Chap 19: Comme un air de déjà-vu
« Si vous voulez que votre relation perdure, volez ensemble, très haut dans le ciel, mais ne vous attachez jamais... Car le véritable amour unit mais n'emprisonne pas. » Légende Sioux : l'amour, l'individu, le couple.
Je ne souhaitais qu'une chose : être près de Jayden. Mes blessures restaient superficielles, mais mon cœur me faisait un mal de chien. Mon retour était prévu cet après-midi. Je commençais à ranger mes affaires quand on tapa à la porte. Un médecin que je ne connaissais pas encore entra.
— Mademoiselle Bradley, bonjour.
— Bonjour docteur.
Il hésita un moment avant de poursuivre.
— Je suis Monsieur Bennett, le père de Jayden se présenta-t-il enfin.
Il y avait en effet une certaine ressemblance avec Jayden. Ses yeux marrons, son nez droit, sa bouche fine. Je sentis une bouffée de chaleur me monter au visage.
— J'imagine que vous ne venez pas pour une consultation neurologique. Comment va Jayden ? demandai-je avec anxiété.
— Non effectivement. Il va comme il le peut, malheureusement, répondit-il avec un soupir.
Je savais par mes parents que Jayden n'était plus en soins intensifs depuis hier. Et que je devais patiemment attendre que Monsieur Bennett vienne aux nouvelles.
— Je suis désolé, entre mon fils, mon épouse et le travail, je n'ai pu venir que maintenant.
— Je comprends.
— Je suis sincèrement désolé pour ce qu'il s'est passé.
J'acquiesçai d'un mouvement de tête. Je m'installai sur mon lit, il vint s'asseoir près de moi.
— Vous n'y êtes pour rien, Jayden non plus d'ailleurs.
— Tu dois te poser beaucoup de questions, sache que nous aussi. Mon épouse a été admise en psychiatrie. Elle n'est pas en état de pouvoir s'exprimer face à la police.
— Est-ce qu'elle a essayé de nous tuer ? demandai-je d'une voix tremblante.
— Pour l'instant, elle dit en boucle que ce n'était pas ce qu'elle voulait, elle souhaitait te faire peur, elle ne savait pas que tu allais retourner sur tes pas.
— J'avais oublié mon sac.
— Après t'avoir poussé, la voiture a percuté Jayden sur tout le côté droit, heureusement, il n'a pas été heurté totalement. La police a constaté qu'elle avait tenté de freiner également. A l'heure actuelle, nous n'en savons pas plus.
— Merci pour vos explications, je vais devoir me rendre aux commissariats aussi. Mais avant je voudrais voir Jayden.
Son air navré ne me plaisait pas.
— Mon fils est choqué. Il souffre beaucoup physiquement et psychologiquement. Je suis vraiment désolé Lila, il va lui falloir du temps. Il ne désire pas te revoir pour le moment.
— C'est impossible. Est-ce qu'il... est-ce qu'il m'en veut ? balbutiai-je.
— Non, non, bien sûr que non, s'empressa-t-il de répondre. Il te demande de rester patiente.
— Alors pourquoi ne souhaiterait-il pas me voir ! m'écriai-je.
Le père de Jayden hésita un instant, il me regarda avec tristesse. Quant à moi, je ne lâchais rien.
— Il veut rester seul, Jayden n'a jamais aimé qu'on l'aide. Ne le prends pas personnellement, je sais qu'il t'apprécie énormément. C'est sûrement pour cela d'ailleurs qu'il se tient à l'écart.
— Laissez-moi le voir, il changera d'avis quand je serai là, tentai-je en vain.
Les mots de Jayden me revenaient en mémoire : « je préfère être seul, je ne veux pas mêler mes proches à mes souffrances ».
— Il m'en avait déjà parlé, c'est absurde !
Je souhaitais simplement être là pour lui, le soutenir, le réconforter, comme il avait été là pour moi.
J'espérais sentir encore son souffle dans mon cou, son parfum sur ma peau, entendre sa voix, son rire, ses mots toujours réconfortants. Le voir sourire, plaisanter, me taquiner. Comment ne pas être près de lui ?
— Tu es spéciale pour lui, n'en doutes pas.
— J'imagine que vous pouvez quand même le voir. J'aurais un message à lui faire passer. J'attendrai, je n'irai nulle part, il ne se débarrassera pas de moi si facilement.
Il esquissa un sourire.
— Je lui dirais, ce n'est pas ce qu'il souhaite non plus.
Il me tendit une carte de visite.
— Si tu as besoin, appelle-moi.
— Merci.
Comment pouvait-il réagir ainsi ? C'était impensable, pas Jayden, nous ne nous étions plus quittés depuis l'été dernier, comment avait-il pu imaginer un seul instant que j'accepterais cela ?
Quelques heures plus tard, j'étais enfin prête pour ma sortie, mais je refusais de partir de cet hôpital sans le voir. Je me rendis dans le service où il était admis. Son père se tenait devant sa porte, discutant avec une infirmière. Lorsqu'il m'aperçut, je lus beaucoup de tristesse dans son regard.
— Lila, il n'a pas changé d'avis.
— Laissez-moi seulement lui parler, je vous en prie.
Je m'approchai de sa porte espérant qu'il m'autorise à rentrer, il était là, je devais le voir. Mais une main me retint.
— Il vient de me demander de sortir. Je ne pense pas...
Je n'écoutai pas la réponse de Monsieur Bennett. Je frappais contre la porte sans oser entrer.
— Jayden, c'est Lila, je souhaite simplement te parler. Tu m'entends, tu ne peux pas me laisser comme ça, pas maintenant, pas après tout ce qu'on a vécu.
J'avais déjà eu ma dose de séparation, je ne voulais pas le perdre lui aussi. Le téléphone de son père vibra. Il lut le message et soupira.
— Lila, il me demande de te faire partir.
— Jayden !
Mon cœur s'affolait dans ma poitrine, mes mains tremblaient. Je sentais les larmes me monter aux yeux. Ce n'était pas possible. Il fallait que je le voie. Pas lui, pas encore...
— Je sais que tu reviendras, je le sais Jayden, mais je ne sais pas dans combien de temps et cette attente reste insupportable.
Je reçus un message à mon tour. Je me laissais glisser sur le sol, je ne savais pas ce qui était le pire, perdre réellement quelqu'un que l'on aime après un deuil, ou le perdre en sachant qu'il vit toujours quelque part.
Laisse-moi du temps, si tu m'aimes vraiment, laisse-moi ma liberté.
Ces mots raisonnaient en moi, je me souvenais d'une soirée avec Chayton et sa mère, je voulais absolument qu'elle nous raconte une légende amérindienne Sioux sur l'amour, l'individu et le couple. J’adorais ses histoires. Surtout celle où un jeune couple avait réuni deux oiseaux. Ils attachèrent une patte de l'animal à celle de l'autre et lorsque les oiseaux essayèrent de voler ensemble, cela était impossible. « Si vous voulez que votre relation perdure, volez ensemble, très haut dans le ciel, mais ne vous attachez jamais... Car le véritable amour unit mais n'emprisonne pas », voilà ce que représentait l'amour. La liberté.
Je répondis immédiatement à Jayden avant de partir.
OK... mais je continuerais à voler à tes côtés.
***
Seulement quelques semaines plus tard, j'avais eu besoin de quelqu'un de connu dans le milieu médical pour me retrouver bénévole dans le centre de suite et de rééducation de Jayden. Merci Monsieur Bennet ! J'avais repris mes études d'infirmière et ce temps de bénévolat ne pouvait être qu'un plus. Un plus qui allait me permettre de voler pas trop loin de celui qui occupait chaque jour et chaque nuit mes pensées. Son silence m'était insupportable. J'avais craqué plusieurs fois, lui écrivant des messages pour savoir comment il allait, s'il ne souffrait pas trop. Je n'avais reçu aucune réponse. Le temps semblait interminable. J'avais l'impression que le sort s'acharnait.
Après Chayton, c'était maintenant Jayden qui me tournait le dos. Sauf que pour un, il m'était impossible pour l'instant de pouvoir le revoir, pour l'autre, je ne m'avouerais pas vaincu si facilement. Il ne voulait certainement plus de moi dans sa vie, je ne trouverais effectivement plus dans sa vie privée, rien ne m'interdisait de me retrouver proche de lui professionnellement.
Ce début de matinée au centre était déjà intense. L'aide-soignante référente dont je dépendais à présent était un peu stricte. Elle devait avoir une quarantaine d'années et elle attendait beaucoup de rigueur auprès de ses patients, même pour des bénévoles. Je lui expliquais mes longues vacances au ranch avec ma grand-mère à aider nos petits pensionnaires, elle ne semblait pas s'attendrir, mais je marquais sûrement des points. Lorsqu'on arriva enfin à la chambre de Jayden, elle s'arrêta un instant.
— C'est un jeune homme qui vient d'avoir un accident de la route. Il est peu loquace, on ne s'éternise pas.
Parlait-elle vraiment de Jayden ? Peu loquace ? C'était impossible, pas lui. Il était capable de parler à un mur, de charmer n'importe quelle personne en quelques mots. Mon cœur s'emballait à la simple idée de le revoir. Je restais figé à l'entrée de la chambre, mon palpitant toujours incontrôlable.
Jayden, l'homme qui avait occupé mes pensées jour et nuit, était là, devant moi. Il était allongé sur son lit, une jambe complètement plâtrée, ainsi que son épaule, tout son côté droit était abîmé. Les yeux rivés vers le plafond, l'autre bras sur son visage.
— Je n'ai besoin de rien, Anita.
— Tiens, je ne savais pas que vous connaissez mon prénom. Je suis avec une aide-soignante bénévole, Lila, est-ce que vous acceptez qu'elle reste ?
Il mit quelques temps à répondre.
— Peu importe, je n'ai besoin de rien.
— Vous ne pouvez pas encore refuser, je dois changer vos draps.
— Vous changez mes caleçons, c'est déjà suffisant, sortez.
Elle se racla la gorge, sans se laisser démonter.
— Je vous aide à réaliser votre toilette, c'est mon travail. Il n'y a rien de honteux à cela.
Il ne lui accorda aucun regard. J'avais l'impression de ne plus reconnaître l'intonation de sa voix. Il était tellement froid. Jayden semblait si différent.
Anita, l'aide-soignante, me lança un regard navré de ne pas pouvoir aider son patient. Je hochai la tête, essayant de masquer la douleur qui me déchirait le cœur.
— D'accord, Jayden, je vais vous laisser tranquille pour l'instant, mais je reviendrai plus tard pour changer vos draps, lui expliqua Anita en sortant de la chambre. Lila, peux-tu remplir la carafe d'eau et la placer du côté gauche du patient s'il te plaît ? Rejoins-moi dans la chambre d'à côté quand tu auras fini.
— Oui, Anita.
Resté seul avec Jayden, je subissais le poids du silence. Je m'approchai de son lit, le regardant avec inquiétude. Il avait l'air si vulnérable, si différent de l'homme que j'avais connu. Son avant-bras cachait toujours ses yeux.
— Jayden, c'est moi... commençai-je, ma voix tremblante.
Il enleva lentement son bras, tournant la tête vers moi, ses yeux rencontrant les miens. Il y avait une lueur de reconnaissance dans son regard, mais elle était rapidement remplacée par de l'indifférence. Son visage, autrefois animé par un sourire charmeur et des yeux pétillants, était maintenant marqué par la douleur et la solitude.
— Je sais qui tu es, répondit-il d'une voix monotone. Mais comme je l'ai dit à Anita, je n'ai besoin de rien.
Son rejet me frappa comme un coup de poignard dans le cœur, mais je refusais de le laisser me voir faiblir. Je me trouvais ici, que cela lui plaise ou non. Et je n'allais pas abandonner si facilement.
— Très bien, Jayden, répondis-je, essayant de garder ma voix stable. Prends le temps qu'il faudra.
Avec ces mots, je lui servis à boire et je sortis de la chambre, renonçant à Jayden pour le moment. Je savais que le chemin à parcourir resterait long et difficile, mais j'étais prêt à le faire, pour Jayden. Parce qu'au fond de moi, j'étais persuadée que j'avais encore plus besoin de lui...
Hello, une petite suite, j'écris toujours aussi lentement. Je me rends compte que j'ai commencé Cette nuit et celle d'après en 2015, mais que j'ai cette trilogie en tête depuis les années 2010 ! Le temps passe ! Depuis, j'ai de nouvelles idées de romans en tête et des envies d'écrire des fictions avec des personnages moins jeunes, peut-être même moins de romance...
Il me tient toutefois à cœur de continuer Cette vie et celles d'après, mais j'ai aussi très envie de créer autre chose! Voila un peu mes dilemmes depuis quelques mois ! lol J'écris donc des ébauches de plan, de synopsis, des fiches personnages en attendant... C'est pourquoi la fin tard un peu. Désolée...
Prenez soin de vous,
A bientôt ;)
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