Chapitre 6- (2-2) Juste un été
J'avais envie de prendre l'air, même si la soirée s'était rafraîchie, j'avais aperçu un rocher près de la rivière avec une vue imprenable. C'était assez éloigné du camp, mais pas de trop quand même. N'oubliez pas que je n'étais pas spécialement téméraire et un tête-à-tête avec un animal sauvage aussi adorable soit-il, il reste sauvage. Je pris ma casquette, mis mes tongs avant de commencer mon périple vers ce petit lieu de paradis.
Je m'assis en tailleur sur le rocher et contemplai le paysage. La lune se reflétait sur l'eau, c'était un appel à y goûter. Je respirai un grand coup, essayant de laisser libre cours à mes pensées, tout comme le vent chasse les nuages, une pensée en chasse une autre.
— Sofia ? murmura une voix que je connaissais maintenant depuis deux semaines.
— Ash, tu ne dors pas ?
— Je te signale qu'il est une heure du matin et comme au ranch, j'effectue ma petite ronde. Tente ouverte, toujours si discrète.
Je souris, mince, j'avais complètement oublié. Mais contrairement à la première fois, il semblait content de me trouver là.
— Avant que tu ne demandes, je tiens à dire que je n'ai aucune excuse, si ce n'est une envie irrépressible de me baigner, mais tu vois, je résiste, plaisantai-je.
Il s'assit près de moi, son genou frôlant le mien, aucune distance entre nous cette fois-ci.
— Comment t'es-tu retrouvé coincé ici pour les beaux jours ? murmurai-je.
Il fallait changer de sujet, cela devenait embarrassant qu'il ne réponde pas.
— Ma mère ne pouvait pas vous accueillir.
— C'est ce que j'avais cru comprendre.
Il me regarda un instant comme pour mesurer s'il pouvait me faire confiance et parla enfin.
— Elle n'a jamais raté un seul été, c'est quelque chose qui compte beaucoup pour elle, depuis que ses parents lui ont légué le ranch, elle essaye de proposer des séjours de découverte...
— Pour des jeunes comme nous.
— Oui, de toutes les villes, elle ne souhaitait pas que sa passion reste réservée à une élite.
— C'est tout en son honneur.
— Oui, malheureusement, on vient d'apprendre qu'elle est malade.
— Je suis désolée Ash, je ne voulais pas...
— Merci, un cancer du sein diagnostiqué, il y a un an, mes parents me l'ont annoncé plus tard. Ils attendaient la fin de mon année d'étude. Elle pensait également pouvoir poursuivre ces activités au ranch, mais la radiothérapie la fatigue beaucoup, elle se trouve avec mon père à Missoula.
— Est-ce que c'est... ?
Je n'arrivais pas à finir ma phrase. Il comprit ma gêne et ajouta.
— Les médecins restent très optimistes, il sourit légèrement. Mais cela reste une étape. Elle ne se plaint jamais, tout ce qu'elle voulait, c'est quelqu'un qui prenne le relais pour vous accueillir, mais pas n'importe qui. J'ai grandi ici, donc, je lui ai proposé, je ne l'ai jamais vue si soulagée.
— Je savais que tu étais un tendre en fait, plaisantai-je.
— Ne le dis à personne hein ? J'ai une réputation à tenir.
— Promis. Face à cette confidence, je n'insistai pas et changeai de sujet. Alors comme ça, tu es doctorant...
— Oui, Mademoiselle, je suis enfin chargé de cours en Biologie de la faune et l'étude des animaux sauvages, de leurs habitats et de leur conservation, à l'université du Montana.
— Waouh ! Félicitations ! On va être, heu, voisin. Je rejoins la fac à la rentrée, en licence littérature.
Il rit.
— Moi qui pensais que j'allais être tranquille d'ici quelques semaines.
Je lui balançai un coup de poing dans l'épaule.
— Aie !
Il sourit et observa l'eau couler face à lui, il resta un instant sans échanger et pour une fois le silence ne me gêna pas, j'aimais être simplement avec lui.
— Tu sais ce que l'on venait faire ici avec Joe, Damon, Mila et...
Il s'arrêta.
Je sentis qu'il n'arrivait pas à poursuivre et une profonde tristesse dans son regard. De qui allait-il parler ? Je n'insistai pas, je ne voulais pas me montrer trop intrusive.
— Tu venais faire quoi ?
— On campait avec nos parents et le soir, enfin, nous, il hésita un instant. Nous faisions un bain de minuit là.
— D'accord, je vois le genre.
— Quoi ? Je ne te permets pas de juger, il faut l'avoir déjà fait pour comprendre, Sofia.
Je me levai d'un bond.
— Qu'est-ce que tu fais ? me questionna-t-il interloqué, les sourcils arqués.
Je me sentais l'envie de le surprendre, de me surprendre. Je commençai à retirer ma casquette et détachai mes cheveux sur mes épaules.
— Je vais me baigner, ce que j'avais prévu de faire avant que tu arrives de toute façon.
— Tu n'es pas obligée, je veux dire, Sofia...
Il ne finit pas sa phrase, je passais déjà mon débardeur au-dessus de la tête, je me retrouvais en short et en soutien-gorge devant lui, merde, qu'est-ce qu'il me prenait ? Je le regardai à peine, je baissai mon short sur mes cuisses puis sur mes chevilles avant de l'enlever maladroitement avec mes tongs emmêlées.
Je restai un instant en sous-vêtements devant lui, la lune éclairait juste ce qu'il fallait, enfin, je pense. Je lui souris et me tournai pour aller dans l'eau. J'adorai ma nouvelle moi. Pleines d'audace, un brin de folie. Je sentis sa fraîcheur sous mes pieds.
— Tu devrais venir, Ash, déclarai-je en me retournant. C'est un pur bonheur.
Je l'observai, il était tellement beau.
Il demeurait encore assis, il n'avait pas bougé, mais il me regardait intensément. Je rentrai dans l'eau jusqu'au-dessus de ma poitrine et retirai mon soutien-gorge, puis ma culotte que je jetai sur un rocher. Il avait avancé de quelques pas, il était là, plus près, toujours à se demander qu'elle était le bon choix.
— Tu réfléchis trop Ash.
— Il faut bien que je reste le plus responsable des deux.
— On fait un deal ?
Je ne désirais pas être son ami, je voulais plus et si je ne lui demandais pas, je le regretterais, c'est sûr.
— Je t'écoute.
— Donne-moi ton été, soufflai-je, je ne te réclame pas plus, le labo de biologie et celui de littérature sont à l'opposé, on ne risque pas de se recroiser à la rentrée, juste ton été...
Il réfléchit un instant, bien trop long à mon goût, et passa son tee-shirt au-dessus de la tête, il ne répondit pas, mais est-ce que l'on pouvait considérer que c'était un oui ? Il retira ses chaussures et son jean. Il conserva son caleçon, il était si beau.
— J'ai déjà pratiqué des bains de minuit moi, je vais rester comme ça, je pense.
Je hochai la tête. Il me rejoignit dans l'eau en s'avança vers moi, le plus lentement qu'il soit. Il effleura ma joue de sa main, plaça une mèche de mes cheveux derrière mes oreilles.
— J'ai une question avant de répondre.
— Je t'écoute.
— Pourquoi as-tu embrassé Juan ce soir-là, si tu voulais que l'on passe l'été ensemble ?
Je souris. Il l'avait remarqué et cela ne lui avait pas plu, on dirait.
— C'était un jeu.
Il resta interloqué. Je bafouillai.
— Oui, celui qui n'a pas fait doit boire. Et vu que je n'aime pas boire, j'ai proposé d'embrasser Juan.
Il demeura silencieux un instant, avait-il changé d'avis ?
— Ok, jouons aussi alors, à je n'ai jamais...
— Heu, tu n'es pas trop vieux pour ça, puis on n'a pas d'alcool et...
Je compris qu'il parlait des baisers.
— Celui qui n'a jamais fait doit embrasser l'autre, mais pas simplement sur la bouche, où il veut, proposa-t-il.
Jolie variante Ash. J'acquiesçai.
— Je n'ai jamais embrassé de fille de dix-sept ans, annonça-t-il enfin.
— Heu, j'étais là et je sais que tu l'as fait, le but, c'est que l'autre...
Il attrapa délicatement mes hanches, les caressa un instant avant de me lever lentement à mi-hauteur, l'eau m'arrivait au bas-ventre, il appuya ses lèvres sur ma hanche gauche, puis me reposa.
— J'avais très envie de t'embrasser là, annonça-t-il, taquin.
Il souriait légèrement. C'était le moment le plus érotique de toute ma vie et certainement celui que je n'oublierai jamais. Ses lèvres étaient d'une douceur inégalable, sa barbe m'avait donné tous autant de frissons, je sentais la chair de poule sur l'ensemble de mon corps.
— Ok, je n'ai jamais fait de bain de minuit...
Je m'avançai vers lui et lui murmurai.
— J'ai très envie de t'embrasser également à cet endroit, mais là c'est un peu compliqué.
— Effectivement, sauf si tu pratiques l'apnée, plaisanta-t-il.
Je posai mes lèvres sur sa fossette, pile au moment où il sourit.
Il me regarda intensément, ses yeux bleu acier me transperçaient l'âme depuis des jours et maintenant le corps et le cœur.
— Je n'ai jamais mangé d'insectes, lâcha-t-il brusquement.
Ok, c'est quoi ça ? Il aperçut mon visage se décomposer.
— Sofia n'oublie pas que je reste le plus raisonnable des deux, et là, il est préférable que je change de sujet, si tu vois ce que je veux dire...
Je hochai la tête. Il s'était d'ailleurs un peu reculé.
— Je n'ai jamais voté républicain, demandai-je.
Bah quoi il souhaitait calmer ses hormones, rien de tel qu'un peu de politique puis franchement un mec qui vote républicain ne méritait pas mes faveurs !
Il sourit et m'embrassa sur le nez.
— Mon appartenance politique a l'air de t'intéresser, je pense choisir Hilary Clinton pour les prochaines présidentielles.
— Je préfère Bernie Sanders.
Il continua. Le ton plus sérieux.
— Je n'ai jamais culpabilisé de la mort d'un proche, souffla-t-il.
Je demeurai surprise, voulait-il apprendre à me connaître aussi ? C'est vrai que nous n'avions pas reparlé de mon frère depuis le saut. Je m'avançai vers lui en posant mes mains sur ses hanches, son corps réagit en un instant, je l'embrassai dans le cou et je sentis immédiatement des frissons sur sa peau. J'avais du mal à rester concentré, j'avais envie de tellement plus.
— Mon frère, expliquai-je. Ce jour-là, j'avais beaucoup de travail. Mes études ont toujours été très importantes pour moi. Même très jeune, mon frère et ses potes n'arrêtaient pas de chahuter, je leur ai demandé de sortir, Alejandro n'est jamais revenu.
— Ce n'est pas ta faute Sofia.
Il s'approcha de moi, me serra tout contre lui avant de m'embrasser fougueusement. Je lui rendis son baiser instinctivement, il caressait mes hanches, les pressait sous ses doigts. Je plaquais mes mains sur son dos ferme et j'oubliai tout. Quand on réussit enfin à se détacher, il prit la parole.
— Je suis désolé, je crois que n'importe quelle discussion n'y peut rien, murmura-t-il.
Je souris.
— Tu n'as pas respecté les règles du jeu Ash, tu m'as embrassé...
Son visage se rembrunit.
— J'ai perdu un ami et je pense sincèrement que c'est ma faute...
— J'aurais préféré que l'on possède un autre point commun.
Il changea de sujet rapidement, il ne voulait toujours pas en parler.
— À toi...
— Je n'ai jamais accepté de donner mon été.
J'avais besoin de connaître son choix, il pouvait souffler le chaud et le froid en un instant et je ne désirais pas cela. Je souhaitais savoir en quoi m'en tenir. Sans lâcher mon regard, il me souleva encore pour m'embrasser sur la hanche gauche. Je ris aux éclats. Il me fit descendre le long de son corps, m'embrassa sur les tempes.
— J'espère que ma réponse te convient. Je hochai la tête.
— On rentre au camp Migina avant que je ne réponde plus de rien. Et j'ai l'impression que je ne peux pas compter sur toi là, rajouta-t-il pendant que je caressais à mon tour ses hanches fermes.
Il partit devant moi et récupéra mes sous-vêtements pour me les donner. Je les passai rapidement, avant de sortir de l'eau main dans la main.
— On n'a pas fini cette conversation, Sofia, demain soir, près du ponton, ok ? murmura-t-il avant d'arriver à nos tentes.
— Oh, désolée, je n'ai pas le droit aux escapades nocturnes, plaisantai-je.
Il rit en secouant la tête. Que c'était bon de l'entendre. Je me blottis dans ses bras brièvement, il attrapa ma main et la caressa délicatement avant que chacun ne rejoigne sa tente.
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