Chapitre 6 - (1-2) Juste un été
Quelques jours après cette soirée, l'ambiance était la même, voire pire, Ash et moi restions tout juste courtois, je refusais toutes activités auxquelles ils étaient associés, et lui évitait tout contact avec moi. Concrètement, ces trois jours apparurent comme les plus horribles de mon séjour. Je participais à peu de choses, mais j'essayais quand même de passer du temps avec mes amis. J'avais relu les quelques pages du cahier, plusieurs fois, il n'avait plus rien écrit depuis sa lettre. Il ne me l'avait jamais donnée...
Comme tous les soirs, le carnet de madame Blake était posé sur ma table de chevet. J'étais persuadée de m'être assoupie avec mon journal et mon carnet sur moi, en somme, j'avais dû le remettre sans m'en rendre compte sur la table. La lumière de la petite lampe se trouvait éteinte, vraiment bizarre, j'étais tellement fatiguée, je ne me souvenais pas de cela...
Tout compte fait, c'était sûrement Emily en effectuant sa ronde de nuit. Je m'étais déjà endormie avant qu'elle ne passe. Rien que de l'imaginer dans ma chambre à côté de moi, brrr ! Je fermai les yeux, sortez-moi vite cette image de la tête !
bref, quand je me décidai à ouvrir le carnet, il y avait un adorable dessin d'un saxo où s'échappait le même texte de Skatalites avec la dernière phrase écrite plusieurs fois :
Only you and me in this old wild world Seulement toi et moi dans ce vieux monde sauvage...
C'était très joli, il avait ajouté la fin des paroles, mais j'étais déçue, pas de nouvelles lettres à mon intention... Grosse déception, l'indifférence est bien le vrai contraire de l'amour, voire le pire contraire de l'amour. Encore plus quand l'amour et la haine ne font qu'un, surtout pour moi, en ce moment.
Ce matin-là, je préparai un petit sac, Ash avait prévu avec l'ensemble du groupe deux jours en canoë et une nuit à la belle étoile afin de nous faire découvrir les joies du camping sauvage. J'adorais Seeley Lake ! Je me voyais bien venir écrire mon premier best-seller ici. Pour tester notre esprit d'équipe, nous nous retrouverions à deux. Bien entendu, Isaac choisit Naomi (ou l'inverse), Valentina sauta sur Juan qui me regarda l'air navré et j'allais devoir partager une proximité non négligeable avec Ash.
Un moniteur de canoë nous attendait sur place pour aider Emily à gérer les plus jeunes. Heureusement pour moi, le paysage demeurait grandiose, c'était beaucoup mieux pour garder mes distances avec Ash. Les espaces immenses et isolés étaient un vrai régal pour les yeux. J'installai ma tente avec Juan. Nous formions un cercle assez large autour de deux grands futurs feux de camp.
— Un camping sans des S'Mores ce n'est pas un camping dans le Montana d'après Ash, j'ai acheté tout ce qu'il faut la dernière minute avec Emily, expliquai-je à mon ami.
— Tu es formidable ma So, j'adore les marshmallows grillés, c'est une bonne dose de sucre avant d'aller dormir !
Je lui souris l'esprit ailleurs. Je ne pensais qu'à lui, il devait avoir vécu tellement de choses ici, il avait déjà dû camper à plusieurs reprises, alors que pour moi, c'était la première fois.
— J'ai l'impression que tu sembles beaucoup plus distance depuis que l'on est arrivé. Je ne sais pas, tu me dirais si cela n'allait pas ?
Je restai surprise, mais pas étonnée, Juan me connaissait, nous étions très fusionnels, et là, il se rendait compte que je passais moins de temps avec lui, que je me confiais moins. Juan aussi d'ailleurs s'ouvrait à d'autres horizons. Ash nous jetait quelques œillades en montant sa propre tente.
— Ne t'inquiète pas pour moi Juan, tu as confiance en moi ? Non ?
— En toi, oui, mais en lui moins, déclara-t-il en hochant la tête, il a une manière de te regarder, tu vas voir...
Il passa de la théorie à la pratique sans que je puisse me défendre, il m'attrapa et me lança sur son épaule. Je ne pus retenir ma casquette qui me donnait un petit air rebelle. Mes cheveux tombaient en cascade sur son dos, c'était d'un ridicule ! Heureusement, je portais un short. J'avais l'espoir de le rallonger à ce moment-là, mais j'avais beau tirer dessus, rien n'y faisait ! J'éclatai de rire en lui tapant sur l'épaule.
— Juan Mendez, qu'est-ce que tu fais ? criai-je.
Il me fit pivoter pour que je voie Ash, on aurait dit un lion à l'affût.
— Regarde, il est prêt à bondir, mais il se retient. Il attend que je fasse quelque chose qui le justifie, plaisanta mon ami.
— Tu devrais écrire des fictions Juan, tu dois être plutôt doué pour raconter des histoires !
Je bottais en touche. L'attitude machiste de mon camarade me fit sourire, je savais qu'il avait beaucoup de respect pour les femmes et qu'il faisait cela parce qu'il adorait avoir toujours raison !
— Vas-y, tu peux crier de plus en plus fort, tu vas voir, énerve toi-même. Je te parie qu'il rapplique en moins de deux et tu devras me dire qui est le mec plus vieux que tu as embrassé !
Sacré Juan, il n'avait pas oublié... Pas besoin de lui parler, il captait tout.
Je ne sais pas pourquoi je jouai le jeu, peut-être mon ami avait vu juste, mais surtout, je sentais que j'avais envie de réponses. Pensait-il encore à moi autrement que comme une adolescente de dix-sept ans en séjour dans le ranch de sa mère ? De toute façon, il ne viendrait pas, alors...
— J'ai mal au cœur Juan, fais-moi descendre maintenant.
Le ton de ma voix changea en quelque chose de plus ferme, ce à quoi je ne m'attendais pas c'est d'apercevoir Ash foncer sur nous immédiatement.
— Bon Juan, il y a d'autres moyens pour obtenir les faveurs d'une fille que de jouer à l'homme des cavernes, pose-la, tout de suite.
Ash ne pouvait m'observer, je souris en catimini. Je me rendis compte également qu'il avait probablement une vue imprenable sur mon postérieur.
— J'ai déjà eu ses faveurs Ash, elle m'a presque agressé l'autre soir, tu te souviens ?
Il faisait référence à la soirée, je suis sûr qu'il avait compris que l'homme plus âgé, c'était lui.
Je le frappai plus fort dans le dos et ne pus retenir mon fou rire.
— Tu vois femme qui rit à moitié dans son lit, fanfaronna-t-il en me reposant sur le sol.
Je savais très bien que Juan ne pensait pas un traître mot de son comportement ou propos machiste. Il voulait absolument connaître les intentions d'Ash, j'en étais sûre, mais je n'en rajoutai pas. J'avais déjà tellement de doutes moi-même. Je lui tapai dans l'épaule et me jetai dans ses bras.
— Merci, lui susurrai-je, tu es le meilleur ami que l'on puisse avoir.
— À votre service madame ! Puis, il ajouta plus fort en m'embrassant sur la joue, laisse ta tente ouverte ce soir !
Ash fronça sérieusement les sourcils.
— Ok, petit malin ! On échange nos tentes, tu résideras entre Emily et les plus jeunes, je prends la tente à côté de Sofia.
— Hé, protesta mon ami !
Je voyais à son visage qu'il se retenait vraiment de rire.
— Je n'ai pas besoin de chaperon Ash, me défendis-je.
— C'est non négociable, dans une demi-heure devant les canoës.
Juan et moi nous regardâmes. C'était quoi ça ?
— Alors ?
Mon ami me fit un clin d'œil, comme d'habitude, il ne me jugea pas et ne me demanda même pas qui était ce fameux garçon.
_ Ça ne veut rien dire, il ne supporte pas les machos, c'est tout ! Il a fait pareil au pub.
Je préférais penser cela, je ne souhaitais pas être encore déçue.
— À d'autres So ! Et merci grâce à toi, je finis à côté d'Emily !
— Alors, je crois qu'il est parfois pire que mon frangin, protestai-je pour éviter tout soupçon.
Même si j'avais confiance en Juan, je ne voulais pas créer de tort à Ash et les autres commençaient à nous regarder.
— Oui, sauf que ton frère n'acceptait aucun mec autour de toi, lui, il désire être le seul près de toi. Tu ne vois pas l'emprise que tu as sur les hommes So ?
Je restai extrêmement troublée par ses propos, je ne pensais en aucun cas avoir un quelconque charme sur les hommes. Mon premier baiser avec Manuel Vargas, un ami de mon frère et de Juan, avait été assez étrange. On avait attendu que Juan sors de la douche avant d'aller à une soirée, un peu gêné, il m'avait embrassé, et notre proximité s'était soldée par un : « heu, Sofia, ce n'est pas possible ». Après cela, il restait poli et courtois, mais il semblait m'éviter. Je m'étais toujours demandé ce que j'avais pu faire ou dire, enfin...
Je fixai ma casquette à l'envers sur ma tête et me dirigeai vers les canoës avec la bande. Après tout, c'est lui qui avait un problème avec moi ! Je le rejoignis près de notre embarquement commun. Il me regarda arriver et me sourit. Il avait eu ce qu'il voulait comme toujours, il avait éloigné Juan de moi.
— Allez petite rebelle, c'est parti, j'espère que tu n'as pas trop peur des descentes vertigineuses, déclara-t-il en me tendant une pagaie.
— Heu, tu n'as jamais parlé de... balbutiai-je.
Je n'ai pas eu le temps de finir ma phrase qu'il me prit par les hanches. Mince, il allait sentir que c'était la partie la plus rembourrée qu'il soit, pour finalement me poser délicatement dans le canoë. Il me regarda un instant et tourna ma visière sur mes yeux.
— Ce qui est fou avec toi, c'est que même au naturel, tu es ensorcelante, murmura-t-il.
Il se rendit compte de ses propos et changea de sujet.
— Désolé, je ne voulais pas que tu te défiles, mais si tu ne souhaites pas venir, je comprendrai...
Ces mots me firent frissonner. Comment pouvait-il souffler le chaud et le froid constamment ? Et pour l'heure qui suivit, il ne soufflait que le chaud. Il passa de longs moments à m'expliquer comment pagayer, je le sentais gêné quand il devait mettre ses mains sur une partie de mon corps, il me demandait toujours l'autorisation, j'acquiesçais systématiquement. C'était dans le dessein d'apprendre les bases du canoë bien évidemment.
Quelques minutes avant d'arriver près de la descente, il me prévint et me rassura en me disant de me laisser aller et de profiter. Sa voix était douce et apaisante, sa main était posée sur mon épaule, il la caressa délicatement.
— Je ne sais pas si j'aurai le courage de rester loin de toi encore longtemps Sofia.
Je pivotai vers Ash surprise.
— Tu n'as pas le droit de me lâcher cela, pas après m'avoir éloignée de toi, plus d'une fois.
Il regarda devant lui, la descente était juste là.
— C'est maintenant, tu as confiance en nous ?
Je tournai la tête vers cette descente qui s'annonçait devant nous, combien d'obstacles à franchir ? Combien de temps avant de retrouver le calme de la rivière ?
— J'ai confiance en nous.
Je compris à ce moment-là que toutes les difficultés que l'on pouvait rencontrer seraient toujours surmontables si nous nous retrouvions ensemble.
Après une superbe soirée à rire, mangé, chanté autour du feu, nous étions épuisés de notre journée riche en émotions. Le lendemain, une autre escapade en canoë nous attendait avant de rentrer au ranch. J'imaginais m'endormir rapidement, mais le fait de me retrouver seule dans ma tente, je ne pouvais m'empêcher de penser à lui. Est-ce que je devais accepter ce lien platonique ? Avec en prime nos petits jeux de séduction. Finalement, n'était-il pas plus logique de prendre ce que la vie nous donnait plutôt que de se battre pour quelque chose d'impossible ?
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