Chapitre 15

Damien s'était battu comme un chef pendant la nuit, à tel point que les médecins avaient prévu de commencer la phase de réveil cet après-midi. C'était la norme en moyenne cinq à sept jours de repos forcé en anesthésie générale. Pour Nathalie, c'était un signe qu'Émilie lui avait redonné goût à la vie, comme s'il avait senti sa présence.

Le champ stérile avait été totalement sécurisé et en arrivant à l'ouverture des visites à midi, Nathalie, Victor et « leur fille » Émilie purent enfin rentrer dans la chambre. Tenir sa main froide et molle, lui parler à travers le masque, sentir l'odeur du désinfectant, mais être auprès de lui.

Les médecins expliquèrent aux parents de Damien que le réveil ne se passerait pas comme dans les films hollywoodiens : il n'allait pas subitement ouvrir les yeux et tout irait bien. Non, il faudrait mettre en place une routine des « sens » : une voix qui lui parle, un son, une caresse de façon régulière, une odeur... À heures régulières tous les jours pour lui permettre une meilleure reprise de conscience dans un cadre structuré, comme dans une salle de réveil après une lourde opération mais en bien plus long vu le temps de l'anesthésie. Apparemment, la technique avait déjà fait ses preuves.

Quand Julia pénétra à son tour dans la chambre, elle jeta un regard en coin à Émilie. Une fois Damien retourné du côté gauche pour éviter les points de compression, elle lui fit un clin d'oeil.

— Je savais que tu viendrais.

L'adolescente ne releva pas, elle comprit.

Julia expliqua alors plus en détail ce qu'il faudrait faire, par exemple, parler à Damien de tout et n'importe quoi pendant une heure de quatorze heures à quinze heures, puis diffuser un parfum particulier de quinze heures à seize heures (stérile, évidemment), lui tenir la main de façon régulière... Bref, tout était dans la régularité.

Émilie se proposa immédiatement pour faire la lecture à Damien, elle avait d'ailleurs dans le casier du service de réanimation un livre qu'il allait adorer. Nathalie et Victor en profitèrent pour sortir un peu, faire les courses, préparer la sortie de leur fils.

En refermant le SAS derrière elle, Julia jeta un regard en arrière et sourit devant la scène. Deux adolescents qui combattent une maladie tellement injuste... Mais qui les a tellement rapprochés. Ce gamin était fou d'elle, et elle l'était tout autant de lui.

Même si on lui avait dit que ça prendrait du temps, Émilie ne put s'empêcher de relever les yeux de son livre pour vérifier si Damien ne la regardait pas. Mais non, il n'avait même pas bougé une paupière, elle l'aurait vu.

Et s'il ne se réveillait pas ? Et s'il avait vaincu sa leucémie pour rester un légume branché à une machine qui faisait un « bip » insupportable à chaque fois que son coeur battait ?

Rien qu'en y pensant, Émilie dut essuyer une larme qui dévala sa joue. Elle ne pouvait pas penser à ça maintenant. Elle devait être forte, aussi forte que possible. Pour Damien.

Le Docteur Locke repassa quelques heures plus tard, Émilie était toujours en train de lire et quand elle ne tournait pas une page, elle tenait la main de Damien. Elle avait hésité longuement. Elle n'était pas habituée à ce genre de comportement avec lui, pas encore. Cependant, elle en avait toujours ressenti l'envie, et aujourd'hui, elle l'avait fait.

— Bonjour mademoiselle, vos parents sont ici ?

Émilie sursauta et balbutia.

— Euh, non, ils sont sortis. Il y a un problème ?

Le médecin lui sourit. Il savait que l'adolescente n'était pas la soeur de son patient, cela se voyait au regard qu'elle portait sur lui. Ce n'était pas de l'amour fraternel, c'était de l'amour tout court.

— Aucun, je voulais leur parler de la sortie de Damien, pour tout préparer avant qu'il ne se réveille.

Émilie hocha la tête. Le médecin tourna les talons, il repasserait un peu plus tard. Rien ne pressait. Damien serait encore dans le coma quelques jours.

Puis, dans sa main, tout à coup, elle sentit le doigt de Damien. Il avait bougé !

— Attendez !

Le médecin, sur le point de partir fit volte-face.

— Il a bougé son doigt ! À l'instant !

Émilie fixa intensément le visage de Damien, attendant qu'il ouvre les yeux. Une seconde passa, puis deux, puis trois... Toujours rien. Peut-être n'avait-il pas fait exprès de le bouger, finalement ?

— Ce n'est que le début de la phase de réveil, mademoiselle. C'est encore trop tôt. Il va se réveiller, mais pas tout de suite. Mais c'est bon signe, son corps commence à répondre à vos sollicitations.

Sur ces mots, il repartit dans le couloir en prenant soin de bien refermer le SAS stérile derrière lui.

Émilie soupira.

— Tu n'es qu'un petit con, Lacombe. Tu me fais traverser la moitié du globe pour te regarder dormir. Regarde-moi, je m'extasie quand tu bouges l'index, ridicule.

Pour toute réponse, le doigt de Damien eut un nouveau spasme. Le sourire niais qu'Émilie eut à ce moment-là ne quitta plus son visage. L'esprit de son amour revenait petit à petit, bientôt elle le retrouverait. Elle le sentait.

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