Chapitre 12- (2-2) Simplement Sofia
Nous arrivâmes, ce soir-là, devant la maison de Damon et Ash. Il fallait monter quelques marches avant d'accéder à l'entrée. Les murs étaient en briques bordeaux sur le bas de la façade pour finir dans un joli blanc. Damon nous ouvrit la porte.
— Hé Migina, ça me fait plaisir que tu sois là, s'exclama-t-il.
Je vis Ash dans la cuisine américaine.
— Migina ? demanda Liam à côté de moi interloqué par ce petit surnom.
J'étais gênée, d'autant plus qu'inévitablement Ash se dirigea vers nous en nous saluant.
— C'est Ash qui l'appelait comme cela, mais j'ai cru comprendre que ça énervait notre Sofia donc je la taquine toujours avec, expliqua Damon.
— Ah, j'aimerais savoir pourquoi ce diminutif ? Encore plus s'il vient de moi ? se renseigna-t-il, taquin.
Je sentais leurs regards braqués sur moi, et moi, je ne voyais que le bleu de ses yeux à lui.
— Heu, je lisais beaucoup et j'avais souvent la tête dans la lune. Tu as dû remarquer cela et tu m'as appelé Migina...
— La lune qui descend, finit-il par dire.
Il me souriait, encore. Damon ressentit notre embarras.
— Allez rentrer ! Vous allez geler !
Le lieu était joliment décoré pour une maison habitée par des hommes. À droite après l'entrée, leur villa donnait sur la cuisine américaine et une immense salle à manger sur la gauche avec deux pièces fermées. L'escalier en bois devait mener vers les chambres. Même si le blanc dominait, les tons chocolat des meubles offraient un côté chaleureux et très masculin à l'ensemble. La décoration était très épurée avec des miroirs de différentes tailles. J'observai des photographies des garçons lors de soirées ou de représentations et je reconnaissais surtout les photos d'animaux sauvages. Il y avait un peu de Seeley Lake dans les lieux.
Damon nous présenta Tyler et le reste de leurs amis. Pas de Mila en vue. Ouf ! Nous étions un petit groupe, la musique battait son plein. Ash s'affairait en cuisine et après avoir discuté un moment avec Damon, Liam fit la connaissance d'un jeune professeur de cinéma. Il ne le quitta plus.
J'en profitai pour sortir vers les grandes baies vitrées en bas de l'escalier. Elles donnaient sur un joli jardin avec une pergola couverte de neige à cette époque de l'année, mais malgré le froid, j'avais besoin d'oxygène. Je m'amusais avec l'air blanc qui ressortait à chacune de mes respirations quand la baie vitrée s'ouvrit derrière moi.
— Tout va bien Sofia ?
Je fermai les yeux, juste pour m'imprégner du doux son de sa voix. Il m'avait tellement manqué.
— Oui, j'avais besoin de prendre un peu l'air.
Il déposa une veste grise sur mes épaules. Je sus aussitôt que c'était la sienne, son odeur boisée et épicée me transporta. Il n'avait pas changé de parfum, les souvenirs affluèrent à mon esprit. Toutes ces nuits passées dans ses bras.
— Merci Ash.
Je resserrai son vêtement sur mon corps, je sentis immédiatement ma peau se réchauffer, mes sens s'enivraient encore et encore. On resta un instant silencieux, un à côté de l'autre. À quoi pensait-il lui ?
— Alors comme ça, tu es en licence de littérature ?
Ça ressemblait plus à une constatation, qu'à une question, mais c'est peut-être moi qui interprétais mal.
— Oui, depuis septembre. Je passe mon temps entre les cours, mon boulot à la bibliothèque, Liam et Lily.
— Ça fait longtemps que vous sortez ensemble avec Liam ? demanda-t-il soudainement.
— Quelques semaines...
Non, mais franchement, quelle fille amoureuse répond quelques semaines ? N'est-elle pas censée compter chaque jour, chaque heure, chaque minute qu'elle passe près de l'homme qu'elle aime ?
28 jours, 672 heures, 40 320 minutes... C'était les instants vécus auprès d'Ash, j'avais eu le temps de les dénombrer à ma décharge.
— Comment va ta maman ? éludai-je.
— Je t'ai parlé d'elle ? De sa maladie ?
Il paraissait surpris, sans l'être vraiment, car il évoqua de suite son cancer. Elle avait dû lui redire. J'imagine la souffrance d'Ash de revivre cet instant et la peine d'Ellen...
— Oui.
Bon, je ne pouvais pas faire semblant de ne pas me souvenir de certaines choses, je n'y arriverai pas. Puis en définitive, il avait souhaité que l'on soit ami à l'époque aussi, autant jouer sur ça.
— Disons que tu m'as trouvé plusieurs soirs à rêvasser dehors, au clair de lune, nous avons discuté quelquefois.
— OK, je vois, même si tu n'as pas l'air du style à faire le mur Sofia.
Ce n'est pas possible ? J'ai l'air si prévisible que ça ! Il continua.
— Elle va beaucoup mieux, on ne pourra parler de rémission que dans quelque temps. Elle est toujours suivie, mais le plus dur reste derrière nous.
— C'est une bonne nouvelle.
La porte s'ouvrit sur Liam, il nous regarda un instant.
— Il faudrait que l'on rentre, Sofia, j'ai cours demain. Je commence à être fatigué.
C'est vrai que, finalement, nous n'avions pas pu venir à deux voitures. Lily avait une soirée et je lui avais prêté la mienne. Elle ne souhaitait pas dépendre de ses parents et elle avait refusé qu'ils lui en payent une. Elle prenait souvent celle de Liam ou elle se faisait conduire par des amies.
— OK, merci, Ash pour l'invitation, c'était sympa de te revoir.
Il me regarda un instant, comme s'il essayait de me retenir.
— Reste... Je veux dire, c'est tôt, reste si tu peux. Je te ramènerai, proposa-t-il. Je souhaitais jouer quelques morceaux avec Damon.
Liam ne répondit pas, même si je sentais qu'il demeurait mal à l'aise. Il attendait sûrement de moi que je refuse. D'un autre côté, j'avais envie de rester, j'avais envie de l'écouter jouer. Et merde ! Ash Bradley, tu es une vraie addiction, mon addiction !
— OK, si ça ne te dérange pas Liam.
Bon, ce n'était pas très cool. Je savais qu'il ne protesterait jamais. Il s'approcha quand même de moi et m'embrassa devant Ash. Je restai étonnée. Liam essayait-il de marquer son territoire ? Je le trouvais changé depuis l'arrivée d'Ash, beaucoup plus possessif.
Les invités étaient tous assis dans un grand canapé blanc d'angle, d'autres sur des poufs et sur le tapis moelleux, quand Damon prit sa guitare et Ash son saxo. Tyler se leva pour les rejoindre. Je restai interloqué.
— Allez, j'en profite pour pousser la chansonnette pour ma Cheslea.
Tyler envoya un baiser à une jolie blonde, elle était pétillante, ronde et à l'aise avec son corps. Elle rit et lui rendit son baiser.
J'étais assise sur une chaise du comptoir, avec un verre de jus d'orange. Un moment où j'avais besoin de m'isoler. Ash me regarda un instant, il ne me demanda pas de me rapprocher. Je lui fis signe de la main, il me sourit avant de prendre son saxophone.
Les paroles de « Let's get it on » de Marvin Gaye qui ne m'étaient pas adressées, raisonnaient en moi : aimons-nous bébé, recommençons ensemble... Et lui, il ne se rendait pas compte de ce qu'il pouvait jouer. J'observais avec jalousie, Tyler et Chelsea se regarder avec tendresse. Elle semblait tellement émue par sa déclaration.
Je fermai les yeux et me laissai emporter par la musique. J'avais l'impression que mon cœur recommençait à s'effriter rien qu'à l'idée qui ne se passerait plus jamais rien. Rien qu'à l'idée que je ne ressentirais plus la magie d'être dans ses bras.
Je me levai, pris la veste d'Ash que j'avais posée à côté de moi et sortis par l'entrée. Je m'appuyai contre le mur, la petite lumière du perron s'éclaira. J'écoutais les notes de musique dans l'air, sans entendre les paroles ce n'était pas plus mal. Je n'entendis pas la porte s'ouvrir derrière moi après la fin des applaudissements.
— Tu veux que je te ramène ? me proposa Ash.
Je sautai sur l'occasion. Il n'insista pas, le Ash que je connaissais aurait remarqué que ça n'allait pas, non ? Je ne savais plus. J'étais perdue.
— Oui, s'il te plaît.
Je m'engouffrai dans la mustang, Ash monta le chauffage au maximum. Il habitait vraiment aux portes du campus. Je lui indiquai ma cité universitaire et aucun de nous deux ne parlâmes. Il tapotait ses doigts sur volant, était-il nerveux ? Je fermai les paupières une seconde. L'odeur de l'habitacle, le son du moteur, son odeur, la sensation du cuir sous mes mains, je n'avais pas besoin de mots, mais juste envie de me reconnecter à tous mes sens. Je fermai les yeux une nouvelle fois. J'avais l'impression de sentir son regard posé sur moi, mais par peur d'être déçue, je préférais ne pas les ouvrir.
Mon téléphone vibra dans mon sac. Je fus étonnée, il était plus de onze heures. Je sortis mon portable et vis le numéro de ma mère. Merde ! Qu'est-ce qu'il se passait ? Pourquoi m'appelait-elle à cette heure-ci ? Je ne pouvais pas manquer cette communication.
— Je suis navrée, c'est ma mère, cela doit être important.
Il fronça les sourcils et hocha la tête en signe d'abrogation.
— Sí mama ?
— Mi querida, je suis désolée de te déranger si tard.
Elle avait l'air paniquée.
— Qu'est-ce qu'il se passe Mamà ?
Elle hésita un instant et reprit.
— Je viens d'être convoquée par mon responsable au restaurant. Il ne pourra pas garder trois serveuses.
— Je suis désolée...
Elle sanglotait.
— Il a maintenu celles qui avaient des enfants en bas âge. C'est normal bien sûr, le bistrot ne marche plus aussi bien depuis quelques mois. Il pensait que ça s'arrangerait à l'approche des fêtes, mais c'est pire.
Je connaissais ma mère, je savais qu'elle s'inquiétait pour moi, pour mes études.
— Ne t'alarme pas Mamà, je vais chercher un autre emploi, on va s'en sortir.
— Il est hors de question, Sofia, entre la fac, la bibliothèque et tes révisions, je trouverai une solution. Laisse-moi un peu de temps. Elle prit une grande respiration. J'appellerai ton père s'il le faut.
Je sentais le regard d'Ash, il avait coupé le contact devant ma résidence et me fixait, je devais raccrocher.
— Mamà, je vais devoir te laisser, je te rappelle demain matin. Prends soin de toi, rentre et repose-toi, te amo.
— Moi aussi mi hija, bonne nuit, tu me manques tellement.
Je glissai mon portable dans mon sac.
— Ça n'a pas l'air d'aller, s'inquiéta Ash.
— Je suis désolée que tu aies assisté à cette conversation, je...
— Sofia, je souhaite vraiment que l'on soit amis.
J'étais flattée qu'il insiste, qu'il s'intéresse à moi. Mais j'avais trop souffert, quoique je souffrais toujours alors, je me lançai après tout, moi, je me souvenais de lui et de notre complicité.
— Ma mère possédait deux emplois pour m'aider à payer mes études, elle vient d'être licenciée de l'un d'entre eux.
Je me rendais compte de l'importance de cette annonce. Comment allais-je faire ? La chambre universitaire n'était pas donnée, les cours non plus. J'avais déjà épuisé toutes mes ressources concernant les subventions.
— Je suis désolé, cela pose problème pour tes études c'est ça ?
— Oui, je bénéficie des aides-universitaires, mais je pense que je ne trouverai pas de loyer moins cher pour ma chambre. Je ne vois pas où réaliser des économies. Je vais devoir chercher un autre travail en complément de la bibliothèque.
Je ne trouvais que cette solution. Il me resterait les soirs, mais depuis trois mois, je les passais à lire et réviser, ce qui me permettait d'obtenir d'excellents résultats et de rester plutôt confiante pour les examens qui allaient commencer dans deux semaines. Avec un boulot en plus, je ne sais pas où j'allais dénicher le temps et surtout comment j'allais gérer mes études.
— Ça ne va pas être pénalisant pour ton semestre ? La première année est décisive, il faut s'accrocher.
— Oui, je pouvais m'autoriser la nuit des moments de révisions et lectures. Mais je pense que je n'ai pas le choix et c'est vrai que je n'arriverai pas à poursuivre ce rythme-là sans l'aide financière de ma mère.
Il me regardait de ses grands yeux bleus. Il posa délicatement sa main sur ma cuisse, je sentis la chaleur de sa peau à travers mon jean. Son air protecteur se ravivait.
— Je peux te prêter de l'argent, tu me le rendras plus tard.
Je restai stupéfaite par sa proposition. Comment pouvait-il me dire cela ? Pour lui, on se connaissait à peine, il en était hors de question.
— C'est gentil, mais non, ça ira. Je dois rentrer.
Il n'insista pas.
— Je ne voulais pas te froisser, Sofia.
— Je sais, merci de m'avoir ramenée. À bientôt.
Je lui souris et sortis rapidement. Je l'entendis me murmurer une bonne nuit. Je courus jusqu'à l'entrée, il attendit que je demeure à l'intérieur pour partir. Ma vie était un vrai bordel !
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