Chapitre 6 - Émilie
Damien n'avait pas répondu depuis hier, Émilie se demandait bien ce qu'il faisait. Les réponses étaient multiples : il s'installait. Plus probable. Il avait rencontré pleins d'amis géniaux et l'avait oublié. Probable. Il avait eu un accident de voiture et était dans le coma. Probable aussi, si on y pense. Il était mort. Mouais, valait mieux pas se faire de scénario sur ça, conclut-elle mentalement en soupirant.
La réunion des parents-professeurs de ce soir l'inquiétait outre mesure. D'une part, parce qu'elle visait toujours l'excellence et avait toujours peur de ce que ses professeurs pensaient d'elle. D'autre part, parce qu'elle ne voulait pas être un poids de plus pour sa mère qui portait déjà son divorce et la trahison de son futur ex-mari.
Élizabeth ne voyait pas tellement l'intérêt d'aller à cette réunion, sa fille avait des résultats excellents, mais elle savait que cela tenait à coeur à Émilie. Alors elle faisait l'effort d'y aller, malgré son emploi du temps surchargé par le travail et les rendez-vous chez l'avocat.
Le lycée où allait Émilie était celui qu'elle avait toujours rêvé d'intégrer. Un beau bâtiment en plein Paris, avec le charme de l'ancien. Elle qui était agent immobilier n'aurait eu aucun mal à vendre ce bien, s'il avait été à vendre. La bâtisse Haussmanienne où étudiait l'adolescente l'impressionnait à chaque fois qu'elle en passait la porte.
Émilie avait eu une bourse pour intégrer gratuitement ce lycée. La surprise avait été de taille pour cette mère. Élizabeth avait été encore plus enthousiaste que sa fille en l'apprenant. Son aînée ferait de brillantes études et serait quelqu'un d'important. Elle le savait au plus profond d'elle-même. Juliette, sa cadette, était plus artiste, plus bohème. Elle aurait pu exceller comme sa soeur, mais elle préférait dessiner, écrire, rêvasser.
Émilie s'assit sur une chaise installée au premier rang, sa mère se mit à côté. Le discours du professeur principal - celui de Littérature Étrangère, commença exactement comme celui de l'année dernière. « Nous sommes ravis de vous accueillir, blabla, la renommée de l'établissement, blabla, des élèves studieux, blabla. » Émilie se fichait éperdument de son avis à lui ce qu'elle aimait dans ce genre de réunion c'était les rendez-vous individuels, si difficiles à obtenir quand on est une élève douée. « Rien à dire sur votre fille, excellent. Suivant ! »
Au bout d'une dizaine de minutes interminables, le professeur principal se remit proche de la porte et invita les parents et les élèves à retrouver les enseignants dispersés dans les salles alentours.
Émilie hésita un bon moment puis se dirigea directement vers la salle de M. Cairn. Masochiste ? Sûrement. Mais le pire en premier, comme ça, les autres remonteraient inévitablement l'estime que sa mère lui portait.
Le professeur de mathématiques fut surpris de la voir accompagnée de sa mère. Ce n'était pas une matière dont les élèves se souciaient généralement en Littéraire. Il était plutôt facile d'avoir de bonnes notes selon lui. Pour une raison obscure, Émilie n'arrivait pas à atteindre la moyenne dans sa classe. Le fait qu'elle vienne en découdre avec lui avec son parent référant montrait tout de même une belle motivation.
— Bonjour mademoiselle Vernoux et Madame Vernoux je suppose ?
Élizabeth hocha la tête, elle l'était encore. Pas pour très longtemps, mais c'était le lien avec ses enfants aussi ce nom de famille donc pour l'instant elle l'acceptait.
— Bien. Installez-vous.
Émilie se demanda si Lila allait venir avec ses parents voir le prof avec qui, l'adolescente était sûre, elle couchait. Sous le nez de tout le monde.
— Eh bien. Émilie est une jeune fille motivée par la Littérature, pas des masses en mathématiques. J'ai bien l'impression qu'elle n'en comprend pas un traitre mot, je me trompe Émilie ?
L'adolescente secoua négativement la tête. Effectivement, il avait raison.
— Après ce n'est pas une matière essentielle dans son cursus, donc cela engagerait un travail conséquent de la remettre à niveau. Il vaut mieux qu'elle se concentre sur autre chose, de toute façon elle n'aura plus cette matière l'an prochain.
Quoi ? C'était ça le pire auquel s'attendait Émilie ? M. Cairn remontait dans son estime. Il n'était plus le prof le plus antipathique du lycée. Il passait au rang de « prof antipathique du lycée » sans superlatif.
Sa mère souriait bêtement à côté d'elle, ravie d'apprendre que sa fille se concentrait sur des matières plus... Utiles. Elle-même avait été une bille en mathématiques, depuis la seconde.
Cet enseignant avait son âge à quelque chose près, la cinquantaine à tout casser. Il était très... Charmant.
Voyant que sa mère penchait légèrement la tête, Émilie eut envie de la gifler. Ah non ! Elle n'allait pas flirter avec M. Cairn !
Puis, comme si Élizabeth se réveillait, elle remercia chaleureusement l'enseignant et elles sortirent toutes les deux dans le couloir. La jeune femme ne fit aucun commentaire, sa mère non plus. Elles continuèrent les quelques rendez-vous avec des professeurs qui ne tarissaient pas d'éloge sur leur élève modèle puis finirent par rentrer, une fois l'ego d'Émilie reboosté à bloc.
Son téléphone n'ayant plus de batterie à force d'actualiser la page des mails, la jeune blonde attendait impatiemment le moment où elle pourrait allumer son ordinateur et vérifier si Damien n'avait pas répondu. Elle mourrait d'envie de lui raconter l'épisode avec M. Cairn.
À peine eut-elle pénétré la petite maison qu'elle se rua sur les escaliers, les grimpant deux par deux et arriva essoufflée dans sa chambre. L'ordinateur s'alluma en un ronronnement familier et une petite cloche tinta, signe d'un nouvel email.
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