bonne soirée Lala.
Il tourna les talons me laissant les bras ballants dans mon allée.
— On n'a pas terminé, Jayden ! Ça veut dire quoi c'est un début ?
Chassez le naturel, il revient au galop. J'avais flanché quelques secondes et il recommençait à partir sans qu'on ait fini de parler.
— C'était une erreur, un putain de malentendu, il ne se passera plus rien, tu m'écoutes !
Il s'arrêta, la lumière s'était éteinte, nous nous trouvions trop loin de chez moi. Je m'approchais de lui déterminé à lui foutre mon poing dans le ventre, ou une gifle, ou un coup de cuillère, mince j'aurais du la prendre ! Et malgré tout, son regard restait un supplice...
— Tu es plus compliqué qu'une meuf sérieux.
— Les mecs sincères existent Lila, ce n'est pas réservé aux filles.
— Ah quoi bon ? Objectivement, les gens finissent toujours par partir.
— Je n'ai l'intention d'aller nulle part, Lila.
— Tu es bien présomptueux, je parlais peut-être de moi.
Il abdiqua encore.
— Je bosse à la réserve demain, il est sûrement préférable de reprendre cette conversation une autre fois. Bonne nuit.
Mon cœur s'arrêta un instant. Le désir se changea en une douleur vive. Je l'enviais tant de pouvoir accéder à l'unique endroit où j'espérais être. Ça me mettait tellement en colère de ne pas savoir comment allait mon ami. Je souhaitais vraiment qu'il ne lui soit rien arrivé, mais cela semblait impossible... Et une fois de plus, il me prouvait qu'il avait raison, je devais me concentrer sur Chayton, sur Sora. Je n'avais effectivement pas le temps d'être distraite par l'odeur enivrante de Jayden Bennett.
Parce que la suite met venue comme ça, ce soir. Je la partage avec vous, avec les imperfections d'un premier jet... Belle nuit à vous.
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