Chapitre 7 - (2-2) Confidences pour confidences
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Après cette courte nuit au clair de lune, j'avais été obligée de mettre mon réveil si je voulais être prête pour les activités du lendemain. Je m'étirai un long moment, le sourire aux lèvres. Quoi ? Les images de la soirée passée me revenaient comme des souvenirs indélébiles.
Je pouvais encore sentir ses mains se balader sur mon corps, le bruit du papier d'aluminium qu'il avait récupéré dans son portefeuille sur le ponton. J'avais ri au moment où il avait essayé de l'ouvrir avec ses dents. Son jean devait peser une tonne avec le poids de l'eau. Il l'avait laissé tomber sur ses chevilles, les pieds en équilibre sur l'échelle. Mon dos m'avait lancé à certains moments, j'étais assise sur une marche, mais les instants de douleur furent rapidement effacés quand il se perdit en moi. J'avais fixé le ciel étoilé, cette pleine lune, je ne l'oublierais jamais. J'avais vécu l'un des moments les plus intenses de ma vie, il avait d'ailleurs prononcé mon prénom d'une manière totalement différente des autres fois.
Après plusieurs étirements, je me jetai sur ma table de chevet et ouvris mon carnet aussi vite que je le pus.
Ain't no sunshine when she's gone Il n'y a pas de soleil quand elle est partie
It's not warm when she's away Il ne fait plus chaud quand elle est loin
And she always gone too long Et elle part toujours trop longtemps...
Des partitions, des notes de musique, des paroles, je trouvai rapidement l'auteur : Bill Withers. Après les moments que nous venions de passer, j'avais envie de croire que ces paroles étaient pour moi.
Le sourire aux lèvres, enfin prête, j'arrivai à pas de loup à l'écurie. Migina n'était pas descendue, elle demeurait toujours dans la lune après cette nuit... J'entendis mes collègues et Ash discuter tout en préparant les chevaux.
— Hé, Ash, après ta ronde, il faut dormir hein ? le taquina Juan.
— Mila a débarqué à l'improviste. On a répété jusqu'à cinq heures du matin ne me cherche pas trop, je ne suis pas d'humeur, rectifia-t-il à mon ami.
Je restai figé. Mila, cette nuit ? Comment pouvait-il ? On était rentré vers deux heures. Elle était venue après moi ? « Il n'y a pas de soleil quand elle n'est pas là », elle partait tout le temps c'est ça ? Ces paroles me revenaient : « je m'amuse si tu vois ce que je veux dire ». Je n'avais jamais dit qu'il fallait que cet été soit exclusif... Lui non plus d'ailleurs. Putain, comment pouvait-il ne pas l'avoir deviné ?
— Une nuit avec Mila, je ferais tout sauf jouer de la musique.
Juan tapa dans la main d'Isaac tout fier de sa réplique. Chaque mot apparaissait comme un coup de poignard. J'avais le choix soit remonter dans ma chambre et passer ma journée à pleurer, soit je pouvais entrer et hurler, mais bon mes amis ne comprendraient pas. Ressaisis-toi Sofia ! De toute façon, je ne regrette rien. Il a toujours des sentiments pour elle, je le sais depuis le début, non ? Il ne l'a jamais dit, mais il ne m'a rien promis non plus...
Naomi arriva derrière moi.
— Salut Sofia !
— Salut.
Je n'avais plus le choix, je devais y aller, advienne que pourra. Je repris contenance et affichai mon plus beau sourire, ce qui rassura immédiatement Naomi. Depuis le décès de mon frère, j'étais devenue une pro de l'illusion.
— Hé, So, s'exclama Juan, voilà une personne qui a l'air d'avoir merveilleusement bien dormi et qui est resplendissante.
Il attrapa ma main et l'embrassa maladroitement.
— Qu'est-ce que tu racontes Juan, éludai-je, en lui tapant sur l'épaule.
— Tu es ravissante ! Alors qu'Ash a clairement la tête d'un homme qui a passé la nuit avec Mila. Et je doute qu'il n'ait fait que répéter.
Ash se racla la gorge gênée.
— Bon, vu que Juan a décidé de faire le malin, il est temps de passer aux choses sérieuses. On va se balader jusqu'aux plaines et pousser les chevaux pour ceux qui le souhaitent.
Les garçons étaient aux anges et moi j'avais bien envie de sensations plus fortes que les émotions que je vivais à l'instant.
Ash me sourit et là j'oubliai tout. Elle avait peut-être encore son cœur, ils avaient un vécu commun. J'acceptais de posséder son corps même si c'était seulement pour un été.
Quand il m'aida à monter sur Darkness, il en profita un instant, et caressa plus longuement le creux de ma hanche.
— Tu es éblouissante, ce matin, murmura-t-il.
— Tu as l'air fatigué toi, insinuai-je.
— Mila s'est pointée à deux heures trente, elle avait besoin de discuter, elle sait que je dors peu...
— Ok, le coupai-je en souriant, je ne voulais rien connaître de plus.
Naomi commença à quitter Isaac pour se retrouver à ma hauteur.
— Sofia, je suis venue dans ta chambre hier pour te parler, tu ne te trouvais pas là.
Merde ! Je ne m'attendais pas à ça, bon improvise Sofia.
— Je n'avais pas sommeil, j'ai été me promener sur le ponton, mentis-je à mon amie.
Je n'aimais pas cela, je n'aimais pas non plus son regard soucieux.
— Qu'est-ce qu'il se passe Naomi ? Ça n'a pas l'air d'aller, m'inquiétai-je.
Ses iris toujours si pétillantes semblaient remplis de doutes, de peur même.
— Je n'ai pas eu mes règles et ce matin je n'ai pas pu avaler mon petit-déj. Je n'ai jamais de retard, jamais ! Tu crois que...
— Naomi, vous ne vous protégez pas ? pensai-je tout haut.
— J'ai oublié ma pilule trois fois, mince ! Comment je vais faire Sofia, paniqua-t-elle.
Le fait de mettre des mots la renvoyait à l'évidence, elle semblait probablement enceinte...
Je passai un moment à rassurer mon amie, Naomi aimait beaucoup Isaac, mais elle n'envisageait pas d'être mère si jeune, si tôt. Sa propre maman était fleuriste à Billings et Naomi devait aller travailler avec elle à la rentrée. Elle n'avait jamais pensé faire des études plus longues. Mais là, je sentis qu'elle hésitait finalement. Qu'une partie d'elle souhaitait garder ce petit être qui grandissait en elle. Je lui conseillai d'en parler avec Isaac et d'aller dans un planning familial dès notre retour. Cela leur laissait le temps de réfléchir. Isaac allait devoir chercher du boulot rapidement, vu ses résultats scolaires, le reste n'apparaissait pas envisageable. S'ils décidaient de garder ce bébé...
Qu'est-ce que je ressentirais dans le même cas ? Je chassai vite cette idée ! J'en savais foutre rien ! Après, ces confidences, j'observai Naomi se rapprocher d'Isaac, il lui tenait la main fermement. Ils semblaient si amoureux...
Ash avait beaucoup de patience avec le groupe, à notre arrivée, il expliqua à chacun d'entre nous comment amener les cheveux au galop. Lorsque l'on s'élança enfin, c'était encore plus incroyable que ce que j'imaginais. Ce sentiment de liberté restait un pur bonheur et Darkness le meilleur compagnon qu'il soit, doux, calme, sûr de lui. Il me faisait virevolter avec légèreté. Je pense que j'avais toujours mon sourire béat sur le visage quand on revint au trot.
Ash félicita chacun de mes amis, avant de se retrouver au pas à côté de moi.
— Alors ? Ça t'a plu ? me demanda-t-il. Je savais que Darkness était fait pour la vie sauvage, mais toi, tu ressemblais à un vrai mustang.
— C'était inimaginable, déclarai-je en caressant Darkness.
— Pas autant qu'hier soir, répondit-il le regard taquin ou coquin, voire les deux...
— Ash romantique, j'aurai tout entendu, plaisantai-je, gênée par ses allusions à notre soirée mémorable.
Il m'attrapa la main et m'embrassa délicatement. Je devais être rouge pivoine, c'est sûr.
— Seulement avec toi, Mlle Flores, j'apprécie beaucoup participer à tes premières fois...
— Oh, j'apprécie également que tu contribues sérieusement à mes premières fois.
— Par contre, je vais rater ton baptême en Jet-ski, je suis déçu.
— Heu, je n'ai pas l'intention de monter sur un Jet-ski, dis-je surprise.
— C'est votre activité de demain Sofia, tu ne peux pas te défiler.
— Pourquoi ne seras-tu pas là ? demandai-je frustrée.
Peu importe ce que l'on allait faire, c'était sans lui.
— Mon directeur de labo m'a appelé. Ils ont besoin de moi avant la rentrée universitaire. Je vais à Missoula, pour deux jours. Et j'ai proposé à Damon de vous initier aux sports nautiques, ajouta-t-il, tout fier de son idée.
— Ok, Damon est plutôt sympa et mignon, insinuai-je pour cacher ma déception.
— Les ados et leurs hormones, je vous jure, tu ne peux pas te tenir une seconde.
J'éclatai de rire à sa mine boudeuse, Ash jaloux ! On aura tout vu.
— J'avais une surprise pour toi, mais là, c'est limite.
Je le regardai les yeux brillants.
— Ok, ok, on dirait que tu vas bientôt ouvrir tes cadeaux de Noël.
— J'adore les cadeaux !
— Même si le cadeau, c'est simplement moi ?
— Surtout si c'est toi...
Il sourit.
— Ce soir, on quitte le ranch, je t'attends à ma voiture vers une heure.
— C'est un rendez-vous ? plaisantai-je, où m'amènes-tu en pleine nuit ?
— Oui, c'est un rendez-vous, enfin, je crois. Et que ne comprends-tu pas dans le terme « surprise » ? Je ne dirai rien, mais il me tarde que le soleil se couche, termina-t-il, taquin.
— Crâneur.
Il partit au galop pour rejoindre le début du groupe, j'étais aux anges, rien qu'à l'idée de passer encore une soirée avec lui.
Un chapitre qui arrive avant ce week-end, pour vous remercier d'avoir pris le temps de lire mon histoire et surtout pour vos précieux messages...
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