Chapitre 4- (2-2) Je n'ai jamais...
Je sortis de l'eau et pris quelques instants pour me ressaisir avant de rejoindre mes amis. Je cherchais dans mon sac mes lunettes de soleil afin de cacher mes yeux rouges. J'entendis les pas de Juan qui courait à ma rencontre.
— Hein, alors tu as sauté finalement, je suis fier de toi ma So.
Il me serra dans ses bras. J'avais du mal à lui rendre son étreinte et qu'il puisse sentir que quelque chose n'allait pas. Mon corps pouvait me trahir, plus difficile à contrôler celui-là. Nous avait-il aperçus ? Non, c'était bien trop loin, puis connaissant Juan, je ne pensais pas qu'il aurait réagi aussi calmement.
— J'ai raté ça ! Je t'ai juste vu sortir de l'eau, continua-t-il.
Je n'entendis pas Ash arriver derrière moi.
— Avertis les autres, on y va, ordonna-t-il à Juan.
Mon ami me lâcha l'air interloqué.
— Il n'est pas commode lui... Un brin lunatique, non ?
Je souris, Juan avait toujours le petit mot pour me faire rire. Je rassemblais mes affaires, mais restais dans l'incapacité de le regarder. Son ton m'avait déplu, son attitude m'avait déplu. Je remarquais rapidement que mes amis étaient à mille lieues de se douter de la tension qu'il pouvait régner entre Ash et moi, bien trop occupés à comploter.
— Hein So ? m'interpella Juan.
Il ralentit l'allure de son cheval pour que je puisse l'entendre.
— Isaac a ramené de quoi s'amuser pour cette veillée. Je sais que ça ne t'intéresse pas plus que ça, mais tu pourrais venir avec nous.
Pourquoi pas après tout, j'avais bientôt dix-huit ans, puis ce fameux soir sur le ponton, Ash m'avait conseillé de vivre, non ?
— Oui, où allez-vous ?
— En arrivant, on a repéré un coin sympa en contrebas de la. Il y a quelques maisons, mais on devrait être tranquille et un peu loin du ranch. Quelques kilomètres seulement. Isaac a remarqué qu'Ash effectuait une ronde vers une heure donc départ vers une heure trente.
— OK, je suis partante.
— Cool, j'adore ton nouveau toi So ! plaisanta-t-il.
Après le tour d'Ash, nous nous retrouvions, tous prêts pour notre évasion nocturne. Les garçons devaient venir nous prévenir quand Ash serait dans sa voiture. Vêtue d'une légère robe d'été, nous avions pris le chemin vers notre petite escapade. Isaac possédait un sac à dos, d'après Juan, il avait amené une bouteille de vodka de chez ses parents et un peu d'herbe. Je connaissais Juan et je savais qu'il ne fumait pas, il buvait de temps en temps, surtout en soirée. Quant à moi, je n'avais jamais essayé et franchement vu l'état secondaire et puéril que provoquaient ces drogues, ça ne m'intéressait pas.
On arriva dans un coin agréable, avec plusieurs maisons typiques, dont une avec les murs blancs. Le toit et la porte étaient peints en rouge. Je repensais au concert et à la reprise du groupe, les paroles me revinrent en mémoire : « Je vois ma porte rouge, mais elle a été peinte en noir ».
J'arrêtai de rêvasser quand on passa ensuite des barbelés, il devait y avoir une clôture à une époque, sûrement pour se préserver des animaux. Qui se protège de qui ? C'est surtout Darkness et ses congénères qui devraient se méfier de nous. J'essayais de contourner les obstacles et on s'assit enfin sur des rochers.
— Bon, on va corser un peu le truc, proposa Isaac, il va falloir jouer pour se désaltérer. C'est simple, je commence en posant une question : je n'ai jamais... Celui qui a déjà vécu l'expérience doit boire.
Juan éclate de rire.
— Je vais tout finir, désolé mesdemoiselles.
— C'est sûr que Sofia ne va pas picoler beaucoup, ironisa Valentina.
— Je ne comptais pas me saouler de toute façon.
— Ah bien ! Ça ne m'étonne même pas, pesta-t-elle.
J'avais définitivement oublié de réfléchir avant de parler cet été-là. Mais il fallait que je la fasse taire.
— J'embrasserai quelqu'un dans ce cas-là, déclarai-je, étant donné qu'Isaac est en couple et que je ne souhaite pas spécialement vous embrasser les filles, ce sera Juan, ça vous va ?
L'effet désiré apparut rapidement, je réussis à les surprendre, même Juan ne prononça rien pendant un long moment. Tiens Valentina, à la prochaine occasion tu te tairas !
— Je sens que je vais adorer ce jeu, plaisanta mon meilleur ami.
— Bon OK, commençons, je n'ai jamais dit, « je t'aime ». Je parle d'amour non platonique, hein, à votre maman ça ne compte pas, enchaîna Isaac, tout fier de lui.
On savait tous qu'il l'avait déjà dit à Naomi, des milliers de fois. Tout le monde éclata de rire. La stratégie d'Isaac apparaissait plutôt limpide, il voulait picoler !
— Tu ne dois pas faire boire les autres Isaac ? le taquina Naomi, bien consciente de son petit manège.
— Oui, ma puce, mais j'avais soif, fanfaronna-t-il.
Les filles et Isaac trinquèrent ensemble avant d'avaler une gorgée de vodka pendant que Juan me regardait en pestant.
— Même pas une chance que tu m'embrasses en plus.
Je lui tapai dans l'épaule, bah oui mon pauvre Don Juan, il était tant qu'il trouve l'amour et cesse ses relations sans lendemain. Et effectivement, je n'avais jamais prononcé un « je t'aime », heureusement qu'il demeurait là pour faire de cette soirée un moment agréable.
— Je n'ai jamais regretté d'avoir couché avec quelqu'un, continua Naomi.
Bon, mon amie avait envie de se lâcher ! Je savais qu'elle n'était plus vierge depuis deux ans, et je lui avais dit que j'étais encore vierge et donc que forcément, je ne pouvais pas le déplorer. Le truc, c'est que Valentina allait le comprendre et c'était insupportable pour moi. Bien sûr, Juan et Isaac trinquèrent et je ne bougeai pas.
— Je n'ai jamais eu de rapport sexuel, jubila Valentina en me fixant.
Putain, cette fille restait odieuse. Juan me regarda en haussant les épaules et but également. Nous avions souvent parlé de nos expériences...
— Je ne suis jamais sortie avec un mec, une semaine après la mort de mon petit ami, enchaînai-je.
Je pensai avoir plombé l'ambiance un instant, juste le moment où Valentina devait boire seule. Juan poursuivit aussitôt pour détendre l'atmosphère, il me jeta une œillade complice, je savais qu'il trouverait quelque chose pour me faire sourire.
— Je n'ai jamais dormi nu, s'exclama Juan.
Tout le monde éclata de rire, mais je ne rentrai toujours pas dans les critères. Juan s'amusait à chaque question à me tendre ses lèvres, je secouais la tête l'air déçu. Je me rendais compte qu'il fallait que je cesse de vivre à travers les autres. Les expériences bonnes ou mauvaises font partie de la vie non ? Cela me rappelait une phrase de Nelson Mandela : « Je ne perds jamais, soit je gagne, soit j'apprends ». Je me trouvais encore bien trop froussarde pour gagner ou apprendre parfois !
Puis soudain, une lumière nous éblouit tour à tour. Une ombre s'avançait vers nous. On s'arrêta net de chahutait quand Naomi demanda :
— Bah ! C'est de circonstance, je crois, je n'ai jamais embrassé une personne plus âgée.
Je me figeai et reconnus cette carrure approchée vers nous. Les autres comprirent aussi et les garçons finirent leur verre cul sec. Je me tournai vers Juan et l'attrapai par son tee-shirt, je voulais être celle qui allait mettre fin au jeu. L'ensemble du groupe se mit à rire et à applaudir tandis que je pressai mes lèvres contre les siennes. Bien sûr, qu'il en profita, c'est de Juan dont on parle. Je souris quand il intensifia son baiser. C'était agréable, c'était affectueux, mais rien à voir avec ce qui s'était passé cet après-midi-là...
— Donc, tu as déjà embrassé un mec plus vieux et je ne suis même pas informé, comprit Juan, après s'être remis de notre baiser. C'est qui ?
C'est vrai, d'habitude, je lui racontais tout, mais maintenant...
— Qu'est-ce que vous faites ici bordel ? cria Ash.
Juan se détacha de moi tout sourire, en soulevant les mains au ciel en signe d'innocence, mais surtout de victoire. Je lui donnai un coup dans les côtes. Ouf, ça me permettait de ne pas répondre à sa question, en espérant qu'il l'oublie... Ce qui n'était pas gagné. On se leva tous d'un bon, la fête était finie.
— OK, Ash, commença Isaac, tu as eu dix-sept ans non ? On discutait seulement en buvant un petit verre.
Heureusement, il n'avait pas eu le temps de sortir son herbe, il rangea sa bouteille quand Ash lui tendit la main pour la récupérer. Je remarquai qu'il était juste habillé d'un bas de survêtement noir, torse nu, le regard ferme, les mâchoires serrées.
— Oui, mais je pense que j'étais beaucoup plus discret, je vous entends de chez moi. Vous connaissez le chemin du retour, je ne veux plus vous voir ici, on en reparlera demain.
On remonta lentement vers la route, personne ne protesta, j'étais bien trop occupé à contempler son torse quand mon front me lança.
— Aie ! criai-je.
Je portai mes mains sur mon visage et sentis mon sang sous mes doigts, je venais de m'ouvrir la tête, merde ! Fichus barbelés ! Ne pas rêvasser pendant que l'on traverse un chemin sinueux... Ash s'approcha rapidement de moi et me prit par le bras.
— Ça va, Sofia ? Fais voir.
— Ça fait mal ! Mais cela devrait aller merci.
— Tu saignes, dit-il soucieux.
— Merci pour l'info.
Il soupira, il semblait moins énervé, il avait toujours cette manie de froncer les sourcils, il me regardait avec insistance, ses yeux apparaissaient aussi hypnotisant que ceux d'un chat sauvage en pleine nuit.
— Tout va bien ? s'inquiéta Juan.
— Elle s'est bien blessée, mais je ne pense pas qu'il y ait besoin de point. Le front saigne beaucoup, c'est un peu impressionnant, mais cela devrait passer, expliqua-t-il.
Ce mec avait réponse à tout ! Il réfléchit un instant.
— Rentrez, je vais la soigner et je la ramènerai en voiture.
Juan n'insista pas plus. Il semblait lui faire confiance.
— Non, c'est bon, donne-moi juste un mouchoir.
— Il faut désinfecter Sofia, souffla-t-il.
Je le suivis malgré moi, voyant que mes amis demeuraient déjà loin. Merci les gars ! Je saignai abondamment, ma main ne suffisait plus, je sentais le sang couler sur ma robe. Mince ! Cette journée était un désastre. Et elle semblait loin d'être finie !
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