Chapitre 19 - Amor Fati
3 mois plus tard...
Les vacances de Pâques approchaient, je passais énormément de temps à étudier, c'était ma priorité. Depuis le départ de Juan, je retrouvais mes amies, nous sortions souvent avec Lily et Chelsea. Les relations à la villa restaient vivables.
Ce jour-là, Ash avait l'air soucieux, il voulait me parler et je lui proposai de venir me chercher, après mon boulot à la bibliothèque. Nous décidâmes d'aller marcher sur le campus. La journée magnifique contrastait avec son regard triste. Nos rapports demeuraient courtois et chacun était pris par ses obligations, mais un soir, il m'avait fait remarquer qu'il me préférait comme cela. J'avais quand même l'impression qu'il se forçait à être distant, quant à moi, j'avais besoin d'être seule de toute façon.
— Ils ont découvert, de nouvelles cellules cancéreuses, avoua-t-il enfin d'un trait.
Je restai choquée de son annonce. Sa mère, Ellen...
— Je suis désolée Ash...
— Les médecins se trouvent encore plutôt optimistes, mais ma mère commence à fatiguer de plus en plus, physiquement et surtout psychologiquement. Elle croyait pouvoir poursuivre son travail au ranch, elle pensait que c'était derrière elle...
Nous continuons à marcher, l'un contre l'autre, je lui avais pris le bras, je ne savais pas quoi faire pour soulager sa peine. Alors que parfois, il suffisait d'être là.
— Je suis là, si vous avez besoin, tu le sais...
— Oui, c'est pour cela que je désirais te parler, ma mère souhaiterait que tu gères la réception du ranch pour les vacances. Elle ouvre de manière touristique à cette période. Elle t'apprécie beaucoup et elle pense que nous ne serions pas de trop, tous les deux. Lorène et Mario sont en congés chez leur fille, elle va avoir besoin de nous. Si tu veux bien ?
— Quand partons-nous ?
Il sourit.
— Vendredi soir, elle sera déjà sur place. Elle souhaite absolument être là, ses examens reprennent dans deux semaines. Mon père effectuera les trajets de temps en temps. Merci Sofia...
Il semblait soulager un instant, je pouvais apercevoir ses fossettes, c'était bon signe.
— Pas de merci, nous sommes amis, non ?
— Terminé les colocataires courtois ? plaisanta-t-il.
— Oui, fini ! dis-je sûr de moi, de nous.
Il me serra dans ses bras. Et au plus profond de mon cœur, je savais que ce n'était pas de l'amitié pour un des deux. Qu'importe, il était là, c'est tout ce qui comptait et il avait besoin de moi.
Il nous a fallu seulement quelques jours pour nous organiser. Je réviserai mes cours, pendant les vacances, je me vois déjà, assise sur le ponton. Seeley Lake, en été, en hiver, au printemps, tu es et demeureras magique !
Je me retrouvai dans la même chambre que cet été-là. Ellen m'avait expliqué le nécessaire, pour recevoir les touristes. Elle restait à ma disposition si besoin. Elle avait beaucoup de courage. Elle s'était assise un instant, sur mon lit, avant de retourner chez eux.
— J'avais parfois l'impression que cela ne cesserait jamais, qu'il arrivera inlassablement des drames dans nos vies.
Elle faisait référence à son cancer, à l'accident de son fils.
— Je pensais que tout était derrière moi et que je pourrais ainsi reprendre mon travail sereinement.
— Je comprends Ellen, le destin ne vous épargne pas...
— Je disais à une amie, que chaque fois que j'allais mieux. Il y avait une nouvelle épreuve à vivre. Tu sais ce qu'elle m'a répondu ? ; « Ce que je vois, moi, c'est qu'après chaque épreuve, tu trouves la force de te battre et de te sortir de toutes les situations ».
— C'est une preuve de sagesse, regarder le verre à moitié plein, plutôt qu'à moitié vide...
— Oui, surtout quand je repense à mon fils, il y a quelques mois dans le coma. Tout qu'il a dû subir par la suite, les moments difficiles qu'il a pu traverser et qu'il traverse encore. Puis, il y a eu le Noël à Seeley Lake...
Son visage s'illumine à nouveau. Je demeurai surprise.
— Je ne sais pas ce qu'il y a eu entre vous, mais cela vous rend plus fort Sofia. Quoi qu'il en soit, il vous faudra l'affronter et qui sait ce que vous trouverez après...
Je restai sans voix. Elle se leva, m'embrassa sur le front, et elle sortit de ma chambre sans un mot de plus. Je croyais que c'est moi qui allais l'écouter, mais son histoire m'était destinée.
C'était calme et paisible, ce soir-là, le ranch ouvrait lundi, je restais dans ma chambre. Ash et Ellen dormaient dans leur maison. Je repensai à cette fameuse phrase de Tolstoï. Effectivement, les familles heureuses étaient beaucoup moins intéressantes que les autres. C'était dans les difficultés qu'un couple, qu'une amitié, qu'une famille se créaient.
Je fermai les yeux et entendis les notes d'un saxophone. Ash jouait dans le salon du ranch, il avait dû revenir afin de ne pas déranger sa mère. Il commença par interpréter Skatalites. Je me mis à pleurer malgré moi. Il jouait encore et toujours pour Mila, comme chacun de ses écrits étaient pour elle. Je ne pouvais plus le supporter, il fallait que je lui parle, que je lui dise, en dépit des conséquences. J'étais la seule à pouvoir me protéger. Si je lui avouais tout, il ferait peut-être plus attention à ne pas me blesser ? Nous pourrions être de vrais amis ?
J'avais cru qu'il pourrait se passer de nouveau quelque chose, il était temps d'accepter que non. J'ai été en colère contre lui, j'ai été triste à cause de lui, mais je ne ressens plus cela à présent. J'acceptai d'être une amie idéale. J'étais heureuse, même, s'il doit l'être avec elle, mais sans mensonge, sans faux-semblant. Je jouerai la carte du premier amour.
J'avais imaginé partir dans une autre université, près de Juan. Mais ma vie demeurait à Missoula, j'avais mes études, mes proches, mes projets, c'était une évidence, et cela allait bien finir par me passer. Mais pour cela, il fallait tourner la page. Nous allions vivre deux semaines ensemble et à la rentrée, nous serions encore colocataires, je devais lui parler... Je l'ai déjà dit ça, non ?
Je pris mon carnet ainsi que mon courage à deux mains et descendis les marches. Je devais lui rendre, je devais cesser tout cela. Je ralentis un instant, ça me faisait indéniablement mal, mais c'était tellement intrusif. Il avait le droit d'avoir son jardin secret, de me dire seulement, ce qu'un ami veut dire.
Je restai figé, au fur et à mesure des morceaux, j'avais l'impression qu'il rejouait le concert de cette fameuse nuit d'été chez lui. Pouvait-il se souvenir ? Il commença à interpréter du Norah Jones, puis Ayo... Il se rappelait... C'était mes chansons, pas les siennes à elle... Il se souvenait ! Je n'en revenais pas, ce n'était pas possible ? Mais depuis combien de temps ?
Je m'effondrai sur l'une des marches en bois, j'avais à peine réalisé la moitié du chemin. Mon carnet s'ouvrit sur mes genoux et je tombai à nouveau, sur son écriture. Il avait rédigé quelques mots le soir après être venu me chercher, dans les bras d'Ethan. Après notre nuit ensemble... Pourquoi ne l'avais-je pas regardé avant ?
Sofia, (j'avais du mal à continuer, pourtant il le fallait).
Je crois que j'ai tout gâché hein ? La vie me donne une nouvelle chance, la vie me donne l'Espérance, la Sérénité, la Jouissance, le Bonheur et je fais tout foirer !
Tellement de gens mon blessé Sofia, tellement de gens m'ont menti pour soi-disant mon bien, tu parles, que des conneries...
Je me suis retrouvé dans un lit d'hôpital, complètement paumé, si l'on passe outre le traumatisme crânien, je me dis que ma vie devait être un sacré bordel pour que j'en oublie des pans entiers. Et je n'en avais strictement rien à faire. Pourri pour pourri autant avoir tout omis.
J'ai même espéré oublier davantage, oui Sofia, pourquoi deux années et pas plus ? J'ai pensé un instant oublier bien plus, oublier mon ami, mort seul, dans le parking d'un pub, parce que je m'amusais avec sa cousine. Cela j'aurais tant souhaité l'oublier. Voici, ma vie avant toi... Rien de bien glorieux.
Matthew avait bien remarqué que je regardais Mila d'une façon différente, il m'a simplement mis en garde, il m'a demandé de protéger sa cousine. Il adorait tellement sa famille même s'il ne savait pas leur dire... On s'entendait bien, sur ce point-là.
Je l'avais laissé mourir pour mon petit plaisir personnel, ce qui me restait ? Une promesse, plutôt facile à tenir, Mila a toujours été dingue de moi. Nous avons flirté, je me rendais compte que je l'aimais, mais peut-être pas autant qu'elle, sûrement pas de la même manière qu'elle. J'étais incapable de ne ressentir quoi que ce soit pour personne d'ailleurs. Après la mort de Matthew et certainement avant finalement. Mais j'avais l'impression que je devais tenir ma promesse et rendre heureuse Mila, malgré tout. Je lui devais bien cela.
Mes relations avec mes parents étaient chaotiques à cette époque. J'avais choisi une carrière dans la biologie de la faune et des animaux sauvages parce que c'était un boulot discret et tranquille, et surtout, pour faire du mal à ce père aimant, mais si distant. Il ne me parlait pas de son histoire, pourquoi suivre les traces de sa famille dans l'immobilier ? Ma mère et lui possédaient leur petit monde. J'avais l'impression d'être de trop. Matt m'avait toujours poussé à poursuivre mes études, à réussir, pas comme lui. Alors, j'ai tenu, là aussi, mon putain d'engagement. Protéger sa cousine, réussir ma vie professionnelle dans le domaine qui me passionnait.
Quand je veux quelque chose, je l'ai et tout s'est plutôt bien déroulé. J'avais Mila, on s'amusait bien. À l'université, on me filait des responsabilités et me promettait une brillante carrière. Ça rendait fière ma mère. Lorsqu'elle ne passait pas son temps à engueuler mon père parce qu'il bossait trop.
Je savais qu'il avait été adopté, je savais qu'il avait eu une sale enfance, mais rien de plus. J'ai vécu vingt-trois ans avec ces informations sur la vie de mon père, tu as vécu une journée avec lui et tu en connais tout autant. Tu provoques cela, en un regard, un mot...
Pourquoi avoir oublié cette fameuse nuit de l'accident ? Parce que, j'avais une vie merdique, des relations faites de non-dits ! Je n'avais jamais oublié mon passé et le soir où je comptais le faire où j'étais prêt, j'ai réellement tout omis...
Depuis ce drame, je déprimais, je souffrais de troubles psychologiques, j'étais suivi, mais j'avais envie de tout foutre en l'air. Je m'étais fait à l'idée qu'un morceau de ma vie était perdu.
Un soir, j'ai repris mon saxo et j'ai joué « Aint no sunshine », je me sentais bien comme si cette musique avait toujours été en moi. Mila m'observait, elle s'était mise à pleurer et elle répétait en boucle : « Tu t'en souviens, tu ne l'oublieras jamais ».
Je compris, non, je ressentis au fond de moi qu'elle parlait de toi. Une image me revenait inlassablement avant de m'endormir, ton visage, c'est toi que je voyais, ce regard qui me suppliait de me remémorer. De quoi Sofia ? J'essayais d'en discuter avec Damon, il me disait qu'il n'était pas au courant, qu'il ne savait pas ce qui s'était passé. Je connais mon ami, je sentis qu'il me mentait. C'était sa sœur, comment lui en vouloir ?
Effectivement, si l'on avait joué à : « dis-moi ce que tu écoutes, je te dirai qui tu es », je n'aurais jamais dû t'oublier. Comme je n'aurais jamais dû omettre cette soirée de révélation avant l'accident.
Mon inconscient hurlait à travers cette chanson qu'il n'y avait plus de soleil quand tu es parti de l'hôpital, et cette maison, même avec l'amour de Mila, elle m'était devenue étrangère.
La nuit du drame, j'étais allé voir Mila, pour lui dire que c'était bel et bien fini, que je ne l'aimais pas comme elle pouvait m'aimer. Je lui ai exprimé combien j'étais désolé, je lui ai parlé de la promesse que je voulais tenir, mais que je n'y arrivais plus.
Par la suite, elle m'avoua qu'elle m'avait menti. J'étais outré, elle avait profité de mon accident ce fameux soir. On ne s'était pas réconcilié, Sofia, je l'avais quitté sans lui donner aucun espoir d'un nous deux, mais elle m'a fait croire le contraire. Je lui en ai voulu, c'est comme si on avait infiltré de faux souvenirs dans ma tête et j'ai été incapable de les déceler. Je me détestais pour ça !
La vérité engendre la vérité Sofia. Elle me raconta aussi la nuit du meurtre de Matt. J'avais également oublié les révélations qu'elle m'avait faites. Comme si mon inconscient souhaitait que je sois le seul coupable. Matthew lui avait envoyé un message le soir de son décès. Elle voulait nous donner une chance et lui avait dit qu'elle ne savait pas où j'étais... Elle a tellement pleuré, je l'ai tellement fait pleurer...
On s'est pardonné cette nuit-là, mais nous nous ne sommes jamais remis ensemble...
Et à force d'entendre la vérité, ma vérité, les souvenirs me revenaient petit à petit. Je revoyais ma conversation avec mes parents ce même soir avant l'accident. Je leur ai expliqué ce que je ressentais, et mon père m'avoua que Matthew était venu me chercher, qu'il avait bu, et mon père avait refusé de le laisser rentrer. Il avait refusé également de lui dire où j'étais. Il ne souhaitait pas que je puisse traverser l'enfance qu'il avait passé. Il ressemblait trop à Matt et désirait un meilleur avenir pour moi. Il avait voulu me protéger. Il me savait en sécurité chez les Sauders.
Je connaissais maintenant ce qu'il avait vécu cette fameuse nuit et je sanglotais à mon tour en imaginant sa souffrance, face à ces secrets. Je poursuivis ma lecture, mes pleurs tombaient sur les feuilles inondées de ses mots pour moi.
J'ai oublié un soir rempli de larmes Sofia. J'ai effacé la vérité sur la pire journée de ma vie. J'ai omis qu'effectivement, il n'y avait pas de coupable. C'était plusieurs événements qui avaient mené cette tragédie. C'était aussi et malheureusement les mauvais choix de mon ami.
Trois mois après... le lendemain matin, de cette révélation, j'étais décidé à reprendre ma vie. Mila était sorti, en me transmettant un mot, me demandant de lui pardonner, et de partir de chez elle avant qu'elle ne rendre... Elle m'avait laissé sur la table un stylo et un cahier que je reconnus immédiatement.
Et là, je me souviens, je me souvenais de tout Sofia ! De cet été que tu avais bien souhaité me donner, de mon envie de rentrer le plus vite possible pour te retrouver. Je ne désirais pas t'écrire, je voulais te voir, te parler, te sentir. Il n'y avait personne d'autre que toi... J'avais écrit ton prénom tellement de fois.
Cette fille troublante qui me fixait un jour de festival, tu semblais si différente au milieu de cette foule, ton regard ne pouvait rivaliser. Puis, le stylo que tu m'as offert, avec cette manière de m'observer, encore, comme si tu pouvais lire dans mon âme...
Et mon abruti d'ami ! Il savait, il avait toujours su. Quand je l'ai appelé, il m'a dit qu'il t'avait revu. Mon cœur recommençait à battre, enfin ! Damon était tellement désolé, il ne souhaitait pas faire de mal à Mila. Il était pris entre sa sœur et son amitié pour toi. Il me confia aussi qu'après l'accident, tu n'as pas voulu qu'il me parle de toi. Je me suis dit que là, c'était toi qui désirais m'oublier. Tu avais dix-sept ans, j'avais raison finalement, tu avais ta vie à l'université, des garçons à rencontrer. Cette nuit-là, j'espérais rentrer, le plus rapidement possible, et te demander de passer à côté de tout cela ? Je ne faisais plus partie de l'équation. Peut-être est-ce que je l'avais toujours su d'ailleurs ? Je relisais mes écrits et le deal que nous avions fait : « donne-moi ton été ». Tu ne réclamais pas plus, c'était clair maintenant.
Le soir de l'accident, je rêvais te faire changer d'avis, après tous ces aveux, je voulais être avec toi. J'étais libre, capable de tout affronter, j'espérais vivre ma vie, mais pas sans toi. J'allais au ranch quand ma voiture a percuté l'arbre, je devais rouler vite, je désirais te retrouver. Mais décidément, tout se plaçait en travers de mon chemin.
L'été où je t'ai rencontré Sofia, je me suis mis à rêver.
Alors, j'ai pris mon temps, j'avais renoncé à Mila et habitais chez mes parents. Qu'est-ce que je souhaitais dans la vie ? Le groupe voulait réaliser une tournée en juin, est-ce que je quittais tout pour la musique ? Pour vivre sur la route ? Ou est-ce que j'accomplissais ce que je désirais faire, avoir un métier stable, construire une vie de famille, mais avant cela, retrouver celle que j'avais aimée cet été-là. Être à côté de toi, tout simplement, Sofia.
Tu connais la suite, j'ai tenté de rester ton ami. Tu avais l'air bien, en sécurité, tu avais ta vie sans moi. Je pensais que je ne retomberais plus jamais amoureux. Pourtant, à l'instant où je t'ai vu dans la brasserie, je tombais amoureux de toi, pour la seconde fois. Tu n'as pas essayé de retrouver en moi celui que j'étais avant. Tu m'as regardé avec ces yeux nouveaux, Ash avec ou sans sa mémoire. Tu ne m'as pas materné, protégé, tu m'as laissé être. À des moments, j'avais l'espoir d'un nouveau nous. Le soir où tu n'es pas resté avec Liam, j'ai demandé à Tyler de chanter « recommençons ensemble », mais tu es parti.
J'ai tant de fois souhaité tout te dire !
Par la suite, j'ai tout fait pour être là, tout comme tu l'étais pour moi. Sans espérer retrouver, ma Migina, de cet été ou vouloir te changer. J'étais paumé, tu t'approchais de moi, au ski par exemple, et l'instant d'après, tu me disais combien tu aimais Liam.
Le soir suivant, je te faisais pleurer, merde ! Tu ne pleurais jamais avec lui ! Je ne souhaitais pas te laisser seule, je désirais être avec toi. Je rêvais que tu me dises oui pour cette nuit-là et celle d'après, mais tu ne l'as pas fait...
Quand il t'a quitté, tu as même changé pour lui plaire, j'étais hors de moi, mais il était hors de question que je gâche tout à nouveau. J'ai essayé de rester ton ami, je te promets Sofia, mais je ne suis qu'un putain de mec jaloux hein !
Je me suis servi de Mila pour te rendre jalouse aussi, et tu réagissais parfois, je ne perdais pas espoir...
Le soir où tu te trouvais avec Ethan, j'ai cru devenir fou. Je ne te comprenais plus. Puis il y a eu cette nuit ensemble. C'était, comment tu dis déjà inimaginable ? J'avais l'impression de te retrouver, j'avais l'impression que tout semblait enfin envisageable. En te préparant le petit-déjeuner, je pensais tout te dire, te révéler que je me souvenais, t'avouer qu'il était impossible que j'oublie ton caractère de cochon ! Que comme Clémentine et Joël, on ne pouvait pas s'oublier, qu'effectivement, j'avais un passé de merde, mais que mon présent était merveilleux... Si tu te trouvais là. Je me sentais capable d'avancer avec toi, tout me ramenait inlassablement à ton regard, à ton sourire.
Malgré, les remarques de Damon sur sa sœur, elle m'avait embrassé sur la piste de danse, je voulais être clair avec lui concernant Mila.
Comment penser à quelqu'un d'autre après cette nuit dans tes bras ? Je nous revoyais, sur le ponton, sur le tapis de mon salon, dans ma salle de bain... Je continuais à sourire bêtement et attendais ton réveil. Et là, le matin même, c'est toi qui m'oubliais... Je ne comprenais pas Sofia. La veille, tu vibrais dans mes bras et le lendemain tu pensais avoir couché avec un autre... Je me rappelle de tout Sofia, mais toi, est-ce que tu souhaites encore te souvenir de nous ?
Wahou, il a écrit la plus longue et la plus touchante lettre qu'on puisse imaginer ! Il avait tellement changé et ce n'était pas son coup à la tête...
Il discutait de Mila ce matin-là avec Damon... Il fallait qu'on parle, je ne comprenais plus rien. Je me levai d'un bond, le carnet serrait contre mon cœur, les joues remplies de larmes. Il s'arrêta net, posa son saxophone, je ne lui laissai pas le temps de s'exprimer.
— Tu te souviens, murmurai-je.
— Sofia... oui... oui, je me souviens de nous.
— Mais pourquoi écrivais-tu sans cesse pour Mila, alors, je ne comprends rien Ash ! criai-je.
Je ne pouvais attendre sa réponse, j'avais peur ? Pourquoi est-ce que j'avais toujours peur ? Peur qu'il puisse changer d'avis depuis ? Peur qu'il parte comme tous les autres ? C'était trop, j'étouffais, ces révélations, son regard. Le carnet me glissa des mains et je sortis vers le seul refuge que je connaissais, le ponton qui s'alluma sur mon chemin.
J'entendis des pas, comme cette première nuit passée ici. Je respirai, mon cœur commençait à retrouver son rythme naturel. Je me retournai, il tenait mon carnet ouvert et lisait quelques pages en fronçant les sourcils... Mon Dieu ! Ses paroles, ses écrits, je restais figée. Il n'allait pas comprendre, comment ses mots pouvaient-ils être couchés sur mon carnet ?
— Ash, je peux tout t'expliquer, murmurai-je, enfin, d'une voix paniquée.
Comment lui dire cela ?
Il plongeant ses yeux bleus dans les miens. Et ne me laissa pas continuer.
— Tu pensais que j'écrivais à Mila ? me questionna-t-il.
Je ne comprenais plus rien, il tenait un carnet rempli de ses mots et il me demandait si je considérais qu'il écrivait à Mila. Voyant mon air affolé, il me sourit le regard complice. Ses yeux bleus acier me transperçaient le cœur. La réalité me submergea comme une évidence, comme si je l'avais toujours su, sans jamais vouloir m'en rendre compte.
— Tu savais pour le carnet aussi..., soufflai-je en connaissant déjà la réponse.
Il referma le cahier amérindien contre son cœur cette fois-ci.
— Les jours après le concert au pub, cet été-là, étaient insupportables. Un soir, j'ai souhaité te remettre une lettre que je t'avais écrite. Quand je suis arrivée dans ta chambre, tu avais laissé la lumière allumée et tu dormais profondément. Tu étais si ensorcelante. Tu avais ce carnet sur toi. Je voulais simplement le déposer à côté de toi, te donner mon mot et partir.
Il reprit son souffle un instant. Je me rappelle cette soirée comme si c'était hier.
— J'ai reconnu mon écriture Sofia...
— Le stylo, murmurai-je, comme pour tenter de lui expliquer, mais cela, il le savait aussi, j'imagine.
Il rit, de ce sourire unique, seulement pour moi.
— Oui, quand j'ai vu mon autographe pour Valentina au début, je commençais à deviner. C'était complètement irréel, je me suis assis un instant à ton bureau, à te regarder dormir. Je me demandais qui tu étais, comment était-ce possible ? Je suis tombé sur ton livre de Tolstoï, et sur ton journal intime. Je suis désolée Sofia, je ne comprenais vraiment rien. J'ai consulté les dernières pages. J'ai lu que toi non plus tu ne savais pas pourquoi ! Ça m'a rassuré au fond. J'ai rangé ton journal, le carnet, j'ai éteint ta lumière et je suis parti. Je n'avais pas besoin de te laisser ma lettre, tu la connaissais déjà. À dire vrai, je ne comprenais pas toutes tes réactions. Tu étais différente. En rentrant chez moi, j'étais aussi perdu que toi, j'avais ton stylo dans les mains et j'ai commencé à dessiner. Puis, les paroles de Skatalites me sont revenues. C'était une évidence, peu importe pourquoi, ce n'était pas tant le stylo mon confident, mais bien toi. Si je m'ouvrais à de nouvelles chansons, c'était pour toi, si je me mettais à écrire mes sentiments pour mieux les comprendre, c'était grâce à toi... Je savais que j'étais tombé amoureux et qu'il n'y aurait plus personne d'autre. J'avais juste besoin de temps pour m'en rendre compte. Et finalement, même quand j'avais tout oublié, tu étais toujours là, dans chaque partie de mon corps, dans chaque partie de mon être, dans chaque partie de mon cœur... Ce que je tente de te dire Sofia...
— Peu importe le stylo, le carnet qu'ils soient connectés ou pas, peu importe les oublis, la vie qui essaye de nous séparer, c'était toi et moi... murmurai-je d'un trait.
— Oui, pour cette nuit et celles d'après...
Je m'avançai vers lui. Tellement près que je pouvais humer son souffle chaud sur mon visage.
— Embrasse-moi Ash, et je sais exactement ce que je dis, je veux me souvenir, de toi, de nous.
Il fit tomber le carnet à mes pieds et pressa ses lèvres fraîches contre les miennes sans une seconde d'hésitation. Il encercla mes joues entre ses mains, m'embrassa plus fort, je pouvais sentir nos sourires à travers nos baisers.
— Comment as-tu pu croire que j'écrivais à quelqu'un d'autre que toi ? Je t'aime tellement Migina, murmura-t-il.
Il commença à fredonner les paroles de Skatalites au creux de mon oreille.
- « When i fall in love, It will be forever... ».
Je plongeai mes yeux dans son regard bleu acier rempli d'amour. C'était pour moi et personne d'autre. Nous deux à jamais, dans ce vieux monde sauvage. Tant de doutes, de craintes. Il avait raison, j'aurais dû avoir confiance en lui. Mais avant d'avoir confiance en l'autre, je devais avoir confiance en moi et cela, il avait raison aussi, j'avais besoin de temps et il fallait que je m'en rende compte seule.
– Je t'aime Ash et je poursuis en fredonnant timidement, « There is no greater love, than what I feel for you... ».
— Tu as tout le temps de reprendre chaque parole des chansons que j'ai écrites sur le carnet ou que j'ai chantées pour toi et toi uniquement, me taquina-t-il. Je serai toujours là, tu ne te réveilleras plus jamais seule, je t'en fais la promesse.
Je reconsidérais la soirée d'été quand nous avions joué avec mes amis, tout en me blottissant davantage dans ses bras. Je venais, enfin, de dire je t'aime et c'était à lui, exclusivement lui. Qui aurait pu imaginer que tout ce que je n'avais jamais fait avant cet été-là, j'allais le découvrir avec Ash... Il lisait dans mes pensées, je ne rêvais, que d'une chose, relire mon carnet et chaque phrase qui m'étaient destinées...
Et là, vous vous demandez, si je devais revivre chaque instant, chaque souffrance, chaque pensée, chaque doute, chaque oubli, chaque rencontre, chaque souvenir malheur et merveilleux... est-ce que je le ferai ? Est-ce que je serai prête à revivre tout de la même manière ?
Comme dirait Nietzsche : « jusqu'à quel point aimez-vous la vie ? Êtes-vous prêt à vouloir que tout recommence au début ? »...
Bien sûr que oui ! Pour cette nuit et celles d'après...
Comme promis, le dernier chapitre publié ! Wahou, j'ai presque envie de pleurer^^ ! J'espère sincèrement que vous avez autant pris de plaisir à lire, l'histoire d'amour entre Sofia et Ash, que de plaisir que j'ai pris à l'écrire !
J'attends avec impatience vos retours, sur la fin, d'abord ?! Puis, sur l'ensemble de l'histoire. Comme je disais, j'ai voulu partager mon premier écrit, pour vivre ces échanges avec vous ! N'hésitez pas, si vous avez des remarques afin d'améliorer ces quelques chapitres...
Je vous remercie à tous, sincèrement, je ne suis pas aussi doué qu'Ash pour les long écrits^^, mais je n'en pense pas moins !
Prenez soin de vous, prenez soin des vôtres et surtout vivez, au point de tout vouloir recommencer du début ! A bientôt!
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