Je me levai totalement habillée, les yeux vidés, le cœur meurtri. Je n'avais pas rêvé, on s'était bien disputés, pas besoin d'attendre quinze jours hein... Je ne pouvais pas partir le jour de Noël, nos familles ne le comprendraient pas.

Je décidai toutefois de raccourcir mon séjour et de repartir avec ma mère, elle effectuera un détour pour me ramener, il était hors de question que je passe une seconde de plus avec lui. Je trouverai une excuse pour ses parents, une amie qui avait besoin de moi en urgence, même si pour l'instant c'était moi qui avais besoin de mes amies.

Pendant les quelques jours qui suivirent, Ash restait des plus distants, mais nous arrivions à nous tenir devant nos familles.

Je pris ma décision avant de rentrer le dimanche, j'allais demander à Liam de vivre avec lui. Il était impossible que j'habite dans le même appartement qu'Ash. Liam, apparaissait comme mon avenir, ma sécurité, quelqu'un de stable, de fiable. Je décidai de lui faire une surprise et de le retrouver directement chez lui avant qu'il ne rentre demain matin du Canada, nous devions en plus passer le jour de l'An ensemble. Je savais où Lily cachait le double des clés de son frère. J'avais préparé un petit sac avec moi, histoire de lui faire part de ce nouveau changement entre nous. Quand j'ouvris la porte, j'entendis du bruit venant de la salle d'eau.

— Liam ?

Il y avait des cahiers et des livres sur la table basse et les affaires d'une fille. Elle sortit de la salle de bain une serviette sur son corps fin.

— Liam es-tu déjà revenu ? murmura-t-elle avant de me voir.

La porte d'entrée de la petite chambre était restée ouverte. Je sentis la présence de Liam derrière moi, il avait des provisions dans les mains. Putain de merde, c'était un vrai cauchemar, il avait dû passer la matinée au lit et en début d'après-midi, il avait été lui chercher à manger. Liam ? Ce n'était pas possible...

— Sofia, je...

Mais bien sûr que c'était possible, en général quand tu vis une situation pourrie, elles ont tendance à s'enchaîner, c'était juste un peu trop rapide à mon goût. La vie aurait pu m'épargner quelque temps !

— Ne prononce pas que tu es désolé ! Tu as dit que tu allais dans ta famille... Tu...

Je ne parvenais plus à parler, ni a pleurer d'ailleurs.

— Je me trouvais avec ma famille, je suis rentré hier soir, Sofia...

— OK, je vois pour tes foutus groupes de travail, c'était donc cela depuis le début ?

La fille baissa le regard l'air navré, comme si la situation devait arriver et arriva enfin pour elle. Je l'avais reconnue après, c'était une des filles avec qui il révisait souvent. J'avais déjà croisé une fois les différents étudiants, je n'aurais jamais pu penser que...

— Non, pas depuis le début, j'aurais dû t'en parler, je... Sofia, tu ne m'as jamais aimé, se justifia-t-il.

Je me mis à pleurer, encore, de toute façon je n'avais pas vraiment arrêté depuis ma dispute avec Ash. Et maintenant, c'était ma faute ! Vous comprenez je ne l'aimais pas ! Donc, il pouvait coucher avec qui bon lui semble ! Élémentaire mon cher Liam !

— Qu'est-ce que tu sais de mes sentiments Liam ? répondis-je choquée.

— Tu es si... fragile, si impénétrable, si froide, conclut-il.

Je le giflai, c'était trop. C'était excessif ! C'était inacceptable ! Ces mots résonnaient en moi, froide, impénétrable, je ricanai, il ne parlait pas simplement de ma personnalité, putain d'inconscient, il évoquait notre sexualité devant cette fille.

Je sortis en trombe, il me courait après en m'appelant, pas maintenant, je ne pouvais pas discuter, c'était impossible. Il fallait que je parte. Il avait été horrible. Je me précipitai le plus vite possible jusqu'à me retrouver devant ma chambre, à bout de souffle, à bout de forces. Je m'effondrai à même le sol. Au bout de quelques heures, je me rendis compte que Lily allait rentrer demain. Je n'avais pas le courage de lui parler, c'était sa sœur. J'envoyai un message à Damon.

Salut, tu es revenu de Seattle ?

Salut Sofia. Oui, pourquoi ? Tout va bien ?

Je peux emménager ce soir ?

J'arrive, ne bouge pas.

Merci.

Après tout, Tyler et Damon m'avaient proposé de venir aussi et de toute façon, je n'avais nulle part où aller. Il était hors de question que je retourne chez moi et rate mes études. Ils ne me détruiront pas.

Je franchis la porte de l'appartement avec mes affaires, je ne possédais pas grand-chose non plus. Ash était également rentré. Il se trouvait dans le salon et resta surpris de me voir. La capuche sur ma tête cachait mon visage.

— Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Pourquoi êtes-vous là ? Sofia ?

Je le dépassai, les yeux baissés, sa voix paniquée ne me toucha pas, je ne voulais pas croiser son regard et me rendis dans la chambre du bas. Il avait agencé une pièce spacieuse et sympa, un peu comme celle que j'avais au ranch.

— Putain, qu'est-ce qu'il se passe Damon ? hurla-t-il, parle !

— Je crois que c'est Liam, elle m'a appelé et m'a demandé d'aménager plus tôt, elle pleurait quand je suis arrivé.

— Qu'est-ce qu'il lui a fait ? Il lui a fait du mal ? Damon ? Je vais le tuer...

Je pouvais l'entendre vociférer jusque dans ma chambre, je sortis comme une furie, le regard vitreux.

— Arrête de te mêler de ma putain de vie ! OK ? Je suis une petite gamine c'est ça ? Fragile, froide et impénétrable ! Foutez-moi la paix bordel !

Il demeura surpris de me voir si énervée. Damon ne comprenait rien, mais il se mit immédiatement entre nous.

— Je n'ai jamais dit ça mec ! se justifia-t-il, en levant les mains. Enfin, une gamine oui, mais le reste ce n'est pas moi !

— Je ne sais pas ce qu'il se passe entre vous non plus et je ne souhaite pas savoir, je te demande juste de l'écouter et de la laisser tranquille Ash.

Il baissa les bras, prit sa veste sur le comptoir de la cuisine et claqua la porte d'entrée. Je sursautai. Damon me serra contre lui et le flot de me larmes recommença de plus belle.

J'avais vécu ces quelques jours complètement coupées du monde, le soir du jour de l'An, je n'avais pas voulu quitter mon lit. Ils étaient tous sortis, sans moi. J'allais en cours tel un zombie, je devrais envoyer une photo aux producteurs de Walking Dead. Ils cherchaient peut-être des figurants. Bref, et je profitais d'un pari des garçons où Damon devait être de corvée toute la semaine, pour ne rien faire.

Le groupe avait prévu une soirée ce week-end, j'espérais que ce ne soit pas à la villa. Il fallait vraiment que j'écoute la prochaine fois. J'avais eu des nouvelles de Lily, nous essayions de manger ensemble le plus possible et elle comprenait que je ne souhaite pas encore voir son frère. Il m'envoya plusieurs messages avant que je lui dise que nous parlerions un jour, mais que c'était trop tôt.

Ce soir-là, Chelsea m'avait tellement sollicitée, que j'acceptai finalement de sortir avec eux. Elle restait tenace comme petit bout de femme, jusqu'au dernier moment, elle n'avait rien voulu céder, plus de deux heures à me regarder fixement, sans rien lâcher. Mon cas était vraiment désespéré. Et là, je ne pouvais même pas postuler dans Desperate Housewives.

La soirée se déroulait dans un club privé de la ville, assez chic. Joe profitait d'un bar-restaurant jazzy pour lancer un nouveau groupe, les garçons avaient promis d'effectuer la première partie.

Ce qu'elle me précisa dans l'après-midi, c'était que la soirée avait comme thème : le Chicago des années 20. Avant de rentrer à l'université, j'avais tellement appréhendé les diverses fêtes encore plus déguisées, ce n'était définitivement pas mon truc, mais ce soir, je m'en réjouissais. J'avais changé d'avis, en prenant mon bain, ce lieu intime où tu pouvais réfléchir en toute quiétude ! J'étais plutôt fière de moi et j'avais décidé de jouer le grand jeu. Comme quoi, une bonne douche, ça réveillait les esprits endormis.

Après tout, un me considérait comme une gamine et l'autre une fille froide, ils allaient être servis ! J'allais paraître beaucoup plus âgée et sensuelle. J'enfilais une robe moulante courte, voire très courte, avec des franges noires sur toute la longueur. Des bas résille de la même couleur aguichants et des talons rouges immenses. J'avais accessoirisé le tout avec une perruque au carré ébène, un bandeau avec une plume dans les cheveux et un porte-cigarette. Mon maquillage était parfait, provocant et suggestif surtout mes lèvres rouge vif. Pour la dernière petite touche, j'avais trouvé un collier brillant qui tombait à merveille au creux de ma poitrine. J'étais diaboliquement sexy.

Lorsque je sortis de ma chambre fin prête, ils se trouvaient déjà tous dans le salon. Chelsea avait été plus soft, une robe noire à franges jusqu'au-dessous du genou, un joli boa et des gants assortis. Tyler ressemblait à un gangster décontracté, pantalon noir, chemise blanche et des bretelles. Damon portait un costume blanc, un gilet noir et une fausse arme dépassait de son pantalon. Je souris en le découvrant. Je restai un long moment à observer Ash, bon, je n'avais pas changé totalement en une douche, non plus ! Il était dangereusement beau, son regard restait toujours si intense, son costume noir à fines rayures blanches était magnifique. Il portait une cravate et un chapeau noir et blanc. Il jouait avec son cigare, il semblait nerveux ou agacé, voir les deux. Je me demandais vraiment ce que cet homme avait bien pu me trouver cet été-là...

— Tu es splendide, me cria Chelsea surexcitée, je suis trop contente que tu viennes avec nous.

Damon répliqua en sifflant plusieurs fois.

— Wahou, tu es, So, sexy !

Je ris au jeux de mots, Damon se souvenait du surnom que me donnait Juan ! Il semblait si heureux de me voir sortir de ma caverne.

Il me tendit le bras et je m'accrochai à lui en relevant une jambe. Tout en regardant Ash du coin de l'œil. Il serra les mâchoires, je souris également à Tyler et l'embrassai sur la joue. Ash serrait toujours les poings quand on lui fit signe que l'on partait.

Ce qui était bien quand on fréquentait un groupe de trentenaire et que l'on était déguisée et extrêmement maquillée, c'est que la serveuse pensait que vous avez vingt-et-un ans. Le bar était tamisé et décoré de tableaux de jazzman en noir et blanc. Les box recouverts de velours rouges et de cousins noirs me mettaient totalement dans l'ambiance.

Je commandai un premier Baccardi et la soirée était loin d'être finie. Après mon quatrième verre, je commençais à sentir les effets de l'alcool me réchauffer le corps et surtout me détendre, cela faisait du bien. Je me levai et partis me trémousser sur la piste. Je ne pensais plus à rien. Je fermai les yeux, plus rien ne comptait. Je n'avais besoin de personne, j'étais fière de moi, je n'aurai jamais fait cela avant, sans être accompagnée d'une amie.

Après plusieurs chansons, je décidai de retourner me chercher un verre. Au vu de ma tenue et de mon état d'ébriété, un homme d'une trentaine d'années se mit à côté de moi au bar. Il me souriait et je répondais à ses avances. Je m'assis également, je sentais que je commençais à tanguer de toute façon. Tyler et Chelsea me regardaient de notre box commun. Mon amie semblait ne plus me reconnaître. Cela me fit de la peine. Ash semblait furax et ne bougea pas de sa place, pour lui, aucune pitié.

Lorsque l'ensemble des invités se mirent à danser sur du charleston, je suivis le tempo, en me dandinant, sur mon siège. Le trentenaire sexy ne me lâchait pas des yeux, ma robe ne recouvrait plus grand-chose de mon corps et je me sentais tellement bien, libre. Je dansais assise, complètement envoûtée par la musique et les Baccardi. Je lui lançais des regards aguicheurs. Ash sirotait son whisky et ne décrochait pas un mot à Damon. La mélodie s'adoucit, pour laisser place à la chanson Cry To Me de Solomon Burke, le trentenaire s'approcha de moi toujours sans dire un mot, pas d'Ash pour venir m'arrêter. J'étais un peu déçue et d'un autre côté, j'avais besoin de personne. Il rapprocha ses lèvres des miennes et sans trop savoir comment j'allais réagir, je répondis à son baiser, sans réfléchir. Je sentis une main sur mon épaule, je souris intérieurement.

Quand j'ouvris les yeux, c'était Damon qui me regardait l'air interloqué. Je ne voulais pas que les paroles m'atteignent, mais c'était déjà fait. J'avais envie de pleurer, encore plus, comme le dit si bien l'artiste, lorsque je me retrouvais seule, dans ma chambre. Voilà, l'effet euphorique s'évapora, je me demandais pourquoi j'errai dans des lieux sans intérêt, auprès d'hommes insignifiants à mes yeux. Sûrement, pour éviter ma propre solitude et personne pour consoler mes larmes...

— Tout va bien Sofia ? m'interrogea-t-il.

Il semblait déçu. Je ne voulais pas que Damon me voie comme ça. Je baissai mon regard vers le sol.

— Très bien merci.

Il n'osa pas s'interposer et retourna à la table en soufflant. Mon cher inconnu m'attrapa par la main et me conduit vers les toilettes. J'allais vraiment faire cela ? Ma conscience et ma raison reprenaient le dessus. Le regard de mes amis avait eu raison de moi.

Je déclinai l'offre à mi-chemin et il ne tarda pas à aller retrouver ses collègues, sans insister. Les effets de l'alcool ne se trouvaient plus si festifs. Je commençai à avoir la tête qui tourne et mal au cœur. Quoique le mal au cœur, je l'avais déjà avant de boire, merci Ash et Liam.

Je me dirigeai vers le couloir sombre qui menait aux toilettes, Ash était appuyé contre le mur, son verre posé sur un meuble ancien. Je restai surprise, il avait quitté le box sans que je le remarque. J'étais obligé de passer devant lui, il me regardait à peine. Tant pis, j'avais besoin d'aller me rafraîchir.

— Une soirée et tu ressembles à une vraie garce, souffla-t-il.

Je me retournai et essayai de le gifler, il prit mon poignet au vol. Merde, j'avais trop bu, ce n'était peut-être pas aussi rapide que ce que je pouvais penser.

— J'espère que tu sais ce que tu fais, jeune fille, je ne m'en mêlerai pas. Son regard demeurait glacial.

— Très bien, c'est exactement ce que je te demande, occupe-toi de tes affaires, de ta Mila, quant à moi, je passe mes nuits où bon me semble.

— Tu rentres avec lui ? me questionna-t-il choqué.

— Pas ce soir, mais je crois que cette nouvelle moi, me plaît bien.

Je mentais, mais il n'avait pas besoin de le savoir.

__ Tu as bien dit que je pouvais inviter qui je voulais dans ma chambre, non ? ajoutai-je.

Je me dégageai et partis sans un regard. Je l'entendis taper dans quelque chose.