Chapitre 32

Juliette avait passé la journée entre son lit et les toilettes. Elle était nauséeuse, vomissait, puis dormait. C'était sûrement le rituel pour se laver de ce qu'elle avait vécu. Elle avait reçu d'autres messages de Bastien. Des messages d'amour au début, puis qui s'envenimaient comme elle ne répondait pas. Le dernier était assez éloquent.

Bastien : T'es venue que pour niquer en fait ? Salope.

Juliette n'avait pu réprimer un nouveau vomissement à cette lecture. Elle pleurait toutes les larmes de son corps, et ne se privait pas pour sangloter de façon bruyante depuis que sa mère était partie chercher Émilie. Après, elle devrait faire bonne figure, mais aujourd'hui elle avait eu le droit d'être malade. Élizabeth avait mis ça sur le compte de la climatisation dans l'avion ou du choc de la discussion avec son père. Ouais, ou d'un viol.

Elle soupira. En étoile sur son lit, elle fixait le plafond et une mouche qui s'y était posée. Depuis quand était-elle aussi faible ? Bastien la contrôlait-elle depuis le début ?

Oui. Même au départ de leur histoire, elle l'avait laissé faire, lui avait donné tout pouvoir sur elle. Il avait quatre ans de plus, faisait fantasmer toutes les adolescentes des environs... Et il avait trouvé sa poupée en chiffon, qui reprend sa forme initiale même si on la jette sur un mur. Sauf cette fois-ci.

Quand sa mère avait cru bien de parler à ses filles d'éducation sexuelle et « qu'il faut attendre le bon garçon » Juliette avait fait mine de se mettre les doigts dans la gorge pour vomir. Émilie fixait ses pieds, rouge de honte.

La cadette regrettait de ne pas avoir plus amplement écouté sa mère.

Elle ne dit pas que des conneries.

Juliette se tourna sur le côté, son téléphone vibra à nouveau.

Bastien : Je veux récupérer mon tee-shirt.

Une larme coula sur sa joue. Il n'était pas l'homme parfait qu'elle avait idéalisé, il n'était pas le gentleman des temps modernes, c'était un violeur qui avait profité d'elle.

Mais Juliette avait pris sa décision. Personne ne saurait. D'une, parce qu'elle se trouvait déjà bien trop jeune pour avoir des rapports, même si ses copines faisaient les malignes, aucune d'entre elles n'avait réellement essayé. Elle était persuadée qu'Émilie était encore vierge aussi. De deux, parce que ce statut de victime lui faisait honte. Elle n'avait pas dit non, elle était allée chez lui, elle devait s'en douter. Et le pire dans toute cette histoire, c'est qu'on ne la croirait pas. Ça la briserait. Donc le secret resterait gardé.

Craignant un retour violent de Bastien, elle décida de lui envoyer un message pour qu'il se calme, ne lui laissant rien transparaître.

Juliette : Coucou, désolée, j'ai été super malade aujourd'hui, j'ai dû attraper froid hier. J'espère que tu vas bien, bisous.

Elle versa encore quelques larmes en l'envoyant.

***

Julia, l'infirmière, jetait un coup d'œil distrait aux transmissions des médecins. Le docteur Gence avait ajouté quelque chose à la chambre 512, mais impossible de déchiffrer.

Les médecins et leur foutue écriture en patte de mouche.

Elle demanda de l'aide à Claudia, son binôme pour l'après-midi. Elle aurait pu être pharmacienne au moins, vu sa capacité à lire les hiéroglyphes sur le cahier des transmissions.

— Patient à inscrire dans comité soutien, répondit laconiquement Claudia.

— Super, merci !

Julia appela donc la responsable de l'association, pour lui demander quand était la prochaine réunion, et y ajouta le nom de Damien Lacombe.

***

L'anniversaire de Nathalie était dans quelques jours, Victor avait tout planifié avec l'aide de Damien. Durant des semaines, il s'était levé aux aurores, avait demandé la permission aux infirmiers de pouvoir venir un peu plus tôt pour préparer une surprise pour son épouse, ce qui avait été accepté.

Il voulait lui rendre hommage. Elle, la femme courage qui avait tout pris sur ses épaules depuis l'annonce de la maladie de leur fils unique. Elle, qui s'était oubliée dans cette histoire, ne pensant plus « vie », mais « guérison ». Victor avait toujours eu du mal à exprimer ses sentiments, son premier « je t'aime » lui avait presque écorché la bouche. Pourtant, elle était restée.

Même si le silence entre eux s'était accentué, même s'ils ne parlaient plus tellement d'autre chose que de Damien, Victor l'aimait encore profondément.

Le mur que représentait leur relation pour Nathalie n'était pas pour Victor. Il ne se doutait en rien des pleurs de sa femme, des pensées qu'elle avait eues à son égard, de toute la rancœur qu'elle gardait nichée au sein de son cerveau.

La surprise était quasiment prête, oui. Un beau week-end à New York, en amoureux. Avec des activités que Nathalie allait adorer : visite en hélicoptère de nuit, le spa, les magasins outlet où elle pourrait se faire plaisir à moindre coût, un restaurant étoilé et recommandé. Bref, tout y était.

Sauf peut-être les sentiments de Nathalie.

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