Chapitre 3 - Damien
De : [email protected]
Objet : J'étais jeune ok ?
Hello,
Je voulais t'écrire ce mail en anglais, avant de me rappeler de mon niveau pitoyable. On est bien arrivés, évidemment. Sinon tu lirais pas ça... Logique Damien, tu réfléchis des fois ? (ouais, je me réponds avec ta voix, je suis sûr que t'aurais dit ça).
Il fait ultra froid ici. On a fait une escale à New York, on prendra la voiture demain pour Philadelphie. C'est énorme, je te jure ! J'ai vu l'Empire State Building, la vue est... J'ai même pas les mots en vrai. Je t'enverrai des photos quand on sera installés.
Comment vont les gens du lycée ? Bizarrement, personne ne me manque sauf toi haha.
Bon allez, je vais me les cailler. Mais à New York City ! (Oui, je me la pète).
Bisous !
Damien
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Damien avait regretté l'envoi de son email au moment-même où il était parti. Trop froid, trop distant, trop... Damien. Bien sûr, il espérait revoir Émilie pour tout lui dire, face à face. Mais, c'était un espoir. Peut-être que cela ne se produirait jamais.
Il rangea l'ordinateur au fond de sa valise, prit soin de la refermer et suivit ses parents dans la voiture. Il ferait sa rentrée aujourd'hui, lui aussi.
La maison que ses parents avaient louée n'était pas immense, mais de toute façon il n'y habiterait pas. Il ne la verrait qu'en photos, sûrement.
Quand il pénétra dans l'immense bâtiment, sa mère se tordait encore les mains, son père jouait avec le pendentif de sa chaîne, le balançant de gauche à droite. Ils avaient toujours été plus stressés que lui. Pour tout. C'était leur fils unique, cela pouvait se comprendre. Mais pour lui ça en devenait insupportable. La moindre chute, le moindre bobo prenait une dimension astronomique : urgences, médecin, radios et compagnie. Évidemment, il ne s'en plaindrait pas devant elle, c'est un peu ce qui l'avait sauvé. Enfin, « sauvé » pour l'instant.
Une jeune femme blonde arriva, marchant très vite.
- Damien Lacombe ? demanda-t-elle avec un fort accent américain.
L'adolescent se redressa, elle s'approcha tout sourire.
— Bonjour, je suis Julia, l'infirmière du service. Nous parlons français ici, pas trop mal en fait. Nous avons l'habitude d'avoir des français.
Damien lui sourit, ne sachant pas quoi répondre.
— Allez, viens, suis-moi. ajouta-t-elle en s'avançant dans le long couloir.
Damien jeta un regard vers ses parents. Sa mère, Nathalie, tenait son père par le bras. Comme s'il la soutenait littéralement et métaphoriquement.
Le jeune homme remit son sac sur son épaule, et suivit Julia jusqu'à la chambre.
Les murs blancs n'étaient évidemment pas très accueillant. Mais le pire était cette odeur de gel hydroalcoolique qui flottait dans l'air, tout le temps. Lui rappelant, sans une once de répit, l'endroit où il se trouvait.
-- Bien, donc voici ta chambre. Tu peux la personnaliser, mais rien dans les murs. Je suis désolée, je n'ai pas le mot français... Rien dedans les murs, d'accord ?
Il acquiesça. Il commençait à se tordre les mains, comme sa mère. Avait-il bien fait d'accepter de venir ici ?
-- Le médecin va passer te voir d'ici quelques heures. Tu peux t'installer en l'attendant.
Une fois Julia partie, il posa son bagage sur le lit et regarda la vue depuis sa fenêtre. Il allait rester un bon moment, espérait-il, donc autant qu'il y ait quelque chose à observer.
L'hôpital était en face d'un grand parc, ce qui permettait aux patients de pouvoir s'y balader quand leur état le permettait. L'automne était déjà bien avancé et plus aucun arbre n'avait de feuilles à part quelques sapins, çà et là. Son regard s'arrêta sur un jeune homme en fauteuil roulant, poussé par une infirmière.
- Plutôt mourir que d'en arriver là, chuchota l'adolescent.
Sa mère ne l'entendit pas, heureusement. Elle aurait pleuré, encore. Nathalie se désespérait de voir l'état de son fils depuis ces quelques mois, il se détériorait, encore et encore. Alors de l'entendre dire qu'il préférait mourir l'aurait achevée, elle. Le père, Victor, était bien plus laconique. Il n'en pensait pas moins, c'était certain. Mais il avait plus de mal à montrer ses sentiments.
Damien se retourna vers sa mère, elle rangeait tout consciencieusement dans les placards. Les pantalons d'un côté, les tee-shirts de l'autre et les chemises sur un cintre. Il trouvait ça ridicule d'avoir emmené autant de vêtements qu'il ne porterait sûrement pas ici. Mais il savait que cela servirait au cas où il crèverait ici. Au moins il aurait ses fringues pour l'enterrement.
Son père avait le regard figé sur un point invisible, Damien le détailla quelques secondes. La chevelure noire de son père avait fait place à des petits cheveux blancs, depuis quelques mois à présent. L'angoisse sûrement. Ses joues s'étaient creusées, ses cernes s'étaient accentuées et son visage se tordait toujours en un rictus ressemblant de loin (de vraiment très loin selon Damien) à un sourire. Cette situation n'avait pas seulement affecté l'adolescent, mais c'est bien toute sa famille qui en souffrait.
Damien s'assit sur son lit en ouvrant son ordinateur, laissant sa mère ranger sans même s'en soucier outre mesure.
-- Merde ! J'ai oublié de demander le code du WiFi, s'exclama le jeune homme.
Victor se leva d'un bond, heureux d'avoir enfin une mission, et surtout de sortir de la chambre. Les hôpitaux sentent la mort, paraît-il, cette chambre-ci particulièrement. D'une mort passée, ou d'une mort future, il n'aurait su le dire. Il partit d'un pas rapide vers l'accueil.
Damien en profita pour réfléchir à comment expliquer à Émilie son départ, chose qu'il aurait dû faire depuis longtemps, sans pour autant lui avouer ce qu'il se passait. Il n'avait pas envie qu'elle sache, qu'elle s'inquiète pour lui. Trop de personnes en souffraient déjà.
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Et voilà pour le chapitre 3 ! Je publie assez rapidement en ce moment, j'écris beaucoup sur cette histoire qui me tient énormément à coeur. J'en ai eu l'idée à mes seize ans, quand je relis mes premières pages, j'ai presque honte ! Mais l'idée était là, elle a germé doucement et maintenant je la sens assez mature pour vous la livrer.
Évidemment, beaucoup de recherches sont faites pour coller le plus à la réalité de la situation d'Émilie, et surtout celle de Damien, je pense que vous l'aurez compris !
À dimanche pour la suite, merci à tous :)
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