Chapitre 14 - (2-2) Dilemmes
Des pas se firent entendre, je reconnus mon prénom prononcé par une douce voix. Je lui répondis aussitôt et Chelsea s'assit près de moi. Nous nous trouvions dans cette salle de sport éclairée par la fine lumière du grand hall d'entrée.
— On ne doute pas que tu trouves une solution. Il t'en proposait juste une, c'est ce que font les amis, déclara-t-elle, pour rompre le silence.
Elle apparaissait moins coriace que ma psychologue. En début de séance, elle pouvait m'observer un long moment en souriant, sans prendre la parole et en attendre que cela vienne de moi.
— Je le hais, Chelsea, me surpris-je à prononcer.
Elle me regarda l'air interloqué, je séchai mes joues en vain. Sûrement, l'ambiance tamisée qui me poussait à me confier ou une accumulation de problèmes en ce moment... En tout cas, c'était plus fort que moi, c'était dit !
— De vouloir t'aider ?
— De m'avoir oublié, de... de revenir dans ma vie et de foutre un bordel pas possible ! De me rendre ridicule ! On dirait une gamine qui n'arrive pas à oublier son premier amour. Je le hais pour tout cela et bien plus encore si tu savais.
Je me rendis compte de la portée de mes propos. Après analyse rapide, rien ne prouvait que nous étions ensemble. Cela pouvait ressembler à une amourette à sens unique. Faites qu'elle pense cela...
— OK, de tout garder comme ça tu mélanges tout, Sofia. J'entends ce que tu dis, mais là ce qui importe, c'est de pouvoir poursuivre tes études le plus posément possible.
Je me calmai un peu, assise dans le noir auprès de Chelsea. Elle semblait tellement raisonnable, sereine, lucide.
— Je crois que ma seule solution, c'était de valider ce semestre et de demander une dérogation pour reprendre en septembre. Mais étant donné les bourses que j'ai eues, je ne sais pas si c'est envisageable, me repris-je.
— Tu penses vraiment que c'est une solution fiable ? Combien de personnes ont elles arrêtaient un semestre sans jamais recommencer par la suite ?
J'acquiesçai. Chelsea, la voix de la raison...
— Tu ne peux pas en vouloir à Ash et Damon de s'inquiéter pour toi. On voyait bien qu'ils étaient préoccupés. Ash l'a dit à Damon, puis ils nous ont raconté pour ta mère. Je pense également que tu possèdes de bons arguments. Il reste trop têtu pour comprendre qu'il faut une contrepartie.
Je réfléchis un instant. Elle avait des explications plus que valables (pas juriste pour rien). Je devais envisager la réalité et effectivement à la fin des vacances de Noël, je me trouvais sans solution pérenne. Mes sentiments pour Ash n'y changeraient rien. Je commençai à m'apaiser, c'était peut-être ma seule chance de finir mon année après tout.
— Je pourrai leur donner le loyer que je paye déjà, proposai-je, mais bon tu l'as entendu, impossible de parler avec lui, quand il a une idée en tête.
Elle sourit.
— Oui, cela me semble honnête. Tu as le temps de réfléchir et tu es tout à fait la personne qui peut le faire changer d'avis. Quant au reste, c'est à toi de mettre de l'ordre là, conclut-elle en me pointant le cœur de sa main. Et je reste disponible si tu as besoin.
— C'est un bordel monstre ici...
— Tout ne se règle pas en une nuit... Il faut du temps, allez viens, il se fait tard, on a un week-end à finir.
— Merci, Chelsea.
Elle me prit dans ses bras. C'était rare de mes amis et de moi, je n'étais pas tellement tactile, mais son câlin tomber à pic. Je compris que ma plus grande peur, c'était qu'il m'ouvrait littéralement sa porte sachant que je n'avais plus la force de revivre une nouvelle déception. Bref, la peur n'enlève pas le danger, comme dirait ma psy, prendre le risque, qui sait, je serai peut-être surprise de la vie avec mes drôles de colocs !
La suite demeurait silencieuse quand on rentra. Damon et Tyler jouaient à un jeu vidéo et Ash devait être sorti. Les garçons semblaient gênés, avant d'éteindre leurs jeux. J'avais besoin d'aller me reposer. Ils me regardèrent tous avec énormément de tendresse. Personne ne parla pour ce soir.
Je me glissai dans mon lit, maintenant que j'avais ouvert les vannes, je ne pouvais m'empêcher de sangloter. Mon portable vibra sur ma table de chevet. C'était un message d'Ash.
Je suis désolé, Sofia, je ne suis qu'un con, je t'en prie, ne pleure pas, cela me rend malade de t'entendre, je souhaitais simplement être présent, comme toi, tu as immédiatement accepté de m'aider...
Je remarquai de la lumière sous ma porte, puis peu de temps après à travers les rideaux. Il devait maintenant se trouver sur la terrasse. Il avait sûrement changé d'avis et n'osait plus taper. J'avais besoin de lui, que je le veuille ou non. Je sanglotai rien qu'à cette idée. Les minutes me semblaient interminables avant qu'il ne se décide enfin. J'entendis frapper à la fenêtre et reçus un nouveau message.
Laisse-moi être là, pas pour toi, je sais que tu peux t'occuper de toi seule, mais pour moi... Je ne dirai rien, je veux simplement être là...
Juste cette nuit, OK ?
Juste cette nuit...
J'ouvris la baie vitrée sans tirer les rideaux.
— Laisse-moi seulement une minute, le temps de retourner dans le lit, je ne suis pas...
Je l'entendis soupirer. Il attendit plus d'une minute, avait-il changé d'avis ? Il rentra enfin et ferma la fenêtre.
— Tu n'es pas couvert, Ash, il fait un froid glacial, murmurai-je.
Il s'avança vers moi et me fit signe de la main comme pour me demander l'autorisation de s'asseoir. J'ouvris la place libre à côté de moi, simplement l'épaisse couette. Je restais sous le drap et lui au-dessus, c'était mieux ainsi.
— Tu es bien trop gentille avec moi.
Il sourit, enleva ses chaussures et se glissa à côté de moi, en faisant bien attention de ne pas me frôler.
Il regarda le plafond un long moment sans parler. Je m'avançai contre lui et ne pus m'empêcher de poser instinctivement ma tête sur son torse. Il caressa mes cheveux, je frissonnai quand sa main glacée toucha ma joue. Ma place ne pouvait qu'être là, juste une soirée, une dernière nuit et pas d'après... Il me devait bien cela, non ? Une bonne nuit de sommeil, j'avais besoin de récupérer, j'étais épuisée et rien que de le sentir près de moi, je fermai les yeux et sombrai dans un repos enfin réparateur.
Je me levai le lendemain matin, sereine et détendue. Je me rendis compte que la place à côté de moi demeurait vide. J'étais déçue, mais qu'attendre de plus. Je m'assis dans mon lit et m'étirai un long moment. On frappa à la porte. Mince, le soleil filtrait par les fenêtres, il devait être tard.
— Entrez, susurrai-je en bâillant en m'en décrocher la mâchoire.
Ash apparut avec un chariot de petit-déjeuner, rien que cela. Mon ventre criait famine, je ne pouvais pas refuser. Je vous passerais les détails que mon corps le réclamait lui, restait à savoir si j'aurais résisté. Bref, Sofia, cesse d'imaginer, l'inimaginable.
— Bonjour, petite marmotte, me taquina-t-il.
Il était douché, coiffé... à tomber. Je m'attachai les cheveux en un chignon rapide.
— Bonjour, il est tard, non ? Je suis en retard ? m'alarmai-je.
— Il est 9 h et non tu n'es pas en retard, les autres se trouvent déjà sur les pistes, ne t'inquiète pas.
— Ash, soufflai-je, tu aurais dû profiter aussi, on rentre ce soir. Je me serai débrouillée.
Ses fossettes se dessinaient sur son visage. Je crois que ça ne servait à rien de discuter.
— Tu as bien dormi ?
— Oui, très bien.
— Ce n'était pas une question, tu as ronflé toute la nuit, constata-t-il, hilare maintenant.
Je lui jetai un coussin en pleine figure, j'évitai de justesse le chariot. Il s'esclaffait de plus belle. Pour rien au monde je n'aurai raté ces instants, quand je pense, qu'il avait failli ne plus être là... Je savourai chaque seconde où je pouvais plonger mon regard dans le sien, chaque seconde où je pouvais admirer son visage, sa bouche, ses mains...
— OK, OK, je vois le genre, pas du matin ? Est-ce que tu partages au moins ce festin avec moi ou je dois te laisser ?
Je fis mine de réfléchir un instant.
— Tu peux rester.
— Sache que j'ai très bien dormi aussi, avoua-t-il, avant que nous dévorions ce fabuleux petit-déjeuner.
— C'était un délice, merci beaucoup, Ash, c'était vraiment un week-end inoubliable. Va les rejoindre sur les pistes, je vais flâner au bord de la piscine chauffée et du jacuzzi.
Il me regarda, les yeux pétillants.
— Ash... qu'est-ce que tu as encore fait ?
— J'ai plus envie de skier, la journée est magnifique, la météo clémente. Les routes sont déneigées, prépare-toi, je t'amène promener.
— Où ça ? Les autres sont informés ? Tu es sûr que cela ne les dérange pas que l'on parte sans eux ?
Juste le temps de me dire non de la tête, il me montra la salle de bain. Je sortis du lit simplement vêtu de mon tee-shirt : « Seeley Lake Montana ».
— Joli tee-shirt, plaisanta-t-il.
Je lui souris, si seulement il se rappelait que c'était son cadeau, le jour où nous étions allés au restaurant ensemble. Il avait voulu passer rapidement dans un magasin de souvenirs et au marché, histoire de ne pas revenir sans rien. Et il m'avait acheté ce tee-shirt en souvenir de cet été-là : « prends-le turquoise, m'avait-il dit, la couleur de la lune lorsqu'on l'observe bien ». En réfléchissant, est-ce que ce n'était pas un cadeau d'au revoir ?
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