Chap 21 : L'écho des silences
Lila
"Les blessures les plus profondes ne se voient pas toujours. Il est plus facile de guérir le corps que l'esprit."- Proverbe amérindien
Le silence dans la salle de rééducation était presque palpable. Jayden s'acharnait sur ses exercices, son visage déformé par une douleur qu'il refusait d'admettre. Chaque geste semblait être une lutte contre lui-même, un combat entre son corps meurtri et sa volonté farouche. Je l'observais, impuissante. Il me rejetait sans violence, mais avec cette froideur calculée qui m'excluait de son monde. Malgré cela, je m'accrochais. J'avais appris à lire entre ses silences, à décoder ses gestes. Aujourd'hui, quelque chose avait changé. Il m'avait laissé rester. Il ne m'avait pas repoussée. C'était infime, mais suffisant pour raviver une lueur d'espoir. Peut-être que, sous sa carapace, il commençait à admettre ma présence, à accepter que je ne le quitterais pas.
Je m'approchai doucement et posai une main légère sur son bras. Il ne recula pas, mais un soupir discret s'échappa de ses lèvres.
- Tu sais, parfois, rester silencieux, c'est comme nourrir ses propres cicatrices, murmurai-je.
Il tourna légèrement la tête, sans croiser mon regard.
- Et parfois, parler, c'est les rouvrir, répondit-il après un long moment.
Un échange bref, mais lourd de sens. Jayden aimait pourtant parler, mais il n'était pas encore totalement prêt et ce murmure était une fissure dans son mur de douleur.
Je le regardais, assise sur ma chaise, consciente du gouffre qui nous séparait malgré notre proximité. Il luttait, pas seulement contre ses muscles, mais contre une douleur plus sourde, plus insidieuse. Ses démons étaient invisibles, mais ils le dévoraient.
Le vrombissement de son téléphone interrompit le moment. Jayden hésita, puis décrocha.
- Salut, Jayden, comment ça va ? lança une voix pleine de gaieté.
Ugo. Jayden activa le haut-parleur, le temps de s'essuyer le visage.
- Je suis dans un hôpital, Ugo. Comment veux-tu que ça aille ? répondit-il avec un sarcasme familier.
Le rire spontané d'Ugo éclata, emportant avec lui une partie de la tension qui pesait sur Jayden.
- Toujours ton sens de l'humour ! Même une voiture ne pouvait te réduire au silence.
Un sourire furtif étira les lèvres de Jayden. Pendant un instant, la douleur sembla s'effacer, remplacée par un éclat de normalité. La conversation continua, légère mais sincère. Ugo, savait qu'il offrait à Jayden une évasion précieuse. Puis son ton changea, devenant plus grave.
- Écoute, Jayden, je sais que c'est dur. Mais tu n'es pas obligé de tout affronter seul. On est là, d'accord ?
Jayden se figea, son regard s'assombrissant. Les mots d'Ugo avaient frappé juste. Je le sentis vaciller, comme si ce rappel de soutien déstabilisait sa carapace.
- Merci, Ugo, ne t'inquiète pas, j'y arriverai, murmura-t-il finalement, la voix plus douce.
Quand l'appel prit fin, le silence revint, mais il était différent. Moins lourd, presque apaisant. Jayden me regarda et esquissa un léger sourire. Infime, fragile, mais sincère. Je savais que le chemin serait long, parsemé d'embûches. Mais ce sourire marquait une avancée. Une brèche dans ses défenses.
***
Après une longue et dure journée, je m'assis sur le petit fauteuil près de la fenêtre , mon regard perdu dans la nuit noire. La lumière tamisée de la lampe de chevet faisait danser des ombres douces sur les murs. Mes mains tremblaient légèrement, mais je pris mon carnet, le feuilletai quelques instants, avant de saisir mon stylo. La fatigue pesait sur mes épaules, mais j'en avais besoin. C'était un moyen de libérer les pensées qui se bousculaient dans ma tête depuis des semaines.
Je ne savais même plus quand j'avais écrit pour la dernière fois à Chayton. Des semaines s'étaient écoulées depuis, mais aujourd'hui, c'était différent. Les mots venaient d'eux-mêmes, comme une urgence. Je savais qu'il n'avait jamais répondu, mais cela n'avait pas d'importance. Ce que j'avais à dire n'avait pas besoin de réponse.
"Chayton,
Je ne sais même pas par où commencer. Il m'a fallu des jours pour trouver le courage de t'écrire, encore plus longtemps pour admettre que je ressentais le besoin de le faire. Tu sais, j'ai l'impression que le monde autour de moi change tellement vite et que je suis restée là, un peu figée, cherchant un sens à tout ça. Parfois, je me demande si je vais y arriver. Si je peux vraiment continuer à avancer, à être cette personne forte que tout le monde attend de moi.
Aujourd'hui, c'était encore une journée difficile. Jayden... il est là, mais il n'est plus tout à fait lui. J'ai l'impression de me battre avec un fantôme. Il me repousse, me laisse seule à ses côtés. Il a cette façon de se fermer, de me repousser, comme si mon simple regard pouvait raviver des douleurs qu'il ne veut pas affronter. Pourtant, je vois bien à quel point il souffre, et ça me brise à chaque fois. Je vois cette colère, ce vide en lui, et tout ce que je veux, c'est l'aider à guérir.
Je me rappelle de ce que tu m'avais dit, il y a longtemps : 'Crois en toi, tu es capable de tellement de choses.' Je sais que tu avais raison, mais aujourd'hui, c'est difficile de ne pas se laisser engloutir par tout ça. Alors, je cherche des réponses, je cherche des signes, des mots pour me guider. Et je reviens toujours vers toi. Parce que, d'une manière ou d'une autre, je sais que tu comprends. Même dans ce silence, je sais que tu écoutes, d'une façon ou d'une autre."
Je repliais lentement la page, un soupir lourd s'échappant de mes lèvres. Je savais, au fond de moi, que ce que j'écrivais à Chayton n'était pas seulement un cri du cœur, mais aussi un adieu silencieux à l'idée qu'il reviendrait un jour.
"Je me rends compte, en écrivant tout ça, que ça fait longtemps que je n'ai plus eu de nouvelles de toi. Des mois, des années... Des années à espérer une lettre, un mot, juste un signe. Mais voilà, Chayton, je crois qu'il est temps d'accepter que tu n'es plus là...
Je me souviens de tout : de ton sourire tranquille, de ta voix qui m'apaisait. Mais je crois que cette partie-là de nous, de cette époque où on se comprenait sans dire un mot, elle est finie. Peut-être que, dans un autre temps, dans un autre monde, on aurait pu rester proches. Mais je vois bien maintenant que tu as choisi un autre chemin, et je dois accepter cela.
Il n'y a pas de colère, il n'y a que de la tristesse. Tristesse de ne pas avoir pu être là pour toi comme je l'aurais voulu. Tristesse de ne pas avoir su trouver le chemin qui mène à toi, là où tu te trouves. Et surtout, tristesse de comprendre que peut-être, à un moment donné, je n'étais plus celle à qui tu voulais parler.
Tu m'as laissée derrière, et j'ai dû apprendre à vivre sans tes réponses, sans cette partie de moi que tu occupais autrefois. Je t'ai attendu, parfois, même en sachant que je pouvais perdre mon temps. Mais maintenant, je me rends à l'évidence. Peut-être qu'il faut savoir lâcher prise.
Je ne vais pas t'écrire à nouveau, je pense. Mais je voulais que tu saches que je t'ai aimé, d'une manière qui ne sera jamais effacée. Et, peut-être, qu'un jour, tu liras ces mots, et tu sauras que j'ai accepté, peu à peu, que tu n'étais plus là, que tu ne reviendrais pas. Qu'une relation, quel qu'elle soit se vit à deux...
Il m'arrive de penser que les blessures que nous portons sont comme des étoiles. Certaines brillent encore longtemps après leur formation, même si elles paraissent lointaines. Tu es l'une de ces étoiles dans ma vie. Une lumière qui a marqué mon ciel, mais qui s'éloigne chaque jour un peu plus.
Aujourd'hui, j'ai rencontré Jayden. Il me rappelle toi, d'une certaine manière. Pas parce qu'il te ressemble, mais parce qu'il porte aussi des cicatrices invisibles. Peut-être que c'est ce qui m'attire vers lui... J'ai compris que les âmes sœurs ne sont pas toujours celles avec qui on partage sa vie. Parfois, ce sont celles qui la transforment, ne serait-ce qu'un instant. Tu as changé la mienne. Merci.
Lila, ton amie pour cette vie et celles d'après ( qui sait, vaux mieux croire qu'il y a quelque chose, c'est moins difficile... moins glauque... "
Je reposai mon stylo, les yeux fixés sur le carnet. Le silence était profond autour de moi, mais d'une certaine manière, il me réconfortait. Je ne savais pas si je recevrais une réponse de Chayton un jour, mais peu importait. Je devais avancer.
Je comprenais simplement qu'écrire, c'était ce qui me permettait de garder une part de moi-même intacte.
Je me levai, éteignis la lumière, et me glissai sous les couvertures, emportant avec moi le poids de mes mots, mais aussi un peu de paix retrouvée. Je me devais d'avancer, ne plus regarder en arrière. Être avec ceux et celles qui voulaient bien faire ce petit bout de chemin avec moi...
Hello, Une belle et heureuse année à vous, à mon age, on se souhaite la santé, on se rend compte combien c'est précieux de l'avoir... Et surtout combien le temps passe vite et qu'il est l'heure de réaliser nos rêves. Il est l'heure également d'avoir enfin confiance en soi : " se faire confiance, c'est garder son cœur d'enfant, une âme d'enfant, dans un esprit d'adulte" ( ce n'est pas de moi, mais de Charles Pepin! Je l'aime bien lui, un philosophe qui dit les choses simplement pour que tout le monde puisse comprendre...).
Je vous souhaite d'avoir assez confiance en vous pour réaliser vos rêves :)
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